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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 30 MARS 2023
N° 2023/289
Rôle N° RG 22/06787 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJL5Q
[S] [S]
S.C.P. [S] [S] ‘ [S] [S]
C/
S.A.R.L. RANDALL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me JEANNIN
Me BIGUENET-MAUREL
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance d’incident du Juge de la mise en état de DRAGUIGNAN en date du 25 Avril 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/02026.
APPELANTS
Maître [S] [S]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]. [Adresse 4]
S.C.P. [S] [S] ‘ [S] [S] SCP prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant et domiciliés ès-qualité audit siège,, demeurant [Adresse 1]
Tous deux représentés par Me Rémi JEANNIN de la SELARL JEANNIN PETIT PUCHOL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Sophie REDDING TERRY, avocat au barreau D’AIX EN PROVENCE, plaidant
INTIMEE
S.A.R.L. RANDALL, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Cecile BIGUENET-MAUREL de la SCP MB JUSTITIA, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Février 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Agnès DENJOY, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023,
Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SARL RANDALL, titulaire d’une créance à l’encontre des époux [D] pour l’avoir acquise le 19 juillet 2012 du syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 3], a mandaté la SCP d’huissiers [A] [N] [B] [J] qui a confié à la SCP d’avocats [S] [S] le soin de mettre en ‘uvre une procédure de saisie immobilière.
La procédure a été réalisée sous la constitution de Me [S] [S] et le PV descriptif a été dressé par la SCP d’huissiers [A] [N] [B] [J].
Par jugement d’adjudication en date du 24 octobre 2013, la société marchand de biens [Adresse 6] a été déclarée adjudicataire du lot n° 28 de la copropriété au prix de 35 000 €.
Par exploit en date des 20, 21 et 22 février 2018, la société [Adresse 6] a fait assigner la SARL RANDALL, la société BNP PARIBAS, la SCP [S] [S], Me [S] [S] et les époux [D] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d’annulation de la cession par voie d’adjudication.
Dans le cadre de cette instance, la SARL RANDALL a sollicité d’être relevée et garantie par la SCP [S] [S] et Me [S] [S] par conclusions du 8 avril 2019.
Par exploit en date du 19 mai 2020, la SARL RANDALL a attrait en intervention forcée la SCP [J] [B] [V] [T] en sollicitant également d’être relevée et garantie de toute condamnation par celle-ci.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état en date du 6 juillet 2021.
Par conclusions du 8 octobre 2021, la SCP [J] [X]-[Y] [V] [T] a saisi le juge de la mise en état d’un incident de prescription de l’assignation délivrée par la SARL RANDALL.
La SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] ont conclu sur l’incident le 23 février 2022, soulevant la prescription des demandes nouvelles de la SARL RANDALL du 12 juillet 2021.
Par ordonnance d’incident en date du 25 avril 2022 dont appel du 6 mai 2022, le juge de la mise en état de la chambre 3 du tribunal judiciaire de Draguignan a :
– Déclaré la SARL RANDALL recevable en son action à l’encontre de la SCP [J] [X]-[Y] [V] [T] et de la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] ;
– Condamné la SCP [J] [B] [V] [T] à verser à la SARL RANDALL la somme de 1500 € titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Renvoyé la cause et les parties à l’audience de mise en état du 20 juin 2022 et dit que les dépens suivront le cours de l’instance principale,
– Rejeté le surplus des demandes.
Le juge de la mise en état énonce en ses motifs :
– la SCP d’huissiers soutient que le point de départ de l’action se situe le 14 février 2013, jour du PV descriptif circonscrit au lot n° 28 mais la société adjudicataire indique que c’est à l’occasion d’un projet de revente qu’elle a découvert que le lot 28 ne correspondait pas au descriptif de la saisie et que partant, c’est à l’occasion de l’assignation qui lui a été adressée le 21 février 2018 que la SARL RANDALL a découvert les faits objets du litige et non à l’occasion de l’établissement du procès verbal descriptif puisque l’erreur de description du lot était inconnue à cette date,
– la SCP d’avocats et Me [S] [S] excipent d’un courrier du 7 août 2014 et d’un courrier du 3 octobre 2014 comme point de départ du délai de prescription mais comme le souligne la SARL RANDALL, les termes de ces correspondances ne démontrent pas qu’elle ait été en mesure d’en connaître le contenu puisqu’adressées à la SCP d’huissiers, sans aucune mention relative à la transmission concomitante au créancier poursuivant.
Vu les dernières conclusions déposées le 25 août 2022 par la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S], appelants, aux fins de voir infirmer l’ordonnance du 25 avril 2022 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, déclarer irrecevables comme prescrites les prétentions nouvelles formulées par la société RANDALL aux termes de ses écritures au fond du 12 juillet 2021 aux fins de remboursement par la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] de tous les frais, taxes, émoluments et coûts engagés inutilement, outre condamnation de la société RANDALL au paiement d’une somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] font valoir :
– qu’ils ont assumé un mandat de représentation pour le compte de la société RANDALL sans aucun contact direct avec elle, les échanges se faisant exclusivement entre elle et la SCP d’huissiers, maître du litige, ce dont il résulte que ces deux derniers se confondent,
– qu’ils ne soutiennent pas la prescription de la demande formulée contre eux par la société RANDALL dans ses écritures du 8 avril 2019 dont l’objet correspond bien à une action en garantie mais la prescription des demandes nouvelles formulées dans ses écritures du 12 juillet 2021,
– qu’indépendamment de toute notification en ce sens, la fin de mission résulte de la survenance du terme de l’instance pour laquelle l’avocat avait été missionné, or l’instance a expiré avec l’ordonnance d’homologation du projet de répartition en date du 29 septembre 2014,
– que la société RANDALL invoque ensuite une impossibilité d’agir, suspendant le délai de prescription, sans toutefois en justifier et elle ne peut soutenir que sa demande en garantie d’avril 2019 aurait interrompu la prescription de ses demandes nouvelles dès lors que le but poursuivi par ces deux demandes est totalement distinct,
Vu les dernières conclusions déposées le 22 juillet 2022 par la SARL RANDALL, intimée, aux fins de voir confirmer l’ordonnance du 25 avril 2022 et condamner la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] au paiement d’une somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.
La SARL RANDALL fait valoir :
– que n’ayant agi à l’encontre de la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] qu’après avoir été assignée par l’adjudicataire, son action s’analyse en une action en garantie, or la prescription ne court pas à l’égard d’une telle action jusqu’à ce que l’éviction ait lieu, éviction qui correspond à l’assignation de l’adjudicataire du 20 février 2018,
– que la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] ne lui ont jamais notifié la fin de leur mission, laquelle n’a pu prendre fin qu’avec la distribution du prix et la radiation des inscriptions, or les appelants ne versent aucun élément rapportant la preuve de la fin de la mission, ce que ne peut constituer un simple courrier, envoyé de surcroît à un tiers,
– qu’en tout état de cause, n’ayant pas été informée de ce qu’elle ne serait pas colloquée ni de ce que la mission de l’avocat était terminée, elle se trouvait dans l’impossibilité d’agir, ce qui entraînait la suspension de la prescription,
– que l’action en garantie et l’action en responsabilité tendent à un seul et même but, obtenir la condamnation de la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] à raison des fautes à l’origine du préjudice subi par elle, de sorte que la demande présentée par conclusions du 8 avril 2019 a produit un effet interruptif sur l’ensemble des demandes.
Vu l’ordonnance de clôture du 17 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] précisent que l’appel formé à l’encontre de toutes les dispositions de l’ordonnance du 25 avril 2022 aux termes de leur déclaration d’appel du 6 mai 2022, est en fait dirigé à l’encontre des demandes de la SARL RANDALL formulées dans ses écritures du 12 juillet 2021 dont ils soulèvent la prescription.
La société RANDALL argue de ce que la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] ne lui ont jamais notifié la fin de leur mission et soutient que le courrier du 7 août 2014 de la SCP [S] [S]-[S] [S] informant du projet de distribution tout comme celui du 3 octobre 2014 informant de l’archivage du dossier ne peuvent constituer le point de départ du délai de prescription dès lors qu’ils sont adressés à l’huissier.
Mais la fin de mission, qui n’est subordonnée à aucune condition de forme, résulte de la survenance du terme de l’instance pour laquelle l’avocat avait été missionné, soit, dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, l’ordonnance d’homologation du projet de répartition, laquelle est intervenue le 29 septembre 2014.
Et s’agissant des courriers des 7 août et 3 octobre 2014, la SCP [S] [S]-[S] [S] ne tient son mandat de représentation de la SARL RANDALL dans la procédure de saisie immobilière que de la SCP d’huissiers [A] [N] [B] [J], seule mandataire de la SARL RANDALL et tenue à ce titre à l’égard de celle ci d’une obligation principale d’exécution de la mission qui lui a été confiée mais également d’obligations périphériques telles que l’obligation de renseignement et l’obligation de rendre compte, en conséquence desquelles l’information donnée au mandataire par la SCP [S] [S]-[S] [S] vaut information du mandant, la SARL RANDALL, de sorte que la SCP [S] [S]-[S] [S] argue à bon droit de ce que la société RANDALL ne peut alléguer la moindre méconnaissance du courrier relatif au projet de distribution indiquant que la SARL RANDALL ne venait pas en rang utile à la distribution du prix et du courrier informant que le dossier était archivé.
La société RANDALL soutient que sa demande en garantie du 8 avril 2019 a interrompu la prescription de ses demandes nouvelles.
Mais si l’interruption de la prescription peut s’étendre d’une action à une autre, c’est à la condition que les deux actions tendent à un seul et même but, or l’action en garantie, qui tend à ne pas avoir à supporter la charge des condamnations qui pourraient être prononcées contre le créancier poursuivant à la demande de l’adjudicataire, ne tend pas au même but que l’action en responsabilité fondée sur une faute du professionnel du droit ayant généré un préjudice consistant en la perte de chance de ne pas exposer inutilement des sommes, de sorte que les conclusions de la SARL RANDALL déposées le 8 avril 2019 ne peuvent avoir d’effet interruptif d’instance.
Les courriers des 7 août et 3 octobre 2014 ayant donc fait courir le délai de prescription de 5 ans, la SARL RANDALL était prescrite en son action le 12 juillet 2021, date de ses demandes tendant à voir condamner la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] à lui rembourser tous les frais, taxes, émoluments et coûts engagés inutilement.
L’ordonnance dont appel doit être en conséquence infirmée en ce qu’elle a déclaré la SARL RANDALL recevable en son action à l’encontre de la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] par conclusions du 12 juillet 2021 et statuant à nouveau, il convient de déclarer irrecevable car prescrite l’action engagée par la SARL RANDALL à l’encontre de la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] par conclusions du 12 juillet 2021.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après en avoir délibéré , par arrêt contradictoire pononcé par mise à disposition au greffe,
Infirme l’ordonnance du 25 avril 2022, mais seulement en ce qu’elle a déclaré la SARL RANDALL recevable en son action à l’encontre de la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] par conclusions du 12 juillet 2021,
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Déclare la SARL RANDALL irrecevable en son action engagée à l’encontre de la SCP [S] [S]-[S] [S] et Me [S] [S] par conclusions du 12 juillet 2021 ;
Confirme l’ordonnance pour le surplus ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne la SARL RANDALL aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE