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à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 13 DECEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/06078 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OZ74
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 14 DECEMBRE 2020
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2018J00407
APPELANTE :
S.A. BANQUE POPULAIRE DU SUD et pour elle son représentant légal, domicilié ès qualités au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Harald KNOEPFFLER de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant substitué par Me Bernard VIAL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant
INTIMEES :
S.A.R.L. FHB venant aux droits de la SELARL ESAJ, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la SARL LOCIMO, prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentée par la SCP GIPULO – DUPETIT – MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et par Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
S.A.R.L. LOCIMO
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentée par la SCP GIPULO – DUPETIT – MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et par Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
S.E.L.A.R.L. ESAJ ès qualités d’administrateur judiciaire de la SARL LOCIMO prise en personne de son représentant légal Me [N] [H] en exercice domicilié ès qualités
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 9]
S.E.L.A.R.L. ESAJ ès qualités de commissaire à l’exécution du plan prise en personne de son représentant légal Me [N] [H] en exercice domicilié ès qualités
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Ordonnance de clôture du 29 Septembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
La SARL Locimo, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Perpignan le 12 mars 1991, exerce une activité de marchand de biens ; la Banque populaire des Pyrénées-Orientales, de l’Aude et de l’Ariège, devenue la Banque populaire du sud, l’a accompagnée dans son développement à partir de 1995.
Afin de faciliter les opérations de promotion immobilière, que la société Locimo envisageait de réaliser, la banque lui a consenti, par acte notarié du 25 novembre 1997, un crédit de trésorerie d’un montant de 2 500 000 francs pour une durée d’un an renouvelable, utilisable par mobilisation de billets à ordre ; ce concours a été complété par l’octroi, suivant acte notarié du 11 juillet 2011, d’un crédit de trésorerie de 2 500 000 francs pour une durée de cinq ans, utilisable par mobilisation de billets à hauteur de 1 500 000 francs et par découvert en compte à hauteur de 1 000 000 francs.
La banque a, par ailleurs, consenti à la société Locimo, par acte notarié du 23 avril 2002, un prêt de 610 000 euros remboursable le 23 février 2005, destiné à lui permettre de faire l’acquisition, en vue de la réalisation d’une opération immobilière, d’un terrain de près de 4 ha situé à [Localité 5] (Pyrénées-Orientales), lieu-dit « [Localité 8] » ; les concours bancaires ainsi accordés étaient garantis par le privilège de prêteur de deniers inscrit à hauteur de 610 000 euros sur ce terrain, une hypothèque de 3ème rang à hauteur de 305 000 euros sur un terrain situé à [Localité 11] et le cautionnement solitaire de [J] [V], dirigeant de la société Locimo, et de son épouse appuyé d’une hypothèque de 305 000 euros sur la résidence principale de ces derniers située à [Localité 9].
Cette opération immobilière s’inscrivait dans le cadre d’un projet plus important que M. [V] devait mener en partenariat avec un certain [B] [I] avec lequel il avait signé, le 25 septembre 2001, une convention de coopération en matière de prestations d’aménagement des terrains de la future Zac « [Adresse 10] » à [Localité 5].
Par courrier du 20 juillet 2005, la banque a indiqué au dirigeant de la société Locimo que l’ouverture de crédit destinée à financer l’acquisition du terrain de [Localité 5] à concurrence de 610 000 euros, était devenue exigible depuis le 28 février 2005 et l’invitait à proposer une solution de remboursement avant le 15 septembre 2005.
Par lettre recommandée du 15 septembre 2005, une société Océanis promotion a informé M. [V] qu’elle était subrogée aux droits de M. [I] dans la convention de coopération conclue avec celui-ci.
Le 7 janvier 2006, la société Locimo, qui était confrontée à des difficultés financières liées aux retards dans la création de la Zac (il a ainsi été constaté à la clôture de l’exercice du 31 décembre 2005, une perte de 185 216 euros), a signé une promesse unilatérale de vente du terrain, dont elle était devenue propriétaire, au profit de la société Vinci immobilier ; peu après, le 1er juin 2006, une société Océanis Delta BFP ODS, estimant avoir droit à la moitié de la plus-value réalisée sur la vente de ce terrain promis à la société Vinci immobilier en vertu de la convention du 25 septembre 2001, a fait inscrire, sur la base d’une ordonnance du juge de l’exécution l’y autorisant, une hypothèque judiciaire provisoire, en garantie d’une créance alors évaluée à 3 651 950 euros ; cette promesse de vente deviendra ultérieurement caduque et la sûreté provisoire grevant le terrain sera ensuite inscrite en garantie d’une créance portée à 4 211 250 euros.
Par acte sous seing privé du 9 août 2006, la société Locimo a signé avec un certain [C] [L] une promesse synallagmatique de vente de la parcelle cadastrée à [Localité 5], section BR n° [Cadastre 2], pour 1 200 000 euros, sous diverses conditions suspensives (de modification ou de révision simplifiée du plan local d’urbanisme de la commune, de délivrance d’un permis de construire, d’obtention d’une autorisation de la commission départementale d’équipement commercial de créer une surface commerciale de 4000 m² de Shon minimum et de la délivrance d’un état hypothécaire ne révélant pas l’existence d’inscriptions pour un montant supérieur au prix de vente).
Ne pouvant cependant réaliser ses actifs du fait de l’inscription provisoire d’hypothèque prise par la société Océanis, la société Locimo a obtenu, par une ordonnance du président du tribunal de commerce de Perpignan en date du 20 décembre 2006, la désignation de M. [H] en qualité de mandataire ad hoc afin notamment de poursuivre les négociations avec la banque en vue de parvenir à un protocole d’accord, mais la mission de celui-ci a fait l’objet d’un rapport d’échec et de fin de mission, le 13 février 2007.
Par lettre recommandée du 8 février 2007, la Banque populaire du sud a notifié à la société Locimo la rupture de ses concours à l’expiration d’un délai de préavis de 60 jours pour l’escompte commercial, les crédits de mobilisation de créances et les autres concours bancaires.
Par jugement du 28 février 2007, le tribunal de commerce de Perpignan a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Locimo, qui n’a pu aboutir à l’adoption d’un plan ; par un jugement du 6 mars 2009, le même tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société, qui a conduit à l’arrêt d’un plan de redressement par jugement du 21 juillet 2010, prévoyant un remboursement intégral du passif en six annuités ; dans le cadre de la procédure collective, la Banque populaire du sud a déclaré une créance d’un montant total de 1 479 418,85 euros et la société Océanis Delta BFP ODS, une créance de 4 212 450 euros.
Par un arrêt de cette cour (1ère chambre AO1) en date du 26 avril 2012, confirmant un jugement du tribunal de grande instance de Perpignan du 7 décembre 2010, la société Océanis Delta BFP ODS, devenue Océanis JV, a été déboutée de sa demande de voir fixer sa créance de 4 211 250 euros au passif de la procédure collective de la société Locimo.
Estimant que la rupture par la Banque populaire du sud de ses concours était fautive et lui avait causé d’importants préjudices, la société Locimo l’a faite assigner, en juin 2013, en responsabilité devant le tribunal de commerce de Perpignan en vue d’obtenir, dans le dernier état de ses prétentions, sa condamnation à lui payer la somme de 7 203 448 euros à titre de dommages et intérêts.
Devant le tribunal, la Banque populaire du sud a soulevé la péremption de l’instance engagée par la société Locimo et la prescription de son action ; sur le fond, elle a prétendu n’avoir commis aucune faute dans la rupture des concours bancaires consentis à la société Locimo et n’être pas en conflit d’intérêts avec la société Océanis, devenue Equalliance.
Le tribunal, par jugement du 14 décembre 2020, a notamment :
– rejeté la demande de la Banque populaire du sud au titre de la péremption de l’instance,
– dit que l’action n’est pas prescrite,
– constaté que le contrat tacitement reconduit par les parties est devenu un contrat à durée indéterminée sans délai de préavis de rupture préalablement fixé entre les parties,
– dit que la rupture brutale, arbitraire et sans fondement de la Banque populaire du sud des concours bancaires accordés à la société Locimo est constitutive d’une rupture abusive, de nature à lui faire subir un préjudice,
– constaté l’existence de liens capitalistiques entre la Banque populaire du sud et la société Océanis/Equalliance,
– dit que la Banque populaire du sud, en position de conflit d’intérêts, a manqué à ses obligations, a engagé sa responsabilité et par ses man’uvres, a causé un préjudice à la société Locimo,
– dit que la société Locimo a subi un appauvrissement important et que le préjudice à ce titre, s’élève à 4 584 000 euros,
– condamné la Banque populaire du sud à verser à la société Locimo la somme de 4 584 000 euros au titre du préjudice subi sur les terrains de [Localité 11],
– condamné la Banque populaire du sud à payer à la société Locimo la somme de 250 000 euros au titre du préjudice subi sur le manque-à-gagner sur les terrains de [Localité 5],
– débouté la société Locimo de ses demandes au titre d’éventuels préjudices subis sur la paralysie de ses activités,
– condamné la Banque populaire du sud à payer à la société Locimo la somme de 358 948 euros au titre du préjudice subi sur la cession des droits du lotissement de [Localité 7],
– ordonné l’exécution provisoire,
– alloué à la société Locimo la somme de 100 000 euros qui lui sera versée par la Banque populaire du sud sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La Banque populaire du sud a régulièrement relevé appel, le 30 décembre 2020, de ce jugement ; elle a obtenu, par une ordonnance de référé rendue le 7 avril 2021 par le délégataire du premier président, l’arrêt de l’exécution provisoire, dont le jugement est assorti.
Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées le 15 septembre 2022 via le RPVA, de :
– réformer et infirmer le jugement entrepris,
Vu les dispositions des articles 385 et suivants du code de procédure civile, les dispositions des articles 2271 et suivants, 1382 ancien et suivants du code civil,
– constater la péremption de l’instance de la société Locimo compte tenu de l’absence de diligences pendant plus de deux ans,
– dire et juger que l’action de la société Locimo se trouve prescrite,
– dans tous les cas, la déclarer infondée,
– constater que la société Locimo ne rapporte pas la preuve d’une faute qui lui serait imputable,
– constater, par ailleurs, que la société Locimo ne justifie pas d’un lien de causalité ou d’un préjudice qui lui serait imputable,
– débouter la société Locimo de l’intégralité de ses demandes,
– faisant droit à sa demande reconventionnelle, condamner la société Locimo à lui verser une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner la société Locimo à lui verser une somme de 5000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l’essentiel que :
– l’instance est périmée puisqu’après le jugement de retrait du rôle intervenu le 18 février 2014, la société Locimo prétend avoir déposé des conclusions devant le tribunal le 16 décembre 2014 et qu’aucune diligence, interruptive de la péremption, n’est intervenue dans le délai de deux ans suivant le dépôt de ces conclusions,
– le fait générateur de l’action est la lettre de rupture des concours du 8 février 2007 en sorte que l’action, introduite par assignation du 19 juin 2013, l’a été plus de cinq ans après la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réduisant à cinq ans le délai de la prescription,
– elle ne possède aucune participation directe dans la société Océanis et seule la Banque fédérale des banques populaires est actionnaire d’une société Natixis laquelle, en avril 2006, par l’intermédiaire des sociétés Natixis Private Equity et Nexicap Partners, a pris une participation dans la société Océanis, ensuite rachetée par la société Equalliance,
– l’appartenance à des réseaux différents (des ventes de détail et des banques d’investissement) et l’existence d’une réglementation bancaire font qu’elle n’avait aucun intérêt financier d’avantager la société Océanis promotion,
– le prêt consenti le 23 avril 2002 était venu à échéance le 28 février 2005 et devait donc être remboursé sans qu’il puisse lui être reproché une rupture abusive, alors qu’elle n’a dénoncé le concours qu’en février 2007, soit deux ans plus tard,
– d’ailleurs, le délai de préavis de 60 jours prévu à l’article L. 313-12 du code monétaire et financier a été respecté, la société Locimo ayant été dans l’incapacité de proposer un projet à court ou moyen terme, compte tenu notamment du caractère inconstructible du terrain,
– l’échec de la conciliation menée par M. [H] tient à son refus de financer un nouveau projet de lotissement, alors que la société Locimo ne s’était pas acquittée de sa dette, et l’hypothèque judiciaire prise par la société Océanis, qui aurait empêché la société de valoriser ses actifs, ne peut lui être imputée,
– en toute hypothèse, le préjudice invoqué n’est pas justifié, pas plus que le lien de causalité entre la rupture prétendument abusive des concours et la perte de valeur du terrain qui, n’étant pas constructible en 2007, n’a pu être vendu qu’entre 2014 et 2021 après réalisation de la Zac.
La société Locimo et la Selarl FHB, venant aux droits de la Selarl ESAJ, prise en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société Locimo, dont les dernières conclusions ont été déposées le 27 septembre 2022 par le RPVA, sollicitent, au visa notamment des articles 4, 5, 74, 542, 562, 908, 910-4, 914 et 254 du code de procédure civile, des articles 369, 385, 386 et 392 du même code, de la loi n° 2008-651 du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, des articles 2222, 2228, 2241 et 2240 du code civil, des articles 1134, 1135, 1147 et suivants, 1151 et 1382 anciens du même code, et de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier, de voir :
Vu les conclusions d’appelant n° 1 notifiées par la Banque populaire du sud,
Vu les conclusions n° 2 notifiées à l’issue du délai de trois mois,
Vu le défaut de saisine de la cour d’une demande d’infirmation ou d’annulation dans le délai de trois mois,
– juger ne pas être saisie de prétentions par et plus particulièrement concernant l’infirmation des chefs du jugement déféré,
– en conséquence, juger que les conclusions d’appelante de la Banque populaire du sud signifiées dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile ont été signifiées au-delà du délai de 3 mois et n’ont donc pas saisi la cour,
– en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 14 décembre 2020,
