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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRÊT DU 11 Octobre 2012
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/08767 – cm
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Septembre 2010 par le conseil de prud’hommes de PARIS section encadrement RG n° 09/03477
APPELANTE
Madame [V] [J]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne, assistée de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002
INTIMEE
SAS GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Carole GARNIER GIRARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0876
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente
Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
[V] [J] a été engagée par la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION, en qualité de commerciale, statut cadre, selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 23 avril 2007.
La S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION a pour activité le développement, la conception, la promotion, la commercialisation, la gestion et l’animation d’opérations immobilières liées à des centres commerciaux regroupant des magasins de marques (enseignes Marques Avenue et Quai des Marques).
L’entreprise se trouve dans le champ d’application de la convention collective de l’immobilier.
[V] [J] a été convoquée le 13 février 2008, pour le 22 février suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Le 14 février, [V] [J] a adressé à la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION un certificat de déclaration de grossesse.
L’employeur lui a, par courrier recommandé du 18 février 2008, précisé qu’il mettait fin à la procédure de licenciement envisagée et par lettre remise en mains propres, lui a confirmé qu’elle était dispensée d’activité jusqu’à son départ en congé de maternité devant débuté le 26 juillet 2008 pour se terminer le 23 janvier inclus.
Après plusieurs échanges entre les parties, la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION a informé [V] [J] de ce qu’elle avait décidé de modifier son lieu de travail et qu’elle exercerait dorénavant son activité à «Marques Avenue Troyes», ce qu’elle a refusé par courrier du 10 février 2009.
Cette dernière a été convoquée par lettre recommandée du 11 février 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 février suivant et a reçu notification de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée datée du 26 février 2009.
Contestant son licenciement, [V] [J] a, le 19 mars 2009, saisi le conseil de prud’hommes de PARIS auquel elle a demandé à titre principal de dire nul son licenciement, à titre subsidiaire, de le dire sans cause réelle et sérieuse, de condamner la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION au paiement de salaire (maintien de salaire congé maternité), des dommages-intérêts pour discrimination, d’une indemnité de préavis et les congés payés afférents, un rappel de 13ème mois sur préavis, d’une indemnité de licenciement, d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts pour rupture abusive, d’une indemnité relative à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et d’ordonner la remise des documents sociaux sous astreinte.
Par jugement en date du 13 septembre 2010, le conseil de prud’hommes a :
– condamné la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION à payer à [V] [J] les sommes de :
‘ 13 407 € à titre de rappel de salaire (maintien de salaire durant le congé maternité)
‘ 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté [V] [J] du surplus de ses demandes
– condamné la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION aux dépens.
Régulièrement appelante de cette décision, [V] [J] demande à la cour de :
1/ confirmer le jugement et condamner la société au paiement de 13 407 € nets au titre du maintien du salaire pendant le congé maternité
2/ infirmer le jugement et condamner la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION à lui verser 20 000 € pour discrimination et harcèlement discriminatoire sur le fondement des articles L.1132 et L.1152-1 du code du travail
3/ sur la rupture du contrat de travail
A titre principal,
– infirmer le jugement et juger que le licenciement est nul sur le fondement des articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail
En conséquence,
– condamner la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION à lui verser les sommes de :
‘ 15 000 € d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 1 500 € de congés payés afférents,
‘ 1 250 € au titre du 13ème mois sur préavis,
‘ 2 836 € d’indemnité de licenciement,
‘ 75 833 € de dommages-intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
– juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse
– condamner la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION à lui verser les sommes de :
‘ 15 000 € d’indemnité compensatrice de préavis,
‘ 1 500 € de congés payés afférents,
‘ 1 250 € au titre du 13ème mois sur préavis,
‘ 2 836 € d’indemnité de licenciement,
‘ 75 833 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
4/ ordonner la remise des bulletins de paie afférents
5/ condamner la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION au paiement de la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
6/ condamner la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION au paiement des intérêts légaux avec anaotocisme
7/ la condamner aux dépens.
La S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION demande à la cour de dire [V] [J] mal fondée en son appel, de la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions et de la condamner au paiement de la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l’exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l’audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION
Sur le rappel au titre du maintien du salaire :
[V] [J] fait valoir que la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION a refusé, malgré ses réclamations tant auprès de la société que l’inspection du travail, le bénéfice du maintien de son salaire pendant son congé de maternité en dépit de l’usage existant dans la société.
