Mauvaise exécution d’un ordre de virement

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Mauvaise exécution d’un ordre de virement

M. [O] [T] et Mme [N] [T] ont ouvert un compte joint avec une autorisation de découvert de 2.500 euros auprès de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie. Estimant que la banque avait manqué à ses obligations, ils ont assigné l’établissement en justice le 9 juin 2021 pour obtenir réparation de leurs préjudices financier et moral. Le tribunal judiciaire de Caen, par jugement du 7 février 2023, a débouté les époux de leurs demandes et les a condamnés à payer les dépens ainsi qu’une somme de 3.500 euros à la banque. Les époux ont interjeté appel le 17 février 2023, demandant la réformation du jugement et des dommages et intérêts. La banque a, de son côté, demandé la confirmation du jugement initial et le déboutement des époux de leurs réclamations. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 avril 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Cour d’appel de Caen
RG
23/00427
AFFAIRE :N° RG 23/00427 

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION en date du 07 Février 2023 du TJ de CAEN

RG n° 21/01992

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024

APPELANTS :

Madame [N] [T]

née le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 7]

[Adresse 8]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Monsieur [O] [T]

né le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 7]

[Adresse 8]

[Localité 10]

[Localité 2]

Représenté et assisté par Me Alicia BALOCHE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE

N° SIRET : 478 834 930

[Adresse 3]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée et assistée par Me Carine FOUCAULT, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 16 mai 2024

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRET prononcé publiquement le 05 septembre 2024 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

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* *

M. [O] [T] et Mme [N] [T], clients de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie (Crédit agricole), ont ouvert auprès de l’agence de [Localité 6] un compte joint avec une autorisation de découvert de 2.500 euros.

Estimant qu’au cours de différentes opérations bancaires, l’établissement de crédit avait manqué à ses obligations contractuelles, les époux [T] ont, par acte d’huissier du 9 juin 2021, assigné le Crédit agricole devant le tribunal judiciaire de Caen en réparation de leurs préjudices financier et moral.

Par jugement contradictoire du 7 février 2023, le tribunal judiciaire de Caen a :

– débouté M. [O] [T] et Mme [N] [T] de leur demande au titre du préjudice financier ;

– débouté M. [O] [T] et Mme [N] [T] de leur demande au titre du préjudice moral ;

– condamné M. [O] [T] et Mme [N] [T] à payer les entiers dépens de I’instance dont distraction sera ordonnée au profit de Me Antoine de Brek représentant la SCP Leblanc-de Brek-Foucault conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

– condamné M. [O] [T] et Mme [N] [T] à payer la somme de 3.500 euros à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouté M. [O] [T] et Mme [N] [T] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par déclaration du 17 février 2023 adressée au greffe de la cour, M. [O] [T] et Mme [N] [T] ont relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées le 12 avril 2024, M. [O] [T] et Mme [N] [T] demandent à la cour de :

– Réformer le jugement entrepris,

Statuant de nouveau,

– Les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes,

– Condamner la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie à verser aux époux [T] la somme de 7.459,28 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,

– Condamner la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie à verser aux époux [T] la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

En tout état de cause,

– Débouter la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

– Condamner la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie à verser aux époux [T] la somme de 3.000 euros s’agissant de la procédure de première instance et la somme de 4.000 euros s’agissant de la procédure devant la cour d’appel,

– Condamner la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions déposées le 16 avril 2024, la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie demande à la cour de :

– La recevoir en ses conclusions et les dire bien fondées,

– Confirmer le jugement entrepris dans l’ensemble de ses dispositions,

– Débouter M. [O] [T] et Mme [N] [T] de l’ensemble de leurs réclamations,

– Condamner M. [O] [T] et Mme [N] [T] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 4.500 euros en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner M. [O] [T] et Mme [N] [T] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Carine Foucault représentant la SCP Le blanc- De brek- Foucault, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 avril 2024.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur la demande d’indemnisation d’un préjudice financier

1. Sur la mauvaise exécution de l’ordre de virement de la somme de 2.473,26 euros sur le compte joint

En l’absence d’élément nouveau utile soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation de la situation en jugeant que la preuve d’un manquement du Crédit agricole n’était pas rapportée au titre du virement litigieux.

