Manquement à l’obligation de sécurité et licenciement sans cause réelle et sérieuse

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Manquement à l’obligation de sécurité et licenciement sans cause réelle et sérieuse
Ce point juridique est utile ?

Nos Conseils:

I- Sur la portée de la déclaration d’appel:
1. Veillez à ce que votre déclaration d’appel critique expressément les chefs de jugement visés et ceux qui en dépendent, conformément à l’article 562 du code de procédure civile.
2. Assurez-vous que votre déclaration d’appel dévolue à la cour tous les chefs de jugement nécessaires en cas d’appel tendant à l’annulation du jugement.
3. Soyez attentif à la relation de dépendance entre les chefs de jugement critiqués et ceux omis, afin d’éviter tout risque de non-dévolution à la cour.

II- Sur la nullité du licenciement:
1. Assurez-vous de démontrer de manière claire et précise les agissements de harcèlement moral subis en lien avec votre inaptitude.
2. Présentez des preuves tangibles des faits de harcèlement moral allégués, tels que des échanges de courriels, des témoignages ou des arrêts de travail mentionnant le harcèlement.
3. Mettez en avant les conséquences du harcèlement moral sur votre santé mentale et physique pour renforcer votre demande de nullité du licenciement.

III- Sur la nullité du licenciement:
1. Assurez-vous de démontrer que votre inaptitude est la conséquence des agissements de harcèlement moral subis.
2. Présentez des éléments probants pour étayer votre demande de nullité du licenciement, tels que des témoignages, des expertises médicales ou des preuves de harcèlement.
3. Soyez prêt à défendre votre position en cas de contestation de l’origine professionnelle de votre inaptitude par l’employeur.

Résumé de l’affaire

M. [F] a été engagé par le Crédit Lyonnais en tant que technicien de Banque en 2002, et a été licencié pour inaptitude après un congé individuel de formation et un arrêt de travail. Le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste, mais le conseil de prud’hommes de Caen a jugé que le licenciement était nul en raison d’un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur. Le Crédit Lyonnais a fait appel de ce jugement, demandant notamment de limiter les indemnités dues à M. [F]. Ce dernier demande à la cour de confirmer la nullité du licenciement et de le condamner à des dommages et intérêts.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 juin 2024
Cour d’appel de Caen
RG n°
23/00044
AFFAIRE : N° RG 23/00044

N° Portalis DBVC-V-B7H-HEFX

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 08 Décembre 2022 RG n° 21/00583

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A. LE CREDIT LYONNAIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me DURAND-GASSELIN, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [T] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Aurélie FOUCAULT, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 04 avril 2024

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 13 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 2 avril 2002, M. [T] [F] a été engagé par le Crédit Lyonnais en qualité de technicien de Banque niveau D. Son dernier poste était celui de responsable d’agence cadre niveau H.

Sur sa demande, il a effectué un congé individuel de formation du 7 octobre 2019 au 3 juillet 2020 (attestation de formation en qualité de chef de projet en communication du 6 juillet 2020).

Il a été déclaré en arrêt de travail à compter du 7 juillet 2020 jusqu’au 7 septembre 2020.

Dans une fiche de visite de pré-reprise du 21 juillet 2020, puis du 20 août 2020, le médecin du travail a mentionné « un échange avec l’employeur est à prévoir sur la situation de M. [F]  ».

Par avis du 8 septembre 2020, le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste.

Par lettre recommandée du 17 décembre 2020, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Se plaignant d’une exécution déloyale de son contrat de travail et contestant son licenciement, il a saisi le 3 décembre 2021 le conseil de prud’hommes de Caen lequel par jugement rendu le a :

– dit « que le licenciement pour inaptitude est fondé sur le manquement à l’obligation de sécurité subie par M. [F] à son retour de congé individuel de formation » ;

– « qu’ainsi le licenciement de M. [F] est nul » ;

– condamné le Crédit Lyonnais à lui payer les sommes suivantes :

– 10.357,38 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.035, 73 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 18.740, 76 € nets au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,

– 40 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 10.000,00 € nets au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du

manquement de l’employeur a son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail,

– 30.000,00 € nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 1300,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– rejeter les autres demandes,

– condamné le Crédit Lyonnais à rembourser les indemnités chômages payés dans la limite de six mois ;

– condamné le Crédit Lyonnais aux dépens.

Par déclaration au greffe du le Crédit Lyonnais a formé appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives n°3 remises au greffe le 19 septembre 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société Crédit Lyonnais demande à la cour de :

– juger que l’appel formé est total et recevable pour le tout, la déclaration d’appel comprenant tous les chefs de condamnations du jugement

– y faisant droit ;

– infirmer le jugement sauf en ce qu’il a « débouté M. [F] du surplus de ses demandes » ;

– débouter M. [F] de l’intégralité de ses demandes ;

– à titre subsidiaire limiter l’indemnité compensatrice de préavis à 8161.56 € outre 816.15 € à titre de congés payés afférents ;

– limiter l’indemnité spéciale de licenciement qui pourrait être due à la somme de 13.783,17 € ;

– limiter le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 8.161,56 €, soit 3 mois de salaire ;

– limiter le remboursement des indemnités de chômage prévu par l’article L.1235- 4 du Code du travail qui pourrait être du, à un mois de salaire, soit 2.750,52 € ;

– en toute hypothèse et à titre reconventionnel ;

– condamner M. [F] à lui restituer à la somme nette de 67.608,99 € versée au titre de l’exécution provisoire, sous astreinte de 10 € par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

– ordonner une éventuelle compensation entre les sommes qui pourraient être dues à M. [F] et les sommes déjà réglées au titre de l’exécution provisoire ;

– condamner M. [F] à lui payer une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile  ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions n°2 remises au greffe le 12 septembre 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, M. [F] demande à la cour de :

– à tire principal :

– constater que la cour n’est pas saisie d’un appel s’agissant du chef de jugement que « le licenciement pour inaptitude est fondé sur le manquement à l’obligation de sécurité subie par M. [F] à son retour de congé individuel de formation », « qu’ainsi le licenciement de M. [F] est nul » ;

– constater que le jugement est définitif en ce qu’il a jugé que la société avait manqué à son obligation de sécurité et en ce qu’il a prononcé la nullité du licenciement ;

– confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;

– condamner la société à lui payer une somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

– à titre subsidiaire :

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement nul ou dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– confirmer le jugement sur les indemnités de rupture et les dommages et intérêts et en ses autres dispositions ;

– condamner la société à lui payer la somme de 30 000€ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société à lui payer une somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

– débouter la société de ses demandes.

MOTIFS

I- Sur la portée de la déclaration d’appel

Le salarié fait valoir que l’employeur n’a pas visé dans sa déclaration d’appel la disposition du jugement qui a « dit que le licenciement pour inaptitude est fondé sur le manquement l’obligation de sécurité subi à son retour de congé individuel de formation, qu’ainsi le licenciement est nul » et estime que cette disposition est définitive.

L’employeur soutient l’existence d’un lien de dépendance avec les dispositions du jugement l’ayant notamment condamné à des dommages et intérêts pour licenciement nul, également que cette disposition n’entraîne aucune obligation pour l’employeur, et que seuls ceux créant des droits pour les parties ou leur imposant des devoirs sont visés par l’article 562 du code de procédure civile.

L’article 562 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er septembre 2017 au 1er septembre 2024 et applicable au présent litige dispose que, « L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Dans sa déclaration d’appel du 6 janvier 2023, il est mentionné « l’appel tend à l’annulation ou à l’infirmation ou à la réformation de la décision susvisée en ses dispositions qui (‘) », les dispositions visées concernent toutes celles figurant au dispositif du jugement sauf celles qui a dit « que le licenciement pour inaptitude est fondé sur le manquement à l’obligation de sécurité subie par M. [F] à son retour de congé individuel de formation », et « qu’ainsi le licenciement de M. [F] est nul » ;

Mais la condamnation à des dommages et intérêts pour licenciement nul suppose le prononcé de la nullité de ce licenciement. Dès lors, en faisant appel de la disposition du jugement qui l’a condamné à payer des dommages et intérêts pour licenciement nul, et donc en considérant qu’elle n’avait pas à payer ses dommages et intérêts, l’appelante a nécessairement critiqué le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du licenciement. Ainsi il existe bien un lien de dépendance entre le chef de jugement omis et celui expressément critiqué qui conduit à considérer que le premier a également été dévolu à la cour.

II- Sur la nullité du licenciement

En cause d’appel, le salarié sollicite la nullité de son licenciement en ce qu’il a subi des agissements de harcèlement moral qui sont la cause de son inaptitude.

La cour n’est pas saisie de l’irrecevabilité de cette demande nouvelle invoquée par l’employeur dans ses conclusions mais non reprise dans le dispositif de celles-ci.

Au soutien du harcèlement moral invoqué, le salarié qui reproche à son employeur de l’avoir ignoré alors qu’il devait réintégrer son poste ou un poste équivalent à l’issue de son congé individuel de formation et fait état des faits suivants :

– rendez vous téléphonique du 29 avril 2020 avec M. [K] responsable de développement individuel au sein de la direction des ressources humaines qui n’a pas eu lieu et mail du 6 mai 2020 envoyé à M. [K] et resté sans réponse.

Dans son courriel adressé à M. [K] le 6 mai 2020, le salarié fait état d’un échange téléphonique la semaine précédente, d’un rendez vous téléphonique du 29 avril qui n’a pas eu lieu et demande à son interlocuteur de le recontacter.

Outre un sms adressé le 29 avril 2020 à 16h faisant état d’un rendez vous téléphonique à 15h30 non honoré, l’employeur qui ne fait aucune observation ou critique sur ce courriel ne justifie pas qu’il ait fait l’objet d’une réponse.

Ce fait est établi.

– un courriel du 12 mai 2020 adressé à M. [H] directeur régional Basse Normandie resté sans réponse ;

Dans ce courriel produit aux débats, le salarié rappelle ses contacts avec M. [K], et étant sans retour sur sa situation, demande des explications.

L’employeur ne justifie pas d’une réponse à ce courriel.

Ce fait est établi.

– échange avec M. [B] qui l’a encouragé à ne pas reprendre son poste, n’a pas évoqué les conditions d’un retour dans l’entreprise, lui a uniquement présenté les congés sabbatiques et création d’entreprise et lui a suggéré de faire une demande de rupture conventionnelle

Le salarié a envoyé un courriel à M. [B] responsable des ressources humaines le 19 mai 2020, une réponse automatique lui indiquant que ce dernier était en congés du 18 au 22 mai, et lui communiquant les coordonnées d’un interlocuteur en cas d’urgence.

Un échange téléphonique a eu lieu le 25 mai 2020 sur proposition de M. [B].

Par courriel du 28 mai 2020, M. [B] a adressé au salarié des informations relatives à un congé création d’entreprise et à un congé sabbatique.

Le salarié a ensuite adressé à M. [B] à la suite de leur échange téléphonique, une demande de rupture conventionnelle le 1er juin 2020 faisant état après avoir rappelé une dégradation des relations professionnelles à la suite de sa rétrogradation en 2015 du souhait d’évoluer vers un autre projet professionnel.

De ces éléments, il résulte que les propos prêtés par le salarié à M. [B] lors de cette communication téléphonique contestés par l’employeur qui indique que M. [F] avait indiqué qu’il souhaitait créer son entreprise, ne sont pas établis.

Ce fait ne sera donc pas retenu.

– refus de la demande de rupture conventionnelle sans anticiper les conditions de retour

Par lettre recommandée du 10 juin, la société a refusé cette demande. Cette lettre ne contient effectivement aucune allusion aux conditions du retour du salarié.

Ce fait est établi.

– reprise sans aucune indication sur le poste qu’il devait occuper et formulation d’une proposition trois semaines après la date prévue pour sa reprise et proposition d’un poste de conseiller qui signifiait sa mise au placard

Il résulte des échanges de courriels entre le salarié et M. [B] que ce dernier a le 3 août 2020 proposé au salarié un poste de conseiller particulier sur l’agence de [Localité 5] République, et que le salarié précisant que ce poste ne lui avait jamais été proposé avant leur échange téléphonique du 28 juillet 2020 a indiqué qu’il en prenait note.

Le salarié ne justifie pas avoir répondu sur ce point à l’employeur.

L’employeur indique que le salarié n’était pas mobile, et que cette proposition était le temps qu’un poste équivalent au poste occupé avant son congé puisse lui être proposé.

Mais ces explications ne figurent pas dans le courriel du 3 août 2020 ou dans tout autre courrier ultérieur.

Ces faits sont établis.

– les éléments médicaux

Le salarié produit ses arrêts de travail du 7 juillet au 7 septembre portant la mention « syndrome anxieux réactionnel ».

De ce qui vient d’être exposé, les faits établis, soit une absence de réponse à deux courriels du salarié sur sa situation à l’issue de son congé, une absence d’information sur les conditions de retour du salarié après le refus de la rupture conventionnelle le 10 juin 2020, et la proposition d’un poste d’une catégorie inférieure à celui occupé avant son départ en congé individuel de formation et ce sans explication, pris dans leur ensemble et en dépit des éléments médicaux, ne sont pas de nature à faire présumer un harcèlement moral.

III- Sur la nullité du licenciement

Pour fonder sa demande de nullité du licenciement, le salarié estime que son inaptitude est la conséquence des agissements de harcèlement moral subis. Mais le harcèlement moral n’étant pas retenu, la demande de nullité ne peut qu’être rejetée. Le jugement sera infirmé sur ce point.

IV – Sur le bien-fondé du licenciement

Le salarié fait valoir l’absence de consultation des délégués du personnel, le manquement à l’obligation de reclassement et à l’obligation de sécurité

– sur la consultation du comité social et économique

Le salarié estime que le CSE n’a pas été valablement consulté motifs pris que 11 membres sur 16 ont refusé de prendre part au vote, qu’un délai suffisant ne s’est pas écoulé entre la convocation et la consultation et que les informations nécessaires ne lui ont pas été fournies par l’employeur.

En l’espèce, l’employeur produit aux débats :

– la convocation du CSE Ouest du 10 novembre 2020 pour le 18 novembre suivant avec l’ordre du jour suivant : « consultation sur l’impossibilité de reclassement de M. [F] suite à une inaptitude d’origine non professionnelle médicalement constatée par la médecine du travail ».

– l’accord relatif au dialogue social du 16 novembre 2018 qui prévoit pour le CSE d’établissement que le président le convoque trois jours calendaires avant la réunion et que la convocation, l’ordre du jour et les documents éventuels sont déposés simultanément au sein de l’outil SharePoint.

– une capture d’écran de l’outil SharePoint du 12 novembre 2020.

– le procès-verbal du CSE du 18 novembre 2020 mentionne la consultation, le rappel de l’avis d’inaptitude, des explications complémentaires du médecin du travail et des recherches de reclassement effectuées, conduisant à l’absence de poste disponible pouvant être proposé. Il mentionne également un avis défavorable et le refus de 11 membres présents de « prendre part au vote ».

Il en résulte que les membres du CSE ont été destinataires dans le délai prévu à l’accord (3 jours et non 8 jours comme le soutient le salarié, ce dernier délai s’appliquant au CSE central et non au CSE d’établissement) des éléments nécessaires quant à l’état de santé et à la recherche de reclassement. A ce titre, ont été mis en ligne le 12 novembre 2020 sur l’outil SharePoint, conformément à l’accord, la convocation, l’ordre du jour et une fiche intitulée « résumé du dossier » mentionnant notamment l’avis d’inaptitude, les informations complémentaires apportées par le médecin du travail sur demande de l’employeur et les informations sur les recherches de reclassements.

Enfin, si le procès-verbal fait état du refus d’une partie des membres de voter, sans mention d’explications particulières, et en particulier que ce refus, comme le soutient le salarié sans produire aucun élément en ce sens, serait fondé sur une insuffisance d’information, il ne peut en être déduit aucune incidence sur la validité de la consultation .

Dès lors, la consultation du CSE est régulière.

– sur le reclassement

L’avis d’inaptitude du 8 septembre 2020 est libellé comme suit « compte tenu des examens médicaux antérieurs et notamment de celui du 20/08/2020 (visite de pré reprise), compte tenu de l’échange avec l’employeur en date du 27/08/2020 sur les avis et propositions concernant les conditions permettant une sauvegarde de l’emploi, compte tenu de l’étude de poste du 17/08/2020, M. [F] est inapte définitivement à son poste de responsable d’agence particuliers. L’état de santé de M. [F] ne permet pas la proposition de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe, y compris après aménagement du poste/formation/mutation/transformation du poste. M. [F] pourrait exercer une activité, y compris similaire, dans un autre contexte relationnel et organisationnel ».

Le médecin du travail n’a pas coché la case « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

L’employeur ne conteste pas que la société fait partie d’un groupe et a adressé un mail circulaire le 28 septembre 2020 à différentes entités du groupe contenant une demande de poste avec mention de l’avis d’inaptitude et une synthèse professionnelle du salarié au sein de la société.

Il produit un tableau listant les sociétés du groupe destinataires de ce courriel, avec l’interlocuteur concerné et la date de leur réponse.

Chacun a répondu n’avoir aucun poste disponible.

Le salarié ne produit aucun élément pour soutenir son affirmation selon laquelle les réponses apportées seraient du pure convenance ou en quoi les destinataires de ce courriel ne seraient pas clairement identifiables.

Il considère également que l’employeur n’a pas interrogé l’ensemble des sociétés du groupe, soit la filiale Angle Neuf, l’ensemble des caisses régionales Crédit Agricole sauf celle de Normandie, [Adresse 6], la CA Titres et la CA Banque privée, en se fondant sur une liste des entités.

Ces sociétés ne figurent pas sur le tableau de l’employeur lequel ne discute pas leur absence de consultation, faisant valoir qu’il s’agit des « marques » du groupe dont les domaines d’activité sont très différents. Toutefois il ne produit aucun élément en ce sens, n’indiquant même pas l’activité des sociétés non interrogées et ne répond pas de manière utile sur l’absence d’interrogation des caisses régionales crédit agricole autre que la Normandie. En effet son tableau démontre que le Crédit Agricole SA a été consulté sans qu’il soit permis d’en déduire faute d’autre éléments que cette consultation incluait l’ensemble des caisses régionales, alors même que la Caisse régionale de Normandie, seule consultée, l’a été séparément.

Il ne justifie ainsi pas que les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation des sociétés du groupe non interrogées ne lui permettaient pas d’affecter la permutation de tout ou partie du personnel.

En outre, comme l’observe le salarié, la fiche signalétique jointe au courriel circulaire du 28 septembre 2020 qui comporte l’identité, la date de naissance, l’ancienneté et le dernier poste occupé est incomplète en ce qu’elle ne précise pas la classification du dernier poste occupé, et ne comporte pas contrairement aux indications de ce courriel ni les précédents postes occupés ou d’éléments relatifs à la formation et au parcours professionnel .

Dès lors, l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement.

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre, au vu de son ancienneté de 18 années complètes et de la taille de l’entreprise, à une indemnité comprise entre 3 et 14.5 mois de salaire brut .

Les parties sont en désaccord sur le montant du salaire. Le salarié fait état d’un salaire de 3452.46 € (moyenne des 12 derniers mois avant le congé) et l’employeur de 2720.52 € ; Cette somme correspond au salaire fixe versé pendant le congé du salarié mais les bulletins de salaire antérieurs à ce congé démontrent que le salarié avait une rémunération variable.

Il convient dès lors de retenir un salaire de 3452.46 €.

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge (40 ans), à l’ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, le salarié a créé une société ne générant selon attestation de son expert comptable du 27 janvier 2022 aucune rémunération pour l’année 2022, le salarié justifiant percevoir pour l’année en 2023 de l’allocation de solidarité spécifique, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 30 000 €.

Les droits du salarié au titre de l’indemnité de préavis sont contestés par l’employeur au motif le licenciement n’est pas fondé sur une inaptitude d’origine professionnelle avec impossibilité de reclassement.

Mais l’indemnité de préavis est due au salarié déclaré inapte à son poste dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur l’indemnité de préavis accordée et dont le montant n’est pas discuté y compris subsidiairement, ainsi que sur les congés payés afférents.

Au soutient de sa demande d’indemnité spéciale de licenciement, le salarié considère que son inaptitude doit être considérée comme d’origine professionnelle compte tenu du manquement à l’obligation de sécurité, au harcèlement moral, aux mentions des arrêts de travail et aux termes de l’avis d’inaptitude.

Il a été précédemment jugé que le harcèlement moral n’était pas établi.

Pour caractériser un manquement à l’obligation de sécurité, le salarié fait valoir qu’aucun poste ne lui a été proposé en vue de sa reprise le 7 juillet 2020, que pendant trois semaines, son employeur ne lui a rien proposé ce qui a impacté sa santé mentale et que le poste proposé est un poste équivalent à son embauche, alors qu’il était en arrêt de travail.

Si l’employeur n’a pas répondu immédiatement aux demandes du salarié sur les conditions de son retour, des échanges ont néanmoins eu lieu en mai 2020, que le délai entre le refus de la rupture conventionnelle sollicitée par le salarié et une proposition de poste, même d’une classification inférieure, ne caractérise pas un manquement à l’obligation de sécurité.

Enfin, les arrêts de travail produits ne sont pas des arrêts de travail pour « accident du travail ou maladie professionnelle ».

Il n’est donc nullement établi que l’inaptitude ait même partiellement une origine professionnelle.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a accordé au salarié l’indemnité spéciale de licenciement prévue par l’article L1226-14 du code du travail.

V – Sur l’exécution déloyale du contrat

Au vu de ce qui précède, il est établi que l’employeur a tardé à compter de son refus de la rupture conventionnelle (le 10 juin 2020) sollicitée par le salarié à lui faire une proposition de poste qui n’a été faite que le 3 août suivant, et qui en outre correspondait à un poste inférieur à celui occupé avant le congé individuel de formation, et ce sans explication donnée au salarié.

Ces manquements qui ont placé le salarié dans une situation d’incertitude caractérisent une exécution déloyale du contrat à l’origine d’un préjudice moral qui sera réparé par une somme de 3000€, le jugement étant infirmé sur le montant alloué.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d’appel, la société Crédit Lyonnais qui perd le procès sera condamnée aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Elle versera en équité et sur ce même fondement une somme de 1700 € à M. [F].

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu’il y ait lieu de l’assortir d’une astreinte en l’absence d’allégation de circonstances le justifiant.

Le salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne France Travail concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.

Le présent arrêt infirmatif sur l’indemnité spéciale de licenciement, sur le montant des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande de restitution de la société Crédit Lyonnais.


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