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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 19 JANVIER 2023
N° 2023/11
Rôle N° RG 19/13724 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEZYH
SA CENTRALE KREDIETVERLENING
C/
[I] [V]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Philippe KLEIN
Me Léa BOUSQUET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 19 Juillet 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/06574.
APPELANTE
SA CENTRALE KREDIETVERLENING, Société Anonyme de droit belge, venant aux droits de la Société Anonyme de droit belge RECORD CREDITS, anciennement déommée RECORD BANK, représentée par ses administrateurs légaux,
dont le siège social est sis [Adresse 8] – BELGIQUE ([Localité 9])
représentée par Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Andréa PEREZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [I] [V]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 3] – [Localité 4]
représenté par Me Léa BOUSQUET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 19 Janvier 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023
Signé par Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon acte authentique de Maître [C], notaire à [Localité 6], du 10 septembre 2001, la société de droit belge Record Bank a consenti à M. [I] [V] et Mme [T] [G] un prêt d’un montant de 7 690 000 francs belges soit environ 1 250 000 francs français ou 190 561,27 euros remboursable in fine le 5 octobre 2004, au taux d’intérêts de 8% l’an, lesdits intérêts étant remboursables par échéances trimestrielles.
En garantie de ce prêt, les époux [V]-[G] ont consenti une hypothèque sur leur immeuble d’habitation situé à [Localité 4], lieudit « [Adresse 7] ».
Les époux [V]-[G] ont sollicité et obtenu plusieurs reports de l’échéance de leur prêt, moyennant la poursuite du paiement des échéances trimestrielles d’intérêts, le taux ayant été réduit à 7%.
La banque a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire, alors tribunal de grande instance, de Draguignan, lequel a, par jugement du 21 août 2009, ordonné la vente forcée du bien immobilier.
Selon accord entre les parties du 16 novembre 2009, la banque a renoncé à la vente forcée et accepté un nouveau report de l’échéance du prêt, moyennant le paiement de l’arriéré des intérêts.
Deux nouveaux reports de l’échéance du prêt ont été accordés les 19 novembre 2012 et le 7 mars 2014.
Mme [T] [G] est décédée le [Date décès 2] 2013.
Le 20 octobre 2017, M. [I] [V] et les enfants du couple ont signé une nouvelle prorogation du prêt, l’échéance finale étant fixée au 5 juillet 2017, et les intérêts, fixés au taux de 7%, devant être réglés par échéance trimestrielle de 3 336,02 euros.
Le prêt n’a pas été réglé à cette échéance.
Par acte du 16 août 2017, M. [I] [V] a fait assigner la SA de droit belge Record Bank, aux droits de laquelle vient désormais la SA Centrale Kredietverlening (la société CKV) devant le tribunal de grande instance de Draguignan pour voir dire que la créance de la banque était prescrite depuis le 5 janvier 2009 et la voir condamner à lui rembourser les sommes indument perçues à compter du 16 novembre 2009.
Par jugement du 19 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan, devenu tribunal judiciaire, a :
– déclaré la créance prescrite depuis le 5 juillet 2009,
– condamné la société de droit belge Centrale Kredietverlening à restituer à M. [I] [V] la somme de 164 602,99 euros,
– condamné la société de droit belge Centrale Kredietverlening à payer à M. [I] [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens avec application de l’article 699 du Code de procédure civile.
La SA de droit belge Centrale Kredietverlening a interjeté appel par déclaration du 23 août 2019.
Par conclusions du 7 avril 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SA de droit belge Centrale Kredietverlening demande à la cour de :
1. à titre liminaire :
– dire et juger la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening, venant aux droits de la société Record Crédits anciennement dénommée Record Bank, recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 19 juillet 2019 en ce qu’il a :
– déclaré la créance hypothécaire de la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening, venant aux droits de la société Record Crédits anciennement dénommée Record Bank prescrite depuis le 5 juillet 2009 ;
– condamné la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening à restituer à [I] [V] la somme de 164.602,99 € ;
– condamné la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening à payer à [I] [V] la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
et statuant à nouveau :
– dire et juger que le contrat de prêt hypothécaire, ayant été conclu entre les parties en date du 10 septembre 2001, les dispositions de l’article L 137-2 ancien du Code de la consommation, entrées en vigueur à compter du 19 juin 2008, ne peuvent aucunement trouver application avant cette date ;
– dire et juger que M. [V], ayant souscrit l’emprunt litigieux dans le cadre de son activité professionnelle, reste soumis à l’application de l’article L. 110-4 nouveau du Code de commerce et ne peut bénéficier des dispositions applicables au consommateur ;
– dire et juger que la prescription quinquennale instaurée par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ne s’applique qu’à compter du 19 juin 2008, jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;
– dire et juger que le délai de prescription de l’action qui était de 10 ans, en application de l’article L. 110-4 ancien du Code de commerce, n’était pas expiré au 19 juin 2008, date de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, et qu’il a en conséquence repris pour cinq ans à compter du 19 juin 2008, soit jusqu’au 19 juin 2013 ;
2. à titre subsidiaire :
– dire et juger que la créance hypothécaire de la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening ne serait pas non plus prescrite dans l’hypothèse où M. [V] serait considéré comme un consommateur et que la prescription biennale lui serait applicable à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ;
dans cette hypothèse :
– dire et juger que le délai de prescription de l’action qui était de 10 ans, en application de l’article L. 110-4 ancien du Code de commerce, n’était pas expiré au 19 juin 2008, date de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, et qu’il a en conséquence repris pour deux ans à compter du 19 juin 2008, soit jusqu’au 19 juin 2010 ;
3. en tout état de cause :
– dire et juger que le courrier adressé par M. [V] en date du 7 janvier 2009 constitue une reconnaissance claire et sans équivoque de la créance de la société Record Bank, aux droits de laquelle vient désormais la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening ;
– dire et juger que le courrier adressé par M. [V] en date du 7 janvier 2009 constitue bel et bien une reconnaissance de dette au sens de l’article 2240 du Code civil et a interrompu la prescription en date du 7 janvier 2009 ;
– dire et juger que le cours de la prescription a bel et bien été interrompu entre le 5 juillet 2007 et le 16 novembre 2009 ;
– dire et juger que de nombreux actes interruptifs de prescription liés à la créance hypothécaire détenue par la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la société Record Crédits, anciennement dénommée Record Bank, sont intervenus depuis le 5 juillet 2009 ;
ce faisant :
– dire et juger que la créance hypothécaire de la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening, venant aux droits de la société Record Crédits anciennement dénommée Record Bank n’est aucunement prescrite
4. à titre subsidiaire :
– dire et juger que les paiements effectués par M. [V] pour éteindre sa dette entre les mains de la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening, venant aux droits de la société Record Crédits anciennement dénommée Record Bank, ne peuvent être répétés au seul motif que le délai de prescription était expiré ;
– dire et juger que la condamnation prononcée à l’encontre de la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening à restituer la somme de 164.602,99 euros entre les mains de M. [V] se heurte aux dispositions de l’article 2249 du Code civil.
5. à titre infiniment subsidiaire :
– débouter M. [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions fondant son appel incident ;
– constater l’absence de caractère erroné du TEG du contrat de prêt du 10 septembre 2001 et ce faisant, rejeter la demande de substitution du taux d’intérêt conventionnel par le taux d’intérêt légal formulée par M. [V] ;
– dire et juger que la société CKV venant aux droits de la société Record Crédits, anciennement dénommée Record Bank, n’a aucunement manqué à ses obligations de bonne foi et de mise en garde à l’égard de M. [V] ;
6. en toutes hypothèses :
– condamner M. [V] à payer à la société anonyme de droit belge Centrale Kredietverlening, venant aux droits de la société Record Crédits, anciennement dénommée Record Bank, la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner, sur le fondement de l’article 696 du Code de procédure civile, M. [V] aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SCP Ribon Klein, prise en la personne de Maître Philippe Klein.
