Avocat en Propriété intellectuelle : nouvelle intervention remarquable de Maître Mojica

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Avocat en Propriété intellectuelle : nouvelle intervention remarquable de Maître Mojica

République française

Au nom du peuple français

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Pôle 1 – Chambre 2

(n°464, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/07062

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Mars 2016 – Président du TGI de PARIS – RG n° 15/58655

APPELANTE

SARL EMC PRODUCTIONS

12 rue Lagrange

Association URBANAXE

75009 PARIS

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

L’association Urbanaxe, régie par la loi de 1901, a pour objet de promouvoir et développer par tous moyens, l’usage de tout instrument et notamment le saxophone, autour de la musique du groupe Urban Sax, collectif artistique créé par le compositeur Gilbert A..

La société EMC Productions est un producteur audiovisuel.

L’association Urbanaxe a organisé un concert pour l’anniversaire du bicentenaire de la naissance d’Adolphe S., le 31 octobre 2014 à Bolzano en Italie, coproduit par la SARL EMC Productions et Arte.

Le concert a été donné comme prévu et retransmis sur Arte Web en direct puis en streaming. En revanche, la diffusion télévisuelle initialement prévue sur Arte a été déprogrammée.

– débouter Urbanaxe de ses demandes,

* à lui payer la somme de 14.300 euros à titre de provision,

* à lui communiquer, sous astreinte, les contrats de travail conformes à la convention collective applicable et exempts de déclarations mensongères, listés au dispositif de ses conclusions,

* à lui payer une indemnité de procédure de 5000 €,

* aux dépens.

La société EMC Productions qui conteste la créance en son principe comme en son montant prétend tirer deux contestations sérieuses de ce que :

– l’exploitation des droits est à ce jour paralysée par la non production de contrats de travail conformes aux exigences contractuelles figurant dans les contrats qu’elle a signés avec Urbanaxe et Arte,

– l’association Urbanaxe devait assumer la charge de tout dépassement de l’enveloppe de 50.000€ accordée pour la mise en ‘uvre des moyens techniques sur la Walther P. à Bolzano, lequel doit venir en compensation des sommes restant éventuellement dues.

L’association Urbanaxe, intimée, au terme de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 juin 2017, demande à la cour de débouter la société EMC Productions de ses demandes, de confirmer l’ordonnance entreprise et, y ajoutant, de :

– ordonner à la société EMC Productions, sous astreinte la communication des redditions de comptes en exécution de l’article 8 du contrat du 27 août 2014, et le règlement des sommes dues,

– condamner la société EMC Productions à lui payer la somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle soutient que sa créance n’est pas sérieusement contestable dès lors que:

– EMC Productions ne peut justifier d’aucun trouble effectif dans l’exercice des droits qui lui ont été cédés et n’a pas sollicité le jeu de la garantie de l’association Urbanaxe à cet effet,

– le défaut de mise en exploitation du DVD reproduisant le montage de 43 minutes s’explique en réalité essentiellement par la défaillance technique du montage et en particulier la médiocrité de la bande son et non par l’absence de cession de droits.

– le contrat liant les parties ne lui impose pas de contrainte budgétaire générale, comme alléguée, et la demande à ce titre n’est au demeurant pas étayée.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

La société EMC Productions fonde son appel sur les dispositions de l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile selon lesquelles, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de grande instance peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le contrat litigieux signé entre les parties le 27 août 2014 a pour objet la cession des droits audiovisuels du concert Urban Sax du 31 octobre 2014 à Bolzano (articles 1 et 2).

La rémunération fixe de 45.000 € prévue en contrepartie de cette cession (articles 8 et 9), est payable comme suit :

-10% après la signature du contrat sous réserve de la levée des conditions suspensives,

– 20% le 20 septembre 2014, à l’acceptation du projet présenté par Urbanaxe au producteur,

– 40% le 15 octobre 2014,

Les articles 6 et 7 de ce contrat sont relatifs à la remise au producteur par l’association Urbanaxe, à qui est attribuée la charge contractuelle et salariale des artistes interprètes, ‘une copie des contrats des artistes interprètes régis par les dispositions de la convention collective des artistes interprètes engagés pour des émissions de télévision, du 30 décembre 1992″ et des attestations de paiement des organismes sociaux ainsi qu’au respect par elle de diverses obligations légales en matière fiscales et sociales.

