AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq octobre deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, de la société civile professionnelle VUITTON, de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– X… André,
– Y… David,
– Z… James,
– A… Alastair, prévenus,
– B… Danielle,
– C… Joseph,
– D… Jean,
– E… Luc, parties civiles,
contre l’arrêt de la chambre d’instruction de la cour d’appel de PARIS, 3ème section, en date du 25 juin 2004, qui a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction renvoyant devant le tribunal correctionnel André X… et Alastair A… du chef de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, David Y… et James Z…, du chef de délit d’initié, et a dit n’y avoir lieu à suivre contre Patrick F… du chef de diffusion d’informations fausses ou trompeuses et contre quiconque du chef de publicité trompeuse ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I – Sur le pourvoi formé par Alastair A… :
Vu l’article 606 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu’il résulte d’un extrait régulier des actes de l’état civil de la commune de Chichester (Grande Bretagne) que Alastair A… est décédé le 1er septembre 2004 :
Attendu qu’aux termes de l’article 6 du Code de procédure pénale, l’action publique s’éteint par le décès du prévenu ;
Attendu que, s’il est de principe que, lorsque la décision attaquée a statué à la fois sur l’action publique et sur l’action civile, et que le prévenu est décédé au cours de l’instance en cassation, la Cour de cassation reste compétente pour prononcer sur l’action civile, il en est autrement lorsque l’arrêt a été rendu par une juridiction d’instruction ; que, ne pouvant plus statuer sur l’action publique, les juges répressifs se trouvent, dès lors, incompétents pour connaître de l’action civile ;
Que tel étant le cas en l’espèce, il y a lieu de déclarer l’action publique éteinte et de constater que le pourvoi de Alastair A… est devenu sans objet en ce qui concerne l’action civile ;
II – Sur les pourvois formés par André X…, James Z… et David Y… :
Vu l’article 574 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour André X…, pris de la violation des articles 6-1 et 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 574 et 593 du Code de procédure pénale, défauts de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande d’annulation de l’ordonnance de renvoi du 14 mars 2003 formée par André X… ;
« aux motifs qu’André X… sollicite l’annulation de l’ordonnance de renvoi, en invoquant la violation des droits de la défense, à raison de l’exercice par le juge d’instruction du pouvoir, que lui confère l’alinéa 4 de l’article 175 du Code de procédure pénale, de régler la procédure sans attendre les réquisitions du procureur de la République, au motif que ce dernier représente l’accusation et que ses réquisitions sont indispensables pour connaître avec précision les faits définitivement reprochés par l’accusation à la personne mise en examen ; que cette argumentation se trouve toutefois dépourvue de portée dans la mesure où le juge d’instruction, lorsqu’il ne reçoit pas de réquisitions du procureur de la République dans le délai prescrit par l’alinéa 3 de l’article 175, estime souverainement s’il convient de rendre l’ordonnance de règlement, et où, en toute hypothèse, l’ordonnance critiquée fait apparaître le souci du juge d’apprécier à charge et à décharge les éléments figurant au dossier ;
« alors que, toute personne poursuivie a droit à un procès équitable et a droit, notamment, à être informée de la nature et de la cause de l’accusation portée à son encontre ; qu’il s’ensuit que, nonobstant les termes de l’article 175, alinéa 4, du Code de procédure pénale, permettant au juge d’instruction de rendre, passé un certain délai, l’ordonnance de renvoi sans avoir connaissance des réquisitions du procureur de la République, la chambre de l’instruction ne pouvait, en l’espèce, compte tenu de la nécessité pour le prévenu de connaître exactement, au terme d’une instruction longue et complexe, l’accusation portée à son encontre, confirmer l’ordonnance du 14 mars 2003 rendue par le juge d’instruction sans avoir, au préalable, recueilli l’avis du ministère public ; que, en refusant d’annuler l’ordonnance du 14 mars 2003, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés » ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour James Z…, pris de la violation des articles 179, 184, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué, rejetant toutes autres demandes, a refusé d’annuler l’ordonnance du 14 mars 2003 qui avait, notamment, prononcé le renvoi de James Z… devant le tribunal correctionnel de Paris du chef de délit d’initié ;
« aux motifs que Mme l’Avocat Général ne reprend pas la critique du procureur de la République en ce qui concerne la qualification insuffisante des délits d’initié retenus par le magistrat instructeur à l’encontre de David Y… et James Z… ; qu’en l’espèce, la qualification des faits ainsi retenus figure dans les motifs de l’ordonnance du 14 mars 2003 (pages 35 à 39, 42 et 47 à 58) et suffit à permettre à ces deux personnes renvoyées devant la juridiction de jugement de connaître l’étendue de la saisine de cette dernière (arrêt attaqué, p. 21) ;
« alors que, l’imprécision de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel l’entache d’une nullité d’ordre public ; que la chambre de l’instruction ne pouvait dès lors refuser d’annuler l’ordonnance du 14 mars 2003 renvoyant James Z… devant le tribunal correctionnel – laquelle, non seulement n’indiquait pas précisément la nature des informations qui auraient été transmises à James Z…, mais encore ne précisait ni l’identité de la personne lui ayant communiqué ces informations ni le moment ni les circonstances de cette communication – sans violer les textes visés au moyen » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter les demandes d’annulation de l’ordonnance de renvoi formées, d’une part, par André X…, prise de la violation des droits de la défense en raison du règlement de la procédure par le juge d’instruction sans attendre les réquisitions du procureur de la République, d’autre part, par James Z…, tirée de l’imprécision de cette ordonnance quant aux faits reprochés et à leur qualification légale, l’arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu’en cet état, la chambre de l’instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour André X…, pris de la violation des articles 185, 186, 202, 574 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que la chambre de l’instruction, considérant comme irrecevable la demande de non-lieu formée par le prévenu, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction du 14 mars 2003 ayant renvoyé André X… devant le tribunal correctionnel, du chef de diffusion d’informations trompeuses ou mensongères (article L. 465-1, alinéa 4, du Code monétaire et financier) ;
« aux motifs que, en l’absence de réquisitions d’infirmation aux fins de non-lieu à suivre en sa faveur, André X… n’est pas recevable à solliciter par mémoire le prononcé d’une telle décision, dans la mesure où les dispositions de l’article 186 du Code de procédure pénale ne lui permettent pas d’interjeter appel de la décision le renvoyant devant le tribunal correctionnel ;
qu’au surplus la décision de renvoi d’André X… devant la juridiction de jugement ne contient aucune disposition sur laquelle cette dernière ne pourrait revenir ; que, dans ses réquisitions, le procureur général limite le recours du ministère public aux causes de nullité écartées ;
« alors, d’une part, que, lorsque la chambre de l’instruction est saisie par l’appel du procureur de la République d’une ordonnance de règlement du juge d’instruction, elle est saisie de la connaissance de l’affaire en son intégralité, ce qui implique qu’elle doit procéder à une nouvelle appréciation des charges et que le prévenu est recevable à lui soumettre à l’occasion de cet appel toutes demandes à ce titre, notamment une demande de prononcé d’un non-lieu ; qu’en affirmant qu’André X… n’était pas recevable à solliciter un non-lieu, au motif inopérant que l’article 186 du Code de procédure pénale ne lui permettait pas d’interjeter appel de l’ordonnance de renvoi, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;
« alors, d’autre part, que, en refusant de se prononcer sur la demande de non-lieu d’André X…, au motif inopérant que l’ordonnance de renvoi ne contenait aucune disposition sur laquelle la juridiction de jugement ne pourrait revenir, au lieu de procéder, dans le cadre de son pouvoir de révision, à l’appréciation de la réalité des charges et de procéder elle-même au règlement de la procédure, la chambre de l’instruction a méconnu l’étendue de sa saisine et la nature de ses pouvoirs, en violation des textes visés au moyen ;
« alors, enfin, que le fait que dans ses réquisitions le procureur général se bornait à demander la nullité de l’ordonnance de renvoi n’était pas de nature à modifier l’étendue de la saisine de la chambre de l’instruction qui, de par l’appel de l’ordonnance de règlement formé par le procureur de la République, était saisie de la connaissance de la totalité de l’affaire ; qu’en refusant de se prononcer sur les charges et de statuer sur la demande de non-lieu d’André X…, au motif erroné que le procureur général avait, dans ses réquisitions, « limité le recours du ministère public aux causes de nullité ci-dessus écartées », la chambre de l’instruction a violé les textes visés au moyen » ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour James Z…, pris de la violation des articles 184, 185, 202, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance du 14 mars 2003 en ce que, notamment, elle prononçait le renvoi de James Z… devant le tribunal correctionnel de Paris du chef de délit d’initié ;
