AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois juillet deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… François,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, en date du 26 mars 2003, qui, dans l’information suivie contre lui du chef de recel de délit d’initié, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction rejetant sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 137, 138, 142, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la requête de François X… tendant à la mainlevée du contrôle judiciaire ;
« aux motifs que, les demandes tendant à voir prononcer le non-lieu ainsi que la nullité de la procédure sont étrangères à la présente instance dont l’unique objet est l’appel de l’ordonnance de rejet de mainlevée du contrôle judiciaire ; qu’il résulte de l’information des indices graves ou concordants laissant présumer l’implication du mis en examen dans les faits qui lui sont reprochés ;
que l’ordonnance du 16 novembre 2000 prononçant le contrôle judiciaire a, d’une part, fait interdiction à François X… de recevoir, rencontrer, entrer en relation avec Solange Y…, Raoul Z…, Olivier A…, Mikaël B…, Dominique C…, d’autre part, fait obligation à François X… de verser un cautionnement de 3,5 MF avant le 1er décembre 2000 garantissant à concurrence d’1 MF la représentation à tous les actes de la procédure, l’exécution du jugement et les autres obligations, et de 2,5 MF le paiement de la réparation des dommages causés par l’infraction et des restitutions ainsi que des amendes ; que le contrôle judiciaire, tel que fixé, répond à titre de mesure de sûreté ainsi qu’au titre des nécessités de l’information, aux exigences de l’article 137 du Code de procédure pénale ; que l’appelant, qui a versé le montant du cautionnement, ne justifie pas de l’existence de difficultés financières rendant nécessaire sa mainlevée, le versement effectué démontrant que le montant correspondait à ses ressources ; que le maintien du contrôle judiciaire demeure en l’état nécessaire à titre de mesure de sûreté, l’information étant en voie d’achèvement (arrêt, page 5) ;
« 1 ) alors que la juridiction d’instruction, saisie d’une demande de mainlevée du contrôle judiciaire, doit statuer par une décision spécialement motivée par les éléments de l’espèce ; qu’en l’espèce, pour rejeter la demande de mainlevée du contrôle judiciaire imposé à François X…, la chambre de l’instruction a notamment relevé que ce contrôle judiciaire, tel que fixé, répond à titre de mesure de sûreté ainsi qu’au titre des nécessités de l’information, aux exigences de l’article 137 du Code de procédure pénale et que le maintien de cette mesure demeure en l’état nécessaire à titre de mesure de sûreté, l’information étant en voie d’achèvement ; qu’en l’état de telles énonciations abstraites et générales, qui ne tendent qu’à paraphraser la loi, et qui ne précisent pas les circonstances qui, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, justifient le maintien du contrôle judiciaire, la chambre de l’instruction n’a pas légalement justifié sa décision ;
« 2 ) alors que conformément à l’article 138, alinéa 2, 11 , du Code de procédure pénale, l’obligation de fournir un cautionnement dans le cadre du contrôle judiciaire doit être déterminée en considération des ressources et des charges de la personne mise en examen ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que le demandeur, qui a versé le montant du cautionnement, ne justifie pas de l’existence de difficultés financières rendant nécessaire sa mainlevée, et qu’ainsi le versement effectué démontre que le montant correspondait à ses ressources, sans répondre au chef péremptoire du mémoire dudit demandeur, qui faisait notamment valoir que pour régler le montant du cautionnement, il avait été contraint d’emprunter une somme très importante, démontrant ainsi que le montant dudit cautionnement constituait pour lui une charge excessive, la chambre de l’instruction a violé l’article 593 du Code de procédure pénale ;
« 3 ) alors qu’en application de l’article 142 du Code de procédure pénale, la seconde partie du cautionnement garantit la réparation des dommages causés par l’infraction ; qu’à cet égard, le demandeur avait expressément fait valoir dans son mémoire, qu’il était bien fondé à solliciter, à tout le moins, la mainlevée du cautionnement, notamment en sa seconde partie affectée, à concurrence de 2,5 millions de francs, au paiement de la réparation des dommages causés par l’infraction, dès lors que les parties civiles avaient reconnu n’avoir subi aucun préjudice financier du fait des agissements pour lesquels il a été mis en examen ; que, dès lors, en maintenant intégralement les obligations du contrôle judiciaire, et en particulier celles relatives au cautionnement, sans répondre à ce chef péremptoire du mémoire du demandeur, la chambre de l’instruction a de ce chef méconnu les exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale » ;
Attendu que François X…, dirigeant de la société en nom collectif Foch et de la société Verneuil Finances, a été mis en examen, le 16 novembre 2000, pour avoir, les 17 et 18 août 1999, en utilisant une information privilégiée, acheté puis revendu sur le premier marché de la Bourse de Paris 33 000 titres de la Société industrielle de transport automobile (SITA), vendu 40 000 titres de la Société Suez Lyonnaise des eaux (SLDE), et ainsi déclenché un mouvement de spéculation sur ces titres avant la publication de l’offre publique d’échange dont ils devaient faire l’objet ; que le juge l’a placé sous contrôle judiciaire prévoyant notamment l’obligation de verser avant le 1er décembre 2000 un cautionnement de 3 500 000 francs, garantissant à hauteur de 1 000 000 sa représentation à tous les actes de la procédure et pour l’exécution du jugement, et de 2 500 000 francs le paiement de la réparation des dommages causés par l’infraction et des restitutions ;
Attendu que, pour confirmer le rejet de la demande de mainlevée du contrôle judiciaire présentée par la personne mise en examen, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé les faits de la cause et énoncé les indices de culpabilité pesant sur la personne mise en examen, retient que les opérations irrégulières auraient, selon le rapport de la Commission des opérations de Bourse, procuré une plus-value de 529 650 euros à ses auteurs ; que les juges ajoutent que François X…, qui a versé le cautionnement demandé, n’établit pas les difficultés financières qu’il allègue et que la mesure de contrôle judiciaire reste nécessaire tant en raison des nécessités de l’instruction, qui est sur le point de se terminer, qu’à titre de mesure de sûreté ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations exemptes d’insuffisance, et dès lors que la fixation de la partie du cautionnement destinée, selon l’article 142 du Code de procédure pénale, à garantir notamment la réparation des dommages causés par l’infraction, n’est pas subordonnée aux appréciations des parties civiles régulièrement constituées, la chambre de l’instruction a justifié sa décision au regard des dispositions des articles 138-11 et 142 du Code de procédure pénale ;
Qu’il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;