Rien ne prouve que le courrier de M. [T] du 14 août 2018 sollicitant la clôture de son PEL et le transfert des fonds sur son compte joint, document établi par lui-même et n’ayant aucune date certaine, a bien été déposé à l’agence de la banque comme il le prétend.

Cette preuve n’est pas rapportée par le fait que l’ordre de virement émanant de son épouse en date du 8 août 2018 a été exécuté conformément à ses instructions.

Par suite, le courrier invoqué par M. [T] ne saurait contredire la demande de résiliation et de virement des fonds sur son compte personnel qu’il a signée le 16 août 2018.

Le jugement est donc confirmé sur ce point.

2. Sur le défaut d’information concernant le rejet de chèques pour défaut de provision

Le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en considérant que la banque avait rempli ses obligations résultant des articles L 131-73 du code monétaire et financier et 3-1-5 des conditions générales de la convention de compte en adressant aux appelants un courrier d’information préalable au rejet des chèques en date du 21 août 2018 et que la preuve qu’elle avait été informée du départ en vacances des époux [T] à cette période n’était pas démontrée.

Il convient d’ajouter que le Crédit agricole a également adressé un courrier d’information préalable le 27 août 2018.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

3. Sur la mise en crédit différé des chèques

Les époux [T] reprochent à la banque d’avoir crédité en différé sur leur compte joint, soit le 10 mars 2020, un chèque d’un montant de 9.000 euros qui avait été remis le 25 février 2020.

Le premier juge a pertinemment relevé que la banque avait la faculté de procéder à une mise en crédit différé du chèque, en application des conditions générales du contrat, mais à la condition d’en aviser préalablement les clients, que la preuve de la délivrance de cette information n’était pas rapportée et que dès lors la banque avait commis une faute.

En revanche, c’est à tort qu’il a considéré qu’il ne résultait aucun préjudice de la mise en oeuvre irrégulière du crédit différé.

En effet, il résulte des relevés du compte joint qu’au 25 février 2020, date du dépôt du chèque de 9.000 euros, le solde du compte joint était débiteur de 4.365,08 euros et que si le montant du chèque avait été crédité aussitôt, la provision aurait été suffisante pour payer les 3 chèques émis par les appelants le 27 février 2020 pour un montant total de 3.700 euros lesquels n’auraient pas été rejetés le 5 mars suivant. En tout état de cause, les débits n’auraient pas dépassé l’autorisation de découvert d’un montant de 2.500 euros.

La faute de la banque a donc bien causé un préjudice financier aux époux [T] constitué par les frais bancaires de rejet de chèques et de dépassement de l’autorisation de découvert.

Sa responsabilité est par conséquent engagée à ce titre.

En revanche, il n’apparaît pas que le crédit différé des chèques déposés les 12 et 15 mai 2020 et 3 mars 2023, sans information préalable, a entraîné des incidents de paiement, des rejets de chèques ou frais bancaires.

4. Sur le refus de la banque d’exécuter des ordres de virement

4.1. Sur le virement de 4.000 euros

Il résulte des relevés du compte joint que le 9 mars 2020, le solde était débiteur de 5.316,84 euros et que le 10 mars 2020, le compte était crédité du chèque de 9.000 euros.

Il s’ensuit que le 10 mars 2020, le compte joint se trouvait créditeur de 3.684 euros, de sorte que Mme [T] pouvait, sans dépasser l’autorisation de découvert de 2500 euros, procéder au virement de la somme de 4.000 euros du compte joint sur son compte Boursorama.

En annulant ce virement au motif que la remise de chèque n’avait pas encore été créditée, la banque a ainsi commis une faute.

Cependant, l’appelante ne démontre pas le préjudice financier subi du fait de l’annulation de son virement qu’elle pouvait au surplus réitérer.

4.2. Sur le virement de 1.500 euros en date du 3 décembre 2021

Les appelants démontrent que l’intimée a commis une faute en annulant le virement de 1.500 euros effectué le 3 décembre 2021 au profit de leur fille alors que le solde créditeur de leur compte joint était, à cette date, suffisant pour procéder à cette opération sans dépasser l’autorisation de découvert.

Cependant, M. et Mme [T], qui ne prouvent pas qu’ils utilisaient le compte et la carte bancaire de leur fille pour leurs dépenses personnelles, ne justifient pas d’un préjudice financier propre, distinct de celui subi par leur fille du fait de l’annulation fautive du virement.

4.3. Sur les autres virements

Les époux [T] allèguent l’existence d’autres virements qui auraient été systématiquement et indûment bloqués par le Crédit agricole à compter de juin 2022.

Ils ne rapportent pas la preuve de leur affirmation.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a écarté la responsabilité de la banque à ces titres.

5. Sur le blocage répété des cartes de crédit

Les conditions générales de la convention de compte prévoient que le Crédit agricole se réserve le droit de bloquer l’instrument de paiement pour des raisons liées notamment au risque sensiblement accru que le client soit dans l’incapacité de s’acquitter du paiement. Dans ce cas, la banque informe, par tous moyens, le client du blocage de l’instrument de paiement et des raisons de ce blocage, si possible avant que l’instrument de paiement ne soit bloqué et au plus tard immédiatement après.

La cour estime que le blocage des cartes bancaires par la banque en date des 19 mai et 5 juin 2020 alors que le solde du compte joint était respectivement débiteur de la somme de 1.339,75 euros et créditeur de 1.341,87 euros était justifié compte tenu des dépassements nombreux et réguliers de l’autorisation de découvert par les époux [T], le risque sensiblement accru qu’ils soient dans l’incapacité de s’acquitter des obligations de paiement nées de l’usage de cette carte étant caractérisé.

Par conséquent, aucune faute n’est retenue contre la banque de ce chef et les frais liés à l’utilisation des cartes bancaires et à leur déblocage sont dus.

Enfin, les appelants, qui ont constaté les blocages litigieux le jour même et ont interpelé immédiatement le Crédit agricole, ne caractérisent pas le préjudice financier résultant du défaut d’information imputable à la banque.

6. Sur le remboursement anticipé du prêt

Le premier juge a considéré à juste titre que la banque avait commis une faute en prélevant deux fois la somme de 721,55 euros au titre du remboursement du prêt mais qu’il n’en résultait aucun préjudice financier.

7. Sur le montant du préjudice financier

Les époux [T] reprochent à la banque, alors qu’ils étaient identifiés comme clients fragiles à compter du mois de février 2020, de ne pas avoir appliqué le plafonnement à 25 euros par mois des frais bancaires liés aux incidents de paiement.

La loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 impose aux établissements de crédit de proposer une offre spécifique aux personnes qui se trouvent en situation de fragilité financière.

Elle a en outre introduit un plafonnement des commissions d’intervention perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire, avec un plafond spécifique pour notamment les personnes financièrement fragiles ayant souscrit à l’offre réservée susvisée.

Ainsi, selon l’article L 312-1-3 du code monétaire et financier:

‘Les commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire sont plafonnées, par mois et par opération, pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Parmi ces personnes, celles qui souscrivent l’offre mentionnée au deuxième alinéa du présent article ainsi que celles qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 se voient appliquer des plafonds spécifiques.

Les établissements de crédit proposent aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels qui se trouvent en situation de fragilité, eu égard, notamment, au montant de leurs ressources, une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois, et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident.

Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat.’

