Mannequin / Mannequinat : 8 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/00484

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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2023

(n° /2023, 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00484 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG6XG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Paris – RG n° 16/09430

APPELANTE

Madame [H] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Daniel RAVEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1024

INTIMEES

S.A.R.L. POLYFRANCE OUEST POLYFRANCE OUEST venant aux droits de POLYSURFACES FRANCE OUEST

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Bernardine TYL-GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0462

S.N.C. ROYAL SAINT GERMAIN MIFLO

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme. BLANC Anne-Gaël, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. DE CHANVILLE Jean-François, président de chambre

Mme. BLANC Anne-Gaël, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, Greffière présente lors du prononcé.

Rappel des faits, procédure et prétentions des parties

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 4 avril 2014, Mme [H] [Z] a été engagée en qualité d’employée d’étage par la SARL Polysurfaces France ouest devenue depuis SARL Polyfrance ouest. Ce contrat fait référence à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants.

Suivant avenant du 15 décembre 2015, les parties ont convenu d’une modulation du temps de travail.

La société Polyfrance ouest a pour activité la sous-traitance hôtelière et assure des prestations de nettoyage dans des hôtels dont la SNC Royal Saint-Germain, établissement au sein duquel Mme [Z] a travaillé à compter du 1er avril 2015. Elle emploie habituellement plus de 10 salariés.

Par lettre du 31 mars 2016, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Le 18 avril 2016, elle a été licenciée pour faute grave en raison d’une absence injustifiée à compter du 12 mars précédent.

Le 27 suivant, elle a envoyé à son employeur un certificat médical faisant état de sa grossesse, son accouchement étant prévu le mois suivant.

Le 29 juillet 2016, contestant son licenciement et réclamant la condamnation in solidum des sociétés Polyfrance ouest et Royal Saint-Germain au paiement de différentes sommes salariales et indemnitaires, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 26 mars 2018, l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Le 1er août 2018, Mme [Z] a fait appel de cette décision notifiée par le greffe le 18 juin précédent, le pli étant retourné au greffe avec la mention ‘non réclamé’.

Par arrêt du 2 décembre 2020, la cour d’appel de Paris a déclaré son appel caduc, l’appel incident irrecevable et a laissé les dépens à la charge de l’appelante.

La salariée a formé un pourvoi sur cet arrêt.

Par décision du 3 mars 2022, la Cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Paris en toutes ses dispositions, considérant que la cour ne pouvait pas juger la déclaration d’appel caduque au motif que, si les écritures de l’appelante ne concluaient pas à l’infirmation ou à l’annulation du jugement, son appel avait été formé le 1er août 2018, soit avant le 17 septembre 2020, date du premier arrêt publié dégageant la règle, issue de l’interprétation des articles 954 et 542 du code de procédure civile pris ensemble, selon laquelle, lorsque les premières conclusions de l’appelant ne visent pas expressément l’infirmation ou l’annulation du jugement et qu’aucun jeu de conclusions régulières n’est venu les régulariser dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile, le prononcé de la caducité de l’appel est encouru.

Le 6 janvier 2023, la cour d’appel de Paris autrement composée a été saisie sur renvoi après cassation.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 juin 2023, Mme [Z] demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest, et Royal Saint-Germain à lui payer 20,58 euros à titre de rappel de salaire pour non-respect du minimum conventionnel, outre 2.05 euros au titre des congés payés afférents ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest, et Royal Saint-Germain à lui payer 16.513,32 euros de rappel de salaires suite à la requalification de sa relation de travail en contrat à temps plein, outre 1.651,33 euros de congés payés afférents ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest, et Royal Saint-Germain à lui payer 1.383,92 euros d’avantage en nature repas ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest, et Royal Saint-Germain à lui payer 141,12 euros de prime habillage déshabillage ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest, et Royal Saint-Germain, à lui payer 705,60 euros de rappels de salaires sur jours fériés, outre 70,56 euros de congés payés afférents ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 72,80 euros au titre de sa prime annuelle, outre 7,28 euros de congés payés afférents ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 890,75 euros d’indemnité compensatrice de congés payés ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts non prise effective congés payés ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts pour non-application de la convention collective ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest, et Royal Saint-Germain à lui payer 20.000 euros de dommages et intérêts pour défaut d’autorisation administrative pendant plus de deux ans ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 20.000 euros de dommages et intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite et marchandage ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 25.000 euros à titre de nullité de licenciement pour état de grossesse et congé de maternité ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 1.764,05 euros de rappels de salaires du 12 mars au 17 avril 2016, outre 176,40 euros de congés payés afférents ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 4.789,43 euros de rappels de salaires de protection du 18 avril au 24 juillet 2016, outre 478,94 euros de congés payés afférents ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 2.963,62 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et SNC Royal Saint-Germain, à lui payer 593 euros d’indemnité de licenciement ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et SNC Royal Saint-Germain, à lui payer 9.000 euros d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest, et SNC Royal Saint-Germain, à lui payer 8.990,81 euros d’indemnité pour dissimulation d’emploi salarié ;