« aux motifs qu’en l’espèce, seul le procureur de la République demande, à titre subsidiaire, l’infirmation des dispositions de l’ordonnance du 14 mars 2003 renvoyant David Y… et James Z… devant le tribunal correctionnel ; que, dans ses réquisitions, le procureur général limite le recours du ministère public aux causes de nullités ci-dessus écartées ; qu’en cet état, compte tenu des dispositions de l’article 186 précité, la chambre de l’instruction estime n’y avoir lieu de faire usage de la faculté d’évocation que lui confère l’article 202 du Code de procédure pénale pour examiner le bien-fondé des dispositions de renvoi de David Y… et James Z… ainsi que le demandent ces derniers dans leurs mémoires respectifs ; qu’au surplus, la décision de renvoi d’André X…, Alastair A…, David Y… et James Z… devant la juridiction de jugement ne contient aucune disposition sur laquelle cette dernière ne pourrait revenir, étant observé que la position prise par le procureur de la République dans sa requête d’appel, permet d’augurer que l’affaire sera rapidement audiencée par lui afin d’éviter tout dépassement du délai raisonnable de durée de la procédure (arrêt, page 21) ;
« alors que, saisie en vertu des dispositions de l’article 185 du Code de procédure pénale par la requête d’appel du procureur de la République contre l’ordonnance de règlement – requête qui fixait les limites de sa saisine – il appartenait à la chambre de l’instruction de statuer sur les demandes formulées dans ladite requête quelles que soient les réquisitions du procureur général ; qu’en statuant comme elle l’a fait et en refusant d’examiner le bien fondé des dispositions de renvoi sous couvert d’un refus d’exercice de la faculté d’évocation prévue par l’article 202 du Code de procédure pénale, non en cause en l’espèce, la chambre de l’instruction a méconnu l’étendue de ses pouvoirs » ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour David Y…, pris de la violation des articles 185, 186, 202, 574 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que la chambre de l’instruction, refusant d’examiner la demande de non-lieu formée par le prévenu, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction du 14 mars 2003 ayant renvoyé David Y… devant le tribunal correctionnel, du chef de délit d’initié (article L. 465-1, alinéa 1er, du Code monétaire et financier) ;
« aux motifs que, seul, le procureur de la République demande, à titre subsidiaire, l’infirmation des dispositions de l’ordonnance du 14 mars 2003 renvoyant David Y… devant le tribunal correctionnel ; que, dans ses réquisitions, le procureur général limite le recours du ministère public aux causes de nullité ci-dessus écartées ; qu’en cet état, compte tenu des dispositions de l’article 186 du Code de procédure pénale, la chambre de l’instruction estime n’y avoir lieu de faire usage de la faculté d’évocation que lui confère l’article 202 du Code de procédure pénale pour examiner le bien-fondé des dispositions de renvoi de David Y… ainsi que le demande ce dernier dans son mémoire ;
qu’au surplus la décision de renvoi de David Y… devant la juridiction de jugement ne contient aucune disposition sur laquelle cette dernière ne pourrait revenir ;
« alors, d’une part, que, lorsque la chambre de l’instruction est saisie par l’appel du procureur de la République d’une ordonnance de règlement du juge d’instruction, elle est saisie, par l’effet dévolutif de l’appel, de la connaissance de l’affaire en son intégralité, ce qui implique que la question de la faculté d’évocation ne se pose pas et qu’elle doit procéder à une nouvelle appréciation des charges et examiner la demande de non-lieu d’un prévenu, recevable à l’occasion de cet appel ; qu’en refusant d’examiner la demande de non-lieu de David Y…, au motif erroné que, compte tenu des dispositions de l’article 186 du Code de procédure pénale, il n’y avait pas lieu de faire usage de la faculté d’évocation, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;
« alors, d’autre part, que, le fait que, dans ses réquisitions, le procureur général se bornait à demander la nullité de l’ordonnance de renvoi, n’était pas de nature à modifier l’étendue de la saisine de la chambre de l’instruction, laquelle, de par l’appel de l’ordonnance de règlement formé par le procureur de la République, était saisie de la connaissance de la totalité de l’affaire ; qu’en refusant d’examiner « le bien-fondé des dispositions de renvoi » et de se prononcer sur la demande de non-lieu formée par David Y…, au motif erroné que le procureur général avait, dans ses réquisitions, « limité le recours du ministère public aux causes de nullité ci-dessus écartées », la chambre de l’instruction a, à nouveau, violé les textes susvisés ;
« alors, enfin, que, en refusant de se prononcer sur la demande de non-lieu de David Y…, au motif inopérant que l’ordonnance de renvoi ne contenait aucune disposition sur laquelle la juridiction de jugement ne pourrait revenir, au lieu de procéder, dans le cadre de son pouvoir de révision, à l’appréciation de la réalité des charges et de procéder elle-même au règlement de la procédure, la chambre de l’instruction a méconnu l’étendue de sa saisine et la nature de ses pouvoirs, en violation des textes visés au moyen » ;
Les moyens étant réunis ;