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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 03 FEVRIER 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023, 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00319 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B74UB
NOUS, Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Monsieur [T] [N]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Monsieur [J] [M]
Elisant domicile au cabinet d’avocats ADVEN
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Arnaud METAYER-MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : A866
Demandeurs au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Maître [S] [D]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Comparant en personne,
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 13 Décembre 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 03 Février 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Vu le recours formé par M. [T] [N] et M. [J] [M], auprès du premier président de cette cour, par lettre recommandée avec accusé de réception, le 29 mai 2019, à l’encontre de la décision rendue le 10 mai 2019 par le délégué du bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Paris, ayant :
– rejeté l’intervention volontaire de la société JPS investissement,
– fixé à la somme de 23 000 euros HT le montant des honoraires dus solidairement par M. [T] [N] et M. [J] [M] et à la somme de 259 euros HT le montant des frais dus par eux à M. [S] [D],
– dit en conséquence que M. [T] [N] et M. [J] [M] devront régler, solidairement entre eux, à M. [S] [D], la somme totale de 23 259 euros HT, outre la TVA, les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2016 et les frais de signification de la décision s’il y a lieu,
– rejeté toutes autres demandes plus amples ou complémentaires.
Les parties ont été entendues en leurs explications à l’audience du 13 décembre 2022, au cours de laquelle elles ont repris oralement le contenu de leurs écritures.
M. [T] [N] et M. [J] [M] demandent au premier président, de :
Vu l’article 10 de la loi n°2005-790du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat, dans sa rédaction antérieure au 05 août 2017
Vu l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971
Vu l’article 11.2 du Règlement intérieur national de la profession d’avocat
Vu l’article 1147 devenu 1231-1 du code civil
– réformer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné solidairement M. [T] [N] et M. [J] [M] à payer à Maître [S] [D], la somme totale de 23 259 euros HT, outre la TVA, les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2016 et les frais de signification de la décision s’il y a lieu,
Statuant à nouveau
A titre principal
– juger qu’aucun honoraire n’est dû à M. [S] [D], en l’absence d’accord en ce sens des parties et en raison des nombreux manquements de M. [S] [D] à ses obligations de nature à engager sa responsabilité,
– débouter en conséquence M. [S] [D] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire
– juger que M. [S] [D] ne justifie pas de diligences à hauteur des montants qu’il invoque,
– fixer le montant des honoraires de M. [S] [D] à une somme qui ne saurait être supérieure à 5 000 euros HT,
En toute hypothèse
– condamner M. [S] [D] à verser à M. [T] [N] et M. [J] [M] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [S] [D] aux dépens.
Ils exposent que :
– ils sont associés de la société JPS investissement qui exerce une activité de marchand de biens et ont confié à la société Croissance et finances développement (la société CFIDEV) une mission d’accompagnement dans le projet de la société JPS investissement d’acquérir le capital de la société Holding Jaumont finances, que la société CFIDEV les a mis en relation avec M. [S] [D] sans que soit définies ses prestations juridiques à venir,
– durant six mois, M. [S] [D] a commencé à les conseiller sans les informer des conditions financières de son intervention, puis leur a demandé de signer une convention qui prévoit seulement un honoraire de résultat global et forfaitaire en cas de réalisation de l’opération d’acquisition, puis l’opération ne s’étant pas concrétisée leur a présenté une facture d’un montant de 36 259 euros HT qui n’était pas accompagnée d’un décompte et ne faisait pas mention d’un taux horaire,
– les honoraires ne sont pas dus dans la mesure où M. [S] [D] ne leur a pas fait signer de convention écrite et ne les a pas informés du montant de ses honoraires dès sa saisine, en violation de l’article 10 de la loi n°2005-790 du 12 juillet 2005 et de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre ,
– si la lettre de mission a précisé qu’en cas de non réalisation de l’opération un honoraire serait discuté entre les parties cela ne signifie pas que les parties se sont accordées sur le fait qu’un honoraire serait facturé, que d’ailleurs aucune provision n’a été demandée par M. [S] [D] et que l’étendue des missions de la société CFIDEV était large et couvrait des aspects juridiques de sorte qu’ils ont pensé que M. [S] [D] intervenait en qualité de sous-traitant de celle-ci ; ils avancent que le défaut d’information sur le montant des honoraires s’est poursuivi tout au long de l’intervention de M. [S] [D].
A titre subsidiaire M. [T] [N] et M. [J] [M] concluent à la minoration des sommes fixées par le bâtonnier alors que M. [S] [D] ne justifie pas des diligences mentionnées sur son relevé de prestations, notamment les entretiens téléphoniques et courriers, et qu’il ne démontre pas être intervenu personnellement sur tous les actes de l’opération qui a été principalement supportée par la société CFIDEV.
M. [S] [D] demande au premier président, de :
Vu les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné M. [T] [N] et M. [J] [M] à payer des honoraires à M. [S] [D] ,
– infirmer la décision entreprise quant au montant des honoraires octroyés à M. [S] [D],
Et statuant à nouveau
– juger parfaitement proportionnés et justifiés les honoraires sollicités par M. [S] [D] au titre des diligences effectuées par son cabinet ,
– condamner M. [T] [N] et M. [J] [M] à payer à M. [S] [D] la somme de 39’942,50 euros HT soient la somme de 47’931 euros TTC au titre des diligences effectuées par son cabinet,
– juger que la somme de 39’942,50 euros HT soit la somme de 47’931 euros TTC portera intérêt au taux légal à compter du 21 décembre 2016, date de la mise en demeure adressée par M. [S] [D] à M. [T] [N] et M. [J] [M] ,
– ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 21 décembre 2017 conformément à l’article 1154 du code civil,
– condamner M. [T] [N] et M. [J] [M] à payer à M. [S] [D] la somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de frais de recouvrement,
En tout état de cause
– débouter M. [T] [N] et M. [J] [M] de leur demande,
– condamner M. [T] [N] et M. [J] [M] à payer à M. [S] [D] la somme de 5 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris la totalité des frais et honoraires d’huissier en cas d’exécution forcée de l’arrêt à intervenir en ce compris tout droit proportionnel lui revenant.
