Mauvaise exécution du contrat d’agent artistique : 100 000 euros de préjudice 

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Mauvaise exécution du contrat d’agent artistique : 100 000 euros de préjudice 
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Les manquements de l’agent artistique dans l’exécution de ses missions ouvrent droit à des dommages et intérêts au profit de l’artiste. Il incombe à l’agent de l’artiste de justifier, à tout le moins, des démarches entreprises pour honorer ses obligations. L’agent d’artiste ne peut se contenter de transmettre des sollicitations reçues concernant l’artiste, sans être à l’origine de celles-ci.

Affaire FEFE  

Le préjudice matériel subi par l’artiste FEFE du fait de l’exécution défaillante du contrat d’agent d’artiste par la société LE RAT DES VILLES a été indemnisé par une somme de 90.000€. Par ailleurs, la mauvaise exécution du contrat d’agent d’artiste a causé un préjudice moral à l’artiste réparé par l’octroi d’une somme de 10.000€. 

Les obligations de l’agent artistique 

L’artiste FEFE a pu engager la responsabilité de la société LE RAT DES VILLES qui n’a pas rempli ses obligations d’agent dans le cadre du contrat de management qui les liait et d’avoir fait prévaloir ses intérêts de producteur à son détriment.

S’il n’existe aucune incompatibilité entre les fonctions de producteur de spectacles et celles d’agents d’artiste, c’est à la condition que, conformément à l’article L.7121-12 du code du travail, l’agent ne perçoive «aucune commission sur l’ensemble des artistes composant la distribution du spectacle», de sorte que la société LE RAT DES VILLES n’est pas fondée à soutenir pour justifier de sa bonne foi n’avoir perçu aucune somme en sa qualité d’agent de l’artiste, alors qu’il s’agit d’une obligation légale.

Sur ce point, l’attestation de l’agent actuel de l’artiste constatant l’absence «d’irrégularités comptables» lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur, ne peut suffire à dédouaner la société LE RAT DES VILLES de sa responsabilité en tant qu’agent.

À cet égard le contrat de management qui liait l’artiste et la société LE RAT DES VILLES stipule en son article 2 «les obligations du manager»:

«2.1 Représentation de l’artiste.

Le manager négociera pour le compte de l’artiste et en accord avec lui, les contrats relatifs à sa carrière tels que, sans que cette énumération soit limitative: contrat d’artiste, contrat d’édition, contrat de spectacle, publicités, etc…(…)

2.2 Gestion de la carrière de l’artiste.

Le manager assumera les taches suivantes:

– Gestion du planning: établissement et suivi de l’agenda de l’artiste. Communication à l’artiste de son emploi du temps.

– Suivi et coordination des partenaires de l’artiste: le manager assumera le suivi des relations de l’artiste avec ses partenaires tels que (…) Éditeur(s), maison(s) de disque, producteur(s), agent(s), promoteurs et organisateurs. (…)

– gestion de l’image: le manager assistera l’artiste dans l’établissement et la diffusion de son image auprès du public et des média en général. Il exploitera ou fera exploiter le nom et l’image de l’artiste à des fins publicitaires et/ou commerciales par photos, posters, T-shirts, stickers cartes de voeux et tous autres supports habituellement exploités dans le merchandising.

– Recherche d’emploi pour l’artiste: le manager déploiera toutes son activité en vue de fournir à l’artiste des emplois rémunérateurs et utiles au déroulement de sa carrière. Il transmettra systématiquement et sans délai à l’artiste toutes demandes ou propositions de tiers ayant pour objet notamment la participation de l’artiste à quelle que manifestation que ce soit. (…)»

Ce contrat de management prévoit une clause d’exclusivité au profit de l’agent.

Son contenu correspond aux obligations listées par le code du travail dans son article R.7121-1.

Les missions précitées imposent ainsi à l’agent une obligation de moyens mais renforcée, cependant, puisqu’il bénéficie d’une clause d’exclusivité pour représenter et gérer la carrière de l’artiste.

Or, dans la mesure où il n’est pas contesté que l’artiste Féfé n’a été rémunérée durant sa collaboration avec la société LE RAT DES VILLES que pour des cachets compris entre 250 et 300€ bruts par spectacle, pour un salaire moyen de 2.500€ versé par la société en sa qualité de producteur, sans rétribution d’aucune autre sorte, c’est sans inverser la charge de la preuve qu’il incombe à son agent de justifier, à tout le moins, des démarches entreprises pour honorer ses obligations.

