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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 09 MARS 2023
N° 2023/187
Rôle N° RG 22/09667 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWDR
[E] [S]
C/
[J] [C]
[K] [V] épouse [C]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Nicolas BESSET
Me Audrey PANATTONI,
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du TJ de MARSEILLE en date du 13 Mai 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01289.
APPELANT
Monsieur [E] [S]
né le 19 Décembre 1972 à [Localité 10],
demeurant Chez SASU GERGOVIE, [Adresse 9]
[Localité 4]
représenté et assisté par Me Nicolas BESSET, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [J] [C]
né le 03 Février 1988 à [Localité 1] (ALGERIE) ([Localité 1]),
demeurant [Adresse 8]
représenté et assisté par Me Audrey PANATTONI, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [K] [V] épouse [C]
née le 13 Octobre 1990 à [Localité 5] (ALGERIE) ([Localité 5]),
demeurant [Adresse 8]
représentée et assistée par Me Audrey PANATTONI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Catherine OUVREL, Présidente, chargée du rapport et Mme Angélique NETO, Conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine OUVREL, Présidente
Mme Angélique NETO, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023,
Signé par Mme Catherine OUVREL, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon promesse de vente du 2 décembre 2020, et par acte authentique du 9 avril 2021, monsieur [E] [S] a vendu aux époux [C] une parcelle de terrain située [Adresse 6] à [Localité 3].
Aux termes de la promesse de vente, il était stipulé que le promettant s’engageait à réaliser des travaux affectant la parcelle, ces travaux consistant en :
– Sécurisation du chantier (préparation du site, installation et montage d’un échafaudage),
– Démolitions des deux bâtis en dur et des dalles de béton (démolition du garage, buanderie, toiture, murs, toiture et sol … divers),
– Evacuation des gravas suite à la dite démolition (mise à disposition des bennes et évacuation en décharge autorisée).
Monsieur [E] [S], marchand de biens, a cessé son activité le 15 décembre 2020 et l’a transférée à la SASU Gergovie, créée le 3 novembre 2020, dont monsieur [E] [S] est le gérant.
Le 9 avril 2021, l’acte authentique de vente a été signé entre la SASU Gergovie et les époux [C].
Par acte des 22 et 23 mars 2022, monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] ont fait citer monsieur [E] [S] et la SASU Gergovie devant le juge des référés aux fins d’obtenir une provision sur les frais induits par l’inexécution des engagements pris par monsieur [E] [S] concernant la réalisation de travaux sur la parcelle vendue (sécurisation de chantier, démolition des bâtis et des dalles de béton avec évacuation des gravats), ainsi qu’une provision sur préjudice subi.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 13 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille a :
condamné monsieur [E] [S] à payer, à titre provisionnel, à monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] la somme de 13 338,23 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2022,
dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus,
condamné monsieur [E] [S] à payer à monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné monsieur [E] [S] au paiement des dépens.
Selon déclaration reçue au greffe le 5 juillet 2022, seul monsieur [E] [S] a interjeté appel de la décision, l’appel portant sur toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises portant condamnation à son encontre.