– condamner in solidum les sociétés Polyfrance ouest, venant aux droits de la société Polysurfaces France ouest et Royal Saint-Germain, à lui payer 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

– condamner ces mêmes sociétés à lui remettre ses documents sociaux conformes à l’arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 juillet 2023, la société Polyfrance ouest demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il rejette sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau et y ajoutant, de débouter Mme [Z] de ses demandes, de la condamner au paiement de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 2.000 euros pour les frais d’avocat engagés en appel ainsi que les dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 juillet 2023, la société Royal Saint-Germain demande à la cour de 

confirmer le jugement sauf en ce qu’il rejette sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau et y ajoutant, de débouter Mme [Z] de l’intégralité de ses demandes, de la condamner au paiement de 1.500 euros pour les frais exposés en première instance et de 2.000 euros pour l’appel ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 18 septembre 2023.

Pour l’exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de noter que l’instance a été introduite devant le conseil de prud’hommes le 29 juillet 2016, avant la suppression, le 1er août suivant, de la règle de l’unicité de l’instance en sorte que l’ensemble des demandes qui dérivent du même contrat de travail sont recevables devant la cour.

1 : Sur la convention collective applicable et la demande indemnitaire à ce titre

En application de l’article L. 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur.

Aux termes de l’article 1er de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, celle-ci s’applique dans toutes les entreprises dont l’activité principale est l’hébergement et/ou la fourniture de repas et/ou de boissons et, le cas échéant, des services qui y sont associés.

Aux termes de l’article 1.1 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés, celle-ci s’applique à tous les employeurs et salariés des entreprises et établissements exerçant sur le territoire français et ce quel que soit le pays d’établissement de l’employeur, une activité de nettoyage de locaux classée sous le code APE 81.2 y compris les activités de nettoyage à l’occasion de remise en état, et ou une activité de nettoyage à domicile de moquettes, tapis, tentures et rideaux relevant du code APE 96.01A.

Au cas présent, il ressort suffisamment des pièces produites et notamment du contrat de sous-traitance que la société Polyfrance ouest fournit un service de ménage à l’intention des hôtels qui lui sous-traitent cette activité. Pour ce faire, la société Polyfrance ouest emploie des salariées qui remplissent des fonctions de nettoyage. Ainsi, l’activité principale de l’employeur consiste à assurer la propreté des chambres, avec les contraintes qu’implique le lieu d’exercice de cette activité, à savoir les hôtels, mais sans pour autant rendre un service relevant de l’hébergement et/ou de la fourniture de repas et/ou de boissons.

La relation de travail relève donc de la convention collective des entreprises de propreté et services associés au regard de l’activité principale de la société.

Il est par ailleurs constant qu’un employeur peut être juridiquement contraint d’appliquer une convention collective, qui n’est pas celle applicable au regard de l’activité principale exercée, lorsque cette application a fait l’objet d’une contractualisation par mention expresse dans un document ayant valeur contractuelle. Dans cette hypothèse de cumul, le salarié peut revendiquer l’application des avantages les plus favorables émanant de ces conventions collectives.

Au cas présent, l’employeur a contractualisé l’application volontaire de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants à la relation de travail puisque la mention de celle- ci figure expressément dans le contrat de travail de la salariée.

Dès lors, Mme [Z] pourra revendiquer l’application des avantages les plus favorables résultant de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants comme de la convention collective des entreprises de propreté et services associés.

En revanche, faute de démontrer l’existence d’un préjudice autre que celui d’ores et déjà compensé par l’application des stipulations conventionnelles les plus avantageuses de chacun de ces textes, la salariée verra sa demande de dommages et intérêts pour non-application de la convention collective de la propreté rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2 : Sur le prêt de main d’oeuvre illicite et le délit de marchandage

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le contrat de travail est caractérisé par l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination juridique entre l’employeur et le salarié, ce dernier étant de ce fait soumis au pouvoir disciplinaire de celui pour lequel il travaille.

Un salarié d’une entreprise peut demander au juge d’établir l’existence d’un contrat de travail entre lui et le donneur d’ordre à la disposition duquel il a été mis par son employeur.

