Mannequin / Mannequinat : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03447

·

·

image_pdfEnregistrer (conclusions, plaidoirie)

C 2

N° RG 21/03447

N° Portalis DBVM-V-B7F-K727

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE [Localité 5] – CHAMBERY

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

 Me Pascale HAYS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 06 JUILLET 2023

Appel d’une décision (N° RG 18/01240)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Grenoble

en date du 08 juillet 2021

suivant déclaration d’appel du 26 juillet 2021

Ordonnance de jonction du RG 21/3449 au RG 21/3447 en date du 26 août 2021

APPELANTE et intimée dans le 21/3449 :

Société GAZ ET ELECTRICITE DE [Localité 5] (GEG) SAEML, agissant poursuites et diligence de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Emilie ZIELESKIEWICZ de la SCP ZIELESKIEWICZ ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMEE :

Madame [J] [Z]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE et appelante dans le 21/3449 :

Société PSC- PRO SERVICES CONSULTING (SASU), agissant poursuites et diligence de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par  Me Pascale HAYS, avocat postulant au barreau de GRENOBLE substitué par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE

et par Me François RONGET de la SELARL SEATTLE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 mai 2023,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 06 juillet 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 06 juillet 2023.

EXPOSE DU LITIGE :

La SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) est une société dont le capital est détenu à hauteur de 50% par la ville de Grenoble. Son activité principale consiste en la distribution et la fourniture de gaz et électricité aux tarifs règlementés dans la commune de [Localité 5] et dans le cadre d’une délégation de services publics. Elle relève du statut spécifique des industries électriques et gazières (IEG).

La SASU Pro Services Consulting (PSC) est une entreprise de travail à temps partagé au sens des articles L. 1252-1 et suivants du code du travail dont l’activité consiste en la mise à disposition de ses salariés sous contrats de travail à durée indéterminée au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission.

Mme [J] [Z], née le 13 juin 1989, a d’abord été embauchée par la société de travail temporaire Synergie et mise à la disposition de la société anonyme d’économie mixte locale (SAEML) Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG), en qualité d’ingénieur chargé de prévention pour des missions renouvelées du 13 avril 2015 au 31 mars 2016 au motif d’un surcroît temporaire d’activité.

Le 19 avril 2016, Mme [J] [Z] a signé avec la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Pro Services Consulting (PSC) un contrat de travail à durée indéterminée à temps partagé, prévoyant sa mise à disposition exclusive au sein de la société Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) en qualité d’ingénieur santé, sécurité, environnement, statut cadre, pour une durée de douze mois, le terme de la mise à disposition étant fixé au 20 avril 2017 et moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 787,48 euros.

Par courriel en date du 11 mai 2016, Mme [J] [Z] a informé la société GEG du comportement d’un salarié qu’elle considérait constitutif de harcèlement à son encontre. Le salarié concerné s’est vu notifier un blâme en date du 6 juin 2016.

Par courriers adressés à la société GEG et à l’inspection du travail en date du 7 avril 2017, Mme [J] [Z] a sollicité la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée au statut des industries électriques et gazières.

Le 10 avril 2017, l’inspection du travail a demandé à la société GEG de régulariser la situation de Mme [J] [Z].

Par courriers adressés à Mme [J] [Z] le 12 avril 2017 et à l’inspection du travail le 20 avril 2017, la société GEG a indiqué ne pas être l’employeur de la salariée.

Le 20 avril 2017, la société PSC a informé Mme [J] [Z] du terme de sa mission au sein de la société GEG.

Le 11 septembre 2017, Mme [J] [Z] a candidaté à un poste de responsable prévention au sein de la société GEG. Elle a été reçue lors d’un entretien exploratoire le 4 octobre 2017 mais n’a pas été recrutée.

Par courrier en date du 6 novembre 2017, Mme [J] [Z] a été convoquée par la société PSC à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 novembre 2017.

Par lettre en date du 7 décembre 2017, la société PSC a notifié à Mme [J] [Z] son licenciement au motif du refus de plusieurs missions.

Par requête en date du 27 novembre 2018, Mme [J] [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de voir juger que les sociétés Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) et Pro Services Consulting (PSC) se sont livrées à des faits de prêt de main d”uvre illicite et de marchandage, d’obtenir la requalification de sa relation de travail avec la société Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) en un contrat de travail à durée indéterminée ainsi que le paiement de diverses sommes dues par les deux sociétés au titre de l’exécution et de la rupture des relations contractuelles.

La SASU Pro Services Consulting (PSC) s’est opposée aux prétentions adverses.

La SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) s’est également opposée aux prétentions de Mme [J] [Z] et a demandé à être mise hors de cause.

Par jugement en date du 26 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble a :

– requalifié la relation de travail de Mme [J] [Z] avec la SAEML GEG en contrat de travail à durée indéterminée,

– condamné la SAEML GEG à verser à Mme [J] [Z] la somme nette de 2 700 € à titre d’indemnité de requalification prévue par l’article L. 1251-41 du code du travail.

– jugé que le prêt de main d”uvre illicite et le délit de marchandage sont établis,

– condamné in solidum les SAEML GEG et SASU PSC – Pro Services Consulting à verser à Mme [J] [Z] les sommes suivantes :

– 5 000 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au prêt de main d”uvre illicite,

– 5 000 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au délit de marchandage,

– 10 000 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier lié au prêt de main d”uvre illicite et au délit de marchandage,

– 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [J] [Z] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– dit que le harcèlement moral et sexuel de Mme [J] [Z] n’est pas avéré et l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

– jugé le licenciement de Mme [J] [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la SASU PSC – Pro Services Consulting à verser à Mme [J] [Z] la somme nette de 5 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [J] [Z] de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dirigées à l’encontre de la SAEML GEG,

– débouté les SASU PSC – Pro Services Consulting et SAEML GEG de leurs demandes reconventionnelles,

– condamné in solidum les SASU PSC et SAEML GEG aux dépens.

Le conseil de prud’hommes a notamment retenu que les éléments produits concouraient à établir un ensemble de faits laissant présumer que Mme [Z] était salariée de la société GEG, que la société GEG n’entrait dans aucun des critères prévus par la loi pour autoriser le recours au travail à temps partagé et que la société GEG avait utilisé successivement les dispositifs contractuels liés à l’intérim puis au travail à temps partagé pour éviter une embauche aux dépens de Mme [Z].

Par ailleurs le conseil de prud’hommes a considéré que la société GEG justifiait avoir mis en ‘uvre les moyens suffisants pour assurer la sécurité et préserver la santé de Mme [Z].

Enfin le conseil de prud’hommes a retenu que le licenciement notifié par la société PSC était dénué de cause réelle et sérieuse, faute d’élément sur la matérialité des propositions qui auraient été refusées par la salariée, et que la demande indemnitaire dirigée à l’encontre de la société GEG n’était pas fondée, cette société n’étant pas l’employeur de Mme [Z].

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 12 juillet 2021 pour la société PSC et pour la société GEG et le 16 juillet 2021 pour Mme [J] [Z].

Par déclarations en date du 26 juillet 2021, la SAEML GEG et la SASU PSC ont interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Par ordonnance en date du 26 août 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des instances n° RG 21/03349 et n° RG 21/03447 sous ce dernier numéro.

Mme [J] [Z] a formé appel incident.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2022, la SASU Pro Services Consulting (PSC) sollicite de la cour de :

« Vu les articles L. 1252-1 et suivants, et L. 8241-1 du code du travail,
Vu l’article 115 de la loi du 5 septembre 2018,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées au débat,

Il est demandé à la cour d’appel de Grenoble d’infirmer le jugement entrepris par le conseil de prud’hommes de Grenoble en ce qu’il a :

‘ Requalifié la relation de travail de Mme [J] [Z] avec la SAEML GEG en contrat de travail à durée indéterminée ;

‘ Jugé que le prêt de main d”uvre illicite et le délit de marchandage sont établis ;

‘ Condamné in solidum les SAEML GEG et SASU PSC ‘ Pro Services Consulting à verser à Mme [J] [Z] les sommes suivantes :

5 000€ net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au prêt de main d”uvre illicite ;

5 000€ net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au délit de marchandage ;

10 000€ net à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier lié au prêt de main d”uvre illicite et au délit de marchandage ;

1 500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

‘ Jugé le licenciement de Mme [J] [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

‘ Condamné la SASU PSC ‘ Pro Services Consulting à verser à Mme [J] [Z] la somme nette de 5 000€ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

‘ Débouté les SASU PSC ‘ Pro Services Consulting et SAEML GEG de leurs demandes reconventionnelles ;

‘ Condamné in solidum les SASU PSC et SAEML GEG aux dépens d’un montant de 1 500€.

En outre, il est demandé à la cour d’appel de Grenoble de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble en ce qu’il a :

– Débouté Mme [J] [Z] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

– Dit que le harcèlement moral et sexuel de Mme [J] [Z] n’est pas avéré et la déboute de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

– Débouté Mme [J] [Z] de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dirigées à l’encontre de la SAEML GEG.

En conséquence, il est demandé à la cour d’appel de Grenoble de :

– Juger la SASU Pro Services Consulting recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions

Y faisant droit :

Sur l’absence de délit de prêt illicite de main d”uvre et de marchandage

– Juger l’activité de travail à temps partagé est une exception au principe d’interdiction des activités à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d”uvre ;

– Juger que le contrat de travail à temps partagé de Mme [J] [Z] est conforme aux dispositions légales ;

En conséquence :

– Débouter Mme [J] [Z] de l’ensemble de ses demandes au titre d’un prétendu prêt illicite de main d”uvre ;

Sur la validité du licenciement

– Juger qu’à l’issue de la fin de sa mission au sein de la SAEML GEG, Mme [J] [Z] s’est vue proposée conformément à l’accord d’entreprise du 23 janvier 2015 quatre propositions de missions conformes à ses compétences ;

– Juger que son licenciement fondé sur trois refus successifs de missions était fondé sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

– Débouter Mme [J] [Z] de l’ensemble de ses demandes au titre d’un prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Sur l’absence de harcèlement moral

– Juger que Mme [J] [Z] n’apporte pas la preuve qu’elle aurait subi un harcèlement ;

– Juger que la SAEML GEG n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité au titre de son obligation de sécurité à l’égard de la salariée de la SASU PSC ;

En conséquence :

– Débouter Mme [J] [Z] de l’ensemble de ses demandes à titre de rappels de salaire.

En tout état de cause :

– Condamner Mme [J] [Z] au paiement de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Mme [J] [Z] aux entiers dépens. »

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 février 2022, la SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) sollicite de la cour de :

« Infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Grenoble en ce qu’il a condamné la SAEML GEG à verser une indemnité à titre de requalification à Mme [J] [Z],

Statuant à nouveau,

– Constater que le recours au travail à temps partagé est parfaitement justifié et répond aux dispositions légales ;

En conséquence :

– Déclarer que la SAEML GEG n’a jamais été l’employeur de Mme [J] [Z];

– Mettre hors de cause la SAEML GEG ;

– Débouter Mme [J] [Z] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la SAEML GEG de ce chef ;

Infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Grenoble en ce qu’il a condamné la SAEML GEG et la SASU PSC à verser des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier au titre du prêt de main d”uvre illicite et du délit de marchandage à Mme [J] [Z],

– Statuant à nouveau, constater que le prêt de main d”uvre illicite et le délit de marchandage ne sont pas caractérisés ;

– Constater que le recours au temps de travail partagé exclut le prêt de main d”uvre illicite conformément aux dispositions de l’article L. 8241-1 du code du travail ;

En conséquence :

– Débouter Mme [J] [Z] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la SAEML GEG de ce chef ;

Infirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Grenoble en ce qu’il a débouté la SAEML GEG et la SASU PSC de leurs demandes reconventionnelles ;

En conséquence :

– Condamner à titre reconventionnel Mme [J] [Z] à verser la somme de 10.000 € de dommages et intérêts à la SAEML GEG au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile.

Confirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Grenoble « en ce qu’il a Mme [J] [Z] de sa demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé »,

En conséquence :

– Constater l’absence de toute existence de travail dissimulé et débouter Mme [J] [Z] de sa demande indemnitaire formulée à ce titre

Confirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Grenoble « en ce qu’il a Mme [J] [Z] de sa demande de dommages et intérêts au titre du de faits de harcèlement moral et sexuel et de l’obligation de sécurité »,

En conséquence :

– Constater l’absence de tout manquement à l’obligation de sécurité et de l’absence de tout fait de harcèlement moral et sexuel et débouter Mme [J] [Z] de sa demande indemnitaire formulée à ce titre ;

En tout état de cause :

– Condamner à titre reconventionnel Mme [J] [Z] à verser la somme de 5.000 € à la SAEML GEG au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que la condamner aux entiers dépens de l’instance. »

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2022, Mme [J] [Z] sollicite de la cour de :

« Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– requalifié la relation de travail de Mme [J] [Z] avec la SAEML GEG en contrat de travail à durée indéterminée,

– condamné la SAEML GEG à verser à Mme [J] [Z] la somme de nette de 2 700 € à titre d’indemnité de requalification prévue par l’article L. 125141 du code du travail,

– jugé que le prêt de main d”uvre illicite et le délit de marchandage sont établis,

– condamné in solidum les SAEML GEG et SASU PSC ‘ Pro Services Consulting à verser à Mme [J] [Z] les sommes suivantes :

– 5 000 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au prêt de main d”uvre illicite,

– 5 000 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au délit de marchandage,

– 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamné in solidum les SASU PSC et SAEML GEG aux dépens.

Le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau,

Condamner in solidum les sociétés GEG et Pro Services Consulting à verser à Mme [J] [Z] les sommes suivantes :

– 27 107,90 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi du fait du prêt de main d”uvre illicite et du marchandage,

-16 200 € nets au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé.

Juger que Mme [J] [Z] a été victime de harcèlement moral et sexuel,

Juger que les sociétés Pro Services Consulting et GEG ont manqué à leurs obligations de prévention et de sécurité,

Condamner en conséquence les sociétés GEG et Pro Services Consulting in solidum à verser à Mme [J] [Z] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

Juger nul le licenciement notifié à Mme [J] [Z] à titre principal, et constater subsidiairement que ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamner en conséquence la SASU PSC à verser à Mme [J] [Z] la somme de 20 000 € de dommages et intérêts au titre du licenciement nul, et subsidiairement à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner en conséquence la SAEML GEG à verser à Mme [J] [Z] les sommes suivantes:

– 20 000 € de dommages et intérêts au titre du licenciement nul et irrégulier, et subsidiairement à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier ;

– 8 100,00 € bruts, outre 810,00 € au titre des congés payés afférents Indemnité compensatrice de préavis ;

– 1 350 € à titre d’indemnité de licenciement.

Débouter les sociétés GEG et Pro Services Consulting de l’intégralité de leurs demandes.

Condamner in solidum les sociétés GEG et Pro Services Consulting à verser à Mme [J] [Z] la somme de 3 240 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens. »

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 mars 2023.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 17 mai 2023, a été mise en délibéré au 6 juillet 2023.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

A titre liminaire, il convient de relever que la société PSC qui soutient, au visa des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile que le jugement encourt la nullité en raison d’un défaut de motivation et de réponse aux moyens soulevés, ne reprend pas cette prétention au dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n’en est pas saisie conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

Aussi la cour constate qu’elle n’est pas saisie d’une demande en rappel de salaire contrairement à ce qu’énonce le dispositif des écritures de la société PSC.

1 ‘ Sur la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée en tant qu’elle est dirigée contre la société GEG :

D’une première part, en application de l’article L.1251-5 du code du travail, un contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L. 1251-6 du code du travail prévoit qu’il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans des cas limitativement définis, dont le cas d’un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

Selon l’article L. 1251-40 du code du travail, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, L. 1251-11, L. 1251-12-1, L. 1251-30 et L. 1251-35-1, et des stipulations des conventions ou des accords de branche conclus en application des articles L. 1251-12 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de travail.

En l’espèce les contrats de missions et avenants successifs signés par la salariée portent sur une période d’emploi de 12 mois sans interruption du 13 avril 2015 au 31 mars 2016 et définissent chacun une affectation au poste de « Pilotage du projet lié à la gestion des risques chimiques et amiante : suivi de la réglementation, mesure des écarts, proposition et mise en ‘uvre d’actions d’amélioration. Participation à l’activité courante du service » avec pour motif du recours un accroissement temporaire d’activité.

La société GEG, entreprise utilisatrice, fait valoir qu’ensuite de l’arrêté du 23 février 2012 définissant les modalités de la formation des travailleurs à la prévention des risques liés à l’amiante, elle devait établir un programme de formation permanent pour tous les travailleurs opérant avec un risque d’exposition à l’amiante, sans toutefois alléguer ni démontrer, que la gestion des risques chimiques et amiante ne relevait pas de son activité normale et permanente.

En effet l’activité principale de la société GEG consiste en la distribution et la fourniture de gaz et électricité aux tarifs réglementés dans la commune de [Localité 5] et dans le cadre de la délégation de services publics de sorte que le suivi de la réglementation liée à la gestion des risques chimiques et amiante relève de son activité normale permanente.

La société GEG soutient aussi, pour expliquer le recours à un contrat d’intérim, qu’elle ne disposait pas du personnel compétent en matière de risque amiante alors que l’absence de personnel compétent en interne ne constitue pas un motif de recours au contrat de travail temporaire et qu’en tout état de cause, le contrat de mission ne limite pas ses attributions à la gestion du risque amiante mais s’étend à la gestion du risque chimique et à la participation à l’activité courante du service.

Finalement, la société GEG, qui porte la charge de la preuve, ne justifie pas des tâches effectivement attribuées à Mme [Z] dans le cadre de sa mission.

En revanche il ressort d’un courriel de M. [M] [X], responsable prévention, en date du 31 mars 2016, produit par la société GEG que les missions principales confiées à Mme [J] [Z] étaient : « le management du risque amiante et du risque chimique, le pilotage des GT sur la manutention des charges lourdes et des travaux en hauteur, le back-up opérationnel du service prévention (taux d’absentéisme important dans le service), les missions courantes qui représentent une charge de travail importante et incompressible (mise à jour du DU, formation, support aux plans de prévention, visites de chantier). Elle intervient de plus en plus en réponse aux diverses sollicitations des entités opérationnelles ».

Il en résulte que les contrats de mission de Mme [J] [Z], sur la période du 13 avril 2015 au 31 mars 2016, ont permis de pourvoir à un emploi lié à l’activité normale et permanente de contrôle des risques chimiques et amiante de la société GEG.

Par ailleurs, la société GEG ne justifie pas davantage d’un accroissement temporaire d’activité subséquent à la réglementation relative à l’amiante, tel qu’elle le prétend, en produisant des éléments descriptifs de son projet.

Ainsi elle produit d’abord un document intitulé « Feuille de route QSE et Agenda21 Bilan 2013 et objectif 2014 », dont l’authenticité est contestée, qui n’est ni daté, ni signé de sorte qu’il se trouve dénué de toute valeur probante.

Elle produit ensuite un document relatif à la prévention des risques stratégie 2015 avec un extrait du programme annuel de prévention des risques professionnels et de l’amélioration des conditions de travail, dont il ressort que la mise en conformité des risques amiantes et chimiques était pilotée par un ingénieur prévention, sans autre précision quant à un éventuel surcroît d’activité susceptible d’être temporaire.

Il en est de même s’agissant du document « prévention du risque amiante » daté de juillet 2015.

Et, le document intitulé « données contrat interim » concernant le contrat du 13 avril 2015 au 10 juillet 2015, reprend les termes du contrat de mission sans autre élément pertinent.

Enfin, alors que le dernier contrat de mission prenait fin le 31 mars 2016, il ressort de courriels échangés entre le 15 et le 30 mars 2016 avec Mme [R], cadre au service emploi et recrutement de la société GEG que cette dernière recherchait une solution pour poursuivre la relation de travail avec Mme [Z] au-delà de la période d’intérim puisqu’après lui avoir proposé un entretien, elle lui indiquait « Tu ne m’as pas fait retour sur l’entretien que tu as eu mercredi dernier avec PSC. La fin de ton contrat interim est demain jeudi. J’ai besoin de savoir si tu acceptes la proposition ou pas. Merci de ton retour. ».

Si la société PSC et la société GEG sont fondées à faire valoir qu’aucune disposition légale ne prohibe expressément la succession des contrats temporaires avec un contrat de mise à disposition à temps partagé, il ressort des pièces produites par Mme [Z], qu’elle a poursuivi le même emploi d’ingénieur prévention dans le cadre d’un contrat de travail à temps partagé définissant des fonctions en des termes parfaitement identiques à ceux des contrats des mission « Pilotage du projet de gestion des risques chimiques et amiante : suivi de la réglementation, mesures de écarts, proposition et mise en ‘uvre d’amélioration. Participation à l’activité courante du service ».

Encore, il est établi qu’un poste de « technicien prévention sécurité » devait être créé par la société GEG le 7 février 2017, confirmant que l’activité de ce service relève de l’activité normale et permanente de l’entreprise, peu important qu’il s’agisse d’un poste de niveau inférieur au poste d’ingénieure.

D’une seconde part, en vertu de l’article L. 1252-1 du code du travail :

Le recours au travail à temps partagé a pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise de travail à temps partagé au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission.

Chaque mission donne lieu à la conclusion :

1º D’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail à temps partagé et le client utilisateur dit « entreprise utilisatrice » ;

2º D’un contrat de travail, dit « contrat de travail à temps partagé », entre le salarié et son employeur, l’entreprise de travail à temps partagé.

L’article L. 1252-2 alinéa 1 de ce même code précise qu’est un entrepreneur de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive, nonobstant les dispositions de l’article L. 8241-1, est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens.

En application de ce dernier texte, le personnel qualifié pouvant être mis à disposition dans le cadre d’un contrat de travail à temps partagé est celui que les entreprises utilisatrices ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens.

En l’espèce il est acquis que la qualification d’ingénieur et l’expérience de Mme [J] [Z] répondent à la définition de personnel qualifié au sens des dispositions précitées.

En revanche, la société GEG échoue à démontrer qu’elle ne pouvait pas recruter elle-même un ingénieur ainsi qualifié.

En effet la société GEG excipe des spécificités du statut des industries électriques et gazières en ce qu’il aurait constitué un obstacle à une telle embauche.

Elle soutient ainsi que le processus de recrutement nécessitait, de prioriser un recrutement interne, et à défaut de publier un poste avec consultation des représentants du personnel au travers d’une commission secondaire du personnel.