Par ailleurs, il est acquis aux débats que la société EMC Productions a payé spontanément à l’association Urbanaxe la somme de 10.500€ les 18 septembre et 22 octobre 2014 outre celle de 11.656,26€ suivant quittance et main levée de saisie attribution de l’Urssaf du 5 novembre 2015.

Au vu des pièces produites, l’association Urbanaxe justifie avec l’évidence requise en référé d’un principe de créance à l’encontre de la société EMC Productions au titre de ce contrat dès lors que la prestation a sans conteste été fournie, ce concert ayant manifestement été donné en public à Bolzano le 31 octobre 2014 et sa captation audiovisuelle retransmise sur Arte web en direct, puis en streaming.

La société EMC Productions soutient que ces divers manquements l’empêcheraient :

– de finaliser ses dossiers tant avec Arte, qui n’aurait pas de garantie suffisante pour une diffusion télévisuelle quant au paiement des droits des artistes interprètes et ne pourrait pas lui payer un solde dû de 6.820€, qu’avec le CNC, qui ne pourrait délivrer l’autorisation définitive lui permettant d’obtenir une subvention de 11.250€,

– de percevoir, du fait de la non diffusion télévisuelle, ses droits annexes (SACEM, ANGOA, AGICOA).

Toutefois, la société EMC Productions qui ne sollicite d’ailleurs pas la garantie d’exercice paisible par elle des droits cédés, telle que prévue à l’article 5 du contrat qu’elle se borne à rappeler, n’étaye pas utilement ses affirmations selon lesquelles cette paralysie à l’exécution de ses droits:

– aboutirait à une cession de droits ‘largement fictive’ puisque seule la convention collective précitée

de 1992 vise la cession des droits audiovisuels, contrairement à convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant à laquelle les contrats en cause se référent, alors même que l’objet du contrat de cession signé entre les parties ne concerne pas la production d’un spectacle vivant mais bien la captation audiovisuelle du concert du 31 octobre 2014 à Bolzano destinée à une programmation télévisuelle initialement convenue,

– et serait manifestement imputable à l’association Urbanaxe.

En effet, les articles 8 et 9 du contrat de cession de droits audiovisuels signé entre les parties ne conditionnent pas à l’évidence le paiement de la rémunération de la cession des droits audiovisuels au respect des obligations reprises à ses articles 6 et 7.

Au demeurant, ainsi que le premier juge l’a exactement retenu après avoir relevé que la diffusion télévisuelle a été déprogrammée par Arte, aucun élément en débat n’établit manifestement que ce report sine die et le non paiement, à ce jour, des sommes attendues par la société EMC Productions du CNC et d’Arte sont imputables aux carences prétendues de l’association Urbanaxe à ce titre.

Il en est de même des risques affirmés de résiliation par Arte du contrat qui la lie à la société EMC Productions et de demande de remboursement des sommes versées par le CNC.

Ce d’autant que :

– les contrats de travail des artistes interprètes en cause ont manifestement été remis, fût ce tardivement, ce qui n’est pas contesté en l’état des termes du débat,

– le fait que la convention collective revendiquée n’ait pas été visée dans les contrats conclus entre les musiciens du groupe Urban Sax et l’association Urbanaxe n’a pas été de nature à faire obstacle à la diffusion de la captation de leur concert sur la chaîne web du diffuseur,

– les artistes musiciens ont confirmé en tant que de besoin la cession de leurs droits au titre de l’exploitation du DVD du concert (pièces Urbanaxe 45 et 50).

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la fictivité alléguée de la cession de droits audiovisuels litigieuse n’est pas manifestement établie, bien que les contrats des artistes interprètes du groupe Urban Sax ne se réfèrent pas à la convention collective de 1992, comme prévu au contrat de cession et faute pour la société EMC Productions d’établir, avec l’évidence requise en référé, l’incidence de ce manquement, ainsi que des autres manquements invoqués, sur l’exercice paisible des droits audiovisuels qui lui ont été cédés.

Il s’ensuit que la contestation du paiement du prix de cession de ces droits audiovisuels élevée par la société EMC Productions à ce titre, qui relève du seul juge du fond qu’elle ne prétend pas avoir saisi, n’est pas sérieuse et qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de production des contrats travail des intéressés conformes à la convention précitée de 1992.

D’autre part, la contestation par la société EMC Productions du montant invoqué par l’association Urbanaxe n’est pas sérieuse.

En effet, il résulte des articles 8 et 9 du contrat ainsi que de son annexe 1 que la rémunération fixe due à l’association Urbanaxe s’élève à 48.200 € soit 45.000 € outre la somme non contestée de 3.200 € correspondant au coût du personnel supplémentaire.

En conséquence, la société EMC Productions reste manifestement débitrice de la somme principale de 37.700 € (48.200-10.500) dont à déduire, ce qui n’est pas contesté, celle de 11.656,26 € correspondant à la saisie de l’Urssaf selon quittance de main levée du 5 novembre 2014.

Elle reste donc devoir en principal, au vu des décomptes de la société EMC Productions (ses conclusions p. 4 et 14 ) et des pièces produites, la somme provisionnelle de 26.043,74 €, étant observé qu’elle l’a manifestement réglée comme suit au titre de l’exécution provisoire :

– 3.214,10 € correspondant à la saisie conservatoire pratiquée le 31 juillet 2015 et convertie en saisie attribution au titre de l’exécution provisoire de l’ordonnance entreprise (pièce EMC 82).

– 8.437,53 € le 10 juin 2016 (pièce EMC 69)

– 7.094,35 € le 30 juin 2016 (pièces EMC 76-77)

– 7.094,35 € le 2 août 2016 (pièces EMC 78-79)

– 203,41€ le 2 mai 2016 (pièce EMC 83).

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise de ce chef sauf à constater que la société EMC Productions s’est exécutée à titre provisoire.

Y ajoutant et faute de redditions de comptes en janvier 2016 et 2017, malgré mise en demeure, il convient de condamner la société EMC Productions à communiquer à l’association Urbanaxe les pièces relatives à la rémunération variable éventuelle de cette dernière, telle que prévue à l’article 8 du contrat, ce que n’empêche nullement l’absence prétendue de possibilité d’exploitation télévisuelle.

Enfin l’ancienneté de l’obligation justifie le prononcé d’une astreinte dans les termes du dispositif.

En revanche, l’association Urbanaxe ne justifie à l’évidence d’aucune somme à laquelle la société EMC Productions puisse être condamnée à titre provisionnel au titre de cette rémunération variable. Il n’y a donc pas lieu à référé sur sa demande de condamnation de la société EMC Productions au ‘règlement des sommes dues’.

Le premier juge a fait une application fondée de l’article 696 du code de procédure civile et équitable de l’article 700 du même code. A hauteur d’appel, l’équité commande de condamner la société EMC Productions à payer à l’association Urbanaxe une indemnité de procédure complémentaire de 3.000 €.

La société EMC Productions, partie perdante, doit supporter la charge des dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

CONSTATE que la société EMC Productions s’y est conformée au titre de l’exécution provisoire ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société EMC Productions à communiquer à l’association Urbanaxe les redditions de comptes relatifs à la rémunération variable éventuellement due à l’association Urbanaxe, en exécution de l’article 8 du contrat litigieux signé entre elles le 27 août 2014 ;

ASSORTI cette injonction d’une astreinte de 100 € par jour de retard pendant trois mois, à compter du 30ème jour suivant celui de la signification de l’arrêt ;

CONDAMNE la société EMC Productions à payer à l ‘association Urbanaxe la somme supplémentaire de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société EMC Productions aux dépens d’appel et REJETTE toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

 

Association URBANAXE


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