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Perpignan le 14 décembre 2020 en ce qu’il a rejeté la demande de la Banque populaire du sud au titre de la péremption d’instance, rejeté la demande de la Banque populaire du sud au titre de la prescription, déclaré l’action de la société Locimo recevable, dit et jugé que la rupture brutale, arbitraire et son fondement par la Banque populaire du sud des concours bancaires accordés à la société Locimo est constitutive d’une rupture fautive et abusive imputable à la banque et constitutive des préjudices subis par la société Locimo, dit et jugé que la Banque populaire du sud a engagé sa responsabilité à l’égard de la société Locimo, dit et jugé que la Banque populaire du sud, en position de conflit d’intérêts en l’état de l’existence de liens capitalistiques entre elle et la société Océanis/Equalliance, a manqué à ses obligations, dit et jugé que la Banque populaire du sud a engagé sa responsabilité à l’égard de la société Locimo et par ses man’uvres, a causé un préjudice à celle-ci, dit et jugé que la faute, le préjudice et le lien de causalité sont caractérisés, condamné la Banque populaire du sud à verser à la société Locimo la somme de 4 584 500 euros au titre du préjudice subi sur les terrains de Saint-Laurent de la Salanque, condamné la Banque populaire du sud à verser à la société Locimo une somme de 250 000 euros au titre du préjudice subi sur le manque-à-gagner sur les terrains de [Localité 5] et condamné la Banque populaire du sud à payer à la société Locimo la somme de 358 948 euros au titre du préjudice subi sur la cession des droits du lotissement de [Localité 7],
– condamner en conséquence la Banque populaire du sud à verser à la société Locimo la somme totale de 5 193 448 euros en réparation des préjudices exposés aux présentes, sauf à parfaire,
– confirmer l’allocation par le tribunal à la société Locimo de la somme de 100 000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la Banque populaire du sud de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts d’un montant de 30 000 euros,
– condamner la Banque populaire du sud à payer, en cause d’appel, à la société Locimo la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elles soutiennent en substance que :
– la cour n’ayant pas été saisie dans le délai de trois mois prévu à l’article 908 du code de procédure civile de prétentions tendant à l’infirmation ou à l’annulation du jugement, elle ne peut que confirmer celui-ci,
– c’est à juste titre que le premier juge a écarté l’incident de péremption d’instance, sachant qu’après le dépôt de ses conclusions devant le tribunal, le 16 décembre 2014, elle a accompli divers actes interruptifs de la péremption, notamment des incidents de communication de pièces,
– la prescription de l’action a été valablement interrompue par une première assignation délivrée le 17 juin 2013, qui n’a pas été enrôlée, et une deuxième assignation du 18 juin 2013, qui a été enrôlée, peu important qu’elle ait été annulée et remplacée par celle délivrée le 19 juin 2013,
– le crédit accordé en avril 2002, qui a été tacitement reconduit, est devenu un concours à durée indéterminée et la rupture de l’ensemble des concours par lettre du 8 février 2007, au visa de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier, a présenté un caractère fautif et abusif compte tenu d’un délai de préavis insuffisant pour permettre la société Locimo de retrouver une banque de substitution et du refus de la Banque populaire du sud de toute solution de remboursement amiable,
-l’entrée du groupe Banque populaire au capital de la société Equalliance/Océanis, intervenue en avril 2006, coïncide avec la rupture des concours bancaires, précisément motivée par l’inscription provisoire d’hypothèque prise par la société Océanis sur les biens de la société Locimo, la Banque populaire du sud, en situation de conflit d’intérêts, ayant ainsi pris le parti de favoriser la société Océanis au préjudice de la société Locimo, dont elle connaissait l’état de dépendance économique,
– pour pouvoir présenter un plan de redressement, la société Locimo a dû obtenir la modification du bail à construction conclu avec une société Altis portant sur un terrain situé à [Localité 11], ce qui lui a occasionné une perte évaluée à 4 584 500 euros,
– elle a également perdu une chance de réaliser une meilleure marge sur la revente du terrain de [Localité 5], préjudice que le tribunal a estimé « raisonnable » de fixer à la somme de 250 000 euros,
– enfin, elle a subi un préjudice évalué à 358 948 euros lié à l’obligation dans laquelle elle s’est trouvée de céder ses droits détenus sur le lotissement de [Localité 7], alors qu’un tel programme immobilier faisait l’objet, dans sa quasi-totalité, de contrats de réservation.
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 29 septembre 2022.
MOTIFS de la DECISION :
1-la demande de confirmation du jugement en l’absence, dans le dispositif des conclusions de la Banque populaire du sud déposées dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile, d’une demande d’infirmation du jugement :
Il est de principe, en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, que l’appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement, ou l’annulation du jugement et qu’en cas de non-respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue à l’article 914 du même code de relever d’office la caducité de l’appel.
En l’occurrence, dans le dispositif de ses conclusions d’appelant déposées dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile, la Banque populaire du sud a notamment demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, de constater la péremption de l’instance de la société Locimo compte tenu de l’absence de diligences pendant plus de deux ans, de dire et juger que l’action de la société Locimo se trouve prescrite, dans tous les cas, de la déclarer infondée, de constater que la société Locimo ne rapporte pas la preuve d’une faute qui lui serait imputable, de constater, par ailleurs, que la société Locimo ne justifie pas d’un lien de causalité ou d’un préjudice qui lui serait imputable et de débouter la société Locimo de l’intégralité de ses demandes.
La cour est clairement saisie, par référence à la formulation de l’article 542 du code de procédure civile, d’un appel tendant, non à l’annulation, mais à la réformation du jugement et les prétentions de la Banque populaire du sud sont énoncées dans le dispositif, en conformité des dispositions de l’article 954 du même code, qui tendent à faire constater la péremption de l’instance, subsidiairement, à faire déclarer l’action irrecevable en raison de la prescription et au fond, de voir débouter la société Locimo de l’intégralité de ses demandes ; il ne peut être déduit de l’absence, dans le dispositif desdites conclusions, d’une demande d’infirmation du jugement que la cour ne se trouve pas régulièrement saisie, alors qu’il lui est demandé de réformer le jugement dans l’ensemble de ses chefs, qui sont critiqués.
2-la péremption de l’instance engagée par la société Locimo devant le tribunal de commerce :
L’article 388 du code de procédure civile dispose, en premier lieu, que la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen.
En l’occurrence, il résulte des pièces produites qu’à la suite de l’assignation délivrée le 19 juin 2013 par la société Locimo à l’encontre de la Banque populaire du sud, un jugement de retrait du rôle est intervenu le 18 février 2014 et que la société Locimo a fait signifier, le 16 décembre 2014, à l’avocat de la banque des conclusions devant le tribunal, ayant permis le rétablissement de l’affaire au rôle ; la Banque populaire du sud prétend que la péremption d’instance s’est donc trouvée acquise le 16 décembre 2016.
Pour autant, à la suite d’un arrêt rendu le 22 juin 2017 par cette cour (1ère chambre D) ordonnant la rétractation d’une ordonnance rendue le 18 novembre 2015 par le président du tribunal de commerce, qui avait fait droit à une demande de la société Locimo visant à obtenir la communication par les sociétés du groupe Océanis des documents d’ouverture et de clôture des comptes bancaires de ces sociétés, la société Locimo a saisi le tribunal, par voie de conclusions déposées le 7 août 2017, d’une demande de communication par les sociétés du groupe Océanis de divers éléments, notamment la balance générale et les balances de tiers des sociétés du groupe et le détail des comptes retraçant les opérations réalisées, en particulier celle relative à un crédit de 14 000 400 euros ; or, dans le cadre de cette instance ayant abouti à un jugement du 9 janvier 2018 faisant droit à la demande, la Banque populaire du sud a fait signifier, le 16 octobre 2017, des conclusions au terme desquelles elle demandait au tribunal de constater qu’aucune demande n’est formée à son encontre, de constater qu’elle est tenue par le secret professionnel et qu’il n’existe pas d’intérêt manifeste et de lien de causalité évident à la demande formulée par la société Locimo et de débouter celle-ci de l’intégralité de ses demandes.
La Banque populaire du sud n’a donc pas invoqué, dans les conclusions du 16 octobre 2017, l’existence d’une péremption d’instance, qui serait acquise depuis le 16 décembre 2016, et ne peut soutenir que ces conclusions ont été déposées dans une procédure totalement distincte opposant la société Locimo aux sociétés du groupe Océanis ; en effet, c’est bien dans le cadre de l’instance engagée par la société Locimo à son encontre qu’une demande de communication de pièces a été faite par la demanderesse, peu important que cette demande ait été dirigée à l’encontre des sociétés du groupe Océanis, tiers à l’instance et qui n’étaient d’ailleurs ni présentes, ni représentées à l’audience du 5 décembre 2017 devant le tribunal ; le premier juge a ainsi considéré à bon droit qu’elle était irrecevable à invoquer une péremption d’instance au 16 décembre 2016.
Devant la cour, la Banque populaire du sud indique qu’à supposer même que les conclusions du 16 octobre 2017 rendent irrecevable le moyen tiré de la péremption, ces conclusions n’en ont pas moins fait courir un nouveau délai venu à expiration le 13 (16) octobre 2019 en sorte que l’instance est périmée à cette date ; cependant, contrairement à ce qu’elle affirme, la banque ne s’est pas prévalue, dans ses conclusions déposées le 30 janvier (et non le 27 janvier) 2020 devant le tribunal, d’une péremption d’instance consécutive à l’absence de diligences accomplies par les parties pendant deux ans à compter du 16 octobre 2017.
En toute hypothèse, le redressement judiciaire de la société Locimo ouvert par jugement du 6 mars 2019, qui a désigné la Selarl Esaj avec pour mission d’assister celle-ci dans tous les actes de gestion, a emporté, en vertu des articles 369 et 392 du code de procédure civile, l’interruption de l’instance jusqu’à sa reprise et, partant, du délai de péremption et l’instance ainsi interrompue a été reprise volontairement par la société Locimo et la Selarl Esaj, en sa qualité d’administrateur au redressement judiciaire, par voie de conclusions déposées le 30 septembre 2020 devant le tribunal ; il s’ensuit que postérieurement au 16 octobre 2017, aucune péremption d’instance ne peut être opposée par la Banque populaire du sud.
3-la prescription de l’action de la société Locimo à l’encontre de la Banque populaire du sud :
Il résulte du I de l’article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; il est de principe que la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en n’avait pas eu précédemment connaissance ; par ailleurs, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, parue le 18 juin 2008 au Journal officiel, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; ainsi, à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la société Locimo disposait d’un délai de cinq ans pour agir expirant le 18 juin 2013, sachant que la prescription, qui était initialement de dix ans, avait commencé à courir à compter du 8 février 2007, date de la rupture des concours bancaires prétendument fautifs.
L’article 2241 du code civil dispose que la demande en justice interrompt le délai de prescription même lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulée par l’effet d’un vice de procédure ; l’article 2243 du même code énonce que l’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande.
Au cas d’espèce, une première assignation a été délivrée, le 17 juin 2013, par la société Locimo, qui n’a pas été enrôlée ; une deuxième assignation, annulant et remplaçant celle du 17 juin 2013, a été délivrée par exploit du 18 juin 2012, qui a été enrôlée mais qui se trouvait affectée de deux erreurs, l’une quant à l’indication de l’année de délivrance de l’acte (2012 au lieu de 2013), l’autre quant à l’indication de la date d’audience (mardi 3 septembre 2013 au lieu de mercredi 3 septembre 2013) ; une troisième assignation a donc été délivrée par exploit du 19 juin 2013, qui a été également enrôlée, annulant et remplaçant l’acte du 18 juin 2013.
L’assignation du 19 juin 2013 a rectifié les erreurs de dates affectant l’assignation du 18 juin 2013, qu’elle est ainsi venue compléter quand bien même il a été précisé qu’elle « annule et remplace » celle précédemment délivrée ; il ne peut être soutenu que cette expression figurant sur l’assignation du 19 juin 2013 équivaut à un désistement de l’instance introduite par l’assignation du 18 juin 2013 ; il en résulte que l’action, introduite par l’assignation délivrée le 18 juin 2013, que celle du 19 juin 2013 n’a fait que compléter en rectifiant les indications erronées, l’a bien été dans le délai de cinq ans suivant la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; le premier juge a donc à juste titre rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
4-le fond du litige :
Aux termes de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige : « Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à une durée fixée, par catégorie de crédits et en fonction des usages bancaires, par un décret pris après avis de la Commission bancaire. L’établissement de crédit ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d’autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai. L’établissement de crédit n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise. Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l’établissement de crédit. »
Il est de principe qu’une banque commet une faute en mettant fin brusquement à ses concours si le délai imparti est insuffisant pour permettre à son client de prendre ses dispositions pour trouver un nouveau banquier.
En l’espèce, la société Locimo s’est vue octroyer, pour les besoins de son activité de promoteur immobilier, un crédit de trésorerie de 2 500 000 francs, le 25 novembre 1997, d’une durée d’un an renouvelable, utilisable par mobilisation de billets à ordre, complété, le 11 juillet 2001, par un crédit de trésorerie supplémentaire de 2 500 000 francs pour une durée de cinq ans, utilisable par mobilisation de billets pour 1 500 000 francs et par découvert en compte pour 1 000 000 francs ; à l’expiration de la durée d’un an prévue pour le premier crédit consenti en novembre 1997, la Banque populaire du sud a maintenu son concours, qu’elle a même augmenté, en juillet 2001, en consentant à sa cliente un crédit complémentaire pour une durée de cinq ans, dont elle n’a toutefois pas demandé le remboursement à l’expiration de la durée convenue, aucune clause contractuelle ne prévoyant explicitement une obligation de remboursement à la charge de la société Locimo ; celle-ci a donc pu légitimement croire qu’elle était bénéficiaire d’un concours à durée indéterminée correspondant au crédit de trésorerie qui lui avait été octroyé par émission de billets à ordre et découvert en compte.
La banque a d’ailleurs déclaré, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 6 mars 2009, une créance de 609 689,80 euros au titre des billets à ordre impayés et une créance de 233 330,20 euros au titre du solde débiteur du compte-courant n° [XXXXXXXXXX01].
En revanche, le prêt de 610 000 euros consenti le 23 avril 2002 afin de financer le prix d’acquisition du terrain de [Localité 5] a été stipulé remboursable à son échéance du 28 février 2005, l’article B.2.2 de l’acte prévoyant ainsi que l’ouverture de crédit (est) à échéance du 28 février 2005, date à laquelle elle devra être intégralement remboursée en capital et intérêts (sic) ; la société Locimo ne pouvait dès lors se méprendre sur l’existence d’un terme convenu, l’obligeant à rembourser le prêt à l’arrivée du terme.
La rupture des concours à l’expiration d’un délai de préavis de 60 jours a été notifiée par la Banque populaire du sud par lettre recommandée adressée le 8 février 2007 à la société Locimo, au visa de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier.
En premier lieu, le fait pour la Banque populaire du sud de se référer, dans sa lettre du 8 février 2007, à l’article L. 313-12 du code monétaire et financier ne saurait avoir pour effet de modifier la nature du concours consenti le 23 avril 2002 sous la forme d’un prêt conclu pour une durée déterminée expirant le 28 février 2005 et si la banque n’en a pas sollicité immédiatement le remboursement à l’arrivée de son terme, il ne peut en être déduit que le prêt s’est transformé en un concours à durée indéterminée ; en effet, l’arrivée du terme convenu oblige nécessairement l’emprunteur à rembourser la somme prêtée sans que le prêteur ait à le mettre en demeure, sachant d’ailleurs que par courrier du 20 juillet 2005, la banque a rappelé au dirigeant de la société Locimo que l’ouverture de crédit destinée à financer l’acquisition du terrain de [Localité 5] était devenue exigible depuis le 28 février 2005 et l’a invité à proposer une solution de remboursement avant le 15 septembre 2005 ; la Banque populaire du sud n’était donc pas tenue, à la différence du crédit de trésorerie par mobilisation de billets à ordre et découvert en compte, au respect d’un délai de préavis préalablement à l’interruption du concours, le délai de 60 jours devant ici être regardé comme un délai accordé pour le remboursement d’une dette exigible.
Pour prétendre que le délai de préavis de 60 jours est conforme aux stipulations contractuelles, la banque ne saurait invoquer utilement diverses conventions de compte-courant signées par la société Locimo en 1998, 2000 et 2001 prévoyant, en termes généraux, pour l’interruption ou la réduction des concours un délai de préavis de 30 jours (pour l’escompte commercial et les autres crédits de mobilisation de créances) ou de 60 jours (pour les autres concours à durée indéterminée), sans rapport avéré avec le crédit de trésorerie par mobilisation de billets et découvert en compte, adossé au compte-courant n°[XXXXXXXXXX01].
Il a été indiqué plus haut, s’agissant du prêt de 610 000 euros, que la Banque populaire du sud ne pouvait se voir reprocher la rupture d’un concours à durée indéterminée puisque le prêt octroyé devait être remboursé au terme convenu du 28 février 2005 qui était expiré, peu important que la banque n’en ait pas réclamé immédiatement le remboursement ; en toute hypothèse, la rupture des concours a été notifiée le 8 février 2007 à l’issue d’un préavis de 60 jours, alors, d’une part, que la société Locimo présentait une situation financière dégradée, notamment caractérisée par une perte de 185 216 euros constatée à la clôture de l’exercice du 31 décembre 2005, et, d’autre part, que le terrain acquis par celle-ci à [Localité 5] n’était toujours pas constructible, étant alors classé en zone 1NAi (zone à vocation d’habitat collectif, d’habitat individuel et de commerce) à urbaniser dans le cadre d’une opération d’aménagement d’ensemble non encore définie.
En outre, un contentieux né de l’exécution de la convention de coopération conclue en septembre 2001 en vue de l’aménagement de la future Zac « [Adresse 10] » à [Localité 5] était apparu entre la société Locimo et la société Océanis Delta BFP ODS, venant aux droits de M. [I], cette société estimant avoir droit à la moitié de la plus-value sur la vente à réaliser de diverses parcelles et ayant fait inscrire, le 1er juin 2006, sur celles-ci une hypothèque judiciaire provisoire en garantie d’une créance finalement chiffrée à 4 211 250 euros.
Eu égard aux circonstances, mettant en cause la viabilité de l’opération de promotion immobilière envisagée à [Localité 5], pour laquelle la Banque populaire du sud avait consenti un financement de 610 000 euros, il ne peut être considéré que la décision de celle-ci de rompre ses concours ainsi notifiée le 8 février 2007, laissant à la société Locimo un délai de préavis de 60 jours pour trouver un autre banquier, ait été abusive, quand bien même le partenariat avec la banque avait débuté en 1995.
D’ailleurs, lorsque la rupture des concours est intervenue, l’inscription d’une hypothèque provisoire prise par la société Océanis Delta BFP ODS sur le terrain de [Localité 5], en garantie d’une créance de plus de 4 millions d’euros, était de nature à faire obstacle à la réalisation de la promesse unilatérale de vente consentie le 7 janvier 2006 par la société Locimo au profit de la société Vinci immobilier (sur les parcelles destinées à l’habitation à hauteur de 9 200 000 euros pour une Shon de 23 000 m²) et de la promesse synallagmatique de vente conclue le 9 août 2006 avec M. [L] (sur les parcelles à vocation commerciale à hauteur de 1 200 000 euros pour une Shon de 6500 m²), ladite promesse ayant notamment été consentie sous la condition suspensive de la délivrance d’un état hypothécaire ne révélant pas l’existence d’inscriptions pour un montant supérieur au prix de vente.
