Manœuvres déloyales pour obtenir des dessins et modèles non déposés
Manœuvres déloyales pour obtenir des dessins et modèles non déposés
Ce point juridique est utile ?

Récupérer de façon détournée certains actifs incorporels d’une société (plans, modèles, dessins …) constitue une manœuvre déloyale qui engage la responsabilité de l’auteur fautif.

Dans l’affaire soumise, si la société Oenoconcept ne peut pas invoquer la violation d’un droit de propriété intellectuelle concernant ces plans, il est cependant établi que la société Fileurope a sciemment démarché la société Domaine Chandon, dont elle connaissait l’importance stratégique pour la société Oenoconcept, en utilisant des informations et plans transmis par cette dernière à la société Farame.

 En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé les manoeuvres déloyales de la société Fileurope, a pu retenir qu’elle avait commis des actes de concurrence déloyale engageant sa responsabilité délictuelle.

COMM.
 
FB
 
COUR DE CASSATION
 
______________________
 
Audience publique du 28 septembre 2022
 
Cassation partielle
 
Mme DARBOIS, conseiller doyen
 
faisant fonction de président
 
Arrêt n° 541 F-D
 
Pourvoi n° B 21-12.965
 
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
 
_________________________
 
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
_________________________
 
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
 
1°/ La société Farame, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2] (Portugal),
 
2°/ la société Fileurope, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
 
ont formé le pourvoi n° B 21-12.965 contre l’arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d’appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Oenoconcept, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
 
La société Oenoconcept a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
 
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
 
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
 
Le dossier a été communiqué au procureur général.
 
Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des sociétés Farame et Fileurope, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Oenoconcept, après débats en l’audience publique du 21 juin 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
 
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
 
Faits et procédure
 
1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 13 janvier 2021), la société Oenoconcept fabrique et commercialise des produits destinés à l’industrie viticole du champagne, notamment des caisses de remuage, dont elle sous-traite la fabrication à la société Caddie Portugal, devenue Farame. Par acte du 7 décembre 2011, ces deux sociétés ont conclu un contrat de fourniture exclusive d’une durée de deux ans, renouvelable, prenant effet au 1er janvier 2012. La société Farame a été rachetée, le 25 juillet 2012, par la société Aryes qui détient également les sociétés Fileurope et CMP, également spécialisées dans la fabrication et la commercialisation de caisses de remuage.
 
2. Invoquant la violation des clauses d’exclusivité et de non-concurrence et des agissements constitutifs de concurrence déloyale, la société Oenoconcept a assigné les sociétés Farame, Fileurope, CMP et Aryes aux fins de paiement d’une provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices et de désignation d’un expert.
 
Examen des moyens
 
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
 
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
 
Sur le troisième moyen du pourvoi principal
 
Enoncé du moyen
 
4. Les sociétés Farame et Fileurope font grief à l’arrêt de dire que la société Farame a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour manquement à l’obligation de non-concurrence découlant du contrat de fourniture exclusive du 7 décembre 2011, dire que la société Fileurope a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour concurrence déloyale par détournement de clientèle et agissements parasitaires, condamner la société Fileurope et la société Farame in solidum à payer à la société Oenoconcept la somme provisionnelle de 257 130 euros à valoir sur son préjudice pour l’année 2016, surseoir à statuer sur l’évaluation du préjudice subi par la société Oenoconcept dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, confirmer la mesure d’expertise ordonnée par le tribunal de commerce en modifiant la mission de l’expert et renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice après dépôt du rapport d’expertise, alors « qu’en vertu de la liberté du commerce et de l’industrie, le démarchage de la clientèle d’autrui est libre sauf s’il s’accompagne de manoeuvres déloyales ; qu’en vertu de cette même liberté, le simple fait de reproduire un produit qui n’est protégé par aucun droit privatif ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que la société Domaine Chandon, démarchée par la société Fileurope, avait elle-même demandé des caisses de remuage parfaitement identiques à celles développées avec la société Oenoconcept dont elle avait reçu et validé les plans lesquels n’étaient protégés par aucun droit privatif ; qu’en jugeant néanmoins que la société Fileurope avait commis des actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle et parasitisme pour avoir démarché la société Domaine Chandon en utilisant les plans transmis par la société Oenoconcept à la société Farame, la cour d’appel, qui n’a caractérisé aucun procédé déloyal, a violé le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »
 