Par conclusions du 18 août 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [I] [V] demande à la cour de :
à titre principal :
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a déclaré la créance prescrite depuis le 5 juillet 2009 et condamner la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, à payer à M. [V] les sommes indument perçues à partir du 16 novembre 2009, soit la somme de 164.602,99 € à parfaire au jour du jugement à intervenir ainsi qu’au paiement d’une somme de 2.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
appel incident : si la cour réforme le jugement entrepris et rejette l’argument tiré de la prescription, M. [V] sollicite qu’il plaise à la cour de :
– dire et juger que la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, a failli à son obligation de loyauté et de bonne foi dans l’exécution du contrat ;
– dire et juger que la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, a manqué à son obligation de mise en garde, ainsi qu’à son obligation d’information à l’égard de M. [V] ;
– dire et juger que la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, a également commis une faute en imposant à M. [V] des actes irréguliers,
en conséquence :
– prononcer la résolution du contrat de prêt en date du 10 septembre 2001 et de ses avenants de reconduction aux torts exclusifs de la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank,
– condamner la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, à payer à M. [V] la somme de 241.808,17 € (à parfaire au jour du jugement à intervenir) correspondant aux intérêts contractuels abusivement perçus, avec intérêt au taux légal à compter du 8 juin 2016, à titre de dommages et intérêts ;
– ordonner la compensation de cette somme avec les sommes dues par M. [V] à la SA de droit belge Centrale Kredietverlening, venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, et condamner la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, à régler à M. [V] le surplus ;
à titre infiniment subsidiaire :
– constater que le contrat de prêt et les avenants de reconduction successifs enfreignent les dispositions légales susvisées.
– prononcer la nullité de la stipulation d’intérêts contenue dans l’acte notarié de prêt et de la reconnaissance de l’obligation de payer des intérêts ;
– condamner la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, à verser à M. [V] la somme de 241.808,17 € correspondant aux intérêts contractuels indument perçus, à parfaire au jour du jugement à intervenir, dont à déduire les intérêts au taux légal, avec intérêt au taux légal à compter du 8 juin 2016, date de la tentative amiable de règlement ;
en tout état de cause :
y ajoutant,
– débouter la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la SA de droit belge Centrale Kredietverlening venant aux droits de la Record Credits anciennement dénommée Record Bank, à payer à M. [V] la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
MOTIFS
– Sur le délai de prescription applicable :
Le prêt a été souscrit le 10 septembre 2001, par acte authentique, pour obtenir de la trésorerie destinée au rachat d’un portefeuille d’assurance et au remboursement d’un prêt personnel consenti par le Crédit agricole Provence Côte d’Azur aux emprunteurs. L’acte précise que le prêt n’entre pas dans le champ d’application de la loi du 13 juillet 1979.
La prescription applicable au jour de la souscription du prêt était par conséquent celle de l’article L. 110-4 du code de commerce, d’une durée de dix années, le prêt constituant pour la banque un acte de commerce.
L’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, créant l’article L. 137-2 du Code de la consommation devenu L. 218-2, a instauré une prescription de deux années applicable à l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, le prêt consenti aux époux [V]-[G] ne peut être qualifié de prêt professionnel dans la mesure où il n’est nullement démontré que les fonds destinés au rachat d’un portefeuille d’assurance aient été destinés à l’activité professionnelle de l’un ou l’autre des co-emprunteurs.
La prescription biennale, instaurée par l’article L. 137-2 du Code de la consommation issu de la loi du 17 juin 2008, est devenue applicable à compter du 19 juin 2008 et concerne l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs. Ce texte édicte une règle de portée générale ayant vocation à s’appliquer à tous les services financiers consentis par des professionnels à des particuliers et la prescription issue de ce texte, est donc applicable aux actions nées du prêt consenti aux intimés.
C’est donc à tort que l’appelante se prévaut des seules dispositions de l’article L. 110-4 du Code de commerce.
– Sur le cours du délai et les causes d’interruption :
La banque soutient que si la prescription de l’article L. 137-2 du Code de la consommation était applicable, celle-ci expirait le 19 juin 2010 et elle a été interrompue par la prorogation du prêt intervenue le 16 novembre 2009, qui constitue une reconnaissance de sa dette par l’intimé.
M. [I] [V] fait valoir quant à lui que c’est bien la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code de la consommation qui est applicable, qu’elle a commencé à courir le 5 janvier 2007, lorsqu’il a cessé tout paiement et qu’il n’est justifié d’aucune interruption avant le 5 janvier 2009.
En premier lieu, contrairement à ce que fait valoir M. [I] [V], la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code de la consommation n’a pas pu commencer à courir à compter du 5 janvier 2007, ce texte n’ayant été adopté que par la loi du 17 juin 2008.
En second lieu, il n’est pas discuté que les paiements ont été interrompus en janvier 2007 et que le prêt n’a pas été remboursé à son échéance le 5 juillet 2007, cette date constituant dès lors le point de départ de la prescription de dix années en application de l’article L. 110-4 du Code de commerce, comme rappelé ci-dessus.
Au jour de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et par conséquent de l’article L. 137-2 du Code de la consommation, la prescription était en cours.
Aux termes de l’article 26 II de cette loi, les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Dès lors la prescription de l’article L. 137-2 du Code de la consommation a commencé à courir le 19 juin 2008 pour expirer le 19 juin 2010.
En application de l’article 2240 du Code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, interrompt la prescription.
La banque a produit en pièce 13 un document signé par les deux co-emprunteurs, aux termes duquel le montant de la créance est rappelé ainsi que les modalités de règlement.
Mme [T] [G]-[V] et M. [I] [V] ont chacun apposé la mention « bon pour accord » et ont signé. M. [I] [V] ne dénie ni les signatures, ni les mentions, ni la date du document et n’établit l’existence d’aucun vice du consentement.
Les emprunteurs ont ainsi reconnu l’existence de la dette et cet acte a interrompu la prescription qui courait, selon les conclusions concordantes des parties, depuis le 5 juillet 2009, sans même qu’il soit besoin de discuter la validité de la lettre qu’aurait adressé M. [I] [V] le 7 janvier 2009.
La pièce 24 produite par la banque établit ensuite le paiement des échéances d’intérêts de la créance et les pièces 13 à 15 et 17, les prorogations du prêt jusqu’au 5 juillet 2017, signées par M. [I] [V] qui constituent autant d’interruptions de la prescription biennale.
La prescription n’est donc pas acquise et le jugement déféré est infirmé en toutes ses dispositions.
– Sur la demande de résolution du contrat :
M. [I] [V] demande que soit prononcée la résolution du contrat en raison du manquement de la banque à son obligation de bonne foi, à son obligation de mise en garde, à son obligation d’information et parce qu’elle a commis des actes irréguliers au regard des dispositions impératives relatives au taux effectif global.
La violation du devoir de mise en garde et du devoir d’information, qui sont des obligations préalables à la souscription du contrat, est sanctionnée par l’allocation de dommages et intérêts et non par la résolution du contrat, elles seront examinées ci-après.
La sanction d’un taux effectif global erroné n’est pas plus la résolution du contrat mais la déchéance du droit aux intérêts. Cette question sera également examinée ci-dessous.
M. [I] [V] sollicite la résolution du contrat en raison de l’absence de bonne foi de la banque dans l’exécution du contrat « en reconduisant abusivement le prêt litigieux, dans le seul but de privilégier ses propres intérêts et en nuisant considérablement à son client, le laissant chaque année dans une situation identique ». Il ajoute qu’il « est manifeste que la banque a fait un usage déloyal d’une prérogative contractuelle, à savoir la déchéance du terme, dans le seul but d’encaisser des échéances trimestrielles d’un montant de 3 336 euros au taux de 7% ».
Sur ce, s’agissant d’un prêt remboursable in fine, les emprunteurs étaient redevables du capital à l’échéance initiale du 5 octobre 2004 ainsi qu’à chaque prorogation de ce terme.
La banque n’a pas abusivement prononcé une déchéance du terme mais repoussé la date d’échéance, moyennant le versement d’intérêts, ce qui est de l’essence même d’un prêt, toujours à la demande des emprunteurs, lesquels étaient manifestement dans l’incapacité de rembourser le capital emprunté.
La teneur des courriers échangés ne laisse aucun doute sur l’existence de demandes de prorogation des emprunteurs et il ne peut être considéré que la banque a agi de mauvaise foi ou de manière déloyale en consentant à renoncer à la procédure de saisie immobilière pour conclure un nouvel accord de remboursement.
M. [I] [V], qui ne démontre pas qu’il avait proposé à son créancier une autre solution de remboursement plus avantageuse pour lui, ni la mauvaise foi de la banque dans le recours aux prorogations du prêt, est débouté de sa demande de résolution du prêt.
– Sur le devoir de mise en garde :
M. [I] [V] fait valoir qu’il n’est pas un emprunteur averti, nonobstant ses fonctions de dirigeant de société et que compte tenu de l’endettement généré par le crédit, la banque aurait dû attirer l’attention des emprunteurs et ne pas exiger d’eux des engagements qu’elle savait excessifs.
Sur ce, l’obligation de mise en garde, et non de conseil, à laquelle peut être tenu le banquier dispensateur de crédit envers l’emprunteur est subordonnée à deux conditions, la qualité d’emprunteur non averti, et l’existence, au regard des capacités financières de celui-ci, d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt.
La banque justifie qu’au jour de la souscription du prêt, M. [I] [V] était président du conseil d’administration de la SA Finingest France et co-gérant, avec son épouse, depuis 1987, d’une SARL Investissement multiservices distribution qui avait une activité de marchand de biens et de prestations de services concernant l’ensemble du traitement des affaires immobilières.
Les emprunteurs avaient ainsi, compte tenu de leur activité professionnelle au sein de la SARL investissement multiservices distribution, une parfaite connaissance de tous les modes de financement, y compris le fonctionnement d’un prêt in fine. Ils doivent être en conséquence considérés comme avertis et la banque n’était débitrice à leur égard au moment de l’octroi du prêt, d’aucun devoir de mise en garde.
En tout état de cause, même à considérer les emprunteurs comme non avertis, il n’est justifié par M. [I] [V] d’aucun risque d’endettement né de l’octroi de ce prêt puisqu’aucune pièce justifiant de la situation financière et patrimoniale des emprunteurs n’est produite aux débats.
Enfin, l’établissement de crédit qui accorde des remises, des délais ou des facilités de paiement n’est pas tenu à un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur à qui ces délais, remises et facilités sont octroyés.
M. [I] [V] est débouté de toutes ses demandes à ce titre.
– Sur l’obligation d’information :
M. [I] [V] se prévaut des articles L. 313-11 et L. 313-12 du Code de la consommation, dans leur version issue de l’ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016 laquelle est inapplicable à un prêt souscrit en 2001 par acte authentique.
En effet, les dispositions relatives au crédit dans le Code de la consommation en vigueur au jour de la souscription du prêt, excluaient expressément les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique (article L. 311-3 dans sa rédaction issue de la loi 93-949 du 27 juillet 1993).
Le moyen est dépourvu de toute portée.
– Sur l’inexactitude du taux effectif global du prêt :
Soutenant que le contrat de prêt et les avenants de reconduction successifs enfreignaient les dispositions impératives du Code de la consommation en vigueur au jour du prêt, M. [I] [V] sollicite la nullité de la stipulation d’intérêt et la somme de 241 808,17 euros au titre des intérêts indument perçus.
La banque soulève la prescription de cette demande.
M. [I] [V] ayant formulé une demande de condamnation de la banque au titre de l’irrégularité allégué du taux effectif global, elle est soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.
L’intimé soutient que des frais ont été omis et que le calcul est inexact.
Cependant, l’omission alléguée de certains frais, alors que sont détaillés dans l’acte notarié tous les frais pris en compte pour le calcul du taux effectif global, était décelable par les emprunteurs à la simple lecture de leur acte, sans qu’il soit besoin d’aucun calcul.
En outre, la cour observe que le taux effectif global recalculé par l’expert amiable de l’intimé est de 8,9667% pour un taux effectif global annoncé de 8,88%, soit une différence de 0,0867%, inférieure à la décimale désormais exigée ; les textes en vigueur lors de la souscription du prêt n’exigeant qu’un taux effectif global inférieur au taux de l’usure. Ces mêmes textes n’exigeaient pas plus que le taux effectif global soit inscrit sur des avenants.
M. [I] [V] est débouté de l’intégralité de ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Draguignan du 19 juillet 2019,
Statuant à nouveau
Dit que la créance de la SA de droit belge Centrale Kredietverlening issue de l’acte authentique du 10 septembre 2001 n’est pas prescrite,
Déboute M. [I] [V] de l’intégralité de ses demandes,
Condamne M. [I] [V] aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. [I] [V] à payer à la SA de droit belge Centrale Kredietverlening la somme de trois mille euros.
LE GREFFIER LE PRESIDENT