La société Locimo ne peut prétendre qu’elle entretenait avec la Banque populaire du sud une relation quasi exclusive, qui l’aurait empêchée de retrouver un concours bancaire de substitution, au regard des dispositions de l’article A.4 § 21 de l’acte du 23 avril 2002 prévoyant l’exigibilité anticipée des sommes dues au titre du prêt si l’emprunteur, sans l’accord préalable de la banque, vient à contracter auprès d’un autre prêteur que la banque, alors précisément qu’il s’agit là d’un cas d’exigibilité anticipée du prêt avant l’arrivée du terme convenu, fixé au 28 février 2005, qui ne faisait donc pas obstacle à ce que la société Locimo contracte avec un autre banquier, après l’arrivée du terme ; à cet égard, aucun élément n’est fourni quant aux démarches susceptibles d’avoir été menées par la société Locimo au cours du délai de préavis en vue d’obtenir une nouvelle source de financement.
Il ne peut, non plus, être reproché à la banque, qui était libre de résilier ou de maintenir ses concours sans être tenue de motiver sa décision, d’avoir refusé toute solution de remboursement amiable du prêt venu à échéance, notamment dans le cadre de l’exécution du mandat ad hoc confié à M. [H], administrateur judiciaire, alors que la société Locimo aurait présenté des garanties suffisantes liées notamment à la valorisation à hauteur de 5 140 000 euros d’un terrain, dont elle était propriétaire à [Localité 11], résultant d’un rapport établi le 11 octobre 2005 par M. [F], expert judiciaire, et à la promesse faite par M. et Mme [V], dans un document daté du 20 février 2006, d’apporter à la société une somme de 250 000 euros en compte-courant ; ce refus est d’autant moins fautif qu’il était également demandé à la Banque populaire du sud, en plus de la consolidation des sommes dues sous la forme d’un crédit-relais destiné à permettre la conclusion, hypothétique, des ventes au profit de la société Vinci immobilier et de M. [L], de financer à hauteur de 750 000 euros un nouveau projet de lotissement à [Localité 7].
Enfin, rien ne permet d’affirmer que la Banque populaire du sud (née de la fusion en 2005 de la Banque populaire du Midi et de la Banque populaire des Pyrénées-Orientales, de l’Aude et de l’Ariège) a voulu privilégié la société groupe Océanis devenue Equalliance, dont les filiales étaient financées à l’origine par la Banque populaire du Midi, en rompant les concours dont bénéficiait la société Locimo concomitamment à l’inscription, au profit de l’une des sociétés du groupe Océanis, d’une inscription hypothécaire provisoire.
Il est vrai qu’en avril 2016, la société Natixis est entrée, à hauteur de 20 %, au capital de la société Equalliance par l’intermédiaire de fonds d’investissement (la société SCR Banque populaire développement représentée par la société Naxicap partners et la société FCPR LBO Croissance 3 représentée par sa société de gestion SPEF LBO), sachant que la société Natixis était alors détenue par la Caisse nationale des Caisses d’épargne et la Banque fédérale des Banques populaires, cette dernière étant elle-même détenue par les Banques populaires régionales dont la Banque populaire du sud ; force est donc de constater que la Banque populaire du sud ne détient pas directement une participation dans la société groupe Océanis devenue Equalliance et, comme le relève M. [M], expert judiciaire, dans un rapport de consultation établi le 6 juillet 2021, la société Natixis est une banque d’investissement, dont les activités sont sans rapport avec celles d’une banque de détail comme la Banque populaire du sud, ces deux structures appartenant à des réseaux différents sans interpénétration possible entre eux en raison de la réglementation bancaire ; en outre, si les sociétés Naxicap partners et SPEF LBO ont été nommés membres du conseil de surveillance de la société Equalliance, leurs dirigeants (MM. [A] et [K]) ne sont pas membres du conseil d’administration de la Banque populaire du sud, dont la direction opérationnelle est confiée à un directeur général ; l’existence de relations d’affaires entre l’un des 22 administrateurs de la Banque populaire du sud (M. [O]) et le dirigeant de la société Equalliance (M. [D]) n’est pas en soi révélateur d’un conflit d’intérêts.
Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la Banque populaire du sud ne saurait être engagée dans la rupture des concours consentis à la société Locimo ; le jugement entrepris doit en conséquence être réformé en ce qu’il a fait droit aux demandes indemnitaires de la société Locimo.
La Banque populaire du sud n’établit pas en quoi les moyens soulevés par son adversaire dans le cadre de cette procédure l’ont discréditée, au point de justifier que des dommages et intérêts lui soient alloués de ce chef.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société Locimo doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la Banque populaire du sud la somme de 5000 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande de la société Locimo tendant à la confirmation du jugement en l’absence, dans le dispositif des conclusions de la Banque populaire du sud, d’une demande d’infirmation du jugement,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 14 décembre 2020 en ce qu’il a rejeté la demande de la Banque populaire du sud au titre de la péremption d’instance et dit que l’action de la société Locimo n’est pas prescrite,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que la Banque populaire du sud n’a pas engagé sa responsabilité dans la rupture des concours consentis à la société Locimo,
Déboute en conséquence la société Locimo de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,
Rejette la demande reconventionnelle de la Banque populaire du sud en paiement de dommages et intérêts,
Condamne la société Locimo aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la Banque populaire du sud la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code,
le greffier, le président,