Selon un courrier officiel de l’avocat de la société, l’usage du maintien de salaire pendant le congé de maternité ne s’applique qu’aux seuls salariés ayant une ancienneté dans l’entreprise supérieure à un an.
Or, si la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION a dispensé [V] [J] de toute activité dès le mois de mars 2008, force est de constater que cette dernière avait à la date de son départ en congé de maternité, soit le 26 juillet 2008, une ancienneté de un an et trois mois.
C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a fait droit à la demande de cette dernière et a condamné l’employeur à lui verser la somme de 13 407 € nets, à titre de maintien de salaires durant le congé de maternité.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral discriminatoire.:
[V] [J] fonde sa demande tout à la fois sur les dispositions des articles L.1132-1 et L.1152-1 du code du travail, sa demande étant dès lors examinée successivement au regard de ces deux fondements différents, discrimination d’une part et harcèlement moral d’autre part.
Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-trois, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou à raison de son état de santé ou de son handicap.
L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence de discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-96 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est motivée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge fort sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments de prouver, que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, [V] [J] invoque le faits suivants :
– dès l’annonce de sa grossesse elle a fait l’objet de mesure de rétorsion : mise en oeuvre d’une procédure de licenciement, dispense d’activité après cette annonce et avant le congé maternité,
– pendant son congé de maternité : la société a refusé de lui maintenir son salaire et s’est abstenue de répondre à ses lettres et demandes d’explications, ainsi qu’à celles de l’inspection du travail,
– à son retour : interposition d’un échelon intermédiaire, diminution de ses responsabilités en ce qu’elle n’exerçait plus ses fonctions que sur un site et demi alors qu’avant elle s’occupait de la commercialisation de huit sites, mutation à [Localité 11] ayant pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail,
– mise à l’écart des réunions collectives et des réunions importantes,
– réception de lettres et tenus de propos menaçants en réponse à ses demandes d’explications,
– retrait de sa place de parking.
Pour étayer ses affirmations, [V] [J] produit notamment :
– la dispense d’activité qu’elle indique avoir signé sous la menace formalisée par l’employeur de ce qu’il allait ‘lui mener une vie impossible’,
– les courriels et lettre de réclamation qu’elle a, en vain, adressés à la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION afin d’obtenir le maintien de son salaire,
– les échanges de courrier faisant suite à sa mutation à [Localité 11].
En l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de faits précis et concordants laissant supposer l’existence de discrimination directe ou indirecte au sens du texte ci-dessus n’est pas démontrée.
En effet, [V] [J] n’apporte aucun élément permettant d’établir d’une part que l’employeur était informé de son état de grossesse lorsqu’il a mis en oeuvre, le 13 février 2008, la première procédure de licenciement, à laquelle il a immédiatement renoncé dès qu’il a reçu le certificat médical confirmant son état, étant relevé qu’à cette époque elle n’était pas encore enceinte de deux mois (début de grossesse estimée au 20 décembre 2007) et d’autre part que c’est sous la pression de ce dernier qu’elle aurait accepté de signer la lettre au terme de laquelle elle a été dispensée d’activité à compter du 11 mars 2008, alors que son congé de maternité ne commençait que le 26 juillet.
Elle n’établit pas plus que c’est délibérément que la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION lui a refusé, en considération son état, le bénéfice du maintien de son salaire, alors même que celui-ci, compte tenu du fait qu’elle ne travaillait plus depuis mars 2008 a pu se méprendre de bonne foi sur le calcul de son ancienneté.
Aucune pièce ne permet de constater que la décision de la muter à [Localité 11] ait été prise à titre de mesure de rétorsion, à la suite à son congé maternité, la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION justifiant à cet égard des difficultés économiques propres à ce centre, courant 2008.
Les demandes relatives à la discrimination en considération de l’état de grossesse de [V] [J] doivent par conséquent être rejetées.
S’agissant du harcèlement, il convient de rappeler que rien ne permet d’établir qu’au cours de son congé maternité, l’employeur ait un comportement permettant de caractériser des faits de harcèlement.
En ce qui concerne le comportement de l’employeur, après la reprise du travail, la salariée produit, pour étayer ses affirmations selon lesquelles elle aurait été écartée des réunions de travail, privée de sa place de parkings, fait l’objet de menaces, les échanges de courriers entre elle et son supérieur hiérarchique.
Si ceux-ci font ressortir de manière incontestable son refus de la nouvelle situation qui lui était imposée, notamment le fait d’être placée, sous l’autorité d’une collègue avec laquelle elle travaillait auparavant en binôme et de devoir travailler, non plus à Paris mais sur le site de [Localité 11] ils ne suffisent pas à démontrer la matérialité d’éléments de faits précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, ce d’autant plus qu’une clause de son contrat de travail prévoyait une telle mobilité et que le ton employé par l’employeur dans tous les courriers demeure courtois.
Force est de constater de plus que sa collègue de travail, en charge du site [Localité 11] MAISON, n’a pas plus que [V] [J] été convoquée aux réunions dont elle estime avoir été écartée et la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION justifie que le parking dans lequel elle loue des places pour le personnel faisait l’objet d’une restructuration, la responsable de ce parking attestant qu’elle n’était pas en mesure de lui offrir une place supplémentaire en janvier, date du retour de [V] [J] dans la société.
La demande relative au harcèlement et tendant à voir déclarer nul le licenciement doivent par conséquent être rejetées.
Il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Le contrat de travail prévoit en son article 4 que la salariée exercera ses fonctions au siège social de la société CONCEPTS ET DISTRIBUTION [Adresse 3].
Il est précisé :
‘Toutefois, la société CONCEPTS ET DISTRIBUTION se réserve la possibilité de transférer le lieu de travail de Madame [V] [F] [[J]] dans d’autres établissements de l’entreprise aujourd’hui existant ou à constituer, en France métropolitaine, en fonction de la nature des missions et des besoins de la société, sans qu’une telle mutation puisse être considérée comme une modification du contrat de travail de Madame [V] [F].
Dans cette hypothèse, Madame [V] [F] disposera d’un délai de deux mois pour rejoindre sa nouvelle affectation”.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
‘ … Nous n’avons en conséquence d’autre choix que de vous notifier votre licenciement immédiat.
Nous vous rappelons que vous avez été engagée le 23 avril 2007 en qualité de commerciale avec notamment les missions suivantes :
– établir un plan prévisionnel d’affectation commerciale (plan merchandising) du centre commercial et étudier les caractéristiques des locataires désirés,
– prospecter et sélectionner la clientèle potentielle adaptée aux concepts de magasins de marques, en collaboration et en accord avec la direction,
– s’assurer de la solvabilité du candidat locataire,
– tenir la direction régulièrement informée de l’évolution de la commercialisation,
– entreprendre d’une manière générale toutes les démarches nécessaires à la bonne commercialisation des centres commerciaux,
– effectuer la négociation, la rédaction et la signature des baux avec les exploitants,
– en collaboration avec le service juridique, établir et négocier les termes du bail.
Le 18 février 2008, vous nous avez fait part de votre état de grossesse.
À compter du 11 mars 2008, vous avez bénéficié d’une dispense d’activité, ce jusqu’au début de votre congé maternité.
Dans le cadre de la préparation de votre retour le 26 janvier 2009, je vous ai annoncé votre future affectation sur notre site historique de [Localité 11], décision compatible avec votre clause de mobilité et rendue nécessaire par la situation préoccupante de ce site qui concentre aujourd’hui avec 11 locaux vides représentant 2143 m² plus des 2/3 des surfaces vacantes’, situation préoccupante nécessitant d’y dédier un commercial à temps plein.
Vous avez alors cru devoir m’adresser une série de courriers particulièrement polémiques et comminatoires, détournant mes propos et travestissant la réalité, et vous êtes affranchie dans le même temps du respect de l’horaire collectif de travail en cumulant les retards.
Vous entendiez clairement échapper à vos obligations en niant les engagements contractuels que vous aviez souscrits et refusiez de vous conformer à notre discipline.
Votre dernier courrier recommandé, daté du 10 février, au-delà des affirmations gratuites et mensongères qu’il contient, manifeste un refus sans équivoque du pouvoir de direction et d’organisation dont je suis investi, et illustre un mépris intolérable pour les intérêts de notre entreprise.
Ce mépris a par ailleurs été confirmé par votre présence le 11 février dernier dans nos bureaux parisiens, refusant en cela votre obligation de vous rendre sur notre site troyen.