Par dernières conclusions transmises le 18 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [E] [S] demande à la cour de :
réformer l’ordonnance entreprise,
In limine litis :
juger nulle l’assignation pour défaut de signification de l’acte à son adresse connue, pour absence de moyens de droits fondant la saisine du président du tribunal judiciaire statuant en référé, et, pour absence de moyens de droit au fond, ceux invoqués ayant été abrogés, et dans la mesure où chacune de ces nullités lui cause grief dans l’exercice de sa défense,
Au fond, si les causes de nullité n’étaient pas retenues :
À titre principal :
juger irrecevables les demandes formées contre lui,
juger irrecevables les demandes non provisionnelles formulées par monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] par voie de procédure de référé,
juger que monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] ont donné quitus des travaux en litige par acte authentique de vente du 9 avril 2021,
À titre subsidiaire, s’il devait être tenu à enlèvement de la dalle :
juger que monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] n’ont pas respecté la procédure stipulée dans la promesse de vente en cas de litige sur les travaux, préalable à toute action contentieuse,
À titre très subsidiaire, s’il devait être tenu à enlèvement de la dalle et à réparation :
juger que monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] ne rapportent pas la preuve du fait que le retard de livraison serait exclusivement lié à l’enlèvement de la dalle, ni du fait qu’il leur serait impossible d’y pourvoir par eux-mêmes dans les temps en cas de carence éventuelle de leur vendeur, ni, enfin, du bien fondé de la valeur invoquée par eux,
juger que monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] ne rapportent pas la preuve du fait que les pénalités bancaires invoquées soient directement liées à la carence éventuelle du vendeur,
juger que monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] ne justifient pas du bien fondé du montant invoqué par eux au titre du devis d’enlèvement de la dalle, d’autres travaux non prévus y étant portés sans détail de prix, ni ne justifient d’en avoir acquitté le montant,
En tout état de cause :
juger l’existence d’une contestation sérieuse,
débouter monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] de toutes leurs demandes,
condamner solidairement monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
En premier lieu, monsieur [E] [S] soutient, d’abord, que l’assignation qui lui a été délivrée le 22 mars 2022 est nulle pour avoir été faite à l’adresse [Adresse 2] correspondant à l’adresse de son activité de marchand de bien jusqu’au 15 décembre 2020, mais pas à l’adresse de son domicile, [Adresse 7], mentionnée dans la promesse de vente. Il invoque la violation des articles 654, 655 et 114 du code de procédure civile en ce que les intimés n’ont pas fourni à l’huissier de justice son adresse exacte, connue d’eux, et empêchant ainsi une signification à personne ou à domicile. Il en déduit que cela lui a causé un grief le privant du premier degré de juridiction. Monsieur [E] [S] soutient encore que l’assignation est nulle comme n’étant pas motivée en droit, en contradiction avec les dispositions de l’article 56 du code de procédure civile, ce qui lui a causé un grief, ne pouvant utilement préparer sa défense. Enfin, monsieur [E] [S] fait valoir la nullité de l’assignation en ce qu’elle vise des textes anciens du code civil, modifiés respectivement en 2009 et 2016, de sorte qu’elle est privée de base légale.
Au principal, en second lieu, monsieur [E] [S] soulève, d’une part, l’irrecevabilité des demandes dirigées contre lui, alors que l’acte de vente a été signé, non par lui, mais par la SASU Gergovie. Il fait, d’autre part, valoir que les intimés n’ont pas présenté de demandes provisionnelles.
Par ailleurs, monsieur [E] [S] s’appuie sur le quitus expressément donné dans l’acte de vente par monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] au titre des travaux prévus dans la promesse et des obligations ainsi mises à sa charge. Il en déduit qu’aucun manquement au titre de l’enlèvement de la dalle ne peut lui être reproché.
En outre, monsieur [E] [S] fait valoir, à titre subsidiaire, que les intimés n’ont pas respecté le formalisme prévu dans la promesse de vente, prévoyant une expertise, de sorte que leur demande est irrecevable.
Enfin, monsieur [E] [S] conteste le montant requis correspondant à trois préjudices non justifiés (un surcoût lié à un retard de livraison, des pénalités bancaires, une avance d’une somme de 6 960 €).
Par dernières conclusions transmises le 23 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] sollicitent de la cour qu’elle :
déboute monsieur [E] [S] de ses demandes,
confirme la décision entreprise en tous points,
condamne monsieur [E] [S] à leur régler la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamne monsieur [E] [S] au paiement des dépens avec distraction.
Par ordonnance du 6 décembre 2022, ces conclusions transmises le 23 novembre 2022, premières conclusions des intimés, ont été déclarées irrecevables sur le fondement de l’article 905-2 du code de procédure civile.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 16 janvier 2023.
Par soit-transmis du 30 janvier 2023, la cour a sollicité la communication de l’assignation délivrée par les époux [C] à monsieur [E] [S], dans la mesure où les conclusions des intimés étant irrecevables, leurs pièces le sont aussi. Par note en délibéré du même jour, le conseil de l’appelant a communiqué cette assignation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’, de ‘prise d’acte’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.
Sur la validité de l’assignation délivrée contre monsieur [E] [S]
Par application de l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
En vertu de l’article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne.