Un décret du 17 octobre 2013 est venu préciser le montant des plafonds visés par l’article précédent.

L’article R 312-4-1 du code monétaire et financier prévoit :

‘Les commissions perçues par les établissements de crédit, mentionnées à la première phrase de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier ne peuvent dépasser par compte bancaire un montant de 8 euros par opération et de 80 euros par mois.’

L’article R 312-4-2 du même code indique :

‘Les plafonds spécifiques, mentionnés au premier alinéa de l’article L. 312-1-3, applicables aux montants des commissions perçues sur les personnes ayant souscrit l’offre mentionnée au deuxième alinéa du même article ou sur celles qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1, sont fixés à 4 euros par opération et à 20 euros par mois.’

Par ailleurs, en septembre puis décembre 2018, la profession bancaire a pris de nouveaux engagements à l’égard des clients en situation de fragilité financière :

– un plafond de 25 euros par mois pour les frais d’incidents bancaires et de paiement de toute nature au profit des clients n’ayant pas accepté l’offre spécifique,

– un plafond de 20 euros par mois et de 200 euros par an pour les mêmes frais au profit des clients ayant souscrit à l’offre spécifique.

Les plafonds précités ont été intégrés par un arrêté du 16 septembre 2020 à la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement rédigée par la AFECEI.

L’article R 312-4-3, dans sa version en vigueur du 01 avril 2018 au 01 novembre 2020 dispose :

I. ‘ A. ‘ Pour l’application de l’article L. 312-1-3, la situation de fragilité financière du client titulaire du compte est appréciée par l’établissement teneur de compte à partir :

1° De l’existence d’irrégularités de fonctionnement du compte ou d’incidents de paiement ainsi que de leur caractère répété constaté pendant trois mois consécutifs ;

2° Et du montant des ressources portées au crédit du compte.

Dans son appréciation, l’établissement peut également prendre en compte les éléments dont il aurait connaissance et qu’il estime de nature à occasionner des incidents de paiement, notamment les dépenses portées au débit du compte.

B. ‘ Pour l’application du II de l’article L. 312-1 et de l’article L. 312-1-3, sont également considérés en situation de fragilité financière :

1° Les personnes au nom desquelles un chèque impayé ou une déclaration de retrait de carte bancaire est inscrit pendant trois mois consécutifs au fichier de la Banque de France centralisant les incidents de paiement de chèques ;

2° Les débiteurs dont la demande tendant au traitement de leur situation de surendettement a été déclarée recevable en application de l’article L. 331-3-1 du code de la consommation.

Un décret du 20 juillet 2020 a modifié l’article R 312-4-3 qui, dans sa nouvelle version en vigueur à compter du 1er novembre 2020, prévoit les critères suivants pour définir une situation de fragilité :

I. ‘ A. ‘ Pour l’application de l’article L. 312-1-3, la situation de fragilité financière du client titulaire du compte est appréciée par l’établissement teneur de compte à partir :

1° De l’existence d’irrégularités de fonctionnement du compte ou d’incidents de paiement ainsi que de leur caractère répété constaté pendant trois mois consécutifs et en particulier lorsque leur nombre est supérieur ou égal à cinq au cours d’un même mois. Dans ce dernier cas, le client est considéré comme étant en situation de fragilité financière pour une durée minimale de trois mois ;

2° Et du montant des ressources portées au crédit du compte.

Dans son appréciation, l’établissement peut également prendre en compte les éléments dont il aurait connaissance et qu’il estime de nature à occasionner des incidents de paiement, notamment les dépenses portées au débit du compte.

B. ‘ Pour l’application du II de l’article L. 312-1 et de l’article L. 312-1-3, sont également considérés en situation de fragilité financière :

1° Les personnes au nom desquelles un chèque impayé ou une déclaration de retrait de carte bancaire est inscrit pendant trois mois consécutifs au fichier de la Banque de France centralisant les incidents de paiement de chèques ;

2° Les débiteurs dont la demande tendant au traitement de leur situation de surendettement a été déclarée recevable en application de l’article L. 722-1 du code de la consommation ainsi que ceux qui bénéficient de mesures de traitement de leur situation de surendettement, pendant la durée de leur inscription au fichier prévu à l’article L. 751-1 du code de la consommation.

En l’espèce, la banque a retenu une situation de fragilité financière concernant les époux [T] pour la période de février à octobre 2020, pendant laquelle ils ont été inscrits au fichier de la banque de France centralisant les incidents de paiement de chèques et de cartes bancaires, ce en application de l’article R 312-4-3, I, B, 1° dans sa version applicable au litige.

Les époux [T] ne caractérisent pas les éléments qui permettraient de retenir une situation financièrement fragile au delà du mois d’octobre 2020.

Par ailleurs il convient de rappeler que le 28 janvier 2020, le Crédit agricole leur a proposé une modification de leur offre de compte bancaire conformément à la loi du 26 juillet 2013, proposition qu’ils ont refusée.

Il résulte de ces éléments que les appelants devaient bénéficier de manière automatique d’un plafonnement mensuel de 25 euros de leurs frais d’incidents de paiement et d’irrégularités de fonctionnement de leur compte sur la période de février à octobre 2020.

Les frais prélevés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020 s’élèvent à la somme de 1.101,89 euros ainsi qu’il résulte du relevé établi à la date du 12 janvier 2021 (pièce n°30 des appelants).

Les relevés de compte versés aux débats permettent de connaître le détail des frais payés mensuellement au titre des mois suivants :

– janvier : 219,41 euros

– février : 25 euros

– mars : 235 euros

– septembre : 68 euros

– octobre : 25 euros

– novembre : 208,79 euros

– décembre : 24 euros

En revanche, le montant des frais payés reste ignoré pour les mois d’avril à août 2020.

Au titre de la période incriminée, il a été prélevé la somme totale de 649,69 euros (1.101,89 euros – 219,41 euros – 208,79 euros -24 euros ) alors que les frais n’auraient pas dû dépasser celle de 225 euros (25€ x 9 mois), soit un trop-perçu de 424,69 euros.

En outre, le Crédit agricole est tenu de rembourser aux époux [T] la somme de 25 euros représentant les frais bancaires plafonnés afférents au mois de mars 2020, compte tenu de la mise en crédit différé irrégulière du chèque de 9.000 euros .

Le Crédit agricole soutient sans le démontrer qu’il aurait remboursé un montant de 222 euros en juin 2022.

Par conséquent, il est condamné à payer aux appelants la somme de 449,69 euros en réparation du préjudice financier.

II. Sur la demande d’indemnisation d’un préjudice moral

Les époux [T] ne justifient ni d’une désorganisation totale de leur budget ni d’un préjudice moral en lien avec les manquements de la banque retenus ci-dessus, qui restent isolés, étant rappelé que les appelants, contractuellement tenus de s’assurer de l’existence d’une provision suffisante et disponible sur leur compte joint, ont commis de multiples dépassements de l’autorisation de découvert consentie et que, comme justement relevé par le premier juge, la mise en place d’une alerte constante et la restriction de leurs moyens de paiement sont imputables à leur carence à ce titre.

Il convient par conséquent de les débouter de leur demande de dommages-intérêts, le jugement étant confirmé sur ce point.

III. Sur les demandes accessoires

La Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie succombant, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, à payer à M. et Mme [T] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, et est déboutée de sa demande formée à ce titre.

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. et Mme [T] de leur demande au titre du préjudice moral ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

CONDAMNE la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie à payer à M. et Mme [T] la somme de 449,69 euros en réparation de leur préjudice financier ;

CONDAMNE la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie à payer à M. et Mme [T] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel;

DEBOUTE la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie de sa demande formée à ce titre;

CONDAMNE la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Normandie aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


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