Réponse de la Cour
 
5. Après avoir constaté que la société Oenoconcept justifiait d’un courant d’affaires régulier avec la société Domaine Chandon Californie depuis 2010, notamment pour la fourniture de containers de remuage, tandis que la société Fileurope ne démontrait pas être un fournisseur de cette société, l’arrêt relève qu’il ressort des échanges de courriers électroniques entre la société Oenoconcept et le dirigeant de la société Farame, d’une part, et la société Domaine Chandon, d’autre part, et des documents obtenus dans le cadre du constat d’huissier, que M. [N], usant de sa double qualité de dirigeant des sociétés Farame et Fileurope, a, parallèlement, d’un côté, formulé des propositions de prix pour le compte de la société Farame afin de répondre à la demande de la société Oenoconcept qui finalisait son offre destinée à la société Domaine Chandon, et, de l’autre, mené directement des négociations avec cette dernière pour lui faire des offres au nom de la société Fileurope. L’arrêt relève encore que la société Fileurope ne démontre pas avoir répondu à un appel d’offres de la société Domaine Chandon Californie, ainsi qu’elle le prétend, les éléments versés aux débats démontrant au contraire que, informée par M. [N] du marché en cours de négociation entre ce client et la société Oenoconcept, la société Fileurope avait démarché ce client, utilisant à cette occasion des plans établis par la société Oenoconcept, que cette dernière avait transmis à la société Farame. L’arrêt retient enfin que, si la société Oenoconcept ne peut pas invoquer la violation d’un droit de propriété intellectuelle concernant ces plans, il est cependant établi que la société Fileurope a sciemment démarché la société Domaine Chandon, dont elle connaissait l’importance stratégique pour la société Oenoconcept, en utilisant des informations et plans transmis par cette dernière à la société Farame.
 
6. En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé les manoeuvres déloyales de la société Fileurope, a pu retenir qu’elle avait commis des actes de concurrence déloyale engageant sa responsabilité délictuelle.
 
7. Le moyen n’est donc pas fondé.
 
Sur le cinquième moyen du pourvoi principal
 
Enoncé du moyen
 
8. Les sociétés Farame et Fileurope font grief à l’arrêt de renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice après dépôt du rapport d’expertise, alors « que l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu’en renvoyant la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice de la société Oenoconcept après le dépôt du rapport d’expertise, la cour d’appel, qui était saisie de l’évaluation du préjudice par l’appel interjeté, a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et a violé les articles 561 et 562 du code de procédure civile. »
 
Réponse de la Cour
 
9. Statuant sur l’appel général d’un jugement mixte ayant pour partie jugé au fond et pour partie ordonné une mesure d’expertise avant-dire droit sur les autres demandes, c’est sans méconnaître les dispositions des articles 561 et 562 du code de procédure civile que la cour d’appel, les opérations d’expertise étant toujours en cours, a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice après dépôt du rapport d’expertise.
 
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
 
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal
 
Enoncé du moyen
 
11. Les sociétés Farame et Fileurope font le même grief à l’arrêt, alors « qu’en s’abstenant de répondre aux conclusions d’appel de la société Farame qui soutenait qu’elle était libérée de son obligation de non-concurrence sur le fondement de l’exception d’inexécution dès lors que la société Oenoconcept avait manqué à son obligation contractuelle, en contrepartie de laquelle l’obligation de non-concurrence avait été souscrite d’assurer un volume minimum de commandes de 1 200 000 euros HT sur la période contractuelle, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile. »
 
Réponse de la Cour
 
Vu l’article 455 du code de procédure civile :
 
12. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.
 
13. Pour dire que la société Farame a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour manquement à son obligation de non-concurrence et la condamner à payer à la société Oenoconcept la somme provisionnelle de 257 130 euros, l’arrêt retient qu’il résulte du contrat que l’engagement d’exclusivité souscrit par la société Farame à l’égard de la société Oenoconcept pendant la durée du contrat est la contrepartie de l’engagement de cette dernière de commander un volume de containers de remuage fabriqués par la société Farame, pendant les deux années du contrat, pour une valeur minimum de 1 200 000 euros, et que l’engagement de non-concurrence, pendant une durée de trois années après la résiliation du contrat, qui est le corollaire de cette exclusivité, a nécessairement pour contrepartie l’engagement souscrit par la société Oenoconcept d’assurer un certain volume de commandes. Il retient ensuite que la preuve n’est pas rapportée que la société Oenoconcept ait satisfait à son engagement relatif à un volume minimum de commandes de 1 200 000 euros. Il relève toutefois qu’il ne peut être déduit du non-respect de cet engagement que le contrat et, par voie de conséquence, les engagements d’exclusivité et de non-concurrence, n’auraient pas pris effet, dans la mesure où la réalisation de cet objectif ne pouvait nécessairement être vérifiée qu’à l’issue de la période contractuelle de deux ans, que ce manquement n’est pas davantage susceptible d’affecter la validité du contrat, puisque l’existence de l’objet s’apprécie à la date de conclusion du contrat, et, enfin, que la sanction contractuellement prévue en cas de non-respect de l’objectif fixé n’est pas la caducité du contrat mais seulement la faculté ouverte à la société Farame de ne pas renouveler le contrat.
 
14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Farame qui soutenait qu’elle était libérée de son obligation de non-concurrence sur le fondement de l’exception d’inexécution, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
 
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
 
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la société Farame a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour manquement à l’obligation de non-concurrence découlant du contrat de fourniture exclusive du 7 décembre 2011, en ce qu’il condamne la société Farame à payer à la société Oenoconcept la somme provisionnelle de 257 130 euros à valoir sur son préjudice pour l’année 2016, et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile entre la société Oenoconcept et la société Farame, l’arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ;
 
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Metz ;
 
Condamne la société Oenoconcept aux dépens ;
 
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
 
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
 
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
 
 
 
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
 
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les sociétés Farame et Fileurope.
 
PREMIER MOYEN DE CASSATION
 
Les sociétés Farame et Fileurope font grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la SAS Farame avait engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour manquement à l’obligation de non-concurrence découlant du contrat de fourniture exclusive du 7 décembre 2011, dit que la SAS Fileurope avait engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour concurrence déloyale par détournement de clientèle et agissements parasitaires, condamné la SAS Fileurope et la SAS Farame in solidum à payer à la SAS Oenoconcept la somme provisionnelle de 257 130 € à valoir sur son préjudice pour l’année 2016, sursis à statuer sur l’évaluation du préjudice subi par la société Oenoconcept dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, confirmé la mesure d’expertise ordonnée par le tribunal de commerce en modifiant la mission de l’expert et renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice après dépôt du rapport d’expertise ;
 
1°) ALORS QUE selon l’article 1er du contrat exclusif de fourniture conclu le 7 décembre 2011, l’engagement d’exclusivité souscrit par la société Farame à l’égard de la société Oenoconcept pendant la durée du contrat est la contrepartie de l’engagement de cette dernière de « commander un volume de containers de remuage fabriqués par Caddie Portugal SA (Farame) pendant les deux années du contrat pour une valeur totale minimum de 1 200 000 € HT » ; que l’arrêt attaqué a relevé que de la même manière, l’engagement de non-concurrence pendant toute la durée du contrat et pendant une durée de trois années après sa résiliation, figurant à l’article 10 du contrat, qui est le corollaire de cette exclusivité, avait nécessairement pour contrepartie l’engagement souscrit par la société Oenoconcept d’assurer un certain volume de commandes ; qu’en jugeant que la clause de non concurrence avait « perduré » après la fin du contrat, jusqu’au 31 décembre 2016, quand il résulte de ses propres constatations que la société Oneconcept n’avait pas satisfait à son engagement, en contrepartie duquel la société Farame avait souscrit son obligation de non concurrence, d’assurer un volume minimum de commandes de 1 200 000 € HT sur la période contractuelle, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1134 devenu 1103 du code civil ;
 
2°) ALORS QU’en s’abstenant de répondre aux conclusions d’appel de la société Farame qui soutenait qu’elle était libérée de son obligation de non-concurrence sur le fondement de l’exception d’inexécution dès lors que la société Oenoconcept avait manqué à son obligation contractuelle, en contrepartie de laquelle l’obligation de non-concurrence avait été souscrite d’assurer un volume minimum de commandes de 1 200 000 € HT sur la période contractuelle, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
 
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
 
Les sociétés Farame et Fileurope font grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la SAS Farame avait engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour manquement à l’obligation de non-concurrence découlant du contrat de fourniture exclusive du 7 décembre 2011, dit que la SAS Fileurope avait engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour concurrence déloyale par détournement de clientèle et agissements parasitaires, condamné la SAS Fileurope et la SAS Farame in solidum à payer à la SAS Oenoconcept la somme provisionnelle de 257 130 € à valoir sur son préjudice pour l’année 2016, sursis à statuer sur l’évaluation du préjudice subi par la société Oenoconcept dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, confirmé la mesure d’expertise ordonnée par le tribunal de commerce en modifiant la mission de l’expert et renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice après dépôt du rapport d’expertise ;
 
ALORS QU’ aux termes de l’article 10 du contrat exclusif de fournitures, la société Caddie Portugal SA, devenue Farame, s’est engagée « à ne pas fabriquer ni à commercialiser pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, les containers de remuage et accessoires qui lui sont commandés par la SAS Oenoconcept sur ses propres plans ou concepts et à ne pas la concurrencer directement ou indirectement sur l’ensemble de son activité de remuage » ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que la société Farame n’a ni commercialisé, ni fabriqué les caisses de remuage livrées à la société Domaine Chandon; qu’en jugeant que la société Farame avait manqué à son obligation contractuelle de non concurrence au motif inopérant qu’elle aurait fourni à la société Fileurope les éléments ayant contribué au détournement de la société Domaine Chalandon sans relever aucun acte établissant que la société Farame aurait elle-même concurrencé, directement ou indirectement, la société Oenoconcept, la cour d’appel a violé l’article 1134 devenu 1103 du code civil.
 
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
 
Les sociétés Farame et Fileurope font grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la SAS Farame avait engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour manquement à l’obligation de non-concurrence découlant du contrat de fourniture exclusive du 7 décembre 2011, dit que la SAS Fileurope avait engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de la société Oenoconcept pour concurrence déloyale par détournement de clientèle et agissements parasitaires, condamné la SAS Fileurope et la SAS Farame in solidum à payer à la SAS Oenoconcept la somme provisionnelle de 257 130 € à valoir sur son préjudice pour l’année 2016, sursis à statuer sur l’évaluation du préjudice subi par la société Oenoconcept dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, confirmé la mesure d’expertise ordonnée par le tribunal de commerce en modifiant la mission de l’expert et renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice après dépôt du rapport d’expertise ;
 
ALORS QU’en vertu de la liberté du commerce et de l’industrie, le démarchage de la clientèle d’autrui est libre sauf s’il s’accompagne de manoeuvres déloyales ; qu’en vertu de cette même liberté, le simple fait de reproduire un produit qui n’est protégé par aucun droit privatif ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que la société Domaine Chandon, démarchée par la société Fileurope, avait elle-même demandé des caisses de remuage parfaitement identiques à celles développées avec la société Oenoconcept dont elle avait reçu et validé les plans lesquels n’étaient protégés par aucun droit privatif ; qu’en jugeant néanmoins que la société Fileurope avait commis des actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle et parasitisme pour avoir démarché la société Domaine Chandon en utilisant les plans transmis par la société Oenoconcept à la société Farame, la cour d’appel, qui n’a caractérisé aucun procédé déloyal, a violé le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et l’article 1382 devenu 1240 du code civil.
 
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
 
Les sociétés Farame et Fileurope font grief à l’arrêt attaqué de les avoir condamnées in solidum à payer à la SAS Oenoconcept la somme provisionnelle de 257 130 € à valoir sur son préjudice pour l’année 2016, sursis à statuer sur l’évaluation du préjudice subi par la société Oenoconcept dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, confirmé la mesure d’expertise ordonnée par le tribunal de commerce en modifiant la mission de l’expert et renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice après dépôt du rapport d’expertise ;
 
ALORS QU’en présence d’un aléa sur la conclusion d’un contrat ferme et définitif avec la société Domaine Chandon Californie, le préjudice que prétend avoir subi la société Oenoconcept, du fait du détournement de ce client par la société Fileurope, ne peut consister qu’en une perte de chance de conclure un marché et de réaliser un chiffre d’affaires pour l’avenir ; qu’en jugeant que le préjudice de la société Oenoconcept correspondait à la perte de marge brute pour les années 2016, 2017 et 2018 résultant de la perte du marché de caisses de remuage qu’elle s’apprêtait seulement à conclure avec la société Domaine Chandon Californie, la cour d’appel a violé le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
 
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
 
Les sociétés Farame et Fileurope font grief à l’arrêt attaqué d’avoir renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice après dépôt du rapport d’expertise ;
 
ALORS QUE l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu’en renvoyant la cause et les parties devant le tribunal de commerce d’Epinal pour qu’il soit statué sur le préjudice de la société Oenoconcept après le dépôt du rapport d’expertise, la cour d’appel, qui était saisie de l’évaluation du préjudice par l’appel interjeté, a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et a violé les articles 561 et 562 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Oenoconcept.
 
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le contrat a pris fin à son échéance du 31 décembre 2013 et d’avoir débouté la société Oenoconcept de sa demande de condamnation sous astreinte de la société Fileurope à respecter la clause de non-concurrence,
 
ALORS QUE les conventions obligent ceux qui les ont faites ; que le contrat de fourniture était conclu pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2012 et prévoyait qu’il se poursuivrait par tacite reconduction faute par l’une des parties de s’y opposer par lettre recommandée avec accusé de réception un mois avant l’échéance annuelle du contrat; que la cour d’appel a retenu que le contrat avait pris fin le 31 décembre 2013 faute que les parties se soient accordées sur le montant minimum de commandes pour la période à venir ; que la cour d’appel n’a ce faisant pas tiré les conséquences de ses propres constatations, dont il résultait d’une part qu’après le 31 décembre 2013, la relation s’était poursuivie inchangée, que la société Farame était restée en possession du matériel qui lui avait été remis par la société Oenoconcept et qu’elle continuait à utiliser, d’autre part, qu’aucune des parties n’avait expressément manifesté son intention de ne pas reconduire le contrat ; qu’elle a ce faisant violé l’article 1103 du code civil.

Chat Icon