En vertu de l’article 655 du même code, si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
En vertu de l’article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
En l’espèce, il appert que monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] ont assigné monsieur [E] [S] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille par acte du 23 mars 2022 délivré selon procès-verbal de recherches infructueuses en vertu de l’article 659 du code de procédure civile. Cet acte a été effectivement délivré par l’huissier de justice au lieu indiqué comme étant le dernier domicile connu de monsieur [E] [S], soit [Adresse 2]. L’huissier de justice fait état de ses diligences en vue de la recherche du destinataire de l’acte comme suit :
– ‘la personne rencontrée sur place nous indique qu’il s’agit de la société Newton Offices, une société de domiciliation et qu’elle a perdu la gestion concernant le requis depuis fin janvier,
– enquête auprès des services de la poste qui m’ont opposé leur droit de réserve,
– interrogation de l’annuaire électronique ” pagesblanches.fr ” le nom du requis n’y figure pas,
– nous avons tenté de contacter le requis à plusieurs reprises au 07.87.36.84.01 et lui avons laissé des messages vocaux, en vain,
– nos différentes recherches sont restées vaines’.
Il en résulte que l’huissier de justice a procédé à des recherches et diligences précises et approfondies à partir de l’adresse désignée comme étant le dernier domicile connu, au [Adresse 2].
En effet, cette adresse était celle du lieu d’exercice de l’entreprise de monsieur [E] [S], entrepreneur individuel dans le secteur d’activité des agences immobilières, du 2 janvier 2003 au 16 décembre 2020, date de cessation de cette activité. En revanche, cette adresse n’est pas celle de la SASU Gergovie créée par monsieur [E] [S] le 3 septembre 2020 et dont il est devenu le gérant. C’est également au [Adresse 2], que le conseil des intimés a adressé à monsieur [E] [S] un courrier le 16 septembre 2021, sans qu’il soit justifié de sa réception alors par l’appelant.
Or, dans le cadre de la promesse de vente du 2 décembre 2020, signé entre les époux madame [K] [V] épouse [C] et monsieur [E] [S] en sa qualité de marchand de biens, ce dernier est mentionné comme demeurant [Adresse 7].
Cette adresse était donc connue des intimés puisqu’étant celle expressément communiquée par leur cocontractant dans le cadre de l’acte notarié dont ils entendent obtenir l’exécution, dans le cadre de l’instance ici entreprise. De même, les intimés avaient nécessairement connaissance de la cessation d’activité de monsieur [E] [S] à son ancienne adresse puisque l’acte authentique de vente du 9 avril 2021 a été signé, au titre du vendeur, non pas par monsieur [E] [S], mais par la SASU Gergovie. De plus, l’assignation a été délivrée en mars 2022, soit un an plus tard. Pour autant, manifestement, cette adresse, [Adresse 7], n’a pas été communiquée à l’huissier de justice qui n’a fait aucune recherche en ce lieu. Dès lors, il convient d’observer que monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] n’ont pas permis une possible signification à personne, voire à domicile, alors qu’ils avaient des informations utiles à cette fin.
Ce vice qui affecte l’assignation délivrée à monsieur [E] [S] lui cause nécessairement grief dans la mesure où il n’a pas comparu en première instance, et s’est ainsi vu privé d’un degré de juridiction.
En conséquence, l’assignation en cause doit être annulée pour ce seul motif, et par voie de conséquence, l’ordonnance entreprise doit également être annulée. La nullité affectant l’acte introductif d’instance, et monsieur [E] [S] n’ayant conclu ‘au fond’ que ‘si les causes de nullité ne devaient pas être retenues’, donc à titre subsidiaire, aucun effet dévolutif de l’appel ne joue au sens de l’article 562 du code de procédure civile.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] qui succombent nécessairement au litige supporteront solidairement les dépens de première instance et d’appel. De même, sous la même solidarité, ils doivent être condamnés à verser à monsieur [E] [S] une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit l’assignation délivrée le 23 mars 2022 par monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] à monsieur [E] [S] en vue de l’audience devant le juge des référés de Marseille du 8 avril 2022 nulle et de nul effet,
Annule en toutes ses dispositions l’ordonnance subséquente rendue le 13 mai 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille,
Condamne solidairement monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] à payer à monsieur [E] [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement monsieur [J] [C] et madame [K] [V] épouse [C] au paiement des dépens.
La Greffière La Présidente