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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 10
ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00825 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE74P
Décision déférée à la Cour :
Sur renvoi après cassation – arrêt de la Cour de Cassation en date du 21 octobre 2020- pourvoi N° Y 19-16.128 ayant cassé partiellement l’arrêt de la Cour d’appel de PARIS en date du 22 février 2019 (Pôle 4 chambre 1) – N° RG 17/03096
Jugement en date du 22 Novembre 2016 du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL de- RG N° 11/00892
DEMANDERESSE A LA SAISINE
Monsieur [S] [Z]
né le 05 Mai 1972 à [Localité 18]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 9]
ET
Madame [U] [E]
née le 16 Octobre 1971 à [Localité 11] (89)
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représentés par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistés à l’audience de Me Jacqueline TROPIN, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEURS A LA SAISINE
Monsieur [J] [C]
[Adresse 1]
[Localité 12]
ET
S.C.P. VANYSACKER BORNET [C], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 12]
Représentés par Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090, substitué à l’audience par Me François DE MOUSTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
PARTIES INTERVENANTES
SA MMA IARD, ès qualité d’assureur de la responsabilité civile professionnelle de la « VANYSACKER, NOTAIRES ASSOCIES » et de Maître [J] [C], Notaire associé, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
ET
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, ès qualité d’assureur de la responsabilité civile professionnelle de la « VANYSACKER, NOTAIRES ASSOCIES » et de Maître [J] [C], Notaire associé, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentés par Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090, substitué à l’audience par Me François DE MOUSTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été plaidée le 01 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Florence PAPIN, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
M. Laurent NAJEM, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Florence PAPIN, Présidente dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [H] et son épouse [D] [L], décédée le 27 décembre 2015, étaient propriétaires de deux parcelles à [Localité 13] (94) : l’une, cadastrée section Y n°[Cadastre 3] et comportant un bâtiment, sise [Adresse 5] et [Adresse 20], l’autre, cadastrée section Y n°[Cadastre 4], sise [Adresse 19].
Ils ont vendu l’ensemble à un marchand de biens, la SARL Costi, par acte authentique du 24 septembre 2009, au prix de 700 000 euros stipulé payable le 24 octobre 2009 au plus tard, à peine de résolution de plein droit de la vente, un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux. Par lettre du 6 octobre 2009, les époux [H] ont accepté de repousser le terme du paiement du prix au 24 janvier 2010.
La SARL Costi, par acte authentique du 24 septembre 2009 également, a établi un règlement de copropriété pour un ensemble immobilier à édifier sur la parcelle cadastrée Y n°[Cadastre 3].
Elle a vendu des lots de cette copropriété, dont se sont portés acquéreurs : M. [S] [Z] et Mme [U] [E] ensemble (les appelants, ci-après les consorts [Z]), la SCI 2M investissements, Mme [Y] [V] et M. [T] [B].
Les actes authentiques afférents à la vente initiale, au règlement de copropriété et aux ventes aux sous-acquéreurs ont été reçus par Me [C], notaire associé de la SCP Vanysacker-[C]. (Ci-après les intimés)
Les époux [H] s’étant plaints que la SARL Costi ne leur avait pas payé le prix de la vente au terme convenu, lui ont fait signifier, le 9 août 2010, un commandement de payer la somme de 700.000 euros reproduisant la clause résolutoire et contenant la déclaration formelle des vendeurs de vouloir en bénéficier.
Par acte du 08 septembre 2010, la SARL Costi a assigné les époux [H] devant le tribunal de grande instance de Créteil, en nullité du commandement de payer, arguant d’une prorogation du délai de paiement consentie par leur vendeur.
La SARL Costi a été placée en redressement judiciaire, par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 décembre 2010.
Par actes extrajudiciaires du 12 mai 2011, les époux [H] ont régularisé la procédure à l’égard des organes de la procédure collective.
Par jugement du 17 juin 2011, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Costi.
Par acte extrajudiciaire du 27 septembre 2011, les époux [H] ont appelé en intervention forcée la SCP Ouizille-De Keating, ès qualités de liquidateur de la SARL Costi.
