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En matière de dépôt de marque ce n’est pas le premier déposant qui dispose des droits : le mécanisme du dépôt frauduleux (par un salarié) permet à l’employeur d’obtenir le transfert de la marque.
Soutenant que son ancienne salariée, Mme [M], s’était appropriée fautivement, en le déposant à titre de marque, le signe « booster d’innovations sociales » qu’elle utilisait, l’association Paris région entreprises (PRE), devenue Choose Paris région, l’a assignée, ainsi que l’association Nov’Impact, que Mme [M] avait fondée, en revendication de marque ainsi qu’en concurrence parasitaire.
Mme [M] a déposé en tant que marque le signe « booster d’innovations sociales », qui correspondait à un concept développé et utilisé par l’association PRE avec laquelle elle était encore tenue par son contrat de travail, et qui était nécessaire à son activité.
Le dépôt de ce signe en tant que marque était de nature à entraver l’activité économique de l’association PRE, les services couverts par la notion utilisée par cette association pouvaient correspondre, s’agissant des axes d’innovation retenus, soit la recherche & développement et le développement durable, aux services de recherche scientifique et technique visés par la marque en cause et Mme [M] savait qu’à la date où elle déposait ledit signe en tant que marque, l’association PRE continuait d’en faire usage.
En privant ainsi l’association PRE du signe « booster d’innovations sociales », Mme [M] a agi avec l’intention de nuire.
Pour rappel, l’article 3, paragraphe 2, sous d), de l’ex directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 (remplacée par la Directive (UE) 2015/2436 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015) prévoit qu’une marque peut être annulée dans le cas où la demande d’enregistrement a été faite de mauvaise foi.
L’article 4, paragraphe 4, sous g), de cette directive vise, dans les motifs de nullité concernant les conflits avec des droits antérieurs, le cas où la marque peut être confondue avec une marque utilisée à l’étranger au moment du dépôt de la demande et qui continue d’y être utilisée, si la demande a été faite de mauvaise foi par le demandeur.
Leurs dispositions ont ensuite figuré dans les mêmes articles de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.
La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, modifié, et l’article 3, paragraphe 2, sous d), de la première directive 89/104 doivent être interprétés en ce sens qu’une demande de marque sans aucune intention de l’utiliser pour les produits et les services visés par l’enregistrement constitue un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, si le demandeur de cette marque avait l’intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d’une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque (CJUE, arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a., C-371/18).
La Cour de justice a également jugé que l’existence de la mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, tels que, entre autres, le fait que le demandeur savait ou aurait dû savoir qu’un tiers utilisait un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire.
Toutefois, la circonstance que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise un tel signe ne suffit pas, à elle seule, pour établir l’existence de la mauvaise foi de ce demandeur.
Il convient, en outre, de prendre en considération l’intention dudit demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque, élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C-529/07, Rec. p. I-4893, points 37 et 40 à 42, et du 27 juin 2013, Malaysia Dairy Industries, C-320/12, point 36).
Selon l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.
Il résulte de ce texte, interprété à la lumière des articles 3, paragraphe 2, sous d), et 4, paragraphe 4, sous g), de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 que, pour établir qu’une marque a été déposée en fraude de ses droits, le tiers doit démontrer, d’une part, que le déposant avait connaissance de l’utilisation par lui d’un signe identique ou similaire au signe déposé en tant que marque, d’autre part, que ce dernier avait l’intention soit de porter atteinte à ses intérêts d’une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d’obtenir un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque.