Mannequin / Mannequinat : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05236

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Mannequin / Mannequinat : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05236
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2023

(n°2023/ , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05236 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2UK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/05780

APPELANT

Monsieur [R] [L]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Harald INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1668

INTIMEES

Société EAS CONSULTING

[Adresse 3]

[Localité 8]

ROYAUME UNI

Non représentée

S.A.S. DIGITAL & YOU

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Amélie FAIRON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0650

S.A.S. LEOO

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Hugues MAISON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0600

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

– rendu par défaut,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, prorogé à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [L], ingénieur informatique, prétend avoir été embauché le 12 mars 2018 par la société de droit anglais EAS Consulting Ltd, qui aurait pour activité la mise à disposition de main d’oeuvre, en qualité de consultant IT pour un projet de la société Robert Walters en vertu d’un contrat de travail à durée déterminée de six mois et qu’à ce titre, les sociétés EAS Consulting Ltd et Robert Walters ont conclu un contrat de prestation de services en vertu duquel il devait exécuter une prestation de travail au bénéfice de l’un des clients de la société Robert Walters. Fin mars 2018, ce client final aurait décidé de rompre la relation.

Le 29 mars 2018, la société Digital & You, qui exerce une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques, a proposé à M. [L] un entretien avec la société Leoo, spécialisée dans les services marketing. Le 30 mars 2018, la société Digital & You a confirmé la volonté de la société Leoo de collaborer avec M. [L] et a formulé auprès de celui-ci une proposition commerciale pour un poste de développeur PHP/Symfony au profit du client Leoo, en régie, à compter du 3 avril 2018 pour une durée de trois mois renouvelable au tarif journalier moyen de 450 euros HT, que M. [L] a acceptée.

Le 2 avril 2018, les sociétés Digital & You et Leoo ont conclu un contrat cadre de prestation de services par lequel la première société s’est engagée à fournir à la seconde des prestations d’assistance techniqueinformatique. Un contrat d’application a été signé entre les mêmes sociétés aux fins d’exécution d’une prestation du 5 avril au 6 juillet 2018.

Le 18 avril suivant, la société Leoo a décidé d’arrêter la mission de M. [L] et en a avisé la société Digital & You.

Prétendant que dans le cadre de cette mission, il devait conclure avec la société EAS Consulting Ltd un contrat de travail à durée déterminée de trois mois mais que celui-ci n’a pas été formalisé par écrit en raison de problème de traduction et qu’il a travaillé pour la société Leoo du 5 au 18 avril 2018, date à laquelle il a été informé de la rupture de son contrat sans être rémunéré pour ses journées de travail, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris à l’encontre des sociétés EAS Consulting Ltd, Digital & You et Leoo afin de voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée entre lui et les sociétés Digital & You et Leoo, un prêt de main d’oeuvre illicite entre les sociétés attraites, le non-respect par elles des dispositions relatives à la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée et obtenir leur condamnation solidaire au paiement de diverses sommes et indemnités.

La juridiction prud’homale a, par jugement du 31 mars 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, dit que M. [L] n’a pas de contrat de travail, a débouté celui-ci de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné à verser la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile aux sociétés Digital & you, EAS Consulting Ltd et Leoo ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration transmise par voie électronique le 10 juin 2021, M. [L] a relevé appel de ce jugement dont il a reçu notification le 12 mai 2021.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 16 août 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [L] demande à la cour de :

– le déclarer recevable et bien-fondé en son appel ;

– infirmer le jugement ;

statuant à nouveau,

– constater l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée entre lui et la société EAS Consulting Ltd,

– constater l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée entre lui et la société Digital & You,

– constater l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée entre lui et la société Leoo,

– constater que les sociétés EAS Consulting Ltd, Digital & You et Leoo n’ont pas respecté les dispositions relatives à la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,

– constater l’existence d’un prêt de main d”uvre illicite entre Digital & You, Leoo et EAS Consulting Ltd,

en conséquence,

– condamner solidairement les sociétés EAS Consulting Ltd, Digital & You et Leoo à lui payer les sommes suivantes :

* 9 751, 50 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt de main d”uvre illicite,

* 4 500 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 5 avril au 18 avril 2018,

* 450 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 24 378, 75 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,

* 2 925, 45 euros nets à titre d’indemnité de précarité,

* 58 509 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification du ‘jugement’,

– ordonner les intérêts légaux sur les rappels de salaires,

– ‘ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel’,

– condamner solidairement les sociétés EAS Consulting Ltd, Digital & You et Leoo à lui payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions transmises par le RPVA le 21 octobre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Digital & You demande à la cour de confirmer dans son intégralité le jugement en ce qu’il a débouté M. [L] de toutes ses demandes à son encontre et de le condamner à payer à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises par le RPVA le 30 janvier 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Leoo demande à la cour de :

– déclarer M. [L] recevable en son appel mais mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,

– débouter M. [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant

– rectifier l’erreur matérielle du nom de [L] en [L] et en conséquence

– ordonner que le jugement soit rectifié comme suit :

‘Dit que M. [R] [L] n’a pas de contrat de de travail.

Déboute M. [R] [L] de l’intégralité de ses demandes.

Condamne M. [R] [L] à verser la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société Digital & You, à la société EAS Consulting Ltd et à la société Leoo.

Condamne M. [R] [L] au paiement des entiers dépens’

au lieu de

‘Dit que M. [R] [L] n’a pas de contrat de de travail.

Déboute M. [R] [L] de l’intégralité de ses demandes.

Condamne M. [R] [L] à verser la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société Digital & You, à la société EAS Consulting Ltd et à la société Leoo Condamne M. [R] [L] au paiement des entiers dépens’,

– condamner M. [L] à payer à la société Leoo la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société EAS Consulting Ltd n’ayant pas constitué avocat dans le délai prévu à l’article 902 du code de procédure civile, le greffe a, le 19 juillet 2021, invité le conseil de l’appelant à procéder par voie de signification. Le 9 septembre 2021, celui-ci a transmis la lettre adressée au ‘Senior Master’ à [Localité 9] le 18 août 2021, réceptionnée le 24 août 2021, aux fins de signification de l’assignation destinée à la société EAS Consulting Ltd, dont le siège social est à [Localité 9].

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2023.

Par message du 16 mars 2023, le magistrat chargé de la mise en état a invité l’avocat de M. [L] à :

– justifier, conformément à l’article 684 du code de procédure civile, en vertu de quel règlement ou traité international l’huissier de justice requis a transmis directement l’acte destiné à être notifié (assignation avec copie de la déclaration d’appel et des conclusions) à la société EAS Consulting Ltd et au ‘[Adresse 10]’ ;

– justifier des modalités effectives de remise de l’acte à la société EAS Consulting Ltd, seul l’accusé de réception par le ‘[Adresse 10]’ ayant été transmis par le RPVA.

Par messages des 20 et 24 mars 2023, le conseil de l’appelant a transmis divers justificatifs et précisé que l’acte avait été signifié en vertu de la convention de La Haye du 15 novembre 1965.

Par un nouveau message du 5 mai 2023, la présidente a invité le conseil de l’appelant à présenter ses observations sur l’absence de justificatif des modalités effectives de remise de l’acte à la société ainsi que de démarches faites auprès de l’autorité britannique pour l’obtenir et sur les dispositions de l’article 688 3e du code de procédure civile et à transmettre tout justificatif utile (attestation de remise dûment remplie par l’autorité britannique ou relance auprès de celle-ci pour l’obtenir), ce dans les quinze jours du message.

Par messages du 19 mai 2023, le conseil de l’appelant a fait valoir que l’autorité britannique a attesté de l’exécution de la demande et a transmis des documents complémentaires.

Il résulte des derniers documents communiqués que conformément à la convention relative à la signification et à la notification des actes judiciaires ou extrajudiciaires en matière civile ou commerciale signée à la Haye le 15 novembre 1965, l’assignation contenant notification de la déclaration d’appel et des conclusions d’appelant a été signifiée le 1er septembre 2021 auprès de la société EAS Consulting Ltd à [Localité 9] selon les formes légales par remise simple selon l’attestation établie le 13 octobre 2021 par les autorités britanniques. Ainsi il peut être statué au fond et le présent arrêt sera rendu par défaut, faute de preuve d’une citation à personne.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’existence d’un contrat de travail

M. [L] invoque l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée le liant à :

– la société EAS Consulting Ltd : il fait valoir qu’il avait déjà conclu un contrat de travail avec cette société dans le cadre de la mission confiée par la société Robert Walters et qu’il devait conclure un nouveau contrat de travail avec elle dans le cadre de sa mission avec la société Leoo ; qu’il résulte du contrat de services rédigé le 4 avril 2018 entre les société EAS Consulting Ltd et Digital & You que le personnel affecté par le sous-traitant, soit la société EAS Consulting Ltd, à l’exécution de la mission était son salarié, en étant placé sous sa subordination ;

– la société Digital & You : il fait valoir que cette société lui fournissait du travail, en lui proposant de travailler au sein de Leoo, lui imposait de lui adresser des comptes-rendu d’activité et qu’elle avait le droit d’effectuer des visites de contrôle sur les lieux d’exécution de la mission de sous-traitance, sans avoir à prévenir au préalable le sous-traitant ;

– avec la société Leoo : il fait valoir que cette société lui fournissait le matériel nécessaire pour assurer son travail et exerçait sur lui un pouvoir de direction et de sanction.

La société Digital & You conteste tout contrat de travail avec elle. Elle avance que la charge de la preuve repose sur M. [L]. Elle invoque que dès les premiers échanges, les parties ont voulu conclure un contrat de prestation de services, sans rémunération versée directement par elle à M. [L] et sans l’exercice par elle d’un lien de subordination sur ce dernier.

La société Leoo conteste aussi tout contrat de travail la liant à M. [L]. Elle prétend avoir conclu un contrat de prestation de services avec la société Digital & You en application duquel M. [L], travailleur indépendant, est intervenu dans ses locaux. Elle se réfère à la proposition commerciale faite à M. [L] et aux motifs des premiers juges, ajoutant qu’aucun élément nouveau n’est apporté en appel et qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que par écrit.

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

Il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence et le contenu. En présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.

En application de l’article L. 1242-12 du code du travail, le contrat à durée déterminée est établi par écrit. Cependant, les dispositions relatives à ce contrat ayant été édictées pour

protéger le salarié, seul ce dernier peut s’en prévaloir et le salarié peut rapporter la preuve que le contrat conclu verbalement est à durée déterminée.

Sur l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée entre M. [L] et la société EAS Consulting Ltd

M. [L] prétend avoir conclu un premier contrat de travail à durée déterminée avec la société EAS Consulting Ltd afin d’assurer une mission auprès d’une société cliente de la société Robert Walters, invoquant que les mêmes principe et mécanisme ont ensuite été mis à l’oeuvre au titre de la mission pour la société Leoo.

Cependant le contrat de travail entre la société EAS Consulting Ltd et M. [L] versé aux débats (pièce n°1 de l’appelant), s’il désigne bien ces parties en page 1, ne comporte en dernière page que la signature de l’employeur et non celle du salarié, dont le nom dactylographié est qui plus celui de [Z] [D]. La réalité d’un premier contrat de travail à durée déterminée écrit n’est pas avérée. L’apparence d’un tel contrat n’est pas plus justifiée à défaut de tout élément comme des bulletins de salaire. L’existence de ce premier contrat de travail n’est pas prouvée en l’état du contrat de prestation de services entre les sociétés EAS Consulting Ltd et Robert Walters non signé par cette dernière (pièce n°2 de l’appelant), de la confirmation de prestation, désignant comme prestataire M. [L] et comme entreprise cliente Prodigious, signée par la seule société Robert Walters mais qui ne décrit pas les conditions d’intervention de M. [L], des échanges de mails entre ce dernier et la société Robert Walters et entre M. [L] et la société Prodigious (pièces n°4, 5 et 6 de l’appelant) qui ne font pas référence à la société EAS Consulting Ltd ainsi que du seul échange de mails entre M. [L] et cette dernière des 28 et 29 mars 2018 (pièce n°6) dans lequel M. [L] indique ‘ils ont décidé de mettre fin au contrat’ et la société EAS Consulting Ltd dit en être désolée.

Ainsi M. [L] ne justifie pas d’un contrat de travail avec la société EAS Consulting Ltd.

Au soutien plus précisément de l’existence d’un autre contrat de travail conclu avec la société EAS Consulting Ltd à l’occasion de la mission avec la société Leoo, M. [L] se prévaut d’un contrat de services rédigé entre les sociétés EAS Consulting Ltd et Digital & You selon lequel la première société devait charger l’un de ses employés d’assurer cette mission.

Cependant la convention versée aux débats par l’appelant (sa pièce n°13) n’est signée ni par la société EAS Consulting Ltd, ni d’ailleurs par la société Digital & You de sorte que ce document est dénué de toute valeur, l’exemplaire de ce même contrat de sous-traitance produit par la société Digital & You n’étant pas davantage signé par la société EAS Consulting Ltd. Aucun autre élément n’est fourni par l’appelant propre à prouver l’existence d’un contrat de travail conclu par lui avec la société EAS Consulting Ltd au titre de la mission exécutée pour la société Leoo. Il n’est notamment communiqué aucun élément établissant que M. [L] a exécuté la mission définie par la société Leoo sous un lien de subordination avec la société EAS Consulting Ltd.

En considération de ces éléments, la preuve de l’existence d’un contrat de travail liant M. [L] à la société EAS Consulting Ltd n’est pas rapportée.

Sur l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée entre M. [L] et la société Digital & You

M. [L] ne produit aucun élément établissant une apparence de contrat de travail avec la société Digital & You.

En outre, s’il est constant que M. [L] a commencé à exécuter des travaux dans le cadre du contrat de prestations de services conclu le 2 avril 2018 et du contrat d’application conclu pour la période du 5 avril 2018 au 6 juillet 2018 par la société Digital & You, prestataire de services, et la société Leoo, client, il n’est justifié d’aucune rémunération versée ou qui devait être versée directement par la société Digital & You à M. [L]. La société Digital & You relève à juste titre à cet égard que par mail du 15 mai 2018, elle a indiqué à M. [L] : ‘Il me manque la facture de ta SSII, je ne l’ai toujours pas reçu’.

Surtout rien ne permet de retenir que M. [L] effectuait sa mission pour la société Leoo sous un lien de subordination de la société Digital & You. Le fait établi par des échanges de mails de mai 2018 que M. [L] devait adresser à la société Digital & You des ‘CRA (compte-rendus d’activité) signés et/ou des factures’ ne permet pas de rapporter une telle preuve. La circonstance que selon le contrat de sous-traitance entre les sociétés Digital & You (le commanditaire) et EAS Consulting Ltd (le sous-traitant) qui est versé aux débats, le commanditaire se réserve le droit de vérifier par tout moyen que le sous-traitant exécute sa mission conformément aux termes du contrat et puisse effectuer des visites de contrôle sur les lieux d’exécution de la mission sans en avertir le sous-traitant n’est pas plus opérante. Outre que ce contrat n’est signé par aucune des parties, un tel contrôle, dont il n’est pas démontré qu’il ait été effectivement exercé, est insuffisant à caractériser un lien de subordination de la société Digital & You sur M. [L] qui ne produit aucun justificatif d’ordres ou de directives qu’il aurait reçus de cette société pour l’exécution de sa mission, ni d’une quelconque sanction qu’elle aurait prise à son égard.

La preuve de l’existence d’un contrat de travail liant M. [L] à la société Digital & You n’est pas rapportée.

Sur l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée entre M. [L] et la société Leoo

M. [L] ne produit pas davantage d’élément établissant une apparence de contrat de travail avec la société Leoo, faute de communiquer des documents tels que des bulletins de salaire.

Il a d’ores et déjà été relevé que M. [L] a commencé à exécuter des travaux dans le cadre du contrat de prestation de services conclu le 2 avril 2018 et du contrat d’application conclu pour la période du 5 avril 2018 au 6 juillet 2018 par la société Digital & You, prestataire de services, et la société Leoo, client. Ces travaux ont été réalisés au sein de la société Leoo, raison pour laquelle il a reçu un badge d’accès à ses locaux ainsi qu’un ordinateur portable et deux câbles. Mais cette circonstance, notamment l’exécution dans les locaux de la société bénéficiaire de la prestataire, est insuffisante à établir un contrat de travail.

Il n’est par ailleurs justifié d’aucune rémunération versée ou qui devait être versée directement par la société Leoo à M. [L], cette dernière prouvant au contraire avoir reçu une facture de la société Digital & You pour le mois d’avril 2018 qu’elle a payée par chèque.

Par ailleurs M. [L] ne justifie pas d’ordres et de directives qui lui ont été donnés par la société Leoo. Il résulte seulement des échanges de mails produits que la société Leoo a demandé une fois à divers interlocuteurs, dont M. [L], s’il était possible d’avoir un compte de test et sous combien de temps, ce qui est insuffisant à établir l’existence d’instructions et a fortiori à démontrer que la société Leoo pouvait en contrôler l’exécution. Il n’est pas non plus prouvé que la société Leoo avait le pouvoir de sanctionner les éventuels manquements de M. [L], la seule décision de cette société d’arrêter la mission de M. [L] ne justifiant pas d’un tel pouvoir d’autant que selon l’appelant, la société Leoo a pris cette décision en considérant que le projet API Redux -CE n’était plus une priorité. La réalité d’un lien de subordination de la société Leoo vis-à-vis de M. [L] n’est pas établie.

Il en résulte que la preuve de l’existence d’un contrat de travail liant M. [L] à cette société n’est pas rapportée.

Sur les demandes de rappel de salaires, de congés payés afférents, d’indemnité de requalification, de dommages et intérêts pour rupture anticipée de contrat de travail à durée déterminée, d’indemnité de précarité et d’indemnité pour travail dissimulé

M. [L] sollicite la condamnation solidaire des sociétés EAS Consulting Ltd, Digital & You et Leoo à lui payer diverses sommes à ces titres en faisant valoir qu’il a travaillé du 5 au 18 avril 2018 sans être payé, que l’indemnité de requalification d’un mois de salaire est due à défaut de contrat de travail écrit, que dès lors qu’il devait assurer sa mission du 5 avril au 6 juillet 2018 et que celle-ci a été arrêtée au motif que le projet pour lequel il a été engagé n’était plus prioritaire, la rupture de son contrat de travail à durée déterminée est abusive au sens des articles L. 1243-1 et L. 1243-4 du code du travail, qu’il aurait dû percevoir une indemnité de précarité égale à 10% de sa rémunération totale et que le caractère intentionnel du travail dissimulé est caractérisé.

Les sociétés Digital & You et Leoo concluent au rejet de ces demandes.

Dans la mesure où la cour n’a pas retenu l’existence d’un contrat de travail, ces demandes qui sont fondées sur un tel contrat et sur la dissimulation d’un emploi salarié ne peuvent prospérer. Le jugement qui en a débouté M. [L] sera confirmé de ces chefs.

Sur le prêt de main d’oeuvre illicite entre les sociétés EAS Consulting Ltd, Digital & You et Leoo

M. [L] soutient au visa des articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail qu’en vertu du contrat de sous-traitance conclu par la société EAS Consulting Ltd pour le mettre à disposition d’un client de la société Digital & You, à savoir la société Leoo, un prêt de main d’oeuvre est intervenu à l’égard de la société Digital & You puis de la société Leoo, sans son accord exprès et sans avenant ou contrat de travail. Il prétend que ce prêt de main d’oeuvre correspond aussi à du portage salarial illicite. Il réclame la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite.

Les sociétés Digital & You et Leoo concluent au rejet de la demande.

L’article L. 8241-1 du code du travail dispose :

Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;

2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;

3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.

Une opération de prêt de main-d”uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

Il résulte de l’article L. 8241-2 du même code que le prêt de main d’oeuvre à but non lucratif requiert notamment l’accord du salarié concerné et un avenant au contrat de travail signé par lui.

En l’espèce, M. [L] se plaint qu’un prêt de main d’oeuvre est intervenu sans son accord exprès et sans avenant, ni contrat de travail formalisé. Cependant, la cour n’ayant pas retenu l’existence d’un contrat de travail, le grief de M. [L] n’est pas fondé et il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant aussi confirmé de ce chef.

Sur la remise de documents sociaux conformes sous astreinte

M. [L] ayant été débouté de ses demandes au motif de l’absence de tout contrat de travail, il sera également débouté de sa demande visant à la remise de documents sociaux, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [L] qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel et débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu de le condamner au titre des frais non compris dans les dépens, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur la rectification du jugement

Il résulte de ce qui précède que le jugement est confirmé en toutes ses dispositions sauf sur l’article 700 du code de procédure civile mais la société Leoo fait valoir à juste titre que le dispositif du jugement est entaché d’erreurs matérielles concernant le nom de M. [L] qui est orthographié [L] au lieu de [L]. Conformément à l’article 462 du code de procédure civile, il convient de rectifier cette erreur.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe et par défaut :

CONFIRME le jugement du 5 février 2021 en toutes ses dispositions sauf en celles relatives à l’article 700 du code de procédure civile et sauf à rectifier l’erreur matérielle affectant son dispositif en ce que le nom ‘[L]’ y figurant est remplacé par le nom ‘[L]’ ;

Statuant à nouveau dans la limite du chef infirmé et ajoutant au jugement ainsi rectifié :

REJETTE toute demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [L] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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