Marque ou enseigne commerciale : quelle différence ?
Marque ou enseigne commerciale : quelle différence ?
Ce point juridique est utile ?

La marque a vocation à distinguer l’origine des produits ou services spécialement désignés, alors que le nom ou l’enseigne sont des signes distinctifs permettant de différencier les différents fonds de commerce et servant de signe de ralliement de la clientèle, en raison de l’attractivité qu’ils exercent sur la clientèle.

Pas de protection intrinsèque  

Ainsi, contrairement à la protection de la marque qui confère à son titulaire une protection sur l’ensemble du territoire national, le nom commercial ou de l’enseigne, ne sont pas protégés en eux mêmes mais dans leur application à la désignation d’objets et de service déterminés.

Protection par l’action en concurrence déloyale

Leur protection est alors assurée par l’action en concurrence déloyale qui trouve son fondement dans la responsabilité délictuelle, et dans le cas d’espèce, dans l’obligation du vendeur de s’abstenir de tout acte de nature à diminuer l’achalandage et à détourner la clientèle du fonds cédé.

Contrat de licence de marque

Il s’ensuit que si le contrat de licence de marque conférant un droit simple et non exclusif de la marque ne permet pas au vendeur de s’exonérer de son obligation ci-dessus rappelée à l’égard de l’acquéreur du fonds de commerce, il appartient au cessionnaire de rapporter la preuve de la concurrence déloyale alléguée.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 413 DU 04 JUILLET 2022
 
N° RG 17/01001
 
N° Portalis DBV7-V-B7B-C3B2
 
Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 12 Mai 2017, enregistrée sous le n° 2015000863.
 
APPELANTE :
 
S.A.R.L. Jukara
 
Centre Commercial Destreland
 
97122 Baie-Mahault
 
Représentée par Me Aline Goncalves, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
 
INTIMEES :
 
S.A.R.L. Etoile de Mer
 
81, Les Galeries de Houelbourg
 
ZI de Jarry
 
97122 Baie-Mahault
 
Représentée par Me Florence Barre-Aujoulat, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
 
S.A.R.L. Axes Pro
 
Technopolis II
 
Lot Agat n°18
 
ZI de Jarry97122 Baie-Mahault
 
Représentée par Me Michaël Sarda, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.
 
COMPOSITION DE LA COUR :
 
L’affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
 
Madame Corinne Desjardins, Présidente de chambre,
 
Madame Annabelle Clédat, conseillère,
 
Madame Christine Defoy, conseillère,
 
qui en ont délibéré.
 
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 juillet 2022.
 
GREFFIER : Lors des débats et du prononcé Mme Armélida Rayapin, Greffier.
 
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
 
Signé par Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
FAITS ET PROCEDURE
 
La société Axes Pro possédaient trois établissements sous le même nom commercial et la même enseigne ‘Jheipour’, le premier établissement constituant son établissement principal crée le 9 décembre 1998 situé dans le centre commercial de Destreland à Baie-Mahault (971), le deuxième situé dans le centre commercial de Milenis à Baie-Mahault (971) crée le 1er juillet 2001 et le troisième Galeries de Houelbourg à Jarry Baie-Mahault (971) créé le 23 mai 2005.
 
Elle avait procédé par ailleurs à l’enregistrement de la marque ‘Jheipour’ auprès de l’institut de la propriété industrielle (INPI) le 15 décembre 1998.
 
Aux termes d’un acte notarié du 29 octobre 2010, la société Axes Pro a cédé à la société Jukara un fonds de commerce de vente de bijoux exploité au centre commercial Destreland sous le nom commercial Jheipour. Le même jour, ces sociétés ont signé une licence d’utilisation de la marque Jheipour.
 
Par acte notarié du 21 octobre 2013, la société Axes Pro a cédé à la société Etoile de mer un fonds de commerce de bijoux, prêt à porter et accessoires de mode exploité au centre commercial Les Galeries de Houelbourg sous le nom commercial Jheipour. Le même jour, ces sociétés ont signé une licence d’exploitation de marque Jheipour.
 
Considérant que malgré la cession du nom commercial et de l’enseigne Jheipour, la société Axes pro n’avait pas cessé d’utiliser cette dénomination dans ses établissements secondaires, la société Jukara a, par actes d’huissier délivrés les 11 et 15 avril 2015, intenté une action en concurrence déloyale à son encontre ainsi qu’à l’encontre de la société Etoile de mer et a notamment sollicité leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice lié aux pratiques concurrentielles déloyales et la condamnation de la société Axes Pro à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation de l’atteinte aux droits cédés.
 
Par jugement du 12 mai 2017, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a :
 
— écarté les pièces n° 33 à 38 de la société Jukara SARL,
 
— déclaré recevable l’action de la société Jukara SARL,
 
— rejeté l’ensemble des demandes de la société Jukara SARL,
 
— condamné la société Jukara SARL à verser à la société Axes Pro SARL et à la société Etoile de Mer SARL la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— dit n’y avoir lieu à assortir la présente décision de l’exécution provisoire,
 
— rejeté les autres demandes des parties,
 
— condamné la société Jukara SARL aux dépens.
 
La société Jukara a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 11 juillet 2017.
 
Le 29 août 2017, la société Etoile de mer a remis au greffe sa constitution d’intimée par voie électronique.
 
Le 3 octobre 2017, la société Axes Pro a remis au greffe sa constitution d’intimée par voie électronique.
 
Par ordonnance du 5 mars 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société Jukara au regard d’une instance pendante devant le tribunal de grande instance de Fo
 
rt-de France relative à la déchéance des droits de la société Axes Pro sur la marque Jheipour et l’a condamnée à payer à la société Axes Pro et la société Etoile de mer, chacune la somme de 2.000 euros, ainsi qu’aux dépens.
 
Par arrêt en date du 15 octobre 2018, la première chambre civile de cour d’appel a infirmé l’ordonnance du 5 mars 2018 et statuant à nouveau a ordonné le sursis à statuer jusqu’à la connaissance d’une décision définitive de tribunal de grande instance de Fort-de-France dans l’instance inscrite sous le numéro 18/555 et dit que les dépens suivront le sort de l’instance au fond.
 
Par jugement en date du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a notamment prononcé la déchéance des droits de la SARL Axes Pro sur la marque semi-figurative française n° 98765840″ JHEIPOUR access mode’ à compter du 29 janvier 2004, dit que le jugement sera transmis par le greffe à l’INPI aux fins d’inscription au Registre national des marques et autorisé la société Jukara à accomplir au besoin cette formalité, constaté la caducité du contrat de licence conclu le 29 octobre 2010 entre la société Jukara et la société Axes pro à compter du jugement à intervenir.
 
Ce jugement fait l’objet d’un appel pendant devant la cour d’appel de Fort-de-France.
 
Les parties ayant conclu après le versement du jugement du tribunal judiciaire de Fort- de-France aux débats, l’ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 9 mai 2022, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 4 juillet 2022.
 
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
 
1/La société Jukara, appelante :
 
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 novembre 2021 par lesquelles l’appelante demande à la cour de :
 
— déclarer la société Jukara recevable et bien fondée en son appel,
 
— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’action de la société Jukara recevable,
 
— l’infirmer pour le surplus,
 
Statuant à nouveau,
 
— juger que la clause de rétablissement contenue dans l’acte de cession du 29 octobre 2010 n’interdit pas à la société Jukara d’agir en concurrence déloyale et en garantie d’une éventuelle éviction des droits cédés,
 
— juger que les sociétés Etoile de mer et Axes Pro ont pratiqué une concurrence déloyale au préjudice de la société Jukara,
 
— condamner in solidum les sociétés Etoile de mer et Axes Pro à payer la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts pour réparation de son préjudice lié aux pratiques concurrentielles déloyales,
 
— condamner la société Axes Pro à payer à la société Jukara la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte aux droits cédés et à l’absence de garantie d’éviction,
 
— ordonner aux sociétés Etoile de mer et Axes Pro l’interdiction d’exploiter et d’utiliser le nom Jheipour aussi bien comme nom commercial que comme enseigne,
 
— ordonner aux sociétés Etoile de mer et Axes Pro l’obligation de changer de nom commercial et d’enseigne à compter de la signification de la décision à intervenir,
 
— autoriser l’insertion des dites interdictions dans la presse locale et sur les réseaux sociaux, notamment Facebook,
 
— prononcer à l’encontre des sociétés Etoile de mer et Axes Pro une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir pour procéder à la radiation du nom commercial Jheipour sur les Kbis des sociétés Etoile de mer et Axes Pro auprès du greffe du tribunal de commerce de Pointe-à-Pitre , sur la devanture du magasin situé Galerie de Houelbourg à Jarry et enfin sur l’ensemble des supports marketing et sur les réseaux sociaux,
 
— condamner sous la même solidarité la société Axes Pro et la société Etoile de mer à payer à la société Jukara la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Aline Goncalves , avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.
 
2/La société Etoile de mer, intimée :
 
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 26 août 2021 par lesquelles l’intimée demande à la cour de :
 
— confirmer le jugement du 12 mai 2017 en toutes ses dispositions,
 
— débouter en conséquence la société Jukara de toutes ses demandes, fins et moyens à l’encontre de la société Etoile de mer,
 
A titre subsidiaire,
 
— débouter la société Jukara de l’ensemble de ses demandes de condamnation solidaire de la société Etoile de mer au paiement des dommages et intérêts réclamés tant au titre du préjudice lié aux pratiques de concurrence déloyale (25.000 euros) qu’en réparation de l’atteinte aux droits cédés et à l’absence de garantie d’éviction (50.000 euros) et des sommes réclamées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— condamner la société Axes Pro à garantir la société Etoile de mer contre toutes condamnations éventuellement prononcées à l’encontre de la société Etoile de mer,
 
— condamner la société Axes Pro à payer à la société Etoile de mer des dommages et intérêts à hauteur de 133.700 euros au titre de son préjudice lié à l’interdiction d’exploiter la dénomination Jheipour comme nom commercial et comme enseigne,
 
En tout état de cause,
 
— condamner la société Jukara à payer à la société Etoile de mer la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— condamner la société Jukara aux entiers dépens d’instance et d’appel.
 
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.
 
3/ La société AXES Pro, intimée:
 
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 1er janvier 2022 par lesquelles l’intimée demande à la cour de :
 
— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes de la société Jukara , en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Axes Pro la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens et en ce qu’il a débouté la société Etoile de mer de toutes ses demandes,
 
— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevable l’action de la société Jukara,
 
Statuant à nouveau,
 
— déclarer l’action de la société Jukara irrecevable eu égard à la clause de rétablissement mentionnée à l’acte de cession du fonds de commerce du 29 octobre 2010,
 
— dire et juger en tout état de cause que la société Jukara ne parvient pas à prouver la concurrence déloyale,
 
— débouter la société Jukara de toutes ses demandes, fins et conclusions, tant principales que subsidiaire,
 
— condamner la société Jukara à payer à la société Axes Pro la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
 
— débouter la société Etoile de mer de toutes ses demandes, fins et conclusions faites à l’égard de la société Axes Pro,
 
— condamner la société Jukara à payer à la société Axes Pro la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Michel Sarda avocat.
 
MOTIFS DE L’ARRET
 
Sur la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité des demandes formées par la société Jukara du fait de la clause de rétablissement
 
Aux termes des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée.
 
La société Axes Pro soulève l’irrecevabilité des demandes formulées par la société Jukara au regard de la clause de rétablissement figurant dans l’acte de cession du fonds de commerce aux termes de laquelle la cessionnaire renonce à toute action relative à l’exploitation d’un autre fonds de commerce par le cédant.
 
Il est constant que l’acte de cession du fonds de commerce du 29 octobre 2010 contient une clause de rétablissement libellée comme suit: ‘le cédant exploite un autre fonds de commerce dont l’activité est semblable à celle du fonds objet de la présente cession, sis à Baie-Mahault (Guadeloupe) Les galeries de Houelbourg ZI Jarry. Le cessionnaire déclare en être parfaitement avisé et renoncer à toute action de ce chef’.
 
Cette clause, dont l’objet principal est d’informer la cessionnaire de l’existence d’un autre fonds de commerce ayant pour objet l’exploitation d’un commerce similaire situé également à Baie-Mahault dans un autre centre commercial, contient également une renonciation à l’exercice d’un recours.
 
Elle doit s’analyser comme une clause de non recours et doit à ce titre faire l’objet d’une interprétation stricte, dans la limite de son objet. Dès lors, la renonciation à toute action de ce chef ne peut porter que sur l’existence même du fonds de commerce dont l’existence est portée à la connaissance de la cessionnaire, et ne saurait lui interdire une action en concurrence déloyale laquelle permet de garantir l’obligation du vendeur de garantir l’acquéreur contre tout détournement de clientèle provenant de son fait personnel.
 
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la clause de rétablissement.
 
Sur la concurrence déloyale
 
En application de l’article 1382 du code civil alors applicable au cas d’ espèce, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé de le réparer.
 
La société Juraka soutient que du fait de l’acquisition le 29 octobre 2010 du fonds de commerce situé à Destreland Baie-Mahault pour la somme de 100.000 euros, elle dispose d’un droit exclusif attaché aux éléments du fonds de commerce dont le nom commercial et l’enseigne Jheipour et expose avoir subi un préjudice du fait de la coexistence sur une même commune à quelques kilomètres de distance de deux fonds de commerce distincts portant la même désignation commerciale et la même enseigne.
 
Elle ajoute que les deux sociétés Axes Pro et Etoile de mer ont profité de la confusion qui existait entre la dénomination commerciale Jheipour lui appartenant et la clientèle y attachée avec la marque, l’acte authentique étant taisant sur l’enregistrement d’une marque Jheipour, pour poursuivre une activité sous cette dénomination et reproche au jugement déféré d’avoir opéré cette même confusion pour la débouter de sa demande.
 
Se prévalant de droits antérieurs et exclusifs de ceux de la société Etoile de mer, et rappelant que l’on ne peut choisir un nom commercial identique à celui qui a déjà été approprié, elle soutient que le cédant ne pouvait utiliser ce nom et a fortiori le céder, comme l’a fait la société Axes Pro, qui a continué à utilisé le nom de Jheipour jusqu’à la cession intervenue au bénéfice de la société Etoile de mer en 2013.
 
Elle reproche au jugement déféré d’avoir à tort étendu la protection conférée par l’enregistrement de la marque sur les produits, à l’enseigne et au nom commercial du fonds de commerce et d’avoir ainsi confirmé la confusion volontairement entretenue par la société Axes pro pour céder deux fonds de commerce sous le même nom de Jheipour, notamment en faisant signer aux cessionnaires un contrat de licence de marque stipulant à leur bénéfice un droit simple et non exclusif d’utilisation de la marque Jheipour.
 
Il convient de rappeler que même si en l’espèce, le nom commercial et l’enseigne sont identiques à la marque semi-figurative Jheipour access mode déposée auprès de l’INPI par la société Axes Pro le 15 décembre 1998, ils s’en différencient complétement en ce que, la marque a vocation à distinguer l’origine des produits ou services spécialement désignés, alors que le nom ou l’enseigne sont des signes distinctifs permettant de différencier les différents fonds de commerce et servant de signe de ralliement de la clientèle, en raison de l’attractivité qu’ils exercent sur la clientèle.
 
Ainsi, contrairement à la protection de la marque qui confère à son titulaire une protection sur l’ensemble du territoire national, le nom commercial ou de l’enseigne, ne sont pas protégés en eux mêmes mais dans leur application à la désignation d’objets et de service déterminés.
 
Leur protection est alors assurée par l’action en concurrence déloyale qui trouve son fondement dans la responsabilité délictuelle, et dans le cas d’espèce, dans l’obligation du vendeur de s’abstenir de tout acte de nature à diminuer l’achalandage et à détourner la clientèle du fonds cédé.
 
Il s’ensuit que si le contrat de licence de marque conférant un droit simple et non exclusif de la marque Jheipour ne permet pas au vendeur de s’exonérer de son obligation ci-dessus rappelée à l’égard de l’acquéreur du fonds de commerce, il appartient au cessionnaire de rapporter la preuve de la concurrence déloyale alléguée.
 
En effet, il n’est pas contesté que la société Axes Pro a commencé par exploiter un établissement situé aux Galeries de Houelbourg le 3 novembre 1998 sous l’enseigne Jheipour, puis a ouvert le 9 décembre 1998 un autre établissement au centre commercial de Destreland portant la même enseigne.
 
L’extrait Kbis du 26 mars 2015 versé aux débats par l’appelante (pièce 3) mentionne effectivement que la société Axes Pro exerce l’activité de vente de bijoux fantaisie et accessoires de mode et tous articles s’y rapportant ainsi que la vente de vêtements, de chaussures et de maroquinerie, sous l’enseigne Jheipour, que l’établissement principal crée le 3 novembre 1998 est situé Les galeries de Houelbourg, zone industrielle de Jarry à Baie-Mahault, puis qu’elle a ouvert un établissement secondaire situé dans le centre commercial de Destreland à Baie-Mahault le 31 décembre 1998, lequel est devenu son établissement principal à compter du 15 mars 2005.
 
Par acte notarié du 29 octobre 2010, la société Axes pro a cédé à la société Jukara le fonds de commerce de vente de bijoux exploité au centre commercial de Destreland à Baie-Mahault connu sous le nom commercial Jheipour, cet acte énonce que ce fonds comprend notamment le bail commercial, l’enseigne, le nom commercial, la clientèle et l’achalandage y attaché et précise que ce fonds constitue pour le cédant un établissement principal.
 
