AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize juin deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle LESOURD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Serge,
– LA SOCIETE GROUPEMENT PRIVE DE GESTION, parties civiles,
contre l’arrêt n 1 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, en date du 24 octobre 2003, qui a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction refusant d’informer sur leur plainte des chefs de faux témoignage et recel d’escroquerie ;
Vu l’article 575, alinéa 2, 1 , du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 434-13 et 321-1 à 321-5 et 321-9 à 321-11 du Code pénal, 575 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble défaut de réponse à articulation essentielle du mémoire ;
« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a refusé d’informer sur la plainte avec constitution de partie civile de la société Groupement de Gestion et par Serge X… déposée le 2 février 2001 des chefs de faux témoignage et de recel-dissimulation d’escroquerie ;
« aux motifs que, aux termes de l’article 434- 13, alinéa 2, du Code pénal, le faux témoin était exempt de peine s’il avait rétracté spontanément son témoignage avant la décision mettant fin à la procédure rendue par la juridiction d’instruction ou par la juridiction de jugement ; qu’il résultait des dispositions dudit article que, pour que soit constitué le délit prévu par ce texte, il était nécessaire, lorsque les faits dénoncés étaient susceptibles d’avoir été commis durant la procédure d’instruction, que le faux témoin allégué n’ait pas rétracté son témoignage avant l’intervention d’une décision mettant fin à la procédure d’instruction ; qu’en l’espèce, la procédure ouverte le 26 janvier 1996 sur plainte avec constitution de partie civile du Groupement Privé de Gestion et de Serge X… sous le n° P.96.026.69.80/2 était, aux termes de la présente plainte, toujours en cours ; qu’en effet, la décision de non-lieu rendue dans ladite procédure et notifiée aux parties civiles, avait fait l’objet d’un appel de leur part en cours d’examen devant la chambre de l’instruction ; qu’il s’ensuivait qu’en l’absence de décision définitive mettant fin à l’instruction, les faits de faux témoignage allégués ne pouvaient recevoir de qualification pénale ;
« alors, d’une part, que le délit prévu et réprimé par l’article 434-13 du Code pénal est un délit instantané, qui est constitué dès que le faux témoignage a été fait ; que si, en son alinéa 2, l’article 434-13 du Code pénal exempte de peine le faux témoin qui a spontanément rétracté son témoignage avant la décision mettant fin à la procédure rendue par la juridiction d’instruction ou par la juridiction de jugement, la rétractation n’empêchait pas la constitution du délit et la déclaration de culpabilité de ce chef ; qu’en se déterminant par les motifs sus- rappelés, la chambre de l’instruction a violé, par refus d’application, le texte susvisé ;
« alors que, d’autre part, l’article 434-13 du Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, ne subordonne nullement la constitution du délit de témoignage mensonger ni les poursuites de ce chef, à la nécessité que la procédure d’instruction ait été terminée ; qu’en retenant, pour confirmer l’ordonnance de refus d’informer, que la procédure d’instruction dans laquelle le faux témoignage sous serment avait été fait par Bruno de Y… n’était pas terminée, la chambre de l’instruction a ajouté au texte une condition qu’il ne comporte pas et, ce faisant, l’a encore violé par fausse application ;
« alors, de troisième part, et subsidiairement que le faux témoignage non rétracté avant que la juridiction du premier degré -en l’espèce le juge d’instruction- rende sa décision, est définitivement consommé en sorte que l’appel de l’ordonnance rendue par le juge d’instruction dans la procédure au cours de laquelle les déclarations contraires à la vérité ont été souscrites n’est pas de nature à justifier le refus de poursuivre le témoignage mensonger ; que le juge d’instruction a le devoir d’instruire ; qu’il ne peut rendre une ordonnance de refus d’informer que si les faits dénoncés ne sont susceptibles d’aucune qualification pénale ; -qu’en l’espèce, les parties civiles, dans leur plainte, reprochaient à Bruno de Y… d’avoir fait des déclarations mensongères à propos de faits objectivement établis et qui étaient de nature à fausser l’appréciation que le juge d’instruction pouvait avoir des faits d’escroquerie dénoncés et objet de la plainte en cours ; qu’en se bornant à conclure à l’absence d’infraction pénale sans analyser aucun des faits sur lesquels avait porté le témoignage mensonger, la chambre de l’instruction n’a pas mis la chambre criminelle en mesure d’exercer son contrôle de la légalité de sa décision » ;
Vu les articles 85, 86 du Code de procédure pénale et 434- 13 du Code pénal ;
Attendu que, selon les articles 85 et 86 du Code de procédure pénale, la juridiction d’instruction régulièrement saisie d’une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d’instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l’alinéa 4 de l’article 86, que si, pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;
Attendu que le faux témoignage est une infraction instantanée qui se commet le jour où la déposition mensongère a été faite et que les poursuites peuvent être engagées de ce chef avant la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle a été recueilli le témoignage ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Serge X… et la société Groupement Privé de Gestion (GPG) ont porté plainte et se sont constitués partie civile contre Bruno de Y…, membre du directoire de la compagnie financière Paribas, des chefs de faux témoignage et recel d’escroquerie, exposant que ce témoin, entendu dans le cadre d’une information judiciaire suivie sur leur plainte, pour présentation de comptes infidèles, diffusion d’informations mensongères ou trompeuses en matière boursière, délit d’initié et escroquerie, visant les conditions dans lesquelles la société GPG avait été amenée à accroître ses participations dans la société SCOA, filiale de Paribas, avait donné des indications inexactes sur ses relations avec Serge X… et sur la situation financière de plusieurs sociétés ;
Attendu que, pour confirmer l’ordonnance de refus d’informer rendue par le juge d’instruction, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;