Ainsi refusez-vous purement et simplement de travailler les mercredis et vendredis sur le site de [Localité 11] bien que je vous en aie expliqué à plusieurs reprises et en dernier lieu dans mon courrier du 9 février, la nécessité.
De même vous opposez-vous à votre mutation à compter du 6 avril 2009 sur ce même site alors que vous êtes assujettie à une clause de mobilité géographique et que là encore, les seuls intérêts de l’entreprise et nécessités d’organisation sont en cause.
Je ne peux que m’étonner que vous considériez, après moins d’un an d’activité, qu’il n’y aurait à cela aucune « raison objective » et que vous décidiez pouvoir organiser votre travail depuis notre siège parisien.
Si les contraintes personnelles dont vous m’avez fait part sont parfaitement valables en tant que telles, vous en aviez nécessairement tenu compte lorsque vous avez accepté la clause de mobilité présente dans votre contrat de travail (vous aviez déjà deux enfants en passage et votre époux travaillait sur Paris). Vous étiez de surcroît parfaitement éclairée sur la répartition géographique de nos centres commerciaux. Et là je ne peux croire que vous ayez oublié mon insistance quant au caractère déterminant de votre engagement de mobilité dans ma décision de vous embaucher.
Quant à revendiquer un prétendu statut de responsable commerciale et à vous plaindre d’une modification de votre contrat de travail (allant même jusqu’à considérer être cantonné à un travail de stagiaire), il suffit de se reporter à votre contrat travaille pour constater que nous nous sommes pleinement conformés à notre obligation de réemploi. Il n’a évidemment jamais été question de porter atteinte à vos responsabilités ni de vous sanctionner à votre retour de congé maternité comme vous vous plaisez à le dire dans le but de nous mettre en porte-à-faux.
Vous noterez en tout état de cause qu’il est contractuellement prévu que les fonctions qui vous sont confiées ont un caractère évolutif tenant d’une part aux impératifs d’adaptation de l’entreprise et à ses besoins, d’autre part aux capacités et à l’approfondissement de vos connaissances.
Vous réclamez en réalité un régime de faveur que nous ne pouvons vous accorder et ce d’autant moins que l’ensemble de nos commerciaux se plie aux exigences légitimes de l’entreprise, de nos partenaires et clients et du marché.
[W] [R], votre responsable hiérarchique, comme [M] [B], commerciales à vos cotés, sont ainsi amenées très fréquemment à devoir assumer des déplacements en province dans le cadre des missions qui leur sont confiées.
Les récentes commercialisations de [Localité 7], [Localité 9] (extension) et [Localité 5] ont ainsi impliqué pour chacun des locaux loués plusieurs rendez-vous sur site nécessitant des déplacements souvent contraignants et l’obligation ponctuelle d’avoir à passer une ou plusieurs nuits sur place.
Ces manquements à vos obligations contractuelles, le non-respect des directives et instructions qui vous sont données, préjudiciables à l’entreprise, rendent impossible la poursuite de notre collaboration.
Votre licenciement pour faute grave sera effectif dès la première présentation de la première lettre”
Il résulte des échanges entre les parties que la chronologie des faits s’établit ainsi qu’il suit.
Le 21 janvier 2009, [V] [J] a été informée par téléphone de sa mutation à [Localité 11], qu’elle a aussitôt sollicité des explications, faisant valoir que cette décision compliquait l’organisation de sa vie privée, alors même qu’elle venait d’avoir un 3ème enfant.
Le lendemain, le président de la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION accusant réception du courrier de cette dernière, lui confirmait que compte tenu de ce que de nombreux locaux commerciaux étaient vides, il lui apparaissait ‘souhaitable que cet axe soit prioritaire, nécessitant l’établissement de son poste de travail sur le site de [Localité 11]’.
Le 26 janvier 2009, ce dernier diffusait un courriel aux salariés de la société par lequel il faisait part de la nouvelle organisation, laquelle n’était pas limitée à l’appelante mais concernait plusieurs salariées dont une était promue aux fonctions de responsable, et s’agissant plus spécifiquement de [V] [J] du fait que cette dernière serait en ‘charge de la recommercialisation du site de [Localité 11] Mode’, [G] ([P]) ayant la ‘charge de la recommercialisation du site de [Localité 11] Maison’.
Le 30 janvier 2009, la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION a notifié à [V] [J] la modification de son lieu de travail : ‘ Vous exercerez désormais votre activité à l’adresse suivante : [Adresse 8]’.
Il lui était demandé de prévoir, conformément aux termes du contrat de travail, son intégration sur ce site au plus tard le 6 avril 2009 et auparavant, d’être présente sur ce site les mercredis et vendredis.
Le 2 février 2009, [V] [J] faisait part à l’employeur de ses difficultés de travailler sur le site de [Localité 11], faute de bureau et de connexion internet, puis le 6 février 2009, de la diminution de ses responsabilités (travail de stagiaire selon elle) et des difficultés rencontrées au
plan familial (mari travaillant à Paris, acquisition d’un bien immobilier en région parisienne) alors qu’elle aurait pu exercer ses fonctions depuis son bureau parisien.
Le 9 février 2009, la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION explicitait sa décision de réorganisation compte tenu du fait que plus de la moitié des surfaces du réseau était vacante et rappelait à la salariée ses obligations contractuelles, contestant avoir restreint ses fonctions.
Après avoir été convoquée à l’entretien à son éventuel licenciement, [V] [J] adressait à la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION un courrier, indiquant qu’elle ne refusait pas d’effectuer des déplacements, mais uniquement sa mutation immédiate sans possibilité de s’organiser matériellement ainsi que sa mutation définitive à compter du 6 avril 2009.
Le contrat de travail de [V] [J] prévoyait expressément que l’employeur se réservait la possibilité de transférer son lieu de travail dans tout autre établissement de l’entreprise en France métropolitaine, en fonction de la nature des missions et des besoins de la société.
La S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION verse aux débats des tableaux établissant la réalité des difficultés rencontrées par le site de [Localité 11], et notamment du nombre élevé de locaux vacants, fondant sa décision de réorganiser les missions des salariées concernées, dont faisait partie [V] [J], maintenue dans ses fonctions de commerciale.
Nonobstant ses protestations et les difficultés résultant pour elle du changement de son lieu de travail, cette dernière échoue à démontrer que la décision de l’employeur de transférer son lieu de travail à [Localité 11], s’inscrivant dans un projet d’adaptation de l’entreprise au marché, a été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou qu’elle a été mise en oeuvre pour des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle, observation étant faite que le délai de deux mois prévu dans le contrat de travail a été respecté.
Dès lors, si son refus de rejoindre le site de [Localité 11] deux jours par semaine dans un premier temps puis définitivement à compter du 6 avril 2006 est constitutif d’un manquement contractuel justifiant le prononcé de son licenciement pour une cause réelle et sérieuse, il ne permet pas de caractériser une faute grave, pas plus que les deux seuls retards constatés peu de temps après le retour de la salariée dans l’entreprise.
Il convient donc, infirmant le jugement déféré de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et par conséquent, de condamner la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION à lui payer les sommes de :
– 15 000 € d’indemnité de préavis
– 1 500 € de congés payés afférents
– 1 250 € au titre du 13ème mois sur le préavis
– 2 836 € d’indemnité de licenciement,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION de sa convocation devant le bureau de conciliation.
Il sera, par conséquent, ordonné à la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION de remettre à [V] [J] un bulletin de paie rectifié.
Sur la capitalisation des intérêts :
Il convient de faire droit à la demande [V] [J] et d’ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière en application des dispositions de l’article 1154 du code civil.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
L’équité commande tout à la fois de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a accordé à [V] [J] la somme de 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui allouer la somme de 2 000 € pour les frais exposés en cause d’appel sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION à payer à [V] [J] les sommes de 13 407 € à titre de rappel de salaire (maintien de salaire durant le congé maternité) et de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
L’INFIRME pour le surplus
STATUANT à nouveau
CONDAMNE la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION à payer à [V] [J] les sommes de :
– 15 000 € d’indemnité de préavis,
– 1 500 € de congés payés afférents,
– 1 250 € au titre du 13ème mois sur le préavis,
– 2 836 € d’indemnité de licenciement,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION de sa convocation devant le bureau de conciliation
– 2 000 € en application l’article 700 du code de procédure civile
ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil
ORDONNE à la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION de remettre à [V] [J] un bulletin de paie rectifié
DÉBOUTE [V] [J] du surplus de leurs demandes
CONDAMNE la S.A.S GROUPE CONCEPT ET DISTRIBUTION aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,