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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 02 FEVRIER 2023
N° 2023/87
Rôle N° RG 21/16052 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIMPG
[D], [M] [V]
[O], [I], [X] [N] épouse [V]
C/
Association ASA [Adresse 11]
S.C.I. SILVANA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Christophe COUTURIER
Me Philippe PARISI
Me Jean-françois JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 03 novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02939.
APPELANTS
Monsieur [D] [V]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 9]
Madame [O] [N] épouse [V]
née le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 14]
demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Christophe COUTURIER de la SCP COUTURIER ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
INTIMEES
Association syndicale autorisée des Propriétaires du [Adresse 10] – ASA [Adresse 11]
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 3]
représentée par Me Philippe PARISI de la SELARL IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Lucrezia MOTHERE, avocat au barreau de TOULON, plaidant
S.C.I. SILVANA
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 6]
représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Nathalie ARPINO de la SELARL AB ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 03 janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, M. PACAUD, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 février 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 février 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
L’association syndicale autorisée (ASA) des propriétaires du lotissement de [Adresse 10], régie par l’article 2 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 a pour objet statutaire l’aménagement et l’entretien du lotissement de [Adresse 10], sis à [Localité 12].
Ses statuts ont été mis en conformité avec l’ordonnance de 2004 par arrêté du sous-préfet du Var, le 19 janvier 2016.
Parmi les ouvrages communs gérés et entretenus par l’ASA figurent, outre les voies de desserte, un certain nombre d’espaces verts à usage commun, dénommés « zones vertes », qui font partie des espaces libres publics, représentent 25 % de la superficie totale de l’ASA et intègrent, selon les intimés, la parcelle cadastrée AH n° [Cadastre 4] sise [Adresse 7].
Elles ont été consacrées ‘non constructibles’ dans le cahier des charges de 1927 et étaient, selon l’ASA, destinées à être transférées par le promoteur immobilier d’origine, la société du [Adresse 10], vers l’Association Syndicale Autorisée des propriétaires du Lotissement.
Le 28 septembre 2017, soit plus de 70 ans après la réalisation des dernières tranches du lotissement, l’ASA a été avisée par l’étude [E], notaire à [Localité 8], d’une cession de la parcelle AH n°[Cadastre 4] par la société du [Adresse 10] et Cie, lotisseur, à la société Koh Lipe, marchand de biens.
Celle-ci l’a, à son tour, cédée à M. [D] [V] et à son épouse, Mme [O] [N], le 2 juillet 2018.
Suite à cette acquisition, madame [V] a sollicité et obtenu des services de l’urbanisme de la mairie de [Localité 12], un permis de démolir un mur situé sur la parcelle AH n°[Cadastre 4] et une décision de non opposition à déclaration préalable de travaux, portant sur la création d’une clôture et d’un portail aux fins de clore la parcelle AH n° [Cadastre 4]. Ces décisions ont été mises en ‘uvre et les époux [V] ont, notamment, entrepris d’ériger des poteaux et d’installer un portail à l’entrée de la parcelle AH n° [Cadastre 4].
Par acte d’huisier en date du 26 avril 2021, l’ASA des propriétaires du [Adresse 10] a fait assigner M. et Mme [V] devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan aux fins d’entendre :
– ordonner la cessation du trouble manifestement illicite provoqué par la construction d’un portail et d’une clôture sur la parcelle AH n° [Cadastre 4] et la fermeture de l’espace vert qui en découle et faire interdiction aux requis de procéder à cette fermeture ;
– condamner M. et Mme [V] à supprimer le portail et la clôture et à laisser libre accès à la parcelle AH n° [Cadastre 4] sous astreinte de 2 000 euros par jour à compter du prononcé de l’ordonnance ;
– condamner M. et Mme [V] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
La société civile immobilière Silvana, propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 5] depuis le 30 décembre 2004, est intervenue volontairement à la procédure.
Par ordonnance contradictoire en date du 3 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :
– condamné M. [D] [V] et Mme [O] [N] épouse [V] à supprimer l’ensemble des ouvrages installés sur la parcelle AH [Cadastre 4] qui ont pour conséquence d’en clore l’accès, y compris les poteaux métalliques et maçonnés installés, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la date de signification de son ordonnance et pendant un délai de 4 mois passé lequel il pourra être procédé à la liquidation de l’astreinte provisoire et au prononcé éventuel d’une nouvelle astreinte ;
– condamné M. [D] [V] et Mme [O] [N] épouse [V] à payer à l’ASA des Propriétaires du [Adresse 10] la somme de 1 500 euros et à la SCI Silvana la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [D] [V] et Mme [O] [N] épouse [V] aux entiers dépens.
Il a notamment considéré que la clôture de la parcelle AH [Cadastre 4] constituait un trouble manifestement illicite dès lors que :
– la parcelle acquise par les époux [V] était répertoriée en zone verte à la création du lotissement en 1927 et a été utilisée comme telle par l’ASL qui s’est chargée de son entretien ;
– le cahier des charges de 1927, repris ultérieurement, prévoyait que le sol des rues et espaces libres (demeurerait) affecté perpétuellement à la circulation publique ;
– l’accès à la parcelle de la SCI Silvana s’effectuait par un passage via la parcelle AH [Cadastre 4] depuis la construction de la maison ;
– l’acte notarié des époux [V] comporte, en page 6, une mention relative à leur adhésion à l’association syndicale dont le cahier des charges s’impose à eux.
