Avocat en Propriété intellectuelle : nouvelle intervention remarquable de Maître Mojica

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Avocat en Propriété intellectuelle : nouvelle intervention remarquable de Maître Mojica

République française

Au nom du peuple français

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

ARRÊT

N° 2020/569

N° RG 19/18707

N° Portalis DBVB V B7D BFISC

Société SACEM – SOCIÉTÉ DES AUTEURS COMPOSITEUR ET ÉDITEURS DE MUSIQUE

C/

SASU CAMUS PROD

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 06 Novembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/02140.

ARRÊT

Contradictoire,

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La Z et la SASU Camus Prod, société organisatrice de spectacles, ont conclu le 12 mai 2017 un contrat général de représentation, reconductible par période annuelle.

Réclamant le paiement de redevances d’auteurs et d’autres indemnités légales et/ou contractuelles, la Z a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille qui a, par ordonnance en date du 6 novembre 2019 :

Par dernières conclusions transmises le 28 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Z demande à la cour de :

• condamner la SASU Camus Prod à remettre, sous astreinte de 50 € par jour de retard, les états manquants des recettes réalisées au titre des séances de la tournée du A ‘Legends of rock’ entre le 15 avril 2017 et le 7 décembre 2019, identifiées sur l’état des sommes dues en annexe,

• condamner la SASU Camus Prod à remettre, sous astreinte de 50 € par jour de retard, le programme des oeuvres musicales exécutées au cours des séances de la tournée du A ‘Legends of Rock’ entre le 15 avril 2017 et le 7 décembre 2019,

• condamner la SASU Camus Prod à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La Z soutient que sa créance est fondée en son principe et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. L’appelante s’appuie sur le contrat de représentation du 12 mai 2017 signé avec la SASU Camus Prod et tacitement reconductible. Elle ajoute que la SASU Camus Prod a bien pour objet social l’organisation de A, de sorte que ce contrat conclu en sa qualité de producteur et organisateur de A lui est bien applicable. De même, ce contrat lui est opposable puisqu’ayant été conclu précisément pour les spectacles de la tournée ‘Legends of Rock’, postérieurement au contrat conclu le 1er janvier 2017 par l’intimée avec la société Victoria Productions Ltd. La SACEM soutient que c’est bien la SASU Camus Prod qui est l’organisateur en France de la tournée ‘Legends of Rock’ dans le sens où c’est bien cette société qui a assuré la communication des oeuvres au public. Elle en déduit que l’intimée est donc débitrice des redevances d’auteur dues en contrepartie de ces diffusions et est sa seule cocontractante. Elle estime qu’aucune interprétation des contrats n’est requise et qu’aucune contestation sérieuse ne fait obstacle à sa demande.

S’agissant du montant de sa créance, la Z fait valoir ses droits sur la période du 15 avril 2017 au 7 décembre 2019 sous forme forfaitaire au titre de concerts pour lesquels soit les recettes n’ont pas été déclarées, soit les séances ne l’ont pas été, ce en application des articles 8-1, 8-2 et 9 du contrat de représentation s’agissant des redevances d’auteurs, outre de l’article L 441-10 du code de commerce s’agissant des indemnités de retard. Afin d’affiner la provision le cas échéant, l’appelante demande la communication des états des recettes pour l’ensemble des concerts outre le programme des oeuvres musicales représentées.

Par dernières conclusions transmises le 10 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SASU Camus Prod sollicite de la cour qu’elle :

À titre principal :

confirme l’ordonnance entreprise et dise n’y avoir lieu à référé en l’état de contestations sérieuses,

A titre subsidiaire :

déboute la Z de ses demandes contre elle en ce qu’elles sont mal dirigées,

A titre infiniment subsidiaire :

déboute la Z de ses demandes contre elle comme n’étant pas justifiées, constate qu’elle ne se reconnaît débitrice qu’à hauteur de 11 902,81 € HT,

En tout état de cause :

condamne la Z à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La SASU Camus Prod soulève d’abord l’existence de contestations sérieuses en ce que les demandes de la Z devraient conduire le juge des référés à analyser les contrats des 1er janvier et 12 mai 2017, ce qui excède ses pouvoirs. À titre subsidiaire, la SASU Camus Prod conteste en l’occurrence sa qualité d’organisateur de spectacles et assure être intervenue s’agissant de la tournée ‘Legends of Rock’, non pas en tant que productrice, mais en tant que mandataire, gestionnaire de l’exécution de la tournée pour le compte de la société Victoria productions Ltd, société étrangère basée à Londres. Elle ajoute que la Z était parfaitement informée de ces liens contractuels et que les demandes présentées à son encontre sont mal dirigées.

S’agissant, à titre plus subsidiaire, du montant des sommes dues, la SASU Camus Prod s’oppose à toute taxation forfaitaire et procède à un calcul des redevances en tenant compte de la réalité des dates de spectacles et de la jauge réelle de remplissage de chaque salle.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 14 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le principe de la créance

En l’espèce, la Z produit le contrat général de représentation pour des spectacles présentés dans le cadre de tournées qu’elle a signé le 12 mai 2017 avec la SASU Camus Prod, société constituée pour la production et l’organisation de spectacles. Ce contrat conclu pour la période du 1er mars 2017 au 28 février 2018 était tacitement reconductible par période annuelle. Aux termes de ce contrat, la SASU Camus Prod s’est engagée notamment à déclarer au fur et à mesure de leur programmation les spectacles tels que définis à l’article 3 des conditions jointes, en précisant les budgets des dépenses ou les budgets artistiques engagés, chaque A devant faire l’objet d’une attestation d’autorisation de tournée qui précise les conditions d’autorisation inhérentes au A et l’itinéraire de la tournée.

Est également versée au dossier une attestation d’autorisation de la tournée ‘Legends of rock’ émise le 16 août 2017 listant les représentations prévues en France entre le 15 avril et le 21 décembre 2017 (pièce 10 de l’appelante).

L’article 7 du contrat de production exécutive stipule que :

– ‘le producteur’, donc la société Victoria Productions Ltd, ‘assurera les déclarations liées au A auprès des sociétés d’auteurs ainsi que les règlements correspondants,

– le producteur donne autorisation de signer un contrat de tournée Z au producteur exécutif’, soit la SASU Camus Prod,

– et que ‘le producteur reste responsable des non paiements et des paiements de taxes’.

Les relations contractuelles sont ainsi clairement définies entre les parties et il appert que dans les relations entre la SASU Camus Prod et la société Victoria Productions Ltd, c’est cette dernière qui reste redevable des redevances d’auteurs et des éventuelles indemnités dues auprès de la Z.

En effet, à l’égard de la Z, c’est bien en tant que producteur et organisateur de A que la SASU Camus Prod a contracté, non en tant que producteur exécutif. Or, l’entrepreneur de A est celui qui assure la communication des oeuvres à un public. Au demeurant, la SASU Camus Prod a effectivement déclaré auprès de la Z les six premières séances de la tournée ‘Legends of rock’ ainsi que les spectacles à venir, se comportant en tant que producteur du A. A la lecture de l’ensemble des pièces produites, c’est également uniquement la SASU Camus Prod qui apparaît comme signataire des contrats avec les salles de concert et qui est chargée de la billetterie.

Il est donc évident que la SASU Camus Prod a contracté et s’est comportée comme productrice et organisatrice de concerts au titre de la tournée ‘Legends of rock’ sans qu’aucune interprétation des contrats en cause ne soit requise. Elle est au demeurant la seule co contractante de la Z envers qui elle est débitrice des droits d’auteurs en contrepartie des représentations publiques d’oeuvres protégées.

La créance de la Z envers la SASU Camus Prod est donc non sérieusement contestable dans son principe.

Sur le montant de la créance

Les redevances d’auteur

Par application de l’article 2 des conditions particulières du contrat général de représentation du 12 mai 2017, il est prévu le paiement d’une redevance proportionnelle calculée en application des taux prévus aux barèmes annexés au contrat, déterminés au regard de la nature des spectacles. Ainsi, en vertu de l’annexe du 16 août 2017, valant attestation d’autorisation de la tournée pour le A ‘Legends of rock’, le taux applicable est de 8,80 % des recettes brutes, toutes taxes et services inclus, produites par la vente des titres d’accès.

Afin de calculer les redevances d’auteur, le contractant de la Z doit lui fournir les états de recettes et les programmes (article 7 du contrat de représentation). Il appartient donc à la SASU Camus Prod de justifier du montant de ses recettes pour chaque séance afin que les redevances d’auteur soient calculées sur la base de 8,80 % de ces recettes brutes. A défaut, l’article 8 du contrat de représentation stipule que la SASU Camus Prod doit verser, pour chacune des séances non déclarées, et ce dans l’attente de la communication des éléments chiffrés nécessaires au calcul définitif de la redevance afférente à la séance, une provision par séance établie en fonction de la contenance de la salle en places assises telle que spécifiée au contrat.

Il ressort des pièces produites et des conclusions transmises que les parties s’accordent sur les redevances d’auteur restant dues au titre des séances déclarées des 15 avril 2017, 18 mai 2017, 9 novembre 2017, 10 novembre 2017, 11 novembre 2017 et 17 novembre 2017, la SASU Camus Prod ayant justifié de ses recettes et donc de l’assiette de calculs des droits de la Z qui s’élèvent à 11 902,81 € HT, déduction faite d’une partie des droits afférents à la représentation au Palais des Sports à Paris le 18 mai 2017 qui a été réglée par la SASU Camus Prod.

Il est également justifié des recettes déclarées pour la séance du 23 novembre 2018 au Zénith de Montpellier, bien que cette séance n’ait pas été déclarée à la Z par la SASU Camus Prod. Aussi, la somme de 2 766,21 € HT est due par la SASU Camus Prod pour cette date.

Ensuite, la Z justifie des séances de la tournée ‘Legends of rock’ à partir de celles qui ont été déclarées dans l’attestation de tournée du 16 août 2017, ainsi que des dates de la tournée ‘Legends of rock’, non déclarées par la SASU Camus Prod mais figurant dans les archives du site infoconcert au titre de 2018, outre par la production de certains contrats de location de salles. Sont ainsi justifiées par l’appelante les séances suivantes : 4 août 2017 à Nice, 11 août 2017 à Fréjus, 1er décembre 2017 à Rennes, 8 décembre 2017 à Amiens, 9 décembre 2017 au Havre, 19 décembre 2017 à Toulouse, 20 décembre 2017 à Pau, 21 décembre 2017 à Perpignan, 1er mars 2018 à Dijon, 3 mars 2018 à Metz, 3 mai 2018 à Grenoble, 4 mai 2018 à Lyon, 5 mai 2018 à Montbéliard, 23 mai 2018 à Caen, 24 mai 2018 à Brest, 25 mai 2018 à Paris,13 octobre 2018 à Lille, 3 novembre 2018 à Rennes, 16 novembre 2018 à Limoges, 17 novembre 2018 à Saint Etienne, 30 novembre 2018 à Albi, 2 décembre 2018 à Ramonville Saint Agne, 7 décembre 2018 à Maxeville, 14 décembre 2018 au Havre, 15 décembre 2018 à Amiens, 27 juin 2019 à Longuenesse et 29 juin 2019 à Douai. En revanche, les autres dates mentionnées par la Z dans son état des sommes dues ne sont pas justifiées. Les dates justifiées ne sont pas contestées par la SASU Camus Prod qui produit des tableaux dits ‘relevés de billetteries de la tournée ‘Legends of rock” reprenant en grande partie les mêmes séances, avec des erreurs de dates. La séance annulée à Macon le 8 décembre 2018 n’est pas réclamée par la Z.

Aux termes des dispositions contractuelles, le calcul des redevances d’auteur, à défaut de production de l’état des recettes s’effectue à titre provisionnel en tenant compte de la contenance de la salle en places assises, donc de manière théorique. Or, les ‘relevés de billetteries de la tournée’ non détaillés, parcellaires et aucunement vérifiables ne peuvent valoir état de recettes. Aussi, dès lors que la SASU Camus Prod ne justifie pas de ses recettes, les attestations indiquant que la jauge complète de la salle n’était jamais atteinte mais ne dépassait pas 1 000 places ne sont pas pertinentes. La SASU Camus Prod ne conteste pas les jauges places assises retenues pour chaque salle dans l’état des sommes dues établi par la Z.

Au total, au titre des redevances d’auteur, la créance non contestable de la Z envers la SASU Camus Prod s’élève à 150 361,02 € HT, soit 165 397,12 € TTC.

Les autres indemnités contractuelles et légales

Aux termes du contrat de représentation en son article 10 qui fixe les modalités de calcul et par application de l’article L 441-10 du code de commerce, ont été prévues des indemnités contractuelles pour non paiement des redevances d’auteur dans les délais, ces pénalités de retard étant dues, de plein droit, sans pouvoir être réduites, ne constituant pas une clause pénale. A ce titre, la SASU Camus Prod est donc redevable de la somme de 2 335,83 €.

Aux termes des articles 8-1, 8-2 et 9 des conditions générales du contrat de représentation, une indemnité forfaitaire de 10 % du montant des redevances TTC est également spécifiée pour défaut de déclaration préalable des séances, non remise des états de recette et/ou des programmes. A ce titre, la SASU Camus Prod est donc redevable de la somme de 16 539,71 €.

Enfin, l’article 10 du même contrat de représentation met à la charge de la SASU Camus Prod les frais de correspondance et de recouvrement en application des articles L 441-10 et D 441-5 du code de commerce. Ainsi, à raison des 6 factures émises, la SASU Camus Prod doit la somme de 240 €.

Au titre des indemnités contractuelles et légales, la SASU Camus Prod doit donc à la Z la somme de 19 115,54 € TTC.

Au total, la créance non contestable de la Z envers la SASU Camus Prod s’élève à 184 512,66 € TTC. La condamnation de l’intimée s’impose donc à titre provisionnel et l’ordonnance entreprise doit être infirmée.

Sur la demande de remise de documents

La Z sollicite la remise par la SASU Camus Prod des états manquants des recettes de la tournée du 15 avril 2017 au 7 décembre 2019 ainsi que le programme des oeuvres musicales exécutées pendant la tournée du 15 avril 2017 au 7 décembre 2019.

Or, dès lors qu’il est fait droit à sa demande de provision calculée sur la base des dates par elle justifiées et des jauges théoriques assises des salles de A considérées, donc au maximum, la Z ne peut être considérée comme justifiant d’un intérêt légitime à la production de ces pièces.

Cette demande sera donc rejetée. La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé de ce chef.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’intimée supportera en outre les dépens de première instance et d’appel, l’ordonnance entreprise étant infirmée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la Z tendant à la remise sous astreinte par la SASU Camus Prod des états manquants des recettes de la tournée ‘Legends of rock’ du 15 avril 2017 au 7 décembre 2019 ainsi que le programme des oeuvres musicales exécutées pendant la tournée ‘Legends of rock’ du 15 avril 2017 au 7 décembre 2019,

Infirme l’ordonnance entreprise pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SASU Camus Prod à payer à la Z à titre provisionnel la somme de 184 512,66 € TTC représentant les redevances d’auteurs et indemnités contractuelles et légales dues pour l’organisation des séances de la tournée du A ‘Legends of rock’ entre le 15 avril 2017 et le 29 juin 2019, en exécution du contrat de représentation du 12 mai 2017,

Rejette la demande de la Z envers la SASU Camus Prod au titre des redevances d’auteurs et indemnités contractuelles et légales due pour l’organisation des séances de la tournée du A ‘Legends of rock’ au delà du 29 juin 2019,

Condamne la SASU Camus Prod à payer à la Z la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SASU Camus Prod de sa demande sur ce même fondement,

Condamne la SASU Camus Prod au paiement des dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente,

 

 

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 06 Novembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/02140.


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