Par ailleurs, selon l’article L .8241-1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite. Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;

2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;

3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1. Une opération de prêt de main-d”uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

En outre, en cas de contrat de sous-traitance ou de prestations de service, il convient de déterminer si le contrat en cause dissimule un prêt de main d’oeuvre prohibé. Il est admis que pour apprécier le caractère licite d’une convention de ce type, les critères retenus sont : le maintien du lien de subordination avec l’entreprise d’origine du salarié, le caractère forfaitaire du coût de la prestation qui doit être nettement définie et la mise en oeuvre par le salarié mis à disposition d’un savoir faire spécifique, distinct de celui des salariés de l’entreprise d’accueil. Ces critères ne sont pas cumulatifs et le juge doit procéder à une recherche de l’objet réel du contrat de sous-traitance sans s’arrêter à la qualification donnée par les parties à cette relation contractuelle, le maintien du lien de subordination avec l’entreprise d’origine étant considéré comme déterminant.

Le marchandage, prévu à l’article L. 8231-1 du code du travail et défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulation d’une convention ou d’un accord collectif, est interdit.

Enfin, il est constant qu’il n’y a pas de marchandage, ni de prêt de main-d’oeuvre illicite dès lors qu’une société choisit de confier une activité de nettoyage à une société spécialisée ayant un savoir-faire spécifique, aux termes d’un contrat de prestations qui prévoit la fourniture des produits et du matériel nécessaires, dans la mesure où le prestataire assure une permanence d’encadrement et assume l’entière responsabilité du recrutement et de l’administration de son personnel ainsi que de manière générale de toutes les obligations incombant à l’employeur.

Au cas présent, la salariée fait valoir qu’elle a été exclusivement affectée au sein de l’hôtel Royal Saint-Germain, qu’elle était payée à la tâche et non à l’heure, qu’elle ne disposait d’aucun savoir-faire spécifique, étant peu qualifiée, que la société Polyfrance ouest n’est pas davantage spécialisée, que le matériel mis à sa disposition était pour partie fourni par l’hôtel lui-même, qu’elle obéissait aux ordres de la gouvernante de l’hôtel qui lui disait quelles chambres elle devait nettoyer, l’hôtel étant d’ailleurs en possession de sa lettre de licenciement et que, afin de faire des économies de charges sociales, les parties ont choisi d’indexer le prix des prestations sur le SMIC ce qui est prohibé par l’article L.112-2 du code monétaire et financier et caractériserait le but lucratif du contrat de prêt de main d’oeuvre.

Cependant, il ressort suffisamment des éléments versés aux débats et notamment des contrats de sous-traitance hôtelière conclus entre les sociétés Polyfrance ouest et Royal Saint-Germain, de la facturation de prestations de ménage à cette dernière, des plannings et fiches horaires de la salariée, des avertissements disciplinaires sanctionnant d’autres salariées se situant dans la même situation que Mme [Z], du courrier de licenciement de celle-ci signé par l’employeur, des éléments concernant les congés ainsi que des factures de fournitures que la société Polyfrance ouest facturait effectivement une prestation forfaitaire de ménage à la société Royal Saint-Germain nécessitant un savoir-faire spécifique s’agissant du nettoyage de chambre d’hôtels de luxe selon des normes précises, peu important dans le cadre de l’instance prud’homale que le montant de ces prestations ait été indexé sur le SMIC, qu’elle organisait le travail de la salariée qui, au cours de la relation de travail, n’a pas été exclusivement affectée à l’hôtel Royal Saint-Germain mais a également travaillé au Mogador ou au Brittany, qu’elle gérait ses horaires et ses congés et qu’elle fournissait au moins une partie du matériel utilisé pour le nettoyage.

Dès lors, il n’y a pas eu transfert du lien de subordination au donneur d’ordre, celui-ci étant maintenu avec la société Polyfrance ouest. Par ailleurs, le contrat de sous-traitance ou de prestations de service était licite et ne dissimulait pas un prêt de main d’oeuvre prohibé. Au surplus, en ce qui concerne le marchandage, aucun préjudice n’est démontré par la salariée, pour laquelle l’employeur s’acquittait des formalités et cotisations inhérentes à son statut et qui a bénéficié des avantages de la convention collective applicable dans les hôtels au sein desquels elle travaillait.

Il convient dès lors de rejeter la demande de condamnation de l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour marchandage ou prêt illicite de main d’oeuvre ainsi que la demande de condamnation solidaire de la société Royal Saint-Germain à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

3 : Sur dommages et intérêts pour défaut d’autorisation administrative

Selon les dispositions de l’article L.8251-1 du code du travail, nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

L’article L.8251-2 du même code prévoit que nul ne peut, directement ou indirectement, recourir sciemment aux services d’un employeur d’un étranger non autorisé à travailler.

L’article L.8254-1 dispose que toute personne vérifie, lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution de ce contrat, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations au regard des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1.

Enfin, l’article L.8254-2 dans sa version applicable au litige dispose que la personne qui méconnaît l’article L. 8254-1 est tenue solidairement de diverses sommes dues au salarié avec son cocontractant.

Cependant, il n’incombe pas à l’employeur de contrôler l’authenticité d’un justificatif d’identité apparemment régulier.

Or, au cas présent, l’employeur établit que la salariée lui a présenté un titre de séjour apparemment valable du 14 avril 2011 au 13 avril 2021 ainsi qu’une attestation de carte vitale dont il produit des copies en sorte qu’il ne saurait lui être fait grief de s’être autrement assuré que la salariée disposait d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire national.

Il convient dès lors de rejeter la demande de condamnation de l’employeur au paiement de dommages et intérêts de ce chef ainsi que la demande de condamnation solidaire de la société Royal Saint-Germain à ce titre.

Le jugement sera complété de ce chef.

4 : Sur l’exécution du contrat

4.1 : Sur le rappel de salaire à titre de minimum conventionnel et les congés payés afférents

Il n’est pas contesté que l’employeur n’a pas respecté le salaire minimal horaire conventionnel puisqu’il a réglé la salariée sur la base du SMIC horaire.

Les parties s’accordent sur un différentiel à ce titre de 20,58 euros, outre 2.05 euros au titre des congés payés afférents. La société Polyfrance ouest sera condamnée au paiement de ces sommes.

Le jugement doit être complété sur ce point.

4.2 : Sur la requalification de sa relation de travail en contrat à temps plein et les congés payés afférents

Aux termes de l’article L.3123-14 du code du travail dans sa version alors en vigueur, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévu et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ainsi que les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir et la nature de cette modification. Par ailleurs, le contrat de travail doit énoncer les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat de travail.

L’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l’emploi est à temps complet.

En revanche, lorsque le contrat précise cette répartition, la présomption susmentionnée ne joue pas et il appartient au salarié de démontrer qu’il devait travailler chaque jour selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance ce qui lui imposait de rester en permanence à disposition de son employeur.

En l’espèce, le contrat de travail initial de Mme [Z] indique que celle-ci travaille 108 heures par mois réparties sur 5 jours de la semaine : le mercredi, le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche de 9h30 à 14h30. En cas de modification de ces jours de travail, un délai de prévenance de 7 jours est fixé.

L’avenant du 15 décembre 2015 précise pour sa part que la salariée travaille 108 heures réparties sur 5 jours : les lundi, mardi, mercredi, samedi et dimanche, de 9h00 à 14h00, le temps de travail pouvant être modulé sur l’année. Il stipule ainsi : ‘En effet, compte tenu du caractère saisonnier de l’activité, il a été défini deux périodes qui constituent le programme indicatif annuel de la période du travail : – Périodes creuses : du 1er décembre au 31 mars : les heures travaillées seront comprises entre 73 et 110 heures par mois ;

– Périodes hautes du 1 er avril au 30 novembre : les heures travaillées seront comprises entre 80 et 144 heures par mois ;

Ce programme pourra varier en fonction d’imprévus. Le salarié sera informé un mois avant de tout changement de programme. La société communiquera chaque mois au salarié, une semaine à l’avance, le planning mensuel de ses horaires et de leur répartition. Ces horaires pourront cependant être modifiés en cas d’absence d’un salarié, de formation, de tâches exceptionnelles, de surcroît exceptionnel d’activité. La période de référence de lissage de l’horaire est comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre. Le décompte de la durée du travail sera effectué mensuellement.’

Ces documents contractuels précisent ainsi la durée mensuelle de travail prévue et la répartition de cette durée entre les jours de la semaine. Dès lors, la présomption de temps complet ne joue pas.

Il appartient donc à Mme [Z] de démontrer qu’elle devait travailler chaque jour selon des horaires dont elle n’avait pas eu préalablement connaissance ce qui lui imposait de rester en permanence à disposition de son employeur.

Or, au cas présent, tant pour la période couverte par le premier contrat, que pour celle relevant de l’avenant de modulation du temps de travail, peu important l’éventuelle irrégularité de celui-ci, cette dernière établit notamment par la production de ses bulletins de paie, de plannings et d’attestations de collègues qu’elle travaillait très régulièrement en dehors des jours et des horaires de travail prévus contractuellement et ce, sans qu’elle soit prévenue à l’avance selon les modalités contractuelles.

Il en ressort que cette dernière était dans l’impossibilité de savoir à quel rythme elle devait travailler et devait ainsi se tenir constamment à la disposition de son employeur en sorte que son contrat à temps partiel doit être requalifié en temps plein.

Dès lors, il convient de condamner l’employeur au paiement du différentiel entre les heures réellement payées et les heures dues au titre d’un contrat à temps complet.

Le taux horaire minimum conventionnel, tel qu’il résulte des avenants n°16 du 10 janvier 2013 relatif aux salaires minima pour l’année 2013, n°20 du 29 septembre 2014 relatif aux salaires minima au 1er novembre 2014 et n°23 du 8 février 2016 relatif aux salaires minima conventionnels, était de 9,52 euros entre le 1er juin 2013 et le 1er novembre 2014 et de 9,63 euros à compter de cette date jusqu’au licenciement.

Sur la base de ces taux horaires minima, il convient de condamner l’employeur au paiement de 15.531,22 euros de rappel de salaire, outre 1.553,12 euros de congés payés afférents.

Le jugement, qui n’a pas expressément statué de ce chef, sera complété en ce sens.

4.3 : Sur les primes et avantages conventionnels

Il appartient au salarié qui réclame l’application d’un avantage ou le paiement d’une prime d’établir qu’il peut légitimement s’en prévaloir. Une fois cette preuve rapportée, il incombe à l’employeur de démontrer que le salarié a été rempli de ses droits par le bénéfice de l’avantage litigieux ou le paiement de la prime réclamée.

Il convient par ailleurs de rappeler que, au cas présent, la salariée peut prétendre aux avantages résultant tant de la convention collective contractualisée des hôtels, cafés restaurants que de ceux de la convention collective de la propreté, applicable du fait de l’activité principale de la société.

4.3.1 : Sur l’avantage en nature repas

La convention collective des hôtels, cafés restaurants prévoit que, lorsque son établissement est ouvert à la clientèle à l’heure des repas et que l’horaire du salarié comprend le temps normalement consacré au repas, l’employeur a l’obligation de lui fournir gratuitement un repas ou de lui accorder une indemnité en compensation.

Cependant, au regard de sa nature, cette indemnité n’est due qu’en cas de présence effective du salarié à l’heure du repas et la seule requalification du contrat à temps partiel ne saurait emporter automatiquement ouverture du droit à cet avantage pour chaque journée ouvrée.

Or, en l’espèce, la salariée ne présente aucun élément précis sur les jours où elle aurait été effectivement présente à l’heure des repas, se contentant de faire un calcul sur la base d’un temps plein en sorte qu’elle n’apporte pas la preuve qui lui incombe et qu’elle verra sa demande au titre de l’indemnité repas rejetée.

Le jugement sera complété en ce sens.

4.3.2 : Sur la prime habillage déshabillage

L’article 7 de l’avenant à la convention collective des hôtels, cafés restaurants n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance prévoit que le temps d’habillage et de déshabillage est exclu de la durée du travail telle que définie à l’article 3 de cet avenant. Ainsi, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou par le contrat de travail et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage fait l’objet de contreparties. Il appartient aux entreprises de définir lesdites contreparties sous forme soit de repos, soit de contrepartie financière, soit toutes autres contreparties telles que notamment le blanchissage, la fourniture de vêtements professionnels, le logement dans l’entreprise ou à proximité immédiate. Cette contrepartie devra être précisée dans le contrat de travail. À défaut de contrepartie fixée par l’entreprise, le salarié comptant 1 an d’ancienneté dans l’entreprise bénéficie de 1 jour de repos par an. Lorsque l’activité de l’entreprise ne permet pas la prise du congé, le salarié perçoit une compensation en rémunération équivalente.

Au cas présent, il n’est pas contesté que la salariée se trouvait dans les conditions nécessaires à l’obtention de cette prime en ce qu’elle devait porter une tenue spécifique qu’elle devait revêtir sur son lieu de travail.

Or, pour établir que la salariée a bénéficié de la contrepartie susmentionnée, l’employeur se contente d’affirmer qu’elle a bénéficié d’un jour de repos supplémentaire, le 28 avril 2015.

Cependant, ce faisant, alors que la réalité de cette journée de repos est contestée, il ne démontre pas que la salariée a bénéficié de la contrepartie conventionnelle prévue en sorte qu’il devra régler à la salariée une compensation financière de 141,12 euros de prime habillage déshabillage.

Le jugement sera complété de ce chef.

4.3.3 : Sur les rappels de salaires sur jours fériés et les congés payés afférents

Aux termes de l’article 11.1 de l’avenant n° 2 du 5 février 2007 relatif à l’aménagement du temps de travail de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, dans les établissements permanents, tous les salariés comptant 1 an d’ancienneté dans le même établissement et/ou entreprise, bénéficient, en plus du 1er mai, de 8 jours fériés par an, selon le calendrier ci-dessous :

– 5 jours fériés garantis à compter de la date d’application du présent avenant ;

– 2 jours fériés à compter du 1er juillet 2007 ;

– 1 jour férié à compter du 1er janvier 2008.

En tout état de cause, il est accordé au salarié 5 jours fériés garantis. Ainsi, le salarié bénéficie de 5 jours fériés ou chômés et payés ou compensés en temps ou indemnisés même si le salarié est en repos ces jours fériés considérés.

En outre, les salariés à temps partiel bénéficient des jours fériés ainsi attribués. La disposition conventionnelle, qui prévoit l’attribution de 1 jour de compensation ou son indemnisation lorsque le jour férié coïncide avec un jour de repos hebdomadaire, est applicable aux salariés à temps partiel, et prorata temporis pour les salariés à temps partiel dont le temps de travail prévu au contrat est réparti sur moins de 5 jours par semaine.

Au cas présent, le temps de travail de la salariée est réparti sur cinq jours de la semaine. Elle bénéficie donc de la compensation pour les jours fériés garantis s’ils coïncident avec un jour de repos hebdomadaire.

Cependant, en 2014, la salariée n’avait pas encore un an d’ancienneté dans l’entreprise et n’est donc pas éligible au bénéfice de ces stipulations. Elle verra sa demande à ce titre rejetée.

Pour l’année 2015, l’employeur soutient que la salariée a bénéficié de cinq jours fériés en sus du 1er mai (jeudi 1er janvier, lundi 6 avril, mardi 14 juillet, mercredi 11 novembre et vendredi 25 décembre) et que deux autres (vendredi 8 mai et dimanche 1er novembre) ont été récupérés.

Toutefois, cette récupération de deux journées n’est pas établie, la récupération ou le paiement de ces deux jours reste donc dû.

Par ailleurs, la salariée était normalement en repos les lundi et mardi avant le 15 décembre 2015 puis les jeudi et vendredi après cette date. Il en résulte que, en 2015, trois jours fériés (les lundi 6 avril, mardi 14 juillet et vendredi 25 décembre) coïncidaient avec un jour de repos hebdomadaire. La récupération ou le paiement de ces trois jours est dû.

La salariée peut dont prétendre au paiement de cinq jours fériés garantis pour l’année 2015, soit 352,80 euros.

Le jugement sera complété en ce sens.

4.3.4 : Sur la prime annuelle et les congés payés afférents

Une prime annuelle est instaurée aux termes de l’accord du 3 mars 2015 inséré à l’annexe I.3 créé à l’annexe I relatives aux classifications et rémunérations de la convention nationale des entreprises de propreté.

Pour les salariés à temps partiel, le montant de cette prime est calculé au prorata du temps de travail contractuel à la date du versement de la prime. Pour les salariés ayant entre 1 et 20 ans d’expérience, elle correspond à 7,70 % de la rémunération minimale mensuelle hiérarchique correspondant à l’échelon de l’AS1 A.

Au cas présent, la salariée qui avait plus d’une année d’expérience à compter d’avril 2015 pouvait prétendre au paiement de cette prime calculée au prorata de son temps de travail soit 72,80 euros, outre 7,28 euros de congés payés. L’employeur sera condamné au paiement de cette somme.

Le jugement qui a rejeté la demande à ce titre sera infirmé sur ce point.

5 : Sur les congés payés

5.1 : Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

En application de l’article L.3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.

Au cas présent, la salariée réclame le paiement d’une indemnité au titre des congés qu’elle n’aurait pas pris au cours de la période de prise des congés précédant la rupture. Les parties s’accordent sur le fait qu’elle a bénéficié de 14 jours de congés sur cette période et sur le fait que la somme de 1.229,89 euros lui restait due à ce titre pour les congés non pris.

Cette somme est indiquée sur le bulletin de paie d’avril 2016 comme étant l’indemnité compensatrice de congés payés versée à la salariée lors de la rupture.

Alors que cette dernière ne conteste ni le paiement effectif des sommes mentionnées sur ce bulletin de paie, ni le principe de la déduction effectuée par l’employeur au titre de la régulation pour heures de modulation qui vient limiter le montant effectivement payé à la salariée, il convient de considérer que celui-ci apporte suffisamment la preuve du paiement de l’indemnité compensatrice de congés payés dus.

La demande à ce titre sera donc rejetée.

5.2 : Sur les dommages et intérêts en raison de la non prise ‘effective congés payés’

Eu égard à la finalité qu’assigne aux congés et périodes de repos la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé ou à repos, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli, à cette fin, les diligences qui lui incombent légalement.

Le salarié placé dans l’impossibilité de prendre ses congés est fondé à solliciter l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il subit.

Au cas présent, alors que la salariée n’a pas bénéficié de l’ensemble des congés auxquels elle pouvait prétendre dans la mesure où il apparaît qu’elle n’a pu prendre que 14 jours de congés payés entre avril 2014 et avril 2016, l’employeur ne démontre pas avoir pris des mesures pour lui permettre d’exercer effectivement son droit.

Le manque de diligence de l’employeur a causé un préjudice à la salariée, privée de son droit effectif au repos, préjudice qui sera réparé par l’octroi d’une somme de 500 euros.

Le jugement sera complété en ce sens.

5 : Sur la rupture du contrat de travail

5.1 : Sur le licenciement

L’article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Aux termes de l’article L.1232-1 du même code, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part, d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part, de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise.

Aux termes de l’article L.1225-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes. Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

Par ailleurs, l’article L 1225-5 du code du travail prévoit que le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte. Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l’état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Il a ainsi été jugé que, lorsqu’une salariée explique par son état de grossesse quatre mois d’absence injustifiée, dans le délai de 15 jours suivant la notification du licenciement, le licenciement est annulé et la faute grave ne peut être caractérisée (Soc. 16 juin 1998, n° 95-42.263).

En l’espèce, aux termes de la lettre de rupture du 18 avril 2016, qui fixe les limites du litige, Mme [Z] a été licenciée pour faute grave au motif qu’elle aurait été absente sans justification depuis le 12 mars précédent et ce, sans en justifier malgré une mise en demeure de le faire.

Le 27 avril 2016, soit moins de 15 jours après cette notification, la salariée a envoyé à son employeur un certificat médical justifiant du fait qu’elle était enceinte, son accouchement étant prévu un mois plus tard.

Il en résulte que, sauf à ce que l’employeur établisse que les faits visés dans la lettre de rupture constituent une faute grave non liée à l’état de grossesse de la salariée, son licenciement doit être annulé.

Or, la salariée était enceinte de sept mois le premier jour de l’absence dont son employeur lui fait grief. Elle devait, au regard de sa date prévue d’accouchement être en congé maternité à compter du 14 avril suivant. Elle a accouché le 16 mai suivant. Elle soutient que son employeur lui a demandé de rentrer chez elle au regard de sa grossesse qu’il ne pouvait ignorer compte tenu de son avancement et du fait qu’elle venait de faire un malaise lié à son état sur son lieu de travail. Elle affirme enfin, sans être utilement contredite, que, lors de sa première grossesse, son employeur l’a placée en situation d’absence injustifiée ce qui est conforté par les éléments produits qui établissent qu’elle était absente sans être payée pendant plusieurs semaines avant et après son précédent accouchement, le 14 janvier 2015.

Dans ces conditions, l’employeur, qui se contente de se prévaloir de l’absence injustifiée de sa salariée, situation non dépourvue de lien avec sa santé en raison de son état de grossesse moins de deux mois avant son accouchement, et de son ignorance de cette situation ce, qui est non seulement peu vraisemblable mais surtout inopérant au regard des dispositions de l’article L.1225-5 du code du travail qui prévoient l’annulation a posteriori du licenciement lorsque l’employeur est informé de la grossesse dans les quinze jours de sa notification même s’il l’ignorait précédemment, ne démontre pas que les faits qu’il reproche à Mme [Z] aux termes du courrier de rupture constituent une faute, non liée à son état de grossesse, qui rendait impossible son maintien dans l’entreprise.

Au surplus, la notification de la rupture est intervenue pendant une période d’absence de la salariée qui aurait dû voir son contrat suspendu du fait de son congé maternité.

Il en ressort que le licenciement doit être annulé.

5.2 : Sur les conséquences financières de la rupture

Son licenciement étant nul, la salariée peut prétendre au paiement des salaires qui auraient été perçus de la date de son licenciement jusqu’à l’expiration de la période de protection, sans déduction des indemnités éventuellement perçues de la sécurité sociale et des institutions de chômage, de dommages et intérêts au moins égaux aux salaires des six derniers mois, d’une indemnité de licenciement ainsi qu’au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, même si elle n’a pas été en mesure de l’exécuter

L’employeur sera ainsi condamné au paiement d’une indemnité pour licenciement nul de 9.000 euros, des rappels de salaires pour la période de protection à hauteur de 4.789,43 euros, outre 478,94 euros de congés payés afférents, d’une indemnité de licenciement de 593 euros ainsi que d’une indemnité compensatrice de préavis de 2.963,62 euros.

Le jugement sera infirmé et complété sur ces points.

Il convient en revanche de rejeter la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où il est fait droit à la demande d’indemnité pour licenciement nul.

La demande de rappel de salaire du 12 mars au 17 avril 2016 sera également rejetée dans la mesure où la salariée, absente de son lieu de travail, ne se tenait pas à la disposition de son employeur qui l’a mise en demeure de se présenter sans qu’elle donne suite.

Le jugement sera confirmé et complété de ces deux chefs.

6 : Sur l’indemnité pour travail dissimulé

L’article L.8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L.8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, alors que la salariée a présenté un titre de séjour apparemment valide à son employeur et que le seul éventuel accomplissement d’heures complémentaires ne peut refléter le caractère intentionnel d’une dissimulation d’activité, la demande d’indemnité pour travail dissimulé doit être rejetée.

Le jugement qui n’a pas expressément statué sur ce point sera complété de ce chef.

7 : Sur les intérêts

Il convient de rappeler que les intérêts au taux légal courent à compter de la signature par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil sur les créances salariales et du présent arrêt pour le surplus.

En revanche, en application de l’article 954 du code de procédure civile, la capitalisation des intérêts n’étant pas sollicitée au dispositif des conclusions de l’appelante, il n’y a pas lieu de l’ordonner même si une demande en ce sens figure dans le corps des conclusions, la cour n’en étant pas saisie.

8 : Sur les documents sociaux

Il convient d’ordonner à l’employeur de remettre des documents sociaux conformes au présent arrêt dans les deux mois suivant la signification de la présente décision.

La demande d’astreinte, dont l’utilité n’est pas démontrée, sera en revanche rejetée.

9 : Sur les demandes accessoires

La décision, qui n’a pas statué de ce chef, sera complétée sur les dépens de première instance qui seront mis à la charge de l’employeur.

Ceux de l’appel seront aussi dus par l’intimée qui sera également condamnée au paiement d’une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour :

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 26 mars 2018 sauf en ce qu’il rejette les demandes au titre du prêt de main d’oeuvre et du délit de marchandage, de condamnation solidaire de la SNC Royal Saint-Germain et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour défaut d’application de la convention collective ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour défaut d’autorisation administrative ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] la somme de 20,58 euros, outre 2.05 euros de congés payés afférents au titre du non-respect des minima conventionnels ;

REQUALIFIE le contrat à temps partiel de Mme [H] [Z] en contrat à temps plein ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] la somme de 15.531,22 euros de rappels de salaire au titre de la requalification en temps plein, outre 1.553,12 euros de congés payés afférents ;

REJETTE la demande au titre des indemnités repas ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] la somme de 141,12 euros de prime habillage déshabillage ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] la somme de 352,80 euros à titre de compensation de 5 jours fériés garantis non effectivement pris en 2015 ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] la somme de 72,80 euros de prime annuelle, outre 7,28 euros de congés payés ;

REJETTE la demande d’indemnité compensatrice de congés payés ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] la somme de 500 euros de dommages et intérêts pour non prise effective des congés ;

ANNULE le licenciement de Mme [H] [Z] ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] 9.000 euros d’indemnité pour licenciement nul ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] 4.789,43 euros de rappel de salaire du 18 avril au 24 juillet 2016, outre 478,94 euros de congés payés afférents ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] 593 euros d’indemnité de licenciement ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] 2.963,62 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

REJETTE la demande de rappel de salaire pour la période allant du 12 mars au 17 avril 2016 ;

REJETTE la demande d’indemnité pour travail dissimulé ;

RAPPELLE que les intérêts au taux légal courent à compter de la signature par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil sur les créances salariales et du présent arrêt pour le surplus ;

ORDONNE à la SARL Polyfrance ouest de remettre des documents sociaux conformes au présent arrêt dans les deux mois suivant la signification de la présente décision ;

REJETTE la demande d’astreinte ;

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest à payer à Mme [H] [Z] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles

CONDAMNE la SARL Polyfrance ouest aux dépens de la première instance comme de l’appel.

Le greffier Le président de chambre