Manquement à l’obligation de sécurité et licenciement sans cause réelle et sérieuse

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Manquement à l’obligation de sécurité et licenciement sans cause réelle et sérieuse
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Nos Conseils:

– Veillez à mettre en place une institution représentative du personnel si votre entreprise compte au moins onze salariés, afin de respecter les obligations légales et éviter des litiges liés à des licenciements pour motif économique.
– Assurez-vous de justifier de manière précise et documentée tout licenciement pour motif économique, en démontrant notamment les difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.
– Respectez l’obligation de sécurité envers vos salariés en assurant un suivi médical régulier par un médecin du travail, afin d’éviter tout manquement à cette obligation et les préjudices qui pourraient en découler.

Résumé de l’affaire

M. [V] a été engagé en tant que plongeur par la société Saint André Pub, exploitant un restaurant à l’enseigne ‘Vins et Terroirs’. Suite à la cession du fonds de commerce du restaurant à la société EPSILON, son contrat de travail a été repris par cette dernière. Après la fin de la location-gérance avec la société MAVRAN, EPSILON a repris l’exploitation du fonds de commerce et le contrat de travail de M. [V]. Celui-ci a été licencié pour motif économique en septembre 2019, ce qui a conduit à un litige devant le conseil de prud’hommes de Paris. Le jugement rendu a condamné EPSILON à verser des dommages et intérêts à M. [V] pour absence de visite médicale, mais l’a débouté du reste de ses demandes. M. [V] a interjeté appel et demande à la cour de confirmer le manquement de l’employeur et de le condamner à verser diverses sommes pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, irrégularité de la procédure, absence d’institution représentative du personnel, etc. EPSILON, de son côté, demande le rejet de toutes les demandes de M. [V]. Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue en mars 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 juin 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/05947
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 13 JUIN 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05947 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4O4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/02883

APPELANT

Monsieur [N] [V]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Anissa BOURGUIBA, avocat au barreau de PARIS, toque : R167

INTIMÉE

Société EPSILON

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Nathalie MICAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1235

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre, rédactrice

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, 1ère présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A compter du 1er janvier 2005, M. [N] [V] a été engagé par la société Saint André Pub, exploitant un restaurant à l’enseigne ‘Vins et Terroirs’, en qualité de plongeur.

Par jugement du 15 novembre 2006, le tribunal de commerce de Paris a autorisé la cession du fonds de commerce du restaurant à la société EPSILON qui a repris le contrat de travail de M. [V] et son ancienneté au 1er janvier 2005.

A la suite de la signature le 1er mars 2018 d’un contrat de location-gérance de la société EPSILON avec la société MAVRAN portant sur le restaurant ‘Vins et Terroirs’, le contrat de travail de M. [V] a été transféré à cette dernière société.

La location-gérance a pris fin le 31 août 2019 et la société EPSILON a repris l’exploitation du fonds de commerce et le contrat de travail de M. [V] à compter du 1er septembre 2019.

Celui-ci occupait en dernier lieu les fonctions de commis de cuisine, échelon 1, niveau 1, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants et son salaire moyen mensuel brut s’élevait à 1 879,13 euros pour 39 heures hebdomadaires de travail.

Par lettre datée du 3 septembre 2019, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 septembre suivant.

Par lettre datée du 16 septembre 2019, l’employeur a porté à la connaissance du salarié les motifs du licenciement économique envisagé et lui a adressé la documentation relative au contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre datée du 25 septembre 2019, l’employeur lui a notifié son licenciement pour motif économique.

Le 28 septembre 2019, le salarié a adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle.

Le 7 mai 2020, M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de faire juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’obtenir la condamnation solidaire des sociétés MAVRAN et EPSILON à lui payer diverses sommes tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 4 février 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes des parties, les premiers juges ont :

– mis hors de cause la société MAVRAN,

– condamné la société EPSILON à payer à M. [V] les sommes de :

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale, avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2022,

* 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [V] du surplus des demandes,

– condamné la société EPSILON aux dépens.

Le 30 mai 2022, M. [V] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 19 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [V] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu le manquement consistant dans l’absence de visite médicale, de l’infirmer pour le surplus, statuant à nouveau, de :

– dire que le licenciement économique est dénué de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société EPSILON à lui verser les sommes de :

* 26 307,82 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 4 000 euros nets au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement,

* 11 274,78 euros nets à titre d’indemnité pour absence d’institution représentative du personnel,

* 3 758,26 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 375,83 euros de congés payés afférents,

* 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité de résultat,

* 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale périodique,

* 3 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens,

d’enjoindre à la société EPSILON de lui remettre l’attestation Pôle emploi, le solde de tout compte et les bulletins de salaire, conformes à ses prétentions, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du prononcé de la décision, de dire que les sommes au paiement desquelles la société EPSILON sera condamnée porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la société défenderesse, de prononcer la capitalisation desdits intérêts, de condamner la société au paiement desdits intérêts et de débouter celle-ci de l’intégralité de ses demandes.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 27 octobre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société EPSILON demande à la cour de débouter M. [V] de la totalité de ses demandes, d’infirmer le jugement en ses condamnations au paiement des sommes pour les montants et les chefs retenus, statuant à nouveau, de débouter M. [V] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour absence de visite médicale, de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [V] du surplus de ses demandes et de condamner celui-ci aux entiers dépens de l’instance.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 12 mars 2024.

MOTIVATION

Sur l’absence de mise en place d’institution représentative du personnel

Le salarié soutient que la procédure de licenciement est irrégulière en ce que la société EPSILON composée de trois établissements et employant au moins onze salariés, n’a pas mis en place d’institution représentative du personnel et n’a donc pas procédé à cette consultation obligatoire dans le cadre de sa procédure de licenciement pour motif économique. Il sollicite des dommages et intérêts au titre du préjudice nécessairement causé par l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise ainsi qu’une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement.

La société conclut au débouté de ces demande en faisant valoir que lors de sa visite, l’inspection du travail n’a relevé aucune infraction aux règles de représentation du personnel.

L’employeur qui n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts.

Aux termes de l’article L. 1235-15 du code du travail :

‘Est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité social et économique n’a pas été mis en place alors qu’elle est assujettie à cette obligation et qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi.

Le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis’.

C’est à l’employeur qu’il appartient de démonter que la condition d’effectif de l’entreprise relative à l’occupation habituelle de moins de onze salariés est satisfaite ou non.

Alors que le salarié soutient que la société EPSILON employait habituellement au moins onze salariés et produit un extrait du site societe.com indiquant que l’effectif de l’entreprise est compris entre dix et dix-neuf salariés, force est de constater que la société ne démontre pas que la condition d’effectif relative à l’occupation habituelle de moins de onze salariés est satisfaite, le seul renvoi à une lettre de l’inspection du travail datée du 1er juin 2018 ayant comme objet ‘SARL EPSILON et SAS MAVRAN – suite entretien du 17/05/2018 avec Mme [E] [U] gérante de la SAS MAVRAN, enseigne ‘Vins et Terroirs’, [Adresse 4] accompagnée de son conseil, Me [Z] [F]’ ne contient pas d’élément sur l’effectif de la société EPSILON, la cour relevant ici que la société s’abstient de produire son registre des entrées et sorties du personnel afin de rapporter la preuve qui lui incombe comme souligné par le salarié dans ses écritures.

Dans ces conditions, les demandes du salarié sont fondées.

La société EPSILON sera condamnée à payer une somme de 1 000 euros nets à titre de dommages et intérêts au salarié en réparation de son préjudice causé par l’absence d’institution représentative du personnel en ce qu’il a été privé d’une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts dans le cours de l’exécution du contrat de travail, ainsi qu’une somme de 1 000 euros nets à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement. Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement pour motif économique notifié au salarié est ainsi rédigée :

‘(…) Le chiffre d’affaires sur le site [Adresse 4] est en baisse constante depuis près de 2 ans, en particulier depuis 2019, passant de 34 102 euros (janvier 2019) à 21 576 euros (juillet 2019). Notre locataire gérant, la société MAVRAN, a fait perdre au fonds de commerce une grande partie de sa valeur et n’a pas été en mesure de le racheter.

La société HOTEL ST ANDRE DES ARTS, qui exploite un fonds de commerce d’hôtel meublé, nous a proposé d’acquérir uniquement notre droit au bail, et non le fonds de commerce. Afin de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, nous lui avons cédé le droit au bail par acte sous seing privé du 31 juillet 2019. De ce fait, nous fermons notre établissement [Adresse 4] le 30 septembre 2019.