Par acte du 12 mai 2011, les époux [H] ont assigné en responsabilité M. [C] et la société de notaires. Ils ont également assigné les quatre sous-acquéreurs : M. [B] par acte du 31 janvier 2013, la SCI 2M investissements par acte du 14 février 2013, les consorts [Z]-[E], par actes des 14 et 15 février 2013 et Mme [V] par acte du 19 février 2013.
Ces procédures ont été jointes par le juge de la mise en état.
Le 22 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a :
– déclaré recevable la demande de résolution de la vente du 24 septembre 2009 conclue entre les époux [H] et la SARL Costi,
– déclaré valable le commandement de payer délivré, le 9 août 2009, à cette société, par les époux [H],
– constaté la résolution, à effet au 9 septembre 2010, de ladite vente,
– dit que la restitution de la propriété de l’immeuble prendra la forme d’une publication du jugement, sur l’initiative des consorts [H], au service de la publicité foncière,
– déclaré irrecevables les demandes en résolution des ventes consenties par la SARL Costi, le 24 septembre 2009 à l’indivision [Z]-[E], le 29 octobre 2009 à la SCI 2M investissements, le 20 novembre 2009 à Mme [V] et le 1er décembre 2009 à M. [B], pour défaut de publication de ces demandes,
– condamné in solidum M. [C], notaire associé et la SCP notariale à payer aux époux [H] :
. 40 000 euros de dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice matériel,
. 10 000 euros de dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice moral,
– condamné in solidum M. [C], notaire associé et la SCP notariale à payer à la SCI 2M investissements une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice né de l’acquisition d’un bien grevé d’un privilège de vendeur qu’elle ne pouvait revendre,
– condamné in solidum M. [C], notaire associé et la SCP notariale à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, 4 000 euros aux époux [H] et 2 000 euros à la SCI 2M investissements,
– condamné in solidum aux dépens la SELARL De Keating ès qualités, M. [C] et la SCP notariale,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
M. [B], M. [Z] et Mme [E] ont interjeté appel du jugement le 9 février 2017.
Le 22 février 2019, la cour d’appel de Paris a :
-Confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la résolution pour défaut de paiement du prix de la vente conclue par acte authentique du 24 septembre 2009 dressé par M. [J] [C], notaire associé à [Localité 12] (77) avec la participation de M. [P] [A], notaire à [Localité 16] (Val de Marne) entre :
* d’une part, M. [R] [H], né le 30 mai 1939 à [Localité 17], de nationalité française et [D] [L], son épouse, née le 20 juin 1943 à [Localité 13], de nationalité française, demeurant ensemble à l’époque à [Adresse 14], mariés sous le régime de la communauté légale de biens meubles et acquêts, à l’époque non modifié, à la suite de leur mariage célébré à la mairie de [Localité 15] (70), le 3 juillet 1965,
*d’autre part, la SARL Costi, ayant à l’époque son siège social à [Adresse 22], alors identifiée au SIREN sous le numéro 491 130 241 et immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Nanterre, et portant sur :
1- à [Localité 13] (Val de Marne), [Adresse 5] et [Adresse 20] sans numéro un bâtiment en façade sur la [Adresse 21], élevé sur sous-sol, d’un rez-de-chaussée et de deux étages, comprenant sept caves et dégagements au sous-sol, deux appartements, couloir d’entrée, palier et WC au rez-de-chaussée, deux appartements, paliers et WC au premier étage, deux appartements, paliers et WC au deuxième étage, jardin derrière sur lequel existent des boxes pour voitures automobiles, figurant au cadastre de ladite commune section Y n° [Cadastre 3] pour une contenance de 00ha03a51ca,
2- à [Localité 13] (Val de Marne), une parcelle de terrain figurant au cadastre section Y n° [Cadastre 4], lieudit [Adresse 19] sans numéro pour une contenance de 00ha0a22ca, moyennant le prix de vente de 700.000 euros,
-Ordonné la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière,
-Précisé que cette résolution de plein droit a rétroagi à la date de la conclusion du contrat qui est réputé n’avoir jamais existé entre les époux [H] et la SARL Costi,
-Confirmé également le jugement en ce qu’il a débouté les époux [H] de leur demande en fixation de créance, à hauteur de 100. 000 euros, dans la liquidation judiciaire de la SARL Costi,
-Infirmé le jugement entrepris pour le surplus,
-Dit que la clause résolutoire pour non-paiement du prix contenue dans l’acte de vente résolu par les époux [H] à la SARL Costi est inopposable aux tiers ayant acquis des droits sur l’immeuble du chef de l’acquéreur,
-Déclaré en conséquence les consorts [H] irrecevables en leurs demandes en résolution des sous-ventes, consenties à Mme [E] et M. [Z], à M. [B], à la SCI 2M investissements et à Mme [V],
-Rejeté les demandes de Mme [E] et M. [Z], d’une part et de M. [B], d’autre part, en résolution et en nullité des ventes auxquelles ils ont été parties, chacun avec la SARL Costi,
-Débouté Mme [E] et M. [Z], d’une part et M. [B], d’autre part, de leurs demandes de dommages-intérêts contre le notaire,
-Débouté la SCI 2M investissements de son action en dommages-intérêts contre le notaire,
-Déclaré M. [C], notaire associé de la SCP Vanysacker-[C], responsable des conséquences dommageables, produites par sa faute, de l’inefficacité de la clause expresse de résolution de la vente annulée,
-Condamné en conséquence la SCP Vanysacker-[C] à payer aux époux [H] une somme de 700 000 euros outre intérêts au taux légal non majoré à compter du 24 septembre 2009, à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel,
-Condamné la SCP Vanysacker-[C] à payer aux époux [H] une somme de 20 000 euros de dommages et intérêts, à titre de préjudice moral,
-Débouté du surplus de la demande de dommages-intérêts des consorts [H],
-Condamné la SCP Vanysacker-[C] à payer aux consorts [H] une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de première instance et d’appel,
-Débouté les autres parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamné la SCP Vanysacker-[C] aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
-Rejeté toute autre demande.
Les consorts [Z] ont formé un pourvoi en cassation.
Le 21 octobre 2020, la Cour de cassation a, au visa de l’article 455 du code de procédure civile, en raison d’une absence de réponse aux conclusions des sous- acquéreurs qui soutenaient que leur préjudice résultait également du fait qu’ils n’avaient jamais pu prendre possession de l’appartement :
-Cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts de M. [Z] et Mme [E] dirigée contre le notaire, l’arrêt rendu le 22 février 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
-Remis, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée.
Les consorts [Z] ont saisi après cassation la cour d’appel de Paris le 23 décembre 2021.
La SA MMA IARD et la société d’assurances mutuelles MMA IARD assurances mutuelles sont intervenues volontairement à l’instance par conclusions du 28 octobre 2022.
Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, M. [S] [Z] et Mme [U] [E] demandent à la cour de :
Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en date du 22 novembre 2016 en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [S] [Z] et Mme [E] tendant à voir condamner conjointement et solidairement Maître [C] de la SCP Jean Marc Vanysacker et [J] [C], à leur régler à titre de dommages et intérêts la somme de 388. 849,05 euros en réparation des préjudices subis ainsi qu’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
Condamner in solidum les notaires Maître [J] [C] et la SCP Vanysacker, [C], Vanysacker-Ballif, à régler à M. [S] [Z] et Mme [U] [E], à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ces derniers, du fait de leurs fautes civiles professionnelles, la somme de 392.299,05 euros ;
Condamner in solidum les notaires Maître [J] [C] et la SCP Vanysacker, [C], Vanysacker-Ballif, à régler en outre à M. [S] [Z] seul à titre de dommages et intérêts supplémentaires la somme de 20.251,72 euros correspondant aux taxes foncières de ce bien qu’il a assumées seul, de 2010 à 2022 et aux charges de copropriété à fin 2022, outre aux deux constats d’huissier des 21 juillet 2021et 14 novembre 2022 qu’il a payés ;
Condamner in solidum les notaires Maître [J] [C] et la SCP Vanysacker, [C], Vanysacker-Ballif, à régler à M. [S] [Z] et Mme [U] [E], à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi la somme globale de 40.000 euros (soit 20.000 euros à chacun) ;
Condamner in solidum les notaires Maître [C] et la SCP, Vanysacker, [C], Vanysacker-Ballif, Notaires à régler au titre de l’article 700 du CPC, la somme de 20.060,09 euros TTC à M. [S] [Z] qui a seul assumé ces frais ;
Condamner in solidum les notaires Maître [C] et la SCP, Vanysacker, [C], Vanysacker-Ballif, notaires en tous les dépens, tant de première instance que d’appel, dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H avocats, en la personne de Maître Patricia Hardouin, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur l’intervention en cause d’appel de MMA le 28 octobre 2022, ses conclusions et pièces du 28 novembre 2022 et son obligation de garantie :
Condamner les notaires Maître [C] ainsi que la SCP Vanysacker [C] Vanysacker-Ballif et/ou MMA au versement d’une amende civile de 10 000 euros par application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile.
Déclarer MMA mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions visant à l’irrecevabilité des demandes des appelants sur le fondement de l’article 1351 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, et au rejet des demandes des appelants sur le fondement de l’article 1240 du code civil ;
Condamner MMA à garantir les notaires Maître [C] ainsi que la SCP Vanysacker [C] Vanysacker-Ballif de l’ensemble des condamnations sollicitées à leur encontre, à savoir :
‘ à M. [S] [Z] et Mme [U] [E], à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ces derniers, du fait de leurs fautes civiles professionnelles, la somme de 392 299,05 euros ;
‘ à M. [S] [Z] seul à titre de dommages et intérêts supplémentaires la somme de 20 251,72 euros correspondant aux taxes foncières de ce bien qu’il a assumées seul, de 2010 à 2022 et aux charges de copropriété à fin 2022, outre aux deux constats d’huissier des 21 juillet 2021 et 14 novembre 2022 qu’il a payés ;
‘ à M. [S] [Z] qui a seul assumé ces frais la somme de 20 060,09 euros TTC au titre de l’article 700 du CPC,
‘ en tous les dépens, tant de première instance que d’appel, dont le recouvrement sera poursuivi pour ceux-là concernant au profit de la SELARL 2H avocats prise en la personne de Maître Patricia Hardouin et ce, par application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Les consorts [Z] font valoir :
‘ que s’ils avaient été alertés par les notaires sur les risques qu’ils encouraient en réglant le prix d’un bien dont la propriété n’était pas définitivement acquise à son vendeur puisque le prix n’avait pas été versé, ils n’auraient pas acheté,
‘ que si leur propre prix avait été conservé en l’étude des notaires jusqu’à la levée de la clause résolutoire, il leur aurait été restitué au constat de la nullité de la 1re vente puis de la seconde à leur profit,
‘ que leur consentement a été vicié : le notaire a établi une attestation fausse selon laquelle le bien était libre de toute occupation alors qu’il était occupé par les propriétaires d’origine,
‘ que c’est par la faute des notaires que la vente principale a été résolue et que la vente secondaire ne l’a pas été,
‘ que du fait de l’emprunt souscrit leur préjudice financier s’élève à la somme de 392.299,05 euros (prix de vente réglé comptant : 188.800 euros, frais de vente 13.100 euros, coût de l’emprunt 186.949,05 euros, coût d’assurance 39.463,47 euros ), somme à laquelle il faut ajouter des dommages et intérêts correspondant aux taxes foncières et charges de propriété dont M.[Z] s’est acquitté seul,
-qu’ils ne pouvaient expulser l’occupant des lieux, âgé, qui occupe toujours les lieux ni prendre possession de l’appartement jusqu’à l’arrêt de cassation partielle soit pendant 11 ans en raison des fautes du notaire,
‘ qu’ils ont en outre subi un préjudice moral d’un montant de 20.000 euros chacun, les difficultés financières auxquelles ils ont dû faire face les ayant conduits à divorcer après 12 ans de vie commune dans les 4 années qui ont suivi la signature de l’acte, alors qu’ils ont une fille qui avait 9 ans dont M.[Z] a été séparé,
-que les sociétés MMA doivent être condamnées à garantir les notaires des condamnations à leur encontre.
Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 25 novembre 2022, la SA MMA IARD et la société d’assurances mutuelles MMA IARD assurances mutuelles demandent à la cour de :
– Dire et juger la Société « MMA IARD » et la société « MMA IARD assurances mutuelles », ès qualité d’assureur de la responsabilité civile professionnelle de la SAS « Vanysacker, notaires associes » et de Maître [J] [C], notaire associé, recevables et bien fondés en leur intervention,
– Et faisant droit à leurs moyens,
– Dire et juger M. [S] [Z] et Mme [U] [E] irrecevables en toutes les demandes qu’ils formulent au titre du prix de vente, des frais de vente, du coût total du prêt et du coût de l’assurance,
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil le 22 novembre 2016
Et y ajoutant
– Dire et juger M. [S] [Z] et Mme [U] [E] mal fondés en leurs demandes,
– Dire et juger que M. [S] [Z] et Mme [U] [E] ne caractérisent pas le lien de causalité qui doit nécessairement exister entre la faute invoquée et le préjudice allégué,
– Dire et juger que M. [S] [Z] et Mme [U] [E] ne caractérisent leur dommage ni dans son principe ni dans son quantum,
– Débouter M. [S] [Z] et Mme [U] [E] de toutes leurs demandes,
– Condamner M. [S] [Z] et Mme [U] [E] in solidum, à payer à la Société « MMA IARD » et à la Société « MMA IARD assurances mutuelles » ès qualités d’assureur de la responsabilité civile professionnelle de Maître [J] [C] et de la « Vanysacker, notaires associes », à chacun, la somme de 2 500 euros au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,
– Condamner in solidum M. [S] [Z] et Mme [U] [E] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Kuhn, société d’avocat qui y a pourvu, conformément aux dispositions de l’Article 699 du Code de Procédure Civile.
Les sociétés MMA font valoir qu’à défaut de nullité des ventes conclues, les demandes présentées au titre du prix de vente, des frais de vente, du coût total du prêt, du coût de l’assurance du prêt, des taxes foncières et des charges de copropriété sont irrecevables ou mal fondées, à titre subsidiaire qu’ils ne justifient pas du paiement effectif des taxes foncières et du montant des charges de copropriété lesquelles constituent la contrepartie normale de la qualité de propriétaire qu’ils n’ont jamais cessé d’avoir.
Elles rajoutent que le préjudice afférent à la prétendue impossibilité de prendre possession de l’appartement correspondant, qui seul peut donner lieu à indemnisation, n’est pas établi.
Le notaire, Me [C] et la SCP notariale ont constitué avocat mais n’ont pas conclu devant la cour d’appel de renvoi.
En application de l’article 1037 -1 du code de procédure civile, aux termes de leurs dernières conclusions en date du 16 janvier 2019 devant la cour d’appel de Paris statuant avant cassation, ils demandaient de dire que le notaire n’a pas commis de faute et que ni le préjudice invoqué ni le lien de causalité prétendu entre ce préjudice et la faute alléguée ne sont caractérisés ce qui conduit au rejet des demandes des consorts [Z].
La clôture a été prononcée le 30 novembre 2022.
MOTIFS
Sur la portée de la cassation partielle :
En application de l’article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce . Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
En l’espèce, la cassation partielle est limitée en ce que l’arrêt ayant fait l’objet du pourvoi rejette la demande en paiement de dommages-intérêts de M. [Z] et Mme [E] dirigée contre le notaire.
Dès lors, le débat est circonscrit au préjudice et au lien de causalité, la faute du notaire étant acquise.
Sur le préjudice et le lien de causalité :
Les sous-ventes n’ont pas été résolues par l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 22 février 2019, disposition qui n’a pas fait l’objet de la cassation. Les consorts [Z], qui sont demeurés propriétaires, ne subissent dès lors aucun risque d’éviction.
Leur demande de dommages et intérêts correspondant au prix de vente, aux frais de vente, au coût total du prêt et au coût de l’assurance, formée à l’encontre du notaire et de la SCP notariale, doit être rejetée ne s’agissant pas d’un préjudice résultant des fautes alléguées contre le notaire. Le paiement du prix à l’aide d’un crédit et les frais d’assurance de celui-ci et de la vente sont en effet la contrepartie de leur acquisition qui n’a pas été annulée et ne constituent dès lors pas un préjudice.
M.[Z] demande aussi des dommages et intérêts correspondant aux taxes foncières et charges de copropriété dont il déclare s’être acquitté pour la somme de 20.251,72 euros.
Cependant ces sommes sont dues en raison de leur qualité de propriétaires et ne peuvent, à l’identique, pas constituer un préjudice indemnisable au titre des fautes alléguées à l’encontre du notaire et de la SCP notariale.
Le préjudice à indemniser suite à la cassation partielle résulte de l’absence de prise de possession de l’appartement acquis par les consorts [Z].
Or les consorts [Z] ne demandent réparation ni ne justifient d’aucun préjudice matériel en lien de causalité avec l’absence de prise de possession.
Il y a lieu par conséquent de les débouter de leur demande au titre d’un préjudice matériel d’ordre financier.
Les consorts [Z] sollicitent également l’indemnisation de leur préjudice moral.
Il y a lieu de retenir que la faute du notaire a engendré pour eux un préjudice moral en raison des démarches, tracas divers et des difficultés auxquelles ils ont dû faire face (une assignation a été délivrée à leur encontre et Monsieur [Z] a fait l’objet d’une procédure de saisie sur salaires).
En revanche, la preuve que leur divorce, 4 années après l’achat du bien, en résulterait n’est pas rapportée par eux.
Dès lors, Maître [C] et la SCP notariale sont condamnés in solidum à leur payer la somme de 7.500 euros chacun de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral.
La demande d’indemnisation au titre de leurs frais de huissier pour faire établir les constats, versés à l’appui de leur demande au titre de leur préjudice matériel et qui ne sont pas en lien avec le préjudice moral auquel il est seul fait droit, est rejetée.
Il y a lieu de condamner les sociétés MMA, en leur qualité d’assureur responsabilité professionnelle, à garantir Maître [C] ainsi que la SCP notariale de l’ensemble des condamnations prononcées à leur encontre.
Sur la demande au titre d’une amende civile:
Les consorts [Z] demandent la condamnation de Maître [C] ainsi que de la SCP Vanysacker [C] Vanysacker-Ballif ou de la MMA au versement d’une amende civile de 10 000 euros par application des dispositions de l’article 32- 1 du code de procédure civile. Ils font état d’une absence de loyauté processuelle des MMA en raison de la tardiveté de leur intervention en cause d’appel.
L’article 32-1 du code de procédure civile ne pouvant être mis en oeuvre que de l’initiative du tribunal saisi, les consorts [Z] ne peuvent qu’être déboutés de leur demande de ce chef.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [Z] succombant pour une grande partie de leurs demandes, chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de la saisine,
Infirme la décision déférée en ce qu’elle a débouté les consorts [Z] de leur demande de dommages et intérêts ;
Statuant du chef infirmé, et y ajoutant,
Condamne in solidum Maître [C] ainsi que la SCP Vanysacker [C] Vanysacker-Ballif à payer aux consorts [Z] la somme de 7.500 euros chacun au titre de leur préjudice moral ;
Condamne la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles ès qualités d’assureurs de la responsabilité civile professionnelle de la SAS Vanysacker, notaires associés et de Maître [J] [C], notaire associé, à les garantir de cette condamnation ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel;
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE