AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six octobre deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BEYER , les observations de la société civile professionnelle LESOURD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– LA SOCIETE GROUPEMENT PRIVE DE GESTION,
– X… Serge,
parties civiles,
1) contre l’arrêt n° 10 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, en date du 20 février 2002, qui, sur leur plainte contre Jean-Daniel Y…, pour faux et recel, a confirmé l’ordonnance fixant consignation rendue par le juge d’instruction ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
I – Sur le pourvoi contre l’arrêt du 20 février 2002 ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 88, 88-1, 183, 186, 194, 198, 199, 200, 207, 216, 217, 575, 593 et 801 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
« en ce que l’arrêt attaqué (chambre de l’instruction de la Cour de Paris du 20 février 2002) a fixé la consignation des parties civiles à 50 000 francs ou 7 622, 45 euros ;
« aux motifs qu’aux termes de l’article 88 du Code de procédure pénale, le montant de la consignation était fixé en fonction des ressources de la partie civile et qu’en vertu de l’article 88-1 du même Code, la consignation garantissait le paiement de l’amende civile pouvant s’élever à 100 000 francs (15 244, 90 euros) et qui était susceptible d’être prononcée en cas de constitution de partie civile abusive ou dilatoire ;
« alors, d’une part, que la consignation doit être fixée en fonction des ressources de la partie civile ; que, dans leur mémoire, les parties civiles faisaient valoir que la société GPG n’avait plus que de faibles ressources et qu’elle ne fonctionnait plus que grâce à des prélèvements sur les comptes-courants de ses associés ; qu’en se déterminant par les seuls motifs susrappelés sans s’expliquer sur les ressources des parties civiles, la chambre de l’instruction a violé les articles 88 et 81-1 du Code de procédure pénale ;
« alors, d’autre part, que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention européenne des droits de l’homme ont été violés, a droit à un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ; qu’en l’espèce, en fixant la consignation à un montant excessif compte tenu des faibles ressources des plaignants, la juridiction d’instruction a, en fait, délibérément fait obstruction à l’application de la règle susrappelée et porté atteinte aux droits de la défense » ;
Attendu qu’en fixant, dans les limites prévues par la loi, le montant de la consignation à verser par les parties civiles, les juges n’ont fait qu’user de la faculté qu’ils tiennent de l’article 88 du Code de procédure pénale ;
D’où il suit que le moyen est irrecevable et qu’il en est de même du pourvoi par application de l’article 575, alinéa 1er du Code de procédure pénale ;
II – Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 24 septembre 2003 :
Vu l’article 575, alinéa 2, 1 , du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 434-13 du Code pénal, 86, 575 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motifs, manque de base légale, et violation des droits de la défense ;
« en ce que l’arrêt attaqué (24 septembre 2003) a refusé d’informer sur la plainte avec constitution de partie civile de la société GPG et de Serge X… des chefs de témoignages mensongers, faux et recel-dissimulation d’escroquerie à l’encontre de Jean-Daniel Y… ;
« aux motifs que, s’agissant du faux témoignage imputé à Jean-Daniel Y… au cours de son audition sur commission rogatoire le 16 janvier 1998, les déclarations critiquées ne portaient pas sur les circonstances essentielles des faits poursuivis et, à supposer réelles les inexactitudes dénoncées par Serge X…, celles-ci étaient sans effet sur le sens réel de la déposition de l’intéressé et ne pouvaient suffire à constituer le délit de l’article 434-13 du Code pénal ; que, s’agissant du recel d’escroquerie imputé à Jean- Daniel Y… pour avoir, par le témoignage mensonger et le faux susévoqués, dissimulé la machination constitutive d’escroquerie dont se seraient rendus coupables les dirigeants du groupe Pinault et de la Caisse des dépôts et consignations à l’occasion de l’achat par la société GPG, fin décembre 1992 et courant février-mars 1993, de titres de la SCOA et de l’éviction postérieures de ladite société GPG du capital de cette dernière, force était de constater que les parties civiles se bornaient à affirmer l’existence de l’escroquerie qui ne résultait d’aucune des pièces jointes à leur plainte et à leur mémoire ; qu’en l’absence du moindre élément de preuve de nature à corroborer leurs allégations sur ce délit d’escroquerie, aucun recel ne saurait exister ; que, en définitive, le premier juge avait estimé à juste titre que les faits objet de la présente plainte n’étaient pas susceptibles de qualification pénale ;
« et aux motifs, en ce qui concernait le faux allégué, que Serge X… soutenait avoir signé en blanc une convention de compte le 17 novembre 1994 et faisait grief à Jean-Daniel Y… d’avoir anti-daté celle-ci au 20 octobre 1992 ; que, s’agissant d’une infraction instantanée, un tel faux se trouvait prescrit le 16 janvier 2001, date de la plainte avec constitution de partie civile ; que les parties civiles ne pouvaient, pour s’opposer à l’acquisition de la prescription, se prévaloir utilement d’une découverte tardive de ce faux ou même de sa connexité avec des faits objet d’une information distincte (arrêt p. 5, 1 à 3) ;
« alors, d’une part, que le juge d’instruction a le devoir d’informer et que cette obligation ne cesse que si, pour une cause affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter aucune poursuite ; que, contrairement aux énonciations de l’arrêt attaqué, le faux témoignage imputé à Jean- Daniel Y… portait sur des circonstances essentielles des faits poursuivis puisqu’ils avaient consisté en une escroquerie commise à l’encontre du GPG et à laquelle Jean-Daniel Y… avait contribué en favorisant le groupe Pinault ; que les motifs vagues susrapportés ne donnent aucune base légale au refus d’informer ;
« alors, d’autre part que, s’agissant du recel d’escroquerie, compte tenu de l’instruction en cours, il appartenait à la chambre de l’instruction, avant de se prononcer sur les mérites de la plainte, de se faire communiquer la procédure en cours (P. 96.026.6980/2), mesure qui aurait permis de vérifier que les déclarations mensongères de Jean-Daniel Y… étaient sans incidence sur les faits objet de cette information ; que, faute de l’avoir fait, les motifs vagues susrapportés ne donnent aucune base légale à l’arrêt attaqué ;
« alors au surplus que, contrairement aux énonciations de l’arrêt attaqué, les parties civiles avaient rapporté la preuve de l’existence de l’escroquerie principale en versant, à l’appui de leur plainte, toute une série de pièces nouvelles établissant la fictivité de la cession d’Omnilogic International, cession qui avait fait chuter le cours de la SCOA et constituait la manoeuvre essentielle de l’escroquerie principale ayant consisté à faire acheter au GPG des titres qui n’existaient pas puis, pour la Caisse des Dépôts, à le rendre fictivement débiteur de sommes considérables ; qu’en s’abstenant d’examiner ces pièces et d’en faire l’analyse, la chambre de l’instruction a, derechef, privé sa décision de base légale ;
« alors, enfin, qu’à supposer que le faux commis en 1994 en tant que tel soit prescrit, il n’en est pas moins l’un des éléments constitutifs du recel d’escroquerie objet, par ailleurs, de l’information P. 96.0266980/2 ; que, dès lors, la chambre de l’instruction avait l’obligation de vérifier son existence par un acte d’information destiné à conforter la plainte ayant donné lieu à l’ouverture de l’information ci-dessus mentionnée ; qu’en refusant de le faire, la chambre de l’instruction a violé les textes susmentionnés et les droits de la défense » ;