La société HOTEL ST ANDRE DES ARTS estime qu’il n’y a pas eu de transfert d’activité puisqu’elle n’a pas acquis notre fonds de commerce. L’article L. 1224-1 du code du travail n’est donc pas applicable, ce que nous ne pouvons pas contester.

En conséquence, il n’y aura plus d’activité de restaurant/café, bar, brasserie sur le site après le 30 septembre 2019 et vous ne pourrez plus y exercer vos fonctions.

Nous sommes donc contraints de supprimer votre poste pour fermeture d’établissement et afin de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.

Disposant d’un autre site au [Adresse 3], nous avons évidemment pensé à une possibilité de reclassement. Il est toutefois précisé que ce fonds de commerce de restaurant/café, bar, brasserie est exploité par un locataire gérant, la société PATURAGE.

Nous avons interrogé notre locataire gérant et il n’existe malheureusement aucun poste disponible dans l’établissement, tous les emplois étant pourvus. Nous n’avons pas d’autre fonds de commerce ni d’emploi à vous proposer, c’est pourquoi il ne nous est pas possible de vous proposer un reclassement (…)’.

Le salarié conclut à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en faisant valoir que :

– la société ne verse aucun élément justifiant le motif économique de la rupture, la fermeture de l’établissement situé [Adresse 4] ne constituant qu’une cessation partielle et non totale de l’activité de l’entreprise ; en effet, le siège social du [Adresse 1] a continué son activité ; l’entreprise dispose également d’un troisième établissement, EPSILON CEPES & FIGUE donné en location gérance à l’épouse du gérant ; la société ne verse aucun commencement de preuve d’une menace sur la compétitivité de l’entreprise ;

– il ne lui a été proposé aucun poste de reclassement en dépit des postes disponibles dans les différents établissements de l’entreprise ; aucune recherche de reclassement n’a été effectuée au sein du siège social situé [Adresse 1].

Il demande à la cour de lui accorder une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir écarté le barème d’indemnisation de l’article L. 1235-3 du code du travail.

La société conclut à la cause réelle et sérieuse du licenciement en ce que :

– le motif économique est fondé au regard de la cessation totale d’activité dans la mesure où la société EPSILON n’avait plus d’activité, CEPES ET FIGUES, en raison du contrat de location gérance par la société PATURAGES, est une entité juridique distincte, l’adresse du [Adresse 1] est une adresse de siège social, sans aucune activité, une simple domiciliation ; d’ailleurs à cette adresse, il n’existe aucun restaurant ;

– ne disposant pas d’autre établissement, elle ne pouvait rechercher de reclassement en interne, mais a néanmoins été au-delà de ses obligations en demandant à son locataire gérant si un reclassement était envisageable dans son entreprise, en vain.

Aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail :

‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

(…)

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants’.

Aux termes de l’article L. 1233-4 du même code :

‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises’.

Il ressort des pièces produites aux débats que la société EPSILON qui exploitait un fonds de commerce de restauration traditionnelle situé au [Adresse 4] sous l’enseigne ‘Vins et Terroirs’ a cessé cette activité entraînant la suppression du poste du salarié, que son établissement secondaire situé au [Adresse 3] était exploité depuis le 1er octobre 2018 suivant un contrat de location-gérance par la société PATURAGES et que le siège social de la société EPSILON est situé au [Adresse 1].

La lettre de licenciement fonde le motif économique du licenciement du salarié sur la suppression de son emploi en raison de la ‘fermeture d’établissement et afin de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise’.

La lettre de licenciement ne mentionne pas une cessation d’activité de l’entreprise mais seulement la fermeture d’un de ses établissements situé [Adresse 4], ce dont il s’ensuit que le motif du licenciement ne saurait être fondé sur la cessation d’activité de l’entreprise.

Il convient donc de vérifier si la seconde cause de la suppression de l’emploi du salarié invoquée dans la lettre de licenciement, à savoir la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, est établie.

Force est de constater que la société EPSILON ne produit strictement aucune pièce et ne fournit aucune explication précise justifiant une quelconque réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, ce qui ne permet pas à la cour d’exercer son contrôle sur le bien-fondé de la cause invoquée pour justifier la suppression de l’emploi du salarié.

Dans ces conditions, la cour ne peut que constater que le licenciement n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le salarié a par conséquent droit à une indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité compensatrice de congés payés afférents, dont les montants seront fixés, à la charge de la société EPSILON, aux sommes demandées par le salarié qui sont exactes.