Si, effectivement, des pièces attestaient de l’existence de démarches engagées concernant l’artiste FEFE, quoique très irrégulières dans le temps au vu de la durée de la relation contractuelle (essentiellement en 2016-2017), ces démarches étaient essentiellement destinées à promouvoir l’artiste dans le cadre de tournées que le société LE RAT DES VILLES produisait en France ou à l’étranger (comme la tournée américaine de 2017) et, non, dans le cadre de sa mission, distincte, d’agent manager de l’artiste.

Au titre de cette mission d’agent, il n’est produit aucun contrat relatif à la carrière de l’artiste en dehors des tournées organisées par la société LE RAT DES VILLES et de quelques prestations éparses de publicité sur les huit années de leur collaboration, aucun emploi rémunérateur en tant que tel n’ayant ainsi été obtenu, en dehors des cachets versés dans le cadre des tournées, les pièces versées n’attestant que de l’envoi de quelques mails au moment de la sortie d’un album, d’envoi de liens pour partager un nouveau clip ou de passages isolés à la télévision.

Pour justifier avoir honoré sa mission, la société LE RAT DES VILLES plaide également avoir assuré le suivi administratif de l’artiste et de sa société FE2 EDITIONS. Cependant, l’artiste justifiait que ce suivi a été facturé à sa société chaque année.

Au total, sur les huit années, la société LE RAT DES VILLES ne versait, de manière éparse, que quelques extraits d’échanges de mails ou de textos qui ne permettent nullement de caractériser un investissement matériel et humain suffisant pour remplir au mieux sa mission d’agent, indépendamment de ses intérêts en tant que producteur, et défendre les intérêts professionnels et financiers de l’artiste, promouvoir sa carrière et développer son image.

Sur ce point, si, comme le soutient la société LE RAT DES VILLES, l’artiste n’a pas su évoluer et se renouveler auprès d’un public plus jeune, force est de constater qu’en sa qualité d’agent, elle ne démontrait pas les actions mises en place pour y remédier ou, à tout le moins, conseiller l’artiste sur ce point.

En outre, la société LE RAT DES VILLES s’est contentée, le plus souvent, de transmettre des sollicitations reçues concernant l’artiste, sans pour autant être à l’origine de celles-ci.

Par ailleurs, le montant des cachets perçus par l’artiste (2.500 euros par mois, soit environ 30.000 euros par an au regard du montant des cachets hors taxe généré par ses tournées par exemple en 2017, pour plus de 289.000 euros, démontrait l’insuffisance manifeste de défense des intérêts financiers de l’artiste.

Enfin, s’il n’est pas contesté que la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant fixe des grilles de salaires minimaux pour chaque catégorie d’intervenants, il n’est pas reproché à la société LE RAT DES VILLES de ne pas avoir respecté ce salaire minimal mais de ne pas avoir négocié au mieux les intérêts de l’artiste au regard du cachet qui lui était réellement versé en sa qualité de producteur.

La société LE RAT DES VILLES a donc manqué aux obligations contractuelles lui incombant en sa qualité d’agent exclusif de l’artiste FEFE.

Le contrat d’agent artistique

Selon l’article L. 7121-12 al. 1er du code du travail : « Un agent artistique peut produire un spectacle vivant au sens du chapitre II, lorsqu’il est titulaire d’une licence d’entrepreneur de spectacles vivants. Dans ce cas, il ne peut percevoir aucune commission sur l’ensemble des artistes composant la distribution du spectacle ».

Aux termes de l’article L.7121-9 du code du travail, ‘L’activité d’agent artistique, qu’elle soit exercée sous l’appellation d’impresario, de manager ou sous toute autre dénomination, consiste à recevoir mandat à titre onéreux d’un ou de plusieurs artistes du spectacle aux fins de placement et de représentation de leurs intérêts professionnels.

Nul ne peut exercer l’activité d’agent artistique s’il exerce, directement ou par personne interposée, l’activité de producteur d’oeuvres  cinématographiques ou audiovisuelles.’

D’après l’article R. 7121-1 du code du travail, « l’agent artistique représente l’artiste du spectacle. A cette fin, il exerce notamment les missions suivantes :

1° Défense des activités et des intérêts professionnels de l’artiste du spectacle ;

2° Assistance, gestion, suivi et administration de la carrière de l’artiste du spectacle ;

3° Recherche et conclusion des contrats de travail pour l’artiste du spectacle ;

4° Promotion de la carrière de l’artiste du spectacle auprès de l’ensemble des professionnels du monde artistique ;

5° Examen de toutes propositions qui sont faites à l’artiste du spectacle ;

6° Gestion de l’agenda et des relations de presse de l’artiste du spectacle ;

7° Négociation et examen du contenu des contrats de l’artiste du spectacle, vérification de leur légalité et de leur bonne exécution auprès des employeurs ».

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