M. [S] [D] explique, que :
– M. [T] [N] et M. [J] [M] se sont présentés à titre personnel et non comme représentants de la société JPS investissement avec comme objectif de créer une structure ‘ad hoc’ afin de réaliser l’opération d’acquisition, aux côtés de M. [Z] [R] du capital de la société Jaumont finances,
– ses honoraires n’ont pas été pris en compte et inclus dans la lettre de mission de la société CFIDEV, alors qu’il n’a pas participé à cet accord et conteste qu’il y ait eu une ambiguïté sur les conditions de son intervention,
– il a envoyé à M. [T] [N] et M. [J] [M] par mail du 22 avril 2016 une lettre de mission relative à son intervention, cette lettre ne peut être considérée comme prévoyant uniquement un honoraire de résultat puisque il était prévu que les parties discuteraient de l’honoraire en cas de non réalisation de l’opération, qu’en toute hypothèse la nullité de la convention de ‘quota litis’ n’entraînerait pas la perte de son droit à honoraires,
– le manquement à l’information préalable concernant le tarif pratiqué ne peut aboutir à priver l’avocat de son droit à rémunération,
– il a accompli de nombreuses diligences dans l’intérêt de M. [T] [N] et M. [J] [M], étude du dossier comportant de nombreux documents contractuels, entretiens téléphoniques quotidiens et multiples, avec ses clients, les confrères intervenant dans le dossier, les cédants, projet d’accord-cadre destiné à préparer l’organisation des relations entre ses clients et M. [Z] [R] à l’issue de l’opération,
– il dispose d’une expérience solide justifiant le tarif horaire de 300 euros HT qu’il a appliqué.
MOTIFS
Selon l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par 1’article 51 V de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ‘Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.’
La procédure spéciale prévue par l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s’applique qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats et qu’ainsi le bâtonnier et, sur recours, le premier président n’ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’ avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir de conseil et d’information notamment quant aux modalités de fixation de ses honoraires.
En toute hypothèse la violation de cette obligation ne peut faire obstacle à la fixation du montant de la rémunération de l’avocat en contrepartie de son intervention.
M. [S] [D] a produit aux débats la lettre de mission qui a été signée par M. [T] [N] et M. [J] [M] le 13 mai 2016, qui prévoit que M. [S] [D] interviendra en coordination avec la société CFIDEV chargée de l’ingénierie financière de l’opération d’acquisition du capital de la société Jaumont finances, qui détaille les prestations de celui-ci, fixe ses honoraires en cas de la réalisation de l’opération à une somme globale et forfaitaire de 50 000 euros et stipule qu’en cas d’échec ‘un honoraire sera discuté entre M. [S] [D] et le client’.
En l’état des termes clairs et précis de cet acte, M. [T] [N] et M. [J] [M] n’ont pu se méprendre sur la nature et l’étendue de l’intervention de M. [S] [D] ni sur le fait que sa rémunération, en cas d’échec de l’opération, serait à discuter et donc n’était ni incluse dans la rémunération éventuelle de la société CFIDEV au titre de ses propres prestations, ni gratuite.
Il doit par ailleurs être relevé que l’opération envisagée n’ayant pas réussi, les honoraires de M. [S] [D] doivent être fixés conformément aux critères énoncés par l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précité, peu important que la clause de la lettre de mission relative à la rémunération de M. [S] [D] en cas de réussite de l’opération ait été valable ou non.
Sur ce point, M. [S] [D] justifie par les documents et mails produits aux débats, avoir étudié le dossier de M. [T] [N] et M. [J] [M], avoir échangé avec ses clients et le conseil du cédant, avoir rédigé un ‘protocole d’accord à la suite du termsheet conclu le 7 avril 2016″ et un projet d’accord cadre portant sur l’organisation des relations entre les repreneurs.
Eu égard aux diligences ainsi accomplies et à la complexité du dossier qui ressort des pièces communiquées, le bâtonnier a justement évalué le montant des honoraires dus à M. [S] [D] ; les intérêts au taux légal doivent courir à compter des mises en demeure du 21 décembre 2016 produites aux débats conformément à l’article1231-6 du code civil; il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du même code.
Le surplus des demandes principales de M. [S] [D] qui n’est pas justifié doit être rejeté.
La décision doit ainsi être confirmée en toutes ses dispositions.
L’équité ne commande pas d’allouer à l’une ou l’autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d’appel.
Il n’y a pas lieu de statuer sur les frais de l’exécution forcée éventuelle de la présente décision.
M. [T] [N] et M. [J] [M] qui succombent supporteront la charge des dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Nous Françoise Gilly-Escoffier, statuant publiquement, en dernier ressort, par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirmons la décision déférée en toutes ses dispositions,
Déboutons M. [S] [D] du surplus de ses demandes principales,
Rejetons les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons M. [T] [N] et M. [J] [M] aux dépens d’appel,
Disons qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE