Marchand de Biens : décision du 13 décembre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/00076

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Marchand de Biens : décision du 13 décembre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/00076
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ARRÊT N°598

N° RG 21/00076

N° Portalis DBV5-V-B7F-GFGB

ME [R] [O]-[B]

S.A.R.L. KRIS INVESTISSEMENT

C/

[BN]

[EO]

[J]

[T]

et autres (…)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 décembre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS

APPELANTES :

S.A.R.L. KRIS INVESTISSEMENT

N° SIRET : 502 127 483

[Adresse 14]

[Localité 11]

Intervenante volontaire :

Me CAPEL Marie-Laëtitia

es-qualité de mandataire liquidateur de la SARL KRIS INVESTISSEMENT

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 13]

ayant toutes deux pour avocat postulant Nicolas DUFLOS de la SCP DUFLOS-CAMBOURG, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Monsieur [V] [BN]

né le 28 Août 1956 à [Localité 11] (86)

[Adresse 6]

[Localité 10]

Madame [H] [BN] épouse [EO]

née le 17 Juin 1955 à [Localité 11] (86)

[Adresse 16]

[Localité 5]

Madame [S] [BN]

née le 18 Mai 1962 à [Localité 11] (86) ([Localité 11])

[Adresse 3]

[Localité 4]

Madame [WS] [J] veuve [BN]

née le 06 Septembre 1933 à [Localité 11] (86)

[Adresse 15]

[Localité 12]

ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS

Monsieur [KR] [T]

né le 27 Décembre 1941 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 11]

SELARL [ND]-THIESSE

Notaires associés

N° SIRET : 821 746 120

[Adresse 1]

[Localité 11]

ayant tous deux pour avocat postulant et plaidant Me Frédéric MADY de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PETILLION, avocat au barreau de POITIERS

S.A. CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

N° SIRET : 542 016 381

[Adresse 8]

[Localité 9]

ayant pour avocat postulant Me Thomas DROUINEAU de la SCP DROUINEAU-LE LAIN-VERGER-BERNARDEAU, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Paul BUISSON, avocat au barreau du VAL D’OISE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller qui a présenté son rapport

Monsieur [KR] MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société Kris Investissement a par acte du 26 septembre 2013 acquis de [WS] [J] épouse [BN], d'[H] [BN] épouse [EO], d'[V] [BN] et d'[S] [BN] un immeuble situé à [Localité 18], au prix de 275.000 €.

Une hypothèque judiciaire définitive était inscrite au profit de la société Crédit industriel et commercial (CIC) sur la part détenue par [H] [BN] épouse [EO].

Par ordonnance sur requête du 9 août 2013, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Poitiers a donné mainlevée de cette inscription, les fonds revenant à [H] [BN] épouse [EO] devant être consignés entre les mains de Maître [KR] [T], notaire à Poitiers.

La société Kris Investissement a convenu de la vente au prix de 75.000 € du lot numéro 2 à [H] [G] par compromis en date du 7 février 2017 et du lot numéro 3 à [A] [L] par compromis en date du 9 février suivant, au prix de 87.000 €. A ces actes, le vendeur a déclaré que l’immeuble était libre de toute inscription, transcription, publication ou mention et qu’il n’existait pas de charges ou restrictions susceptibles de porter atteinte au droit de propriété. La réitération par acte authentique était prévue sous la condition que l’état hypothécaire ne révèle pas d’inscription de privilège d’un montant supérieur au prix de vente convenu et que l’immeuble fût libre de toute inscription, transcription, publication ou mention pouvant porter atteinte aux droits de l’acquéreur.

L’inscription hypothécaire n’a pas été radiée.

[H] [G] n’a pas souhaité réitérer par acte authentique l’acquisition du lot n° 2.

Par acte des 17 et 26 octobre, 3 et 22 novembre 2017 et 8 janvier 2018, la société Kris Investissement a fait assigner [WS] [J] épouse [BN], [H] [BN] épouse [EO], [V] [BN], [S] [BN], Maître [KR] [T] notaire ayant assisté les vendeurs et la selarl [ND] et Thiesse son successeur devant le tribunal de grande instance de Poitiers.

Par acte du 13 mars 2018, Maître [KR] [T] et la Selarl [ND] et Thiesse ont fait assigner la société CIC en intervention forcée. Les procédures ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 28 juin 2018.

Le lot n°3 avait été vendu par acte du 1er mars 2018 à [A] [L], au prix de 93.000 €. Le lot n° 2 a été acquis par acte du 26 mars 2018 par [E] [L], au prix de 82.000 €. Le lot n° 1 sera vendu par acte du 12 avril 2019 à [W] [C] au prix de 175.000 €.

La société Kriss Investissement a demandé d’ordonner sous astreinte à ses vendeurs de justifier de la radiation de l’inscription hypothécaire et de les condamner au paiement des sommes de :

– 11.115,61 € en réparation du préjudice financier résultant du remboursement des intérêts d’emprunt ;

– 10.000 € en réparation du préjudice financier résultant de la perte de chance de renouveler l’opération d’investissement ;

– 39.000 € en réparation du préjudice financier résultant de la moins-value sur la vente du lot du rez-de-chaussée ;

– 10.000 € en réparation de son préjudice d’image et de réputation ;

– 6.725 € en réparation de son préjudice fiscal ;

– 50.000 € en réparation de son préjudice d’aggravation du passif ;

– 6.638 € en réparation du coût des taxes foncières 2017 et 2018.

Elle a soutenu que les vendeurs avaient manqué à leur obligation de céder un bien purgé de toute inscription hypothécaire, le service de la publicité foncière de Poitiers ayant notifié le 6 décembre 2013 à Maître [KR] [T] un refus de radiation, l’ordonnance du juge de l’exécution n’ayant pas mentionné les références des inscriptions d’hypothèque provisoire et définitive de 1994 et 1995. Selon elle, le notaire instrumentant avait engagé sa responsabilité délictuelle en n’ayant pas veillé à l’efficacité de son acte.

Les vendeurs ont conclu au rejet de ces demandes et sollicité la garantie du notaire, le défaut de radiation de l’inscription hypothécaire lui étant selon eux imputable à faute.

Maître [KR] [T] et la selarl [ND] et Thiesse ont conclu au rejet des demandes formées à leur encontre, aucun mandat n’ayant été confié afin de procéder à la radiation de l’inscription d’hypothèque et le conseil des vendeurs ayant été informé de la décision de rejet du service de la publicité foncière mais n’y ayant pas donné suite. Ils ont par ailleurs soutenu que les préjudices allégués n’étaient ni indemnisables, ni démontrés.

La société CIC a de même conclu au rejet des demandes formées à son encontre, d’une part n’ayant pas été partie à l’acte de vente, d’autre part la décision du juge de l’exécution ne lui ayant pas imposé de procéder à la radiation de l’inscription d’hypothèque, ni d’en supporter les frais. Elle a ajouté que la société Kris Investissement ne justifiait pas d’un préjudice indemnisable.

Par jugement du 7 décembre 2020, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de Poitiers a statué en ces termes :

‘Condamne Madame [WS] [J] épouse [BN], Madame [H] [BN] épouse [EO] , Monsieur [V] [BN] et Madame [S] [BN] solidairement , à payer à la SARL Kris Investissement la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Condamne Madame [WS] [J] épouse [BN], Madame [H] [BN] épouse [EO], Monsieur [V] [BN] et Madame [S] [BN] solidairement , à payer à la SARL Kris Investissement la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Maître [KR] [T] et la Selarl [ND] Thiesse à garantir intégralement Madame [WS] [J] épouse [BN], Madame [H] [BN] épouse [EO], Monsieur [V] [BN] et Madame [S] [BN] du montant de ces condamnations.

Condamne Madame [WS] [J] épouse [BN], Madame [H] [BN] épouse [EO] , Monsieur [V] [BN] et Madame [S] [BN] solidairement à justifier des frais des mainlevée et du certificat de radiation de l’hypothèque litigieuse, auprès de la SARL Kris Investissement, sous astreinte de 100 € par jour de retard, qui commencera à courir dans un délai de 4 mois à compter de la signification de la présente décision.

Rejette les autres demandes.

Condamne Maître [KR] [T] et la Selarl [ND] Thiesse aux dépens et dit que Me [X] pourra les recouvrer conformément dispositions de l’article 699 du code de procédure civile’.

Il a considéré que les vendeurs, en ne veillant pas à la radiation de l’inscription d’hypothèque alors qu’ils s’étaient engagés à délivrer un bien libre de toute inscription, avaient engagé leur responsabilité contractuelle.

Il a enjoint sous astreinte aux vendeurs de communiquer à la demanderesse le certificat de radiation de l’inscription d’hypothèque.

Il a fait droit à la demande d’indemnisation d’un préjudice d’image et de réputation à hauteur de 5.000 € et a rejeté les autres demandes indemnitaires, les préjudices allégués n’étant pas démontrés.

Il a considéré que le notaire, qui avait été chargé de procéder à la mainlevée de l’inscription hypothécaire, avait commis une faute en ne relançant pas le conseil des vendeurs et en ne tenant pas ces derniers informés de la difficulté alors même qu’il avait été pratiqué une saisie-attribution des fonds consignés en l’étude, voie d’exécution dont il avait été donné mainlevée par jugement du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bastia du 21 mars 2019 ayant déclaré prescrite l’action du CIC en exécution du jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 16 mars 1995.

Il a rejeté la demande de garantie formée à l’encontre de la société CIC aux motifs d’une part que l’initiative de la procédure de mainlevée de l’inscription hypothécaire ne lui incombait pas, d’autre part que ce créancier avait consenti en 2017 à la mainlevée.

Par déclaration reçue au greffe le 8 janvier 2021, la société Kris Investissement a interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 7 décembre 2021, le tribunal de commerce de Poitiers a ouvert à l’égard de la société Kris Investissement une procédure de liquidation judiciaire simplifiée. Maître [O] [B] [R] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire. Elle est en cette qualité intervenue volontairement à l’instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2022, la société Kris Investissement et Maître [O] [B] [R] ès qualités ont demandé de :

‘Vu l’ancien article 1184 du Code civil applicable au présent litige,

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du Code civil applicables au présent litige,

Vu l’ancien article 1382 du Code civil applicable au présent litige,

Vu l’acte notarié du 26 septembre 2013,

Juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par la SARL KRIS INVESTISSEMENT contre le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de POITIERS le 7 décembre 2020,

Juger recevable l’intervention volontaire de Me [R], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL KRIS INVESTISSEMENT

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné Madame [WS] [J] épouse [BN], Madame [H] [BN] épouse [EO], Monsieur [V] [BN] et Madame [S] [BN] solidairement à justifier des frais de mainlevée et du certificat de radiation de l’hypothèque litigieuse auprès de la SARL KRIS INVESTISSEMENT sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui commencera à courir dans un délai de 4 mois à compter de la signification de la présente décision,

Infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

Condamner in solidum Monsieur [V] [BN], Madame [S] [BN], Madame [WS] [BN], Madame [H] [EO] à payer à Maître [R], ès qualités, les sommes de :

1. 10.353,93 euros en réparation de son préjudice financier résultant du remboursement des intérêts,

2. 10.000 euros en réparation de son préjudice financier résultant de la perte de chance de faire une nouvelle opération d’investissement.

3. 39.000 euros en réparation de son préjudice financier résultant de la moins-value de vente du lot du rez-de-chaussée.

4. 10.000 euros en réparation de son préjudice d’image et de réputation.

5. 6.725 euros en réparation de son préjudice fiscal, à parfaire au jour du jugement à intervenir.

6. 50.000 euros en réparation de son préjudice d’aggravation du passif.

7. 6.638 euros en réparation du coût des taxes foncières 2017 et 2018.

Débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et prétentions

Condamner Monsieur [V] [BN], Madame [S] [BN], Madame [WS] [BN], Madame [H] [EO] à payer à Maître [R], ès qualités, la somme de 9.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en 1 ère instance et pour ceux exposés pour la présente procédure d’appel,

Condamner Monsieur [V] [BN], Madame [S] [BN], Madame [WS] [BN], Madame [H] [EO] aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que Maître [KR] [T] et la SELARL [ND]-THIESSE, Notaires associés, ont engagé leur responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil,

Condamner in solidum Monsieur [V] [BN], Madame [S] [BN], Madame [WS] [BN], Madame [H] [EO], Maître [KR] [T] et la SELARL [ND]-THIESSE, Notaires associés, à payer à Maître [R], ès qualités, les sommes de :

1. 10.353,93 euros en réparation de son préjudice financier résultant du remboursement des intérêts,

2. 10.000 euros en réparation de son préjudice financier résultant de la perte de chance de faire une nouvelle opération d’investissement.

3. 39.000 euros en réparation de son préjudice financier résultant de la moins-value de vente du lot du rez-de-chaussée.

4. 10.000 euros en réparation de son préjudice d’image et de réputation.

5. 6.725 euros en réparation de son préjudice fiscal, à parfaire au jour du jugement à intervenir.

6. 50.000 euros en réparation de son préjudice d’aggravation du passif.

7. 6.638 euros en réparation du coût des taxes foncières 2017 et 2018.

Débouter les défendeurs de toutes leurs demandes, fins et prétentions

Condamner in solidum Monsieur [V] [BN], Madame [S] [BN], Madame [WS] [BN], Madame [H] [EO], Maître [KR] [T] et la SELARL [ND]-THIESSE, Notaires

associés, à payer à Maître [R], ès qualités, la somme de 9.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en 1 ère instance et pour ceux exposés pour la présente procédure d’appel,

Condamner in solidum Monsieur [V] [BN], Madame [S] [BN], Madame [WS] [BN], Madame [H] [EO], Maître [KR] [T] et la SELARL [ND]-THIESSE, Notaires associés, aux entiers dépens’.

Elle a soutenu que les vendeurs et non [H] [BN] épouse [EO] seule, en ne veillant pas à ce que le bien fût libre de toute inscription hypothécaire ainsi qu’ils s’y étaient engagés à l’acte de vente, avaient engagé à son égard leur responsabilité contractuelle. Elle a ajouté que le fait du notaire allégué par les vendeurs ne constituait pas une cause étrangère exonératoire de responsabilité.

Elle a maintenu ses demandes indemnitaires, à savoir paiement des sommes de :

– 10.353,93 € correspondant aux intérêts d’emprunts ayant couru entre avril 2017 et avril 2019, le défaut de vente n’ayant pas permis de solder l’emprunt contracté dès avril 2017 ;

– 10.000 € en réparation du préjudice étant résulté de la perte de chance de pouvoir réinvestir le prix de vente dans une nouvelle opération immobilière ;

– 39.000 € en réparation de la perte enregistré sur le prix de vente du lot n° 1, ce lot devant initialement être vendu au prix de 214.000 € ne l’ayant été qu’au prix de 175.000 € ;

– 10.000 € en réparation du préjudice d’image et de réputation au près de ses partenaires ;

– 6.725 € correspondant aux droits de mutation qu’elle a dû supporter, n’ayant pu en raison du retard de vente en bénéficier de l’exonération lié au statut de marchand de biens ;

– 50.000 € correspondant à l’aggravation de son passif liée selon elle à la difficulté de vendre les lots ;

– 6.638 € correspondant aux taxes foncières supportées en 2017 et 2018 en raison du retard de vente.

Elle a à titre subsidiaire soutenu engagée, outre la responsabilité contractuelle des vendeurs, celle délictuelle du notaire ayant manqué à son obligation de veiller à l’efficacité de son acte, n’ayant pas accompli les formalités nécessaires à la radiation de l’inscription hypothécaire ni informé les vendeurs de la difficulté survenue en l’absence de réaction du conseil des vendeurs qu’ils avaient sollicité par un simple courrier électronique.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2022, [V] [BN], [H] [BN] épouse [EO], [S] [BN] et [WS] [J] veuve [BN] ont demandé de :

‘Dire et juger non fondé l’appel interjeté par la SARL KRIS INVESTISSEMENT et repris par son liquidateur judiciaire,

L’en débouter,

Dire et juger recevable l’appel incident régularisé par les consorts [BN],

Y faisant droit, réformer et statuer à nouveau,

Dire et juger irrecevables les demandes de la SARL KRIS INVESTISSEMENT et Me [R] es qualité de liquidateur judiciaire de cette dernière à l’encontre de Monsieur [V] [BN], Madame [S] [BN] et Madame [WS] [BN].

Dire et juger, en toutes hypothèses, non fondées les demandes de la SARL KRIS INVESTISSEMENT Me [R] es qualité de liquidateur judiciaire de cette dernière à l’encontre des consorts [BN],

Les en débouter,

Décharger les consorts [BN] de toutes condamnations,

A titre subsidiaire, condamner Maître [T] et la SELARL [ND] THIESSE à garantir les consorts [BN] de toutes condamnations, après les avoir déboutés de l’ensemble de leurs demandes et appel incident,

Débouter tout contestant de toutes demandes plus amples ou contraires aux présentes,

Condamner la SARL KRIS INVESTISSEMENT et Me [R] es qualité de liquidateur judiciaire de cette dernière, et à défaut Maître [T] et la SELARL [ND] THIESSE solidairement entre eux, à payer aux consorts [BN] la somme de 7.000 € au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens’.

Ils ont exposé que :

– l’ordonnance du 9 août 2013 du juge de l’exécution avait été transmise par Maître [KR] [T] au service de la publicité foncière de Poitiers qui avait refusé de précéder à la radiation ;

– ce notaire s’était rapproché du greffe du juge de l’exécution et que ce dernier avait par courrier en date du 19 décembre 2013 indiqué que devait être représentée une requête mentionnant les mentions omises ;

– Maître [KR] [T] ne justifiait pas de la suite donnée à cette réponse.

Ils ont soutenu irrecevables les demandes formées à leur encontre à l’exclusion d'[H] [BN] épouse [EO], l’inscription ayant été prise en garantie de la créance détenue sur cette dernière seule.

Ils ont maintenu avoir exécuté leurs obligations contractuelles, le juge de l’exécution ayant ordonné mainlevée de l’inscription et la consignation des fonds revenant à [H] [BN] épouse [EO], la décision ayant été signifiée le 28 août 2013 à la société CIC et ces documents ainsi que le certificat de non recours du 16 septembre 2013 ayant été annexés à l’acte de vente. Ils ont ajouté que Maître [KR] [T] ne les avait pas tenus informés de la décision de rejet du service de la publicité foncière.

Selon eux, ce notaire avait ainsi manqué à son devoir de conseil à leur égard et à son obligation de diligences pour assurer la sécurité juridique de l’acte dressé.

Ils ont ajouté que l’appelante avait concouru au préjudice allégué, ayant sous sa responsabilité déclaré à ses cocontractants que le bien était libre de toute inscription hypothécaire et que le notaire n’avait pas répondu aux sollicitations du conseil de la société Kris Investissement alors même qu’il avait conservé la part du prix de vente devant revenir à [H] [BN] épouse [EO].

Ils ont soutenu que l’appelante ne justifiait pas d’un préjudice indemnisable d’une part en l’absence de tout risque pour ses cocontractants, le principe de la radiation de l’inscription étant acquis, d’autre part les divers préjudices allégués n’étant pas démontrés. Ils ont exposé que :

– les intérêts du prêt avaient une cause contractuelle ;

– la perte de chance de réaliser un nouvel investissement n’était pas démontrée;

– n’était pas rapportée la preuve que le retrait de certaines offres avait eu pour cause l’inscription hypothécaire ;

– le préjudice d’image n’était pas justifié d’autant plus que l’objet social de l’appelante n’était pas la promotion immobilière ;

– les préjudices fiscaux allégués ne leur étaient pas imputables ;

– la cause de la dégradation de la situation financière de la société demeurait inconnue ;

– la perte alléguée sur les prix de vente n’était pas démontrée, au surplus les prix de vente des lots n° 2 et 3 n’ayant pas été précisés.

Subsidiairement, ils ont sollicité la garantie du notaire ayant instrumenté.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022, la selarl [ND]-Thiesse et Maître [KR] [T] ont demandé de :

‘Vu le bordereau de pièces fondant les prétentions de Maître [T] et de la SCP [ND]-THIESSE, annexé aux présentes conformément aux dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile,

Vu les dispositions de l’article 1240 du Code Civil,

Dire et juger que la société KRIS INVESTISSEMENT, les consorts [BN] et le CIC ne caractérisent aucune faute ni aucun préjudice indemnisable en lien avec l’intervention de Maître [T] et de la SCP SABOURAULT-THIESSE.

Infirmer en conséquence le jugement du tribunal judiciaire de POITIERS du 7 décembre 2020 en ce qu’il a :

« Condamné Madame [WS] [J] épouse [BN], Madame [H] [BN] épouse [EO], Monsieur [V] [BN] et Madame [S] [BN] solidairement, à payer à la SARL KRIS INVESNTISSEMENT la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts.

Condamné Madame [WS] [J] épouse [BN], Madame [H] [BN] épouse [EO], Monsieur [V] [BN] et Madame [S] [BN] à payer à la SARL KRIS INVESTISSEMENT la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamné Maître [KR] [T] et la SELARL [ND] THIESSE à garantir intégralement Madame [WS] [J] épouse [BN], Madame [H] [BN] épouse [EO], Monsieur [V] [BN] et Madame [S] [BN] du montant de ces condamnations.

Condamne Madame [WS] [J] épouse [BN], Madame [H] [BN] épouse [EO], Monsieur [V] [BN] et Madame [S] [BN] solidairement à justifier des frais des mainlevée et du certificat de radiation del’hypothèque litigieuse, auprès de la SARL KRIS INVESTISSEMENT, sous astreinte 100 € par jour de retard, qui commencera à courir dans un délai de 4 mois à compter de la signification de la présente décision.

Rejeté les autres demandes.

Condamné Maître [KR] [T] et la SELARL [ND] THIESSE aux dépens et dit que Me [X] pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ».

Et statuant à nouveau

Débouter Maître [R], es-qualité, les consorts [BN] et le CIC de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de Maître [T] et la SCP SABOURAULT-THIESSE.

Subsidiairement,

En cas de condamnation de Maître [T] et la SCP SABOURAULT-THIESSE au profit de Maître [R] es-qualité,

Condamner le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL et les consorts [BN] à les garantir de toutes condamnations qui seraient ainsi prononcées.

Condamner la Maître [R] es-qualité, ou tout succombant, à payer à Maître [T] et la SCP SABOURAULT-THIESSE une somme de 9 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamner les mêmes aux entiers dépens tant de première instance que d’appel dont distraction au profit de la SCP MADY-GILLET-BRIAND, Avocat, qui sera autorisée à les recouvrer dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile’.

Ils ont exposé que :

– la décision de rejet du service de la publicité foncière avait été portée à la connaissance du conseil des vendeurs qui n’avaient pas donné suite ;

– l’acte de mainlevée de l’inscription litigieuse avait été régularisé le 12 décembre 2017 par devant Maître [ND], notaire, et radiée le 28 février 2018 et que dès lors aucun manquement ne pouvait leur être imputé.

Ils ont soutenu que :

– le conseil d'[H] [BN] épouse [EO] avait été informé dès le 3 janvier 2014 de la nécessité de saisir le juge de l’exécution d’une nouvelle requête ;

– Maître [KR] [T] n’avait pas été chargé par [H] [BN] épouse [EO] de procéder au dépôt de cette nouvelle requête, ni informé de la révocation du mandat confié au conseil de cette dernière ;

– la démarche effectuée auprès du greffe du juge de l’exécution après notification de la décision de rejet du service de la publicité foncière n’était pas la preuve d’un mandat confié, qui au surplus aurait été spécial ;

– l’obligation de faire procéder à la radiation de l’inscription incombait contractuellement aux vendeurs.

Subsidiairement, ils ont sollicité la garantie de la société CIC. Selon eux, cet établissement bancaire avait commis une faute d’une part en n’ayant pas fait procéder à la radiation de l’inscription dès signification de l’ordonnance du juge de l’exécution alors que la consignation des fonds entre les mains du notaire emportait les effets juridique du paiement, d’autre part en n’ayant pas fait diligence après réception de la mise en demeure en date du 13 juillet 2017 qu’ils avaient adressée conjointement à cet établissement bancaire et à [H] [BN] épouse [EO]. Ils ont précisé que la procuration donnée par la société CIC afin de procéder à la radiation de l’inscription n’avait été que du 30 novembre 2017. Selon eux, la société CIC avait commis une faute en ne faisant pas diligence pour faire radier l’inscription. De plus, eu égard aux termes du jugement du 21 mars 2019 du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Bastia, elle ne pouvait soutenir être demeurée créancière d'[H] [BN] épouse [EO].

Ils ont conclu au rejet de l’ensemble des demandes indemnitaires présentées aux motifs que :

– les intérêts d’emprunt ne constituaient pas un préjudice indemnisable ;

– la perte de chance de réaliser une nouvelle opération immobilière n’était pas démontrée ;

– le manque à gagner sur le prix de vente des lots n’était de même pas justifié, étant rappelé qu’une inscription d’hypothèque ne faisait pas obstacle à la vente d’un bien immobilier ;

– le préjudice fiscal allégué n’était pas fondé ;

– le préjudice financier lié à une aggravation du passif de la société n’avait pas eu pour cause l’inscription litigieuse, radiée en 2017 ;

– le préjudice d’image allégué était inexistant, les ventes ayant été consenties sous la condition suspensive de la situation hypothécaire dont la défaillance avait été sans incidence sur l’image ou la réputation.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2021, la société CIC a demandé de :

‘Vu les anciens articles 1134 et suivants du code civil,

Vu l’ancien article 1382 du code civil,

Vu les pièces versées au débat,

[…]

‘ DIRE ET JUGER que la SARL KRIS INVESTISSEMENT, appelante, ne formule aucune demande à l’encontre du CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ;

‘ CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Judiciaire de Poitiers en date du 7 décembre 2020 ;

En tout état de cause,

‘ DIRE ET JUGER que le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL n’a commis aucune faute ;

‘ CONSTATER que la SARL KRIS INVESTISSEMENT ne démontre pas l’existence des préjudices allégués ;

En conséquence :

‘ DEBOUTER la SELARL [ND]-THIESSE et Maître [T] de leur appel en garantie et de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre du CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ;

‘ DEBOUTER l’ensemble des parties de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre d CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ;

‘ CONDAMNER tout succombant à payer au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ CONDAMER tout succombant au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Paul BARROUX – SCP DROUINEAU VEYRIER LE LAIN BARROUX VERGER, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile’.

Elle a exclu toute faute de sa part, l’inscription ayant été réalisée en raison de la créance qu’elle détenait, l’ordonnance du 9 août 2013 du juge de l’exécution ne lui ayant pas imposé de procéder à la mainlevée de l’inscription, ni d’en supporter les frais et les fonds consignés n’ayant toujours pas été perçus. Elle a contesté le préjudice allégué par l’appelante, non démontré et non indemnisable. Elle a fait observer que celle-ci n’avait formé aucune demande à son encontre.

L’ordonnance de clôture est du 8 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A – SUR LA FAUTE

Il a été stipulé en page 11 de l’acte de vente, au paragraphe ‘Garantie hypothécaire’, que : ‘Le VENDEUR s’oblige, s’il existe un ou plusieurs créanciers hypothécaires inscrits de son chef ou de celui des précédents propriétaires, à régler l’intégralité des sommes pouvant leur être dues, à rapporter à ses frais les mainlevées et certificats de radiation dans les meilleurs délais, et à en justifier auprès de l’acquéreur’.

En pages 23 et 24 de cet acte, au paragraphe ‘situation hypothécaire’, il a été stipulé que :

‘Un renseignement hypothécaire sommaire hors formalité délivré le 4 juin 2013 et certifié à la date du 3 juin 2013, prorogé à la date du 30 août 2013, ne révèle l’existence d’aucune inscription, à l’exception d’une inscription d’hypothèque judiciaire définitive portant sur les parts et portions de Madame [H] [EO], venderesse susnommée, dans le BIEN objet des présentes, prise au service de la publicité foncière de POITIERS, le 25 août 1995, volume 1995V, numéro 2818, se substituant à l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire prise les 4 octobre et 2 décembre 1994 volume 1994V numéro 3239, en vertu d’un jugement du tribunal de commerce de PONTOISE rendu le 16 mars 1995, au profit du CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, pour un montant de 674.985,00 francs, ayant effet jusqu’au 22 août 2005,

Ladite hypothèque judiciaire définitive a été renouvelée et publiée au service de la publicité foncière de POITIERS, le 20 juillet 2005, volume 2005V, numéro 2568 (avec correction de la formalité publiée le 25 novembre 2005, volume 2005D, numéro 19412), au profit du CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, pour un montant de 674.985,00 francs, avec effet jusqu’au 19 Juillet 2016.

Par décision du 9 août 2013, Monsieur le Juge de I’Exécution du Tribunal de Grande instance de POITIERS a ordonné la mainlevée de l’hypothèque judiciaire définitive susrelatée, et la consignation des fonds revenant à Madame [H] [BN] épouse [EO] entre les mains de Maître [KR] [T], notaire à [Localité 11]. Ladite ordonnance a fait l’objet d’une signification au CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL par exploit d’huissier réalisé par Maitre [ZE] [HB], huissier de justice à [Localité 17] [Adresse 2], le 28 ao0t 2013.

Copie de cette ordonnance et de sa signification, ainsi qu’un certificat de non recours sur ladite décision délivré per Monsieur le greffier du juge de l’exécution en date du 16 septembre 2013, sont demeurés cl-joints et annexés après mention

Le VENDEUR déclare que la situation hypothécaire résultant du renseignement susvisé est identique à la date de ca jour et n’est susceptible d’aucun changement’.

Le relevé hypothécaire du 14 mars 2017 établit qu’à cette, l’inscription d’hypothèque n’avait pas été radiée.

Mainlevée de l’inscription a été donnée le 12 décembre 2017 par la société Crédit industriel et commercial. La radiation de l’inscription au service de la publicité foncière de Poitiers est du 28 février 2018 (volume 2018 D n° 3336).

Les vendeurs, en n’ayant pas veillé à l’effectivité de la radiation de cette inscription concomitamment à la vente, ont manqué à leur engagement contractuel.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.

La radiation étant justifiée par la mention de sa publication apposée sur l’expédition de l’acte du 12 décembre 2017, il n’y a pas lieu de maintenir la condamnation des vendeurs à en justifier sous astreinte.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

B – SUR LE PRÉJUDICE

La société Kris Investissements sollicite l’indemnisation du préjudice qu’elle aurait subi en raison de la faute des consorts [BN].

1 – sur les intérêts des emprunts souscrits

Il a été stipulé en page 6 de l’acte du 26 septembre 2013 que la société Kris Investissement avait financé l’acquisition du bien litigieux au moyen d’un prêt de 282.000 € consenti par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Touraine et du Poitou, remboursable en 192 mois au taux variable de 2.74 % l’an plafonné à 4,80070 %.

Les intérêts dus par l’appelante ont pour cause la relation contractuelle avec l’établissement bancaire prêteur, librement consentie.

Leur paiement ne constitue dès lors pas un préjudice imputable aux consorts [BN].

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

2 – sur une perte de chance de réinvestir

Les prix de vente des lots devaient par priorité solder le prêt souscrit. Ce solde était en capital, aux termes du tableau d’amortissement produit, de 240.479,84 € au 14 avril 2017 et de 229.174,32 € au 15 décembre 2017. Il n’est pas établi d’une part que le solde du prix de vente de vente qui aurait été conservé par l’appelante aurait permis un quelconque investissement de nature immobilière, d’autre part que tel était le projet de cette société. Il résulte en effet de l’extrait Kbis de la société Kris Investissement produit aux débats par les consorts [BN], à jour au 10 février 2021, que l’objet de cette société immatriculée le 22 janvier 2008 était : ‘Intermédiaire de ventes de véhicules automobiles neufs et d’occasion, vente de véhicules neufs et occasion, import export de véhicules neufs et occasion, la fourniture de services associés, l’exploitation de la franchise CARLIFT’, et ce depuis le 4 janvier 2008. L’appelante ne justifie au surplus pas que sa situation financière dégradée en 2016 autorisait un nouvel investissement immobilier. Le préjudice allégué n’est dès lors qu’hypothétique.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a rejeté la demande présentée sur ce fondement.

3 – sur le prix de vente du lot n° 1

Les époux [RT] et [M] [I] ont fait le 11 avril 2017 une offre d’achat du lot n° 1, au prix de 200.000 €, frais d’agence inclus. Cette offre était formulée sous condition de l’obtention d’un prêt bancaire et d’achèvement de divers travaux (fenêtres, salle de bains). Elle est demeurée sans suite.

Par courriel en date du 10 mai 2017, [M] [D] ([I]) a offert à [N] [UF] de l’agence immobilière Art Home Immobilier chargée de la vente d’acquérir le lot au prix de 214.000 €. Cette proposition a été

transférée par courriel du 11 septembre 2017 à l’appelante. Il n’est justifié d’aucun échange entre ces possibles acquéreurs, l’agence immobilière et l’appelante postérieurement à ce dernier courriel. Cette nouvelle offre est demeurée sans suite. L’agent immobilier a attesté le 27 mars 2021 que cette offre d’achat n’avait pas été maintenue, une date de réitération de la vente par acte authentique ne pouvant être fixée.

Le lot a été cédé le 12 avril 2019 au prix de 175.000 €.

Cette chronologie n’établit pas que le défaut de vente du lot aux époux [RT] et [M] [I] a pour cause la situation hypothécaire du bien et non le défaut de réalisation des travaux auxquels la vente était conditionnée.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de ce poste de préjudice.

3 – sur un préjudice d’image

Le lot n° 1 a été cédé le 12 avril 2019 au prix de 175.000 €.

Le lot n° 2 a fait l’objet d’un compromis de vente en date du 7 février 2017. [U] [G] s’engageait à l’acquérir au prix de 75.000 €. Par courriel en date du 24 juillet 2017, Maître [A] [K], notaire d'[U] [G], a indiqué à Maître [Y] [F], notaire devant instrumenter, que sa cliente n’entendait pas poursuivre l’acquisition et qu’elle entendait être libérée de l’avant contrat sans pénalité. Il a ajouté que : ‘Elle n’admet pas que le vendeur ne lui ai pas exposé la situation hypothécaire qu bien. Ses projets sont totalement remis en question, elle n’a plus confiance’. Ce lot a été vendu le 28 mars 2018 à [E] [L], au prix de 82.000 €’.

L’appelante et [A] [L] ont convenu de la vente du lot n° 3 selon compromis en date du 9 février 2017. Le prix de cession stipulé était de 87.000€. Ce lot lui a été vendu le 1er mars 2018 au prix de 93.000 €.

L’ensemble des lots a été vendu. La situation hypothécaire du bien, connue dès mai 2017 et régularisée courant décembre 2017, n’a ainsi pas été un obstacle à la cession des lots, à des prix plus avantageux pour deux d’entre eux.

La société Kris Investissement, dont l’objet social n’est pas la vente d’immeuble, ne justifie pas autrement que par affirmation de la dégradation des relations éventuellement d’affaires qu’elle pouvait entretenir avec des tiers non identifiés étant résultée de la réalisation de ces ventes en 2018 et 2019 et non plus tôt.

La demande d’indemnisation d’un préjudice d’image inexistant n’est pour ces motifs pas fondée.

Le jugement sera pour ces motifs infirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande.

4 – sur un préjudice fiscal

L’appelante, ainsi que relevé par la premier juge, ne justifie ni de la perte des réductions fiscales attachées à son statut de marchand de biens, ni de ce statut.

Elle a produit une mise en demeure en date du 12 mars 2019 de payer des taxes foncières pour les années 2017 et 2018. Le paiement de ces taxes attachées à la qualité de propriétaire d’un bien immobilier ne constitue pas un préjudice. Cette mise en demeure délivrée par l’administration fiscale ne

précise pas les immeubles concernés. S’agissant du bien litigieux, les taxes foncières 2017 auraient en tout état de cause été dues. Il n’est pas justifié du motif du retard de paiement de ces impôts.

Le préjudice allégué n’est dès lors pas établi. Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation d’un tel préjudice.

6 – aggravation du passif

La société Kris Investissement a produit une attestation en date du 27 juillet 2017 de la société Ubi Conseil, expert-comptable, établie en ces termes :

‘Je soussigné Mr [Z] [ML] gérant de la SARL MEHOUAS [ML] ET ASSOCIES atteste que depuis deux ans, le compte courant d’associé de Mr [CU] [P] est passé de 144.76  € au 01/01/2015 à 70911.26 € au 31/12/2016 soit 70 766.50 € d’apport nets afin de pallier à l’insuffisance des ressources de la SARL KRIS INVESTISSEMENT. Sans ces apports, la situation financière de la société serait fortement dégradée et celle-ci serait en cessation de paiement’.

Cette attestation n’établit pas que les difficultés financières rencontrées par l’appelante en 2015 et 2016 sont en lien avec le défaut de vente en 2017 de l’immeuble.

Par jugement du 7 décembre 2021, le tribunal de commerce de Poitiers a ouvert à l’égard de la société Kris Investissement une procédure de liquidation judiciaire simplifiée. L’activité exercée mentionnée au jugement est celle figurant sur l’extrait Kbis précité. Le tribunal a retenu, outre l’état de cessation des paiements, ‘qu’il ressort des déclarations du débiteur que son actif ne comprend pas de biens immobiliers’. L’état des créances n’a pas été produit. L’appelante a perçu en 2018 et 2019 le prix de vente des trois lots, déduction éventuellement faite du solde restant dû de l’emprunt contracté. Ces rentrées financières n’ont pas permis d’apurer la situation financière de la société dont la dégradation n’a pas pour cause la vente retardée de quelques mois des lots.

La société Kris Investissement n’est pour ces motifs pas fondée en sa demande d’indemnisation de ce préjudice non établi. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

C – SUR LES DEMANDES FORMÉES A L’ENCONTRE DES NOTAIRES

La mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle du notaire suppose que soit démontré par l’appelante le préjudice dont il est demandé réparation étant résulté de la faute de l’officier minuistériel.

En l’absence de préjudice, la responsabilité du notaire n’est pas engagée.

Le jugement sera pour ces motifs infirmé en ce qu’il a considéré engagée cette responsabilité et a condamné Maître [KR] [T] et la selarl [ND] Thiesse à garantir les consorts [BN].

D – SUR L’APPEL EN GARANTIE DU CIC

Cet appel en garantie formé par le notaire dont la responsabilité n’est pas engagée est sans objet. Le jugement sera pour ce motif confirmé en ce qu’il a rejeté cet appel en garantie.

E -SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Les circonstances de l’espèce ne justifient pas de faire application de ces dispositions, tant devant le premier juge qu’en cause d’appel.

F – SUR LES DÉPENS

La charge des dépens de première instance et d’appel incombe à l’appelante.

Les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par la scp Mady-Gillet-Briand et Maître Paul Barroux – scp Drouineau Veyrier Le Lain Barroux Verger.

PAR CES MOTIFS,

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du 7 décembre 2020 du tribunal judiciaire de Poitiers;

et statuant à nouveau,

DEBOUTE la société Kris Investissement de l’ensemble de ses prétentions ;

DIT sans objet l’appel en garantie de la la société Crédit industriel et commercial (CIC) par Maître [KR] [T] et la selarl [ND] Thiesse ;

REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Kris Investissement aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par la scp Mady-Gillet-Briand et Maître Paul Barroux – scp Drouineau Veyrier Le Lain Barroux Verger.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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