Marque Mont Blanc : la commercialisation de Vodka interdite
Marque Mont Blanc : la commercialisation de Vodka interdite
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Le dépôt d’une marque dans une classe disponible peut être refusé à l’enregistrement s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque. Ce préjudice peut inclure le “trouble au message publicitaire” de la marque initiale.    

Affaire Mont Blanc

L’usage par les sociétés Unipak des termes « Mont Blanc » ou de la marque homonyme pour désigner, commercialiser ou promouvoir des boissons alcoolisées est bien de nature à porter préjudice à la société Mont Blanc, propriétaire de la marque antérieure « Mont Blanc ». La société Mont Blanc est fondée à voir interdire cet usage.

Notion de préjudice à une marque antérieure

La société Mont Blanc a fondé, avec succès, sa demande d’opposition sur les dispositions de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle qui prévoient que « la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.»

Produits laitiers c/ Produits alcoolisés  

Pour faire droit à cette demande, le tribunal a essentiellement retenu que la renommée des produits laitiers « Mont Blanc », notamment de la crème dessert du même nom, était non seulement ancienne mais toujours actuelle, le premier juge ayant ainsi cité pour exemple de cette notoriété persistante de très nombreux extraits de sites internet qui continuent à faire la promotion de ces produits, de même que la constance, jusque dans des recettes contemporaines largement diffusées, d’expressions usuelles qui continuent à être utilisées, notamment dans des livres de cuisine, pour rappeler le produit d’origine qui a fait la notoriété de la société Mont Blanc («’style crème mont blanc’», «’façon crème mont blanc’» etc).

Le premier juge en a déduit que le nom «’Mont Blanc’» demeurait étroitement associé, toujours actuellement, à l’image d’un produit laitier destiné à un jeune public, et que l’utilisation du même nom par la société Unipak pour promouvoir des boissons alcoolisées telles que la vodka, soit des produits qui ne sont pas destinés au même public et dont la commercialisation en France est freinée par une réglementation de santé publique destinée à prévenir l’alcoolisme, serait de nature à troubler le message publicitaire de la société Mont Blanc, et finalement à nuire à son succès commercial.

Le tribunal a également retenu que constituait une faute le fait pour la société Unipak d’avoir adopté une marque parfaitement homonyme à celle précédemment détenue par la société Mont Blanc, alors en effet que contrairement à d’autres entreprises qui avaient pu adopter le même nom pour désigner des boissons alcoolisées issues d’une production géographiquement proche de la montagne du même nom («’Les Vins du Mont Blanc’», la «’Distillerie du Mont Blanc’»), la société Unipak, entreprise installée en Russie, ne pouvait pas se prévaloir d’une quelconque proximité avec ce lieu, fabriquant au surplus un produit -en l’occurrence de la vodka- étranger à la culture alpestre, au contraire de la société Mont Blanc qui tient son nom de sa fondation initiale à Rumilly en Haute-Savoie.

Trouble du message publicitaire

Une telle commercialisation de produits alcoolisés, en ce qu’elle porte sur des produits aux antipodes de ceux commercialisés par la société Mont Blanc, serait de nature à porter préjudice à celle-ci, comme venant perturber le message promotionnel véhiculé par elle depuis plusieurs décennies auprès d’un jeune public par définition non consommateur d’alcool, en l’occurrence un message présentant les produits laitiers comme sains et dynamisants, alors qu’à l’inverse l’innocuité des boissons alcoolisées, a fortiori des alcools forts, est très contestée, à tout le moins par la communauté scientifique et médicale.

Nonobstant la segmentation existant entre ces différents marchés, les deux marques litigieuses n’en sont pas moins susceptibles de faire l’objet d’une publicité importante sur l’ensemble du territoire français, tous les consommateurs, y compris les plus jeunes, pouvant dès lors en être les témoins. Télécharger la décision


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