L’existence de l’autre établissement secondaire situé Les galeries de Houelbourg est porté à la connaissance de la société Jukara dans l’acte de cession de fonds de commerce du 29 octobre 2010, sans aucune ambiguïté, par la clause de rétablissement sus mentionnée.
 
Il résulte en conséquence des seuls termes de l’acte de cession que lors de l’acquisition du fonds de commerce situé dans le centre commercial de Destreland, la société Jukara avait une parfaite connaissance du fait que la société Axes Pro exploitait un autre fonds de commerce aux Galeries de Houelbourg, sous la même enseigne Jheipour, de sorte qu’elle ne peut se prévaloir de bonne foi d’un droit exclusif sur l’enseigne et le nom commercial de Jheipour.
 
En outre, bien qu’il convienne de distinguer la marque de l’enseigne ou du nom commercial comme cela été préalablement posé, il n’en demeure pas moins que la signature de cette convention relative à l’utilisation non exclusive de la marque et limitée au seul fonds de commerce situé à Destreland, confirmait s’il en était besoin l’existence de cet autre établissement.
 
En conséquence, la société Jukara ne peut soutenir être victime d’une concurrence déloyale de la part des deux intimées du fait de l’existence d’une autre boutique exploitée depuis 1998, soit 5 ans avant qu’elle n’acquiert son propre fonds de commerce, sous la même enseigne Jheipour.
 
La préexistence de cette boutique à son acquisition ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, de même que la coexistence pendant près de cinq années de ces deux commerces situés dans deux centres commerciaux distincts portant la même enseigne Jheipour est insuffisant pour démontrer un risque de confusion et de détournement de clientèle, en l’absence de tout autre acte reproché à la société Axes Pro ou à la société Etoile de mer.
 
Au contraire de l’aveu même de Mme [D] [B] propriétaire de la boutique de Destreland dans un courrier adressé le 11 juillet 2014 à l’EURL Etoile des mer, les deux boutiques ne sont pas en concurrence.
 
De même que le constat d’huissier réalisé le 7 avril 2021 (pièce 11 de la société Axes Pro) démontre que ces deux boutiques, dont l’une expose exclusivement des bijoux fantaisie dans le centre commercial de Destreland et l’autre expose essentiellement des vêtements, , quelques accessoires ( sacs chaussures) et des bijoux sont totalement différentes, tant par ce qu’elles vendent que par leur devanture.
 
Les sept attestations produites par la société Jukara de personnes se présentant comme clientes de l’une ou l’autre des deux boutiques et faisant état d’une confusion quant à la propriété de ces boutiques sont inopérantes pour rapporter la preuve d’un acte de détournement de clientèle au préjudice de la société Jukara, dès lors que la société Etoile de mer produit le même nombre d’attestations de clientes qui exposent que ces deux boutiques ne proposent pas les mêmes produits et ne s’adressent pas à la même clientèle de sorte qu’aucune confusion n’est possible entre ces deux boutiques.
 
Enfin, la société Jukara soutient de façon contradictoire après avoir reproché à la société Axes pro d’avoir vendu à deux reprises son nom commercial , que l’extrait Kbis en date du 1er mars 2018 produit par la société Axes Pro mentionnant le nom de Jheipour comme enseigne, mais ne portant aucune mention relative au nom commercial de la société, rapporte la preuve que la société Axes Pro ne pouvait pas avoir cédé un nom commercial qu’elle ne possédait pas et pour cause puisqu’elle lui avait précédemment cédé par acte authentique du 29 octobre 2010.
 
La société Etoile de mer verse pour sa part aux débats un extrait Kbis du 23 novembre 2015 sur lequel le nom de Jheipour figure comme son nom commercial.
 
Dès lors qu’il résulte des extraits Kbis produits que tant l’enseigne que le nom commercial sont attachés au fonds de commerce et qu’il n’est pas contesté qu’il existe au moins deux fonds de commerce attachés aux deux établissements situés au centre commercial de Destreland et aux galeries de Houelbourg, les mentions sont inopérantes à rapporter la preuve de la double cession d’un seul élément incorporel, étant rappelé que le nom commercial se définit comme la dénomination sous laquelle est connu et exploité un établissement et que l’enseigne constitue le signe extérieur permettant d’attirer et de retenir et la clientèle du fonds.
 
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Jukara fondées sur la concurrence déloyale.
 
Sur la garantie d’éviction
 
La société Jukara reproche au jugement déféré d’avoir considéré que la garantie d’éviction à laquelle est tenue le vendeur était nécessairement limitée par la clause de rétablissement qui permettait au cédant d’exploiter un commerce ayant une activité semblable.
 
Elle soutient qu’elle ne fonde pas sa demande de dommages et intérêts sur la simple existence d’un fond ayant la même activité mais sur l’utilisation et de la vente d’un nom commercial et la clientèle lui appartenant, éléments incorporels attachés et indissociables au fonds précédemment vendu.
 
Elle soutient que lorsque la société Axes Pro était propriétaire des deux fonds de commerce, il n’y avait pas de difficultés car elle se faisait concurrence à elle même, mais qu’en revanche, les fonds de commerce deviennent concurrents lorsque ils appartiennent à deux personnes différentes, de sorte qu’elle pourrait valablement prétendre à la nullité de la vente car son consentement a été vicié et du fait de l’absence de garantie d’éviction.
 
L’article 1625 du code civil dispose que la garantie que le vendeur doit à l’acquéreur a deux objets: le premier est la possession paisible de la chose vendue, le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires.
 
L’article 1626 ajoute que quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente.
 
Il résulte en outre des termes des articles 1626 et 1627 que les parties peuvent par conventions particulières ajouter à cette obligation de droit ou en diminuer l’effet , et peuvent même convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune autre garantie hormis celle qui résulte d’un fait qui lui est personnel.
 
S’il est constant qu’en raison de la cession du fonds de commerce du 29 octobre 2010, la société Axes Pro était tenue de la garantie d’éviction, il n’en demeure pas moins, comme cela a été précédemment indiqué, que cette garantie était nécessairement limitée par la clause de rétablissement insérée dans l’acte, à la clientèle du fonds de commerce vendu, et n’interdisait nullement à la cédante de continuer à exploiter dans les conditions identiques à celles précédant la vente, le deuxième fonds de commerce dont elle était propriétaire dans un autre centre commercial.
 
La société Jukara ne démontre pas comme le soulèvent à juste titre les premiers juges, avoir subi une éviction de la part de la société Axes Pro ou de la société’ Etoile de mer , en ce qui concerne la clientèle attachée à son fonds de commerce situé dans le centre commercial de Destreland, les deux fonds de commerce peuvent avoir la même enseigne , mais disposer de leur clientèle propre, du fait de leur situation géographique dans deux centres commerciaux distincts et de leur activité différente, l’une vendant essentiellement des bijoux de type fantaisie, alors que l’autre vend du prêt à porter, de la maroquinerie et des bijoux, étant précisé qu’aucune des deux ne vend des produits de la marque Jheipour.
 
Enfin, si la société Jukara évoque un vice du consentement lors de la signature du contrat de cession du fonds de commerce, elle ne sollicite pas pour autant la nullité du contrat.
 
En conséquence, c’est par une juste appréciation de la cause que les premiers juges ont rejeté l’ensemble des demandes de la société Jukara au titre de la garantie d’éviction.
 
Sur la demande de condamnation de la société Jukara pour procédure abusive
 
La société Axes pro sollicite la condamnation de la société Jukara à des dommages-intérêts de 20.000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile pour procédure abusive.
 
Elle soutient que cette procédure nuit gravement à son image et a conduit la société Etoile de mer à lui réclamer certes à titre subsidiaire la somme de 80.000 euros de dommages-intérêts et la résiliation de la vente du fonds de commerce , soit la restitution de la somme de 195.000 euros.
 
Cependant, la société Axes Pro ne caractérise pas une faute de la part de la société Jukara, faisant dégénérer en abus l’exercice d’un droit d’agir en justice.
 
Il s’ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
 
La cour observe que la société Etoile de mer également déboutée d’une telle demande dans le jugement déférée ne la présente pas en cause d’appel.
 
Sur les frais irrépétibles et les dépens
 
La société Jukara qui succombe en son appel sera condamnée aux entiers dépens.
 
Elle sera également condamnée à payer la somme de 5.000 euros respectivement à la société Axes Pro et à la société Etoile de mer au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
 
PAR CES MOTIFS
 
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,
 
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
 
Y ajoutant,
 
Condamne la société Jukara SARL à payer à la société Axes Pro SARL la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
Condamne la société Jukara SARL à payer à la société Etoile de mer SARL la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
Condamne la société Jukara SARL aux entiers dépens d’appel.
 
Et ont signé,
 
La greffière La présidente

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