Marchand de Biens : décision du 9 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05233

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Marchand de Biens : décision du 9 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05233
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023

N° 2023/233

N° RG 22/05233 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJGHJ

S.A.S. CURTA CONCEPT

C/

S.A.S. MDB IMMO

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Frédéric JACQUEMART

Me Catarina CLEMENTE DE BARROS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de NICE en date du 4 Avril 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/00549.

APPELANTE

S.A.S. CURTA CONCEPT, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

domiciliée [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Frédéric JACQUEMART de la SELAS LAWTEC – SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

S.A.S. MDB IMMO, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

domiciliée [Adresse 2]

représentée par Me Catarina CLEMENTE DE BARROS, avocate au barreau de NICE substituée par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocate au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, conseillère, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Présidente

Madame Pascale POCHIC, conseillère

Monsieur Ambroise CATTEAU, conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 2 Mars 2023, puis prorogé au 09 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Présidente et Madame Josiane BOMEA, greffier lors du prononcé,, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties

Mme [N] [M] et M. [B] [I], respectivement, gérante et associés de la SCI Anthony, ont par contrat du 5 février 2021 d’une durée de 12 mois renouvelable par tacite reconduction, confié à l’agence immobilière MDB Immo, un mandat simple pour vendre le bien appartenant à cette SCI, situé [Adresse 3] au prix de 578 000 euros, rémunération du mandataire incluse, correspondant à 5% TVA incluse du prix de vente, à la charge de l’acquéreur.

Le contrat prévoyait l’interdiction pour les mandants, pendant la durée du contrat et pendant la période suivant son expiration, de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté le mandataire sous peine, à titre de clause pénale, d’avoir à lui verser une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de sa rémunération.

Une offre d’achat a été signée le 8 février 2021 par M. [W] [O], en présence et avec le concours de cette agence immobilière, pour un montant de 560.000 qui a été refusée par les vendeurs. Cette offre prévoyait que « si la vente se réalise, le mandataire ayant concouru à la présente offre aura droit aux honoraires prévus au mandat. Cette rémunération sera exigible et versée le jour où l’opération sera effectivement conclue et réitérée par acte authentique »

Après divers échanges entre la venderesse et M. [O], celui-ci a proposé verbalement une offre à 550 000 euros net vendeur, avec prise en charge des frais occasionnés par la division de l’immeuble.

Puis par message du 2 mars 2021 la gérante de la SCI Anthony a informé l’agence de la signature d’un compromis de vente sans son intermédiaire.

Informée que la vente était intervenue le 18 juin 2021 au profit de la SAS Curta Concept, dont le président et l’unique associé est M. [W] [O], l’agence immobilière après mises en demeure du 6 octobre 2021 adressée à la venderesse et à l’acquéreur, a été autorisée par ordonnance sur requête rendue le 21 décembre 2021 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice, à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société Curta Concept pour avoir garantie d’une créance de 27 500 euros.

Puis par assignations délivrées le 19 janvier 2022 à la SCI Anthony, M.[O] et la société MDB Immo, elle a saisi le juge du fond d’une demande de dommages et intérêts à hauteur de 27 500 euros outre la somme de 10 000 euros pour résistance abusive.

Le même jour la société Curta Concept a saisi le juge de l’exécution d’une demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 21 décembre 2021 et de mainlevée des mesures conservatoires et sollicité condamnation de la société MDB Immo au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros, outre remboursement de frais bancaires et de procédure, demandes auxquelles l’agence immobilière s’est opposée.

Par jugement du 4 avril 2022 le juge de l’exécution a débouté la société Curta Concept de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer à la société MDB Immo la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Celle-ci a relevé appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification, par déclaration du 7 avril 2022.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 9 décembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Curta Concept de toutes ses demandes et l’a condamnée à payer à la société MDB Immo la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

– rétracter l’ordonnance rendue par le juge de l’exécution le 21 décembre 2021,

– ordonner la mainlevée totale de la saisie conservatoire,

– ordonner le remboursement des sommes indûment saisies,

– ordonner le remboursement de la somme de 800 euros versée au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance,

– condamner la société MDB Immo à payer à la société Curta Concept une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ainsi que la somme de 397,50 euros correspondant aux frais bancaires générés par la saisie litigieuse,

– la condamner en outre au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.

A l’appui de ses demandes elle reproche à la société MDB Immo d’avoir dans sa requête en saisie-conservatoire, profitant du caractère non-contradictoire de la procédure, passé sous silence l’absence de lien juridique entre cette agence et elle, de nature à faire échec à la saisie-conservatoire sollicitée.

Elle indique qu’en effet l’obligation contractuelle sanctionnée par la clause pénale prévue au mandat souscrit entre l’agence immobilièe et la SCI Anthony s’impose à cette dernière et non à elle et qu’il lui appartient de se retourner contre son mandataire.

Elle estime que le premier juge a retenu, à tort, qu’il n’était pas contesté que la société MDB Immo avait présentée à la société venderesse M. [W] [O] qui a émis une offre d’achat sur le bien en date du 8 février 2021, alors que cette offre n’a pas été acceptée.

S’agissant des menaces pesant sur le recouvrement de la prétendue créance, elle soutient qu’il ne peut être argué de son refus de se conformer aux demandes de la société MDB Immo, dès lors qu’il n’existe aucun lien contractuel avec les parties. Elle ajoute qu’exerçant une activité de marchand de biens, la circonstance qu’elle a acquis le bien en cause, procédé à une division de lots et revendu les lots crées, ne saurait justifier une telle menace qui n’est d’ailleurs corroborée par aucune pièce, ce d’autant qu’elle poursuit d’autres opérations d’achat et revente de biens et que ses comptes bancaires ne présentent pas de soldes débiteurs, l’un des comptes sur lequel la saisie a été opéréé, étant créditeur de 160 000 euros.

A l’appui de sa demande de dommages et intérêts elle allègue du préjudice consécutif à la saisie conservatoire de ses comptes bancaires qui l’a contrainte à différer l’acquisition d’un nouveau projet immobilier, à supporter des frais bancaires et un taux d’intérêt plus important du fait de la baisse de sa cotation bancaire, et à abandonner un projet qui devait lui rapporter une marge substantielle.

Par écritures notifiées le 2 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé complet de ses moyens, la société MDB Immo conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et au rejet des demandes de l’appelante dont elle sollicite la condamnation au paiement d’une indemnité complémentaire de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens en ce compris les frais de saisie conservatoire.

A cet effet elle fait valoir en substance que contrairement à ce que prétend l’appelante, elle n’est pas un tiers à la transaction, puisqu’elle a acquis le bien en question le 18 juin 2021, pour un prix qu’elle prétend être de 560 000 euros, dont elle ne justifie pas, alors que l’état des relevés de formalités du registre foncier indique une valeur de 550 000 euros.

Elle rappelle qu’il est jugé que, même s’il n’est pas débiteur de la commission, l’acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l’agent immobilier, par l’entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l’avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice. (Cour de cassation, Assemblée plénière, 9 mai 2008, 07-12.449).

Elle indique qu’il n’est pas contesté qu’elle a présenté la société Curta Concept , dont le président et unique associé est M. [W] [O], à la venderesse, et que la vente a été conclue par acte authentique du 8 juin 2021, en fraude de ses droits.

Elle soutient d’autre part que le recouvrement de sa créance est menacé du fait de l’attitude de la société Curta Concept qui par lettre en réponse à sa mise en demeure du 8 octobre 2021, a fait connaître qu’elle ne se conformerait pas à ses demandes. Qu’en outre depuis la vente, elle a divisé l’appartement acquis en différents appartements et les as mis en vente distinctement. Ainsi, une fois les ventes finalisées, rien n’interdira au président de la société Curta Concept de procéder à une liquidation de la société, rendant ainsi le recouvrement d’une éventuelle condamnation difficile et menacé.

Elle ajoute que contrairement à ce qui est soutenu, les comptes de la société Curta Concept accusent des soldes débiteurs ou non saisissables.

A titre subsidiaire et s’agissant de la demande indemnitaire présentée par l’appelante, la société MDB Immo affirme en substance, que le préjudice allégué n’est aucunement justifié.

L’instruction de l’affaire a été déclarée close par ordonnance du 13 décembre 2022.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

En vertu des dispositions de l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution toute personne justifiant d’une apparence de créance et de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur. Et il sera rappelé que l’ordonnance sur requête critiquée est, par définition, rendue de façon non contradictoire ;

Le créancier saisissant doit donc justifier de conditions cumulatives tenant à une créance paraissant fondée en son principe et une menace dans son recouvrement ;

Et il n’appartient pas à la cour, statuant avec les pouvoirs du juge de l’exécution, de se prononcer sur la réalité de la créance, mais de statuer sur le caractère vraisemblable d’un principe de créance, sans qu’il soit exigé que la créance soit certaine, ni même non sérieusement contestable, ou exigible ;

En l’espèce, le principe de créance dont seule l’apparence est requise , n’est pas mis en échec par l’absence de lien de droit entre la société MDB Immo et la société Curta Concept dès lors que la responsabilité délictuelle de celle-ci peut être retenue, lorsque par son comportement fautif elle a privé l’agence immobilière, par l’intermédiaire de laquelle elle a été mise en rapport avec le vendeur mandant, de son droit à rémunération ;

Or, ainsi qu’exactement retenu par le premier juge, il ressort des pièces produites que M. [W] [O], le président de la société Curta Concept avait signé, précédemment à la vente conclue entre celle-ci et les vendeurs, une offre d’achat sur le même immeuble avec le concours et en présence de la société Curta Concept dont il connaissait le droit à rémunération ;

Le première des conditions édictée par l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution est donc remplie.

S’agissant de la seconde condition tenant à l’existence de menaces pesant sur le recouvrement de la créance, la société MDB Immo ne peut prétendre que le recouvrement ne serait pas menacé dans la mesure où, par son attitude, elle a tenté d’évincer la société MDB Immo de son droit à rémuneration, qu’elle ne justifie pas avoir répondu à la mise en demeure qui lui a été adressée par cette dernière par lettre du 6 octobre 2021. Par ailleurs l’affirmation de l’intimée selon laquelle la société Curta Concept à la suite de la vente de l’immeuble en cause, divisé par lots, ne dispose plus d’actifs, n’est pas démenti par les pièces produites par l’appelante dont la solvabilité alléguée ne saurait résulter d’une simple capture d’écran d’un compte bancaire alors qu’il ressort des déclarations des tiers saisis que ses comptes étaient débiteurs ou insaisissables;

Les conditions énoncées par l’article L.511-1 du code des procédures civiles d’exécution étant réunies, le rejet par le premier juge de la demande de rétractation de son ordonnance sur requête et de mainlevée des saisies conservatoires autorisées mérite approbation.

Et la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive présentée par la société Curta Concept a en conséquence était justement écartée.

Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

A hauteur de cour, il convient d’accorder à l’intimée, contrainte d’exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après. Partie perdante, l’appelante ne peut prétendre au bénéfice de ces dispositions et supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Curta Concept à payer à la SAS Mdb Immo la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande présentée à ce titre par la SAS Curta Concept ;

CONDAMNE la SAS Curta Concept aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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