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, le salarié a par ailleurs droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant est compris, eu égard à son ancienneté de quatorze années complètes, entre trois mois et douze mois de salaire brut, étant précisé que ces dispositions ne sont pas contraires à l’article 10 de la convention n° 158 de l’organisation internationale du travail et que les stipulations de l’article 24 de la Charte sociale européenne ne peuvent être invoquées par l’appelant faute d’effet direct.

Eu égard à son âge de 46 ans au moment du licenciement, pour être né le 14 septembre 1973, à sa rémunération moyenne mensuelle, à sa situation au regard de l’emploi postérieurement au licenciement (prise en charge par Pôle emploi dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, recherches actives d’emploi justifiées par des pièces, signature d’un contrat de travail à durée indéterminée avec la société HH Châtillon à compter du 1er novembre 2011 en qualité d’équipier polyvalent), il y a lieu d’allouer à M. [V] une somme de 18 000 euros bruts à ce titre.

Le jugement sera donc infirmé sur ces points.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité et l’absence de visite médicale obligatoire

Le salarié soutient que l’employeur n’étant plus affilié à un service de médecine du travail depuis avril 2014, il n’a bénéficié d’aucune visite médicale périodique depuis cette date, qu’en dépit d’un contrôle de l’administration du travail en mars 2018, l’employeur a attendu juillet 2018 pour adhérer à un service de médecine au travail, que celui-ci a ainsi violé son obligation de sécurité. Il réclame l’indemnisation de son préjudice causé tant par le manquement à l’obligation de sécurité que par l’absence de visite médicale périodique.

La société conclut au débouté de ces demandes en faisant valoir qu’avec l’autorisation de l’inspection du travail, les salariés effectuaient leur visite auprès de leur médecin traitant, que le salarié a été vu par la médecine du travail en avril 2019 et que celui-ci ne rapporte pas la preuve d’un préjudice.

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l’article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

Ne méconnaît cependant pas son obligation légale l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

L’argumentation de la société quant à une visite médicale effectuée par le médecin traitant du salarié est inopérante en ce que le médecin traitant d’un salarié n’est pas un médecin du travail et ne peut donc satisfaire aux obligations légalement dévolues au médecin du travail.

La société ne justifie d’aucune visite médicale du salarié effectuée par un médecin du travail jusqu’en avril 2019 et ne justifie d’une adhésion auprès du CIAMT, service de santé au travail, qu’à compter du 6 juillet 2018, étant relevé que dans la lettre du 1er juin 2018 sus-citée, l’inspection du travail a indiqué qu’aucun document justifiant du suivi médical des salariés, ni aucun document justifiant d’une adhésion à un service de santé au travail ne lui avaient été remis et que les représentants légaux des sociétés EPSILON et MAVRAN avaient reconnu un défaut d’adhésion à un service de santé au travail.

L’absence de toute visite médicale pendant une longue période d’une relation de travail qui a duré plus de quatorze années constitue un manquement à l’obligation de sécurité et a causé un préjudice au salarié qui, dans le cadre de son activité professionnelle de plongeur, a été exposé à des gestes et postures physiquement contraignants et dont la santé n’a dans ce cadre pas été suivie et contrôlée.

Le jugement sera confirmé en sa condamnation de la société à payer la somme de 1 000 euros au salarié à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale, sauf à préciser que cette somme répare aussi le préjudice causé par le manquement à l’obligation de sécurité.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

Il est rappelé que les créances de nature salariale et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances de nature indemnitaire produisent des intérêts à compter de la décision qui les fixe.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la remise de documents

Eu égard à la solution du litige, il convient d’enjoindre à la société EPSILON de remettre à M. [V] une attestation destinée à Pôle emploi devenu France Travail et un bulletin de salaire récapitulatif, conformes aux dispositions du présent arrêt.

Le jugement sera infirmé sur ce point et confirmé en son débouté de la demande d’astreinte qui n’est pas nécessaire.

Sur le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié

En application de l’article L. 1233-69 du code du travail et de l’article L. 1235-4 du code du travail, en l’absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l’employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l’article L.1233-69 du code du travail.

Il convient donc de condamner la société EPSILON à rembourser à Pôle emploi devenu France Travail les indemnités de chômage versées à M. [V], dans la limite de six mois d’indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l’article L.1233-69 du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

Eu égard à la solution du litige, la société sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer au salarié la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


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