Selon déclaration reçue au greffe le 15 novembre 2021, M. et Mme [V] ont interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 10 janvier 2022 , auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour qu’elle :
– réforme l’ordonnance entreprise ;
– déboute l’Association Syndicale Autorisée des propriétaires du lotissement de la [Adresse 10] de l’ensemble de ses demandes ;
– déboute la SCI Silvana de l’ensemble de ses demandes ;
– condamne l’Association Syndicale Autorisée des propriétaires du lotissement de la [Adresse 10] et la SCI Silvana à leur payer la somme de 3 500 euros, chacune, sur le fondement des dispositions de 1’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne l’Association Syndicale Autorisée des propriétaires du lotissement de la [Adresse 10] au paiement des entiers dépens de l’instance, directement distraits auprès de la SCP Couturier & Associés, sur ses offres de droits.
Par dernières conclusions transmises le 18 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l’Association Syndicale Autorisée des propriétaires du lotissement de [Adresse 10] sollicite de la cour qu’elle :
– confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;
– condamne M. et Mme [V] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions transmises le 12 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Silvana sollicite de la cour qu’elle :
– confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;
– condamne M. et Mme [V] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 14 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le trouble manifestement illicite
Aux termes de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite visé par ce texte désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Il doit être constaté lorsque, même en l’absence de servitude établie, il est fait obstacle à l’utilisation paisible et prolongée d’un passage.
Il peut également résulter d’une voie de fait, entendue comme un comportement s’écartant si ouvertement dès règles légales et usages communs, qu’il justifie de la part de celui qui en est victime le recours immédiat à une procèdure d’urgence afin de le faire cesser.
L’existence de contestations, fussent-elles sérieuses, n’empêche pas le juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Enfin, pour apprécier la réalité de ce dernier, la cour d’appel, statuant en référé, doit se placer au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue.
En l’espèce, il s’induit du plan annexé au cahier des charges du lotissement du [Adresse 10], rapproché des attestations de Mme [W] [G], Mme [U] [XF], M. [JI] [C], M. [R] [S], M. [J] [OK], M. [B] [Z], Mme [L] [ZO] épouse [Z], M. [YF] [T], M. [WW] [VM], M. [P] [H], M. [Y] [NB] et M. [P] [F] que, depuis la création dudit lotissement en 1927, la parcelle AH n° [Cadastre 4] est demeurée en l’état d’espace vert, et a été, comme telle, entretenue par l’ASA des propriétaires et utilisée pour l’agrément, la promenade et le passage de ces derniers.
En outre, depuis son aménagement par l’édification, en 1961, de sa maison d’hatitation par Mme [K], auteur de la SCI Silvana, la desserte principale de la parcelle AH n° [Cadastre 5], depuis l'[Adresse 7], passe par la parcelle AH n° [Cadastre 4] et ce, sans que l’ASA, en charge de l’entretien de cette dernière, ou la société du [Adresse 10] et Cie, lotisseur et propriétaire de ladite parcelle jusqu’à sa vente à la société Koh Lipe (par acte reçu le 21 septembre 2017 par Maître [E], notaire à [Localité 8]), ne s’en soit émues.
Dès lors en faisant, dans le courant de l’année 2020, poser des poteaux métalliques et maçonnés ainsi qu’une chaîne et un portail à l’entrée de la parcelle AH n° [Cadastre 4] pour en privatiser l’accès, comme attesté par les procès-verbaux de constat dressés les 15, 21, 22 et 23 avril 2021, par Maître [A], huissier de justice à [Localité 13], les époux [V] ont manifestement fait obstacle à l’utilisation paisible et prolongée d’un passage régulièrement emprunté par les ayants-droit de la SCI Silvana et autres occupants du lotissement.
Aussi, les arguments développés par les appelants fondés, d’une part, sur le fait qu’ils seraient titrés sur la parcelle AH n° [Cadastre 4], à la différence de l’ASA qui fait plaider l’usucapion dans le cadre d’une instance au fond pendante devant le tribunal judiciaire de Draguignan et, d’autre part, que l’article 7 alinéa 2 du cahier des charges du lotissement imposerait à la parcelle AH n° [Cadastre 5] de réaliser un accès direct sur l'[Adresse 7], qu’elle jouxte directement, sont inopérants, s’agissant de l’appréciation du trouble manifestement illicite dénoncé, lequel doit être considéré comme constitué dès lors qu’il est brutalement mis un terme à un passage anciennement consenti, voire seulement toléré.
L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce quelle condamné sous astreinte M. et Mme [V] à supprimer l’ensemble des ouvrages installés sur la parcelle AH [Cadastre 4] qui ont pour conséquence d’en clore l’accès.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné M. [D] [V] et Mme [O] [N] épouse [V] aux entiers dépens et à verser à l’ASA des Propriétaires du [Adresse 10] et à la SCI Silvana, chacune, la somme de 3 000 euros.
Les époux [V], qui succombent au litige, seront déboutés de leur demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des intimées les frais non compris dans les dépens, qu’elle ont exposés pour leur défense. Il leur sera donc alloué, à chacune, une somme de 3 000 euros en cause d’appel.
M. et Mme [V] supporteront en outre les dépens de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne solidairement M. [D] [V] et Mme [O] [N] épouse [V] à payer à l’association syndicale autorisée des propriétaires du lotissement de [Adresse 10] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. [D] [V] et Mme [O] [N] épouse [V] à payer à la SCI Silvana la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [D] [V] et Mme [O] [N] épouse [V] de leur demande sur ce même fondement ;
Condamne M. [D] [V] et Mme [O] [N] épouse [V] aux dépens d’appel.
La greffière Le président