Or, ces éléments ne révèlent nullement une impossibilité pour l’entreprise utilisatrice de recruter elle-même une ingénieure spécialisée en matière de prévention des risques.

Par ailleurs, il n’est ni allégué ni démontré que des difficultés de recrutement à ce type de poste affectaient les sociétés de la taille de la société GEG.

La condition de recours au contrat de travail à temps partagé consistant dans l’impossibilité pour l’entreprise utilisatrice de recruter elle-même à un emploi qualifié en raison de sa taille ou de ses moyens n’est donc pas satisfaite.

Partant, le contrat de travail à temps partagé litigieux conclu entre Mme [Z] et la société PSC se révèle donc illicite pour non-respect de son cadre légal, de même que le contrat de mise à disposition.

Il s’ensuit qu’il convient, par confirmation du jugement dont appel, de requalifier l’ensemble des contrats conclus entre Mme [J] [Z] et la société GEG en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 avril 2015.

Au visa des dispositions de l’article L. 1251-41 du code du travail, Mme [J] [Z] est donc fondée à obtenir une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Confirmant le jugement dont appel, la cour condamne la société GEG à verser à Mme [J] [Z] la somme de 2 700 euros nets à titre d’indemnité de requalification.

2 ‘ Sur la demande indemnitaire au titre d’un délit de prêt de main d”uvre illicite et d’un délit de marchandage :

L’article L 8241-1 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 4 avril 2015, énonce que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d”uvre est interdite, sauf pour les opérations réalisées dans le cadre des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;

L’article L. 8231-1 du code du travail interdit le marchandage en le définissant comme étant « toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ».

Il résulte de ces dispositions que sont ainsi prohibées les opérations qui se présentent comme des prestations de services ou des sous-traitances alors qu’en réalité elles dissimulent une mise à disposition à but lucratif de salariés, hors des cas permis par la loi.

D’une première part, dès lors que les règles propres au travail temporaire et au travail à temps partagé ne sont pas respectées, les opérations de prêt de main-d”uvre réalisées dans ce cadre sont susceptibles d’être qualifiées de prêt de main-d”uvre illicite et/ou de marchandage.

En conséquence, c’est vainement que les sociétés PSC et GEG entendent se prévaloir de la dérogation légale au prêt illicite de main d”uvre prévue pour le contrat de travail temporaire et le contrat de travail à temps partagé puisqu’il est jugé que les contrats litigieux ne répondent pas aux conditions légales et doivent être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée.

D’une seconde part, les sociétés PSC et GEG ne sont pas davantage fondées à se prévaloir d’une décision de classement sans suite du parquet de Lyon en date du 18 novembre 2016 dans une procédure dirigée contre la société PSC faute de tout élément précisant un lien avec la relation de travail de Mme [J] [Z] auprès de la société GEG, étant ajouté que cette décision au pénal n’a pas autorité de chose jugée au civil.

D’une troisième part, les critères permettant habituellement de distinguer les opérations licites des opérations illicites sont le maintien ou non du lien de subordination avec l’entreprise d’origine du salarié, le fait que la mise à disposition du salarié soit ou non à prix coûtant ou encore qu’elle soit forfaitaire ou au temps passé par le salarié mis à disposition, le fait que le salarié mis à disposition exerce ou non une activité spécifique distincte de celle de l’entreprise bénéficiaire de son travail et qu’il lui apporte ou non un savoir-faire particulier.

Lorsque plusieurs critères sont discutés, les critères d’absence de transfert du lien de subordination et, en particulier, du pouvoir de direction sur le salarié mis à disposition et d’apport d’un savoir-faire particulier, ont un poids supérieur à celui des conditions financières pour que soit écarté le caractère illicite d’une mise à disposition et lorsqu’il n’est conservé qu’un seul critère, il s’agit de celui de l’absence de transfert du lien de subordination qui l’emporte sur tous les autres, y compris celui d’apport d’un savoir-faire particulier.

En l’espèce, il est établi que les contrats litigieux ont conduit à voir affecter Mme [J] [Z] exclusivement auprès de la société GEG.

Aussi il résulte de ce qui précède que la société GEG a eu recours au contrat de travail à temps partagé pour pourvoir à un emploi lié à son activité normale et permanente de prévention des risques chimiques et amiante, et ce pendant deux années.

En outre il ressort des circonstances de l’espèce que Mme [J] [Z], en sa qualité d’ingénieure qualifiée, a travaillé au sein du service prévention et sécurité de la société GEG, sans que soit caractérisé l’apport d’un savoir-faire supplémentaire par rapport aux autres salariés du même service.

En effet, la définition de ses missions principales, telles qu’elle ressort du courriel de M. [X] en date du 31 mars 2016, produit par la société GEG, caractérise une participation au service normal et permanent de prévention des risques sans qu’elle ne soit vu confier de mission spécifique nécessitant un savoir-faire particulier.

Aussi la salariée démontre qu’elle était intégrée dans un service de la société GEG, en versant aux débats :

– un extrait de l’intranet de la société GEG en date du 28 juin 2016 annonçant la création d’un département SEMG au sein duquel travaille une équipe prévention-sécurité composée de M. [M] [X], Mme [W] [S] et Mme [J] [Z].

– un planning des congés de fin d’année 2016 au sein département SEMG mensuels qui intègre les congés de Mme [J] [Z]

– un planning des animations pour l’accueil de nouveaux arrivants au sein de GEG et qui prévoit des sessions assurées par Mme [J] [Z],

– un article de sensibilisation au risque routier de mai 2015, qui mentionne Mme [J] [Z] comme interlocuteur avec M. [M] [X] et Mme [W] [S],

– un autre article en date du 17 novembre 2016 extrait de l’intranet de la société GEG qui invite à s’adresser à Mme [J] [Z] pour obtenir des informations sur les équipements de protection individuelle.

En outre, par courrier en date du 6 septembre 2017 faisant suite à un contrôle du 30 juin 2017, l’inspecteur du travail a relevé « j’ai également constaté que Mme [Z], bien que prestataire extérieure, faisait partie intégrante du service Sécurité Environnement. Elle apparaissait notamment dans l’annuaire interne de l’entreprise (Planet GEG), sans mention de son statut de prestataire »

Et il ressort des circonstances de l’espèce que la salariée a été affectée exclusivement dans ce service de la société GEG pendant 26 mois.

S’agissant du critère relatif au transfert du lien de subordination, Mme [J] [Z] caractérise suffisamment l’exercice d’un pouvoir de direction par la société GEG.

Ainsi elle produit un courriel du 28 juin 2016 émanant de Mme [C] [R], cadre RH de la société GEG, indiquant que l’organisation du temps de travail de la salariée était « callée avec celle de GEG qui prévoit que l’horaire de travail hebdomadaire est de 34 heures par semaine, incluant un jour de RTT défini d’un commun accord avec la hiérarchie ».

Aussi il ressort de l’attestation de M. [M] [X], responsable sécurité, en date du 30 novembre 2018, que ce dernier exerçait la direction de son équipe puisqu’il indique avoir « piloté l’équipe Prévention Sécurité composée notamment de [W] [S] (technicienne sécurité) et [J] [Z] (ingénieur sécurité). J’atteste avoir encadré [J] [Z] dans ses missions au même titre que le reste de l’équipe ».

Ces éléments sont corroborés par un courrier de l’inspection du travail qui a notamment retenu, par courrier en date du 6 septembre 2017 faisant suite à un contrôle du 30 juin 2017, que « Mme [Z] se trouvait sous la subordination de M. [X], responsable de service, de qui elle recevait des directives du travail ».

Encore, par ce même courrier l’inspection du travail a également relevé « Vous m’avez indiqué que c’était bien l’entreprise prestataire qui validait les congés de Mme [Z]. Il n’empêche qu’au sein de GEG, Mme [Z] devait préalablement obtenir l’accord du responsable du service avant de poser ses congés ».

Finalement, l’inspection du travail a conclu « force est de constater que l’entreprise a délibérément conclu un contrat de prestation exclusif avec Mme [Z] dans le but de prolonger la durée de présence de Mme [Z] afin d’assurer une continuité dans les missions réalisées par cette salariée à partir d’avril 2015 ».

La société GEG produit une copie d’un courrier de réponse en date du 18 septembre 2017 contestant les constatations de l’inspecteur du travail, sans justifier de l’envoi de ce courrier à l’inspection du travail, ni des pièces jointes.

Par ailleurs, le fait que la société PSC ait assuré la charge de l’organisation d’une visite médicale d’embauche pour Mme [Z] n’empêche pas l’exercice d’un pouvoir de direction par la société GEG.

D’ailleurs, il ressort des échanges de courriels concernant la fixation de cette visite médicale par la société PSC que M. [X] se positionnait en responsable à l’égard de la salariée en indiquant : « je suis également de l’avis que nous devons organiser la visite médicale sur le temps effectif de [J]. Je serais donc très reconnaissant si vous pouvez nous aider à fluidifier les relations avec PSC. Enfin, en tant que manager de [J], je préfèrerai discuter moi-même des modalités d’organisation de son travail avec elle ».

De même, la prise en charge financière, par la société PSC, d’une formation habilitation électrique telle qu’elle ressort d’un courriel du 20 juin 2016 n’empêche pas l’exercice du pouvoir de direction par la société GEG, qui restait à l’initiative de l’organisation de cette formation.

Il résulte de l’ensemble de ces énonciations que l’existence d’un prêt de main-d”uvre illicite est suffisamment caractérisée.

Par ailleurs, les faits de marchandage sont également constitués dès lors que l’application du statut des industries électriques et gazières a été éludé.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que Mme [J] [Z] a fait l’objet d’un prêt de main d’oeuvre illicite et de marchandage par les sociétés PSC et GEG.

Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par Mme [J] [Z] dès lors que celle-ci n’a pas pu bénéficier de tous les avantages sociaux liés au statut industries électriques et gazières, ni des perspectives d’évolution de carrière au sein de la société GEG.

Il convient de rappeler que la responsabilité en matière de prêt de main d”uvre illicite et de marchandage pèse sur l’entreprise de travail temporaire ou l’entreprise de travail à temps partagé ainsi que sur l’entreprise utilisatrice sans qu’il soit nécessaire de caractériser un élément intentionnel ou de concertation.

Aussi Mme [J] [Z] caractérise suffisamment le préjudice qu’elle a subi au regard de la précarité du statut dans lequel elle a été placée et dès lors qu’elle n’a pas pu prétendre au bénéfice de l’application de la collective et des avantages sociaux applicables aux salariés de la société GEG.

En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a condamné in solidum les société PSC et GEG à lui verser les sommes de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral lié au prêt de main d”uvre illicite, 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral lié au délit de marchandage.

En revanche la salariée, qui présente un calcul du préjudice financier subi au titre d’une différence de salaire et d’une différence des avantages sociaux, ne produit pas d’éléments justificatifs de son calcul et ce d’autant, qu’il est par ailleurs fait droit à sa demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée à l’égard de la société utilisatrice de nature à lui permettre de faire valoir l’ensemble des droits et avantages qui en découlent.

Aussi le préjudice résultant de la perte d’emploi relève des conséquences de la rupture du contrat de travail.

Par infirmation du jugement entrepris, elle est déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice financier.

3 ‘ Sur le travail dissimulé :

Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits relatifs au travail dissimulé prévus à l’article L.8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Contrairement à ce qu’elle soutient, le prêt de main d’oeuvre illicite n’a pas pour conséquence le constat d’un travail dissimulé ouvrant droit à à l’indemnité forfaitaire de l’article L. 8223-1 du code du travail.

Faute de preuve d’une dissimulation intentionnelle d’activité ou d’une dissimulation d’emploi qui ne peut se déduire uniquement du non-respect du cadre légal du contrat de travail à temps partagé et des contrats de mission, il convient par confirmation du jugement entrepris de débouter Mme [J] [Z] de ce chef de prétention.

4 ‘ Sur le harcèlement moral et sexuel et l’obligation de sécurité :

D’une première part, l’employeur a une obligation s’agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s’exonérer que s’il établit qu’il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L’article L4121-1 du code du travail énonce que :

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et (version avant le 24 septembre 2017′: de la pénibilité au travail) (version ultérieure au 24 septembre 2017′: y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1);

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L4121-2 du code du travail prévoit que :

L’employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

D’une seconde part, l’article L 1252-7 du code du travail relatif au contrat de travail à temps partagé dispose que pendant la durée de la mise à disposition, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail.

D’une troisième part l’article L.1152-1 du code du travail énonce qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1152-2 du même code dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L. 1152-4 du code du travail précise que l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l’absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l’employeur lui-même ou d’un autre salarié de l’entreprise.

Il n’est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d’une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L’article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

« En cas de litige relatif à l’application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des éléments de faits qui permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

La seule obligation du salarié est de présenter des éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l’existence d’un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l’état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

D’une quatrième part l’article 1153-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, définit le harcèlement sexuel comme suit :

Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

L’article 1153-2 énonce :

Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés.

Et l’article L.1153-5 dispose que l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.

En l’espèce, Mme [J] [Z] avance, comme faits qui permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral et sexuel :

-qu’un salarié de la société GEG lui a tenu des propos à caractère sexuel à plusieurs reprises,

-qu’elle a été évincée de la société GEG après avoir dénoncé ces faits.

Elle n’apporte pas d’élément suffisant permettant d’objectiver qu’elle aurait été évincée de la société GEG après avoir dénoncé ces faits en se référant uniquement à l’attestation de M. [X] qui indique que « lorsque sa mission a pris fin au sein de GEG, les tâches qui lui avaient été confiées n’étaient pas terminées ».

En revanche, elle établit la réalité des propos à caractère sexuel subis.

Ainsi elle verse aux débats un courriel qu’elle a adressé le 11 mai 2016 à M. [M] [X] et à M. [Y] [E] relatant les propos tenus par ce salarié à plusieurs reprises « lors de la formation du 14 janvier [‘] il m’a déclaré être à la recherche d’une maîtresse pour l’année 2016 et que, peu importe le consentement de cette potentielle maîtresse « il existe des produits pour ça ». Il a également questionné ouvertement un collègue de travail devant moi en lui demandant s’il me trouvait « bonne ». Il a également tenu à plusieurs occasions [‘] des propos inacceptables sur mon physique ».

Aussi M. [M] [X] atteste qui suite à ce signalement, il a « immédiatement averti [s]on responsable hiérarchique, le responsable hiérarchique de la personne concernée ainsi que son directeur ».

Ce témoin atteste également avoir demandé à Mme [Z] de travailler depuis chez elle du 19 au 27 mai 2016 afin de garantir sa sécurité dans le contexte des faits de harcèlement. Cet éloignement est confirmé par un courriel en date du 19 mai 2016, aux termes duquel la salariée s’est vu demander d’assurer son activité professionnelle pour le compte de GEG à partir de son domicile jusqu’au 27 mai inclus.

Et les éléments, produits par la société GEG, de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de ce salarié confirment la réalité des faits dès lors qu’il a été sanctionné le 6 juin 2016 par un blâme pour le motif « tenue de propos ou comportement à connotation sexuelle, de façon répétée, à l’égard d’une personne de l’entreprise, portant atteinte à sa dignité », l’employeur ajoutant « J’ai noté avec satisfaction vos engagements exprimés lors de l’entretien du 31 mai de vous excuser auprès de la personne, de vous remettre en cause, d’être très vigilant dorénavant sur vos paroles ».

Il résulte de ce qui précède que la salariée établit des faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et sexuel à son encontre, s’agissant de propos à connotation sexuelle répétés.

En réponse la société GEG fait valoir qu’elle a engagé, dès la connaissance de faits, une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié concerné.

Aussi elle confirme avoir demandé à Mme [Z] de réaliser sa prestation de travail depuis son domicile afin de l’écarter de tout risque pour sa santé et sécurité.

Toutefois, si la société GEG démontre ainsi avoir sanctionné les faits de harcèlement dénoncés, elle n’allègue ni a fortiori ne justifie avoir pris des mesures en vue de prévenir de tels faits.

Par ailleurs le fait d’avoir demandé à la salariée de travailler à domicile jusqu’au 27 mai 2016 ne suffit pas à démontrer que l’employeur a pris des mesures adaptées pour mettre un terme aux faits dénoncés, étant relevé que les missions de la salariée au sein de la société GEG se sont poursuivies jusqu’au 20 avril 2017.

En tout état de cause, la société GEG manque d’établir que les agissements subis par la salariée étaient justifiés par des motifs étrangers à tout harcèlement.

En conséquence, par infirmation du jugement déféré, il y a lieu de dire que Mme [J] [Z] a subi des faits de harcèlement moral et sexuel entre janvier et mai 2016.

Par ailleurs, la cour constate que la société GEG n’explicite et encore moins ne prouve avoir mis en ‘uvre des mesures de prévention des risques psycho-sociaux et des risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel en dépit de l’obligation de sécurité et de prévention qui lui incombe.

La société PSC ne justifie pas davantage avoir satisfait à cette obligation de sécurité et de prévention sans pouvoir s’exonérer de sa responsabilité à ce titre.

Ainsi ni la société PSC ni la société GEG ne justifie de la mise en ‘uvre d’une politique d’évaluation des risques dans l’entreprise, par l’intermédiaire du document unique d’évaluation des risques professsionnels.

En conséquence Mme [J] [Z] est fondée à obtenir réparation du préjudice résultant de l’absence de mesure de prévention et la condamnation de la société PSC in solidum avec la société GEG.

Compte tenu des circonstances décrites, de la durée de la relation contractuelle engageant la société PSC et la société GEG, soit une année, la cour évalue que le préjudice subi résultant de l’absence de mesure de prévention est réparé par l’octroi d’une indemnité de 3 000 euros nets à titre de dommages-intérêts.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

5 ‘ Sur la rupture du contrat de travail :

5.1 ‘ Sur la demande de nullité de licenciement :

Aux termes de l’article L 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de l’articles L 1152-1 et L 1152-2 est nul.

En l’espèce il est jugé que Mme [J] [Z] a été victime de harcèlement moral entre janvier et mai 2016.

Toutefois Mme [J] [Z] échoue à démontrer que la rupture du contrat de travail, requalifiée en contrat à durée indéterminée avec la société GEG, intervenue le 20 avril 2017, présente un lien avec sa dénonciation des agissements de harcèlement sexuel en mai 2016.

Il ressort en effet des faits exposés que la relation contractuelle a pris fin plusieurs mois après au terme du contrat de mise à disposition par la société PSC alors même que les faits de harcèlement sexuel étaient terminés et avaient été définitivement sanctionnés.

Dès lors, la demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement doit être rejetée, par infirmation du jugement entrepris qui a omis de statuer sur ce chef.

5.2 ‘ Sur la demande en contestation du licenciement à l’égard de la société PSC :

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les motifs invoqués par l’employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables.

Il ressort de l’article L. 1235-1 du code du travail qu’il appartient au juge d’apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.

En l’espèce, la lettre de licenciement notifiée par la société PSC à Mme [J] [Z] en date du 7 décembre 2017 reproche à la salariée d’avoir, à l’issue de la fin de sa mission au sein de la société G.E.G, refusé quatre propositions de missions conformes à ses compétences.

La société PSC fait valoir qu’un accord collectif d’entreprise, en date du 23 janvier 2015 définit un cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse lorsque le salarié refuse successivement trois missions proposées par les soins de l’entreprise. Pour autant elle s’abstient de produire cet accord qui viendrait contractualiser une ou plusieurs causes de licenciement ; ce qui est susceptible d’être contraire au régime d’ordre public du licenciement pour motif personnel.

Aussi, la lettre de licenciement détaille quatre propositions qui auraient été soumises à la salariée entre le 29 août et le 31 octobre 2017, sans qu’aucun élément pertinent concernant ces propositions ne soit versé aux débats.

Aucun élément ne permet donc de vérifier la conformité de ces propositions, à les supposer réelles, avec les compétences de la salariée.

Et il n’est pas davantage justifié des refus exprimés par la salariée.

Dès lors le licenciement notifié par la société PSC le 7 décembre 2017 se trouve dénué de cause réelle et sérieuse.

L’article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis; et, si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

En application de ces dispositions, Mme [J] [Z], qui justifie d’une ancienneté auprès de la société PSC de plus d’une année entière, peut donc prétendre à une indemnisation comprise entre un et deux mois de salaire au titre de la rupture injustifiée de son contrat de travail.

Âgée de 28 ans à la date du licenciement, elle produit la copie d’un contrat de travail obtenu à compter du 15 mars 2021 sans justifier de sa situation au regard de l’emploi ensuite du licenciement ni de son inscription à Pôle Emploi.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient, par confirmation du jugement déféré sauf à dire qu’il s’agit d’un montant brut, de condamner la société PSC à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture injustifiée du contrat.

5.3 ‘ Sur la demande en contestation de la rupture à l’égard de la société GEG :

La relation de travail ayant été requalifiée en contrat à durée indéterminée, sa rupture non motivée intervenue 20 avril 2017 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée est donc fondée à obtenir paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, outre une indemnité de licenciement.

Justifiant d’un salaire mensuel moyen de 2 700 euros et d’une ancienneté d’1 année entière à la date de la rupture, la société GEG est condamnée à lui verser :

une somme de 8 100,00 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis de trois mois, aucun moyen critique n’étant développé par les parties s’agissant de la durée retenue

une somme de 810,00 euros bruts au titre des congés payés afférents,

une somme de 1 350,00 euros à titre d’indemnité de licenciement.

En application des dispositions de l’article 1235-3 du code du travail précité, et au regard de l’ensemble des éléments précédemment exposés et de l’ancienneté acquise par Mme [J] [Z] auprès de la société GEG pendant plus d’une année entière, la société GEG est condamnée à lui verser la somme de 5400,00 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

6 ‘ Sur la demande reconventionnelle de la société GEG pour procédure abusive :

Il s’évince de ce qui précède que la société GEG doit être déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts, le caractère abusif des prétentions de Mme [J] [Z] n’étant pas établi.

7 ‘ Sur les demandes accessoires :

Les sociétés PSC et GEG, parties perdantes à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doivent être tenues in solidum d’en supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [J] [Z] l’intégralité des sommes qu’elle a été contrainte d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés appelantes à lui payer une indemnité de 1 500 euros au titre des frais exposés et de les condamner in solidum à lui payer une indemnité complémentaire de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

En conséquence, les sociétés appelantes sont déboutées de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

– requalifié la relation de travail de Mme [J] [Z] avec la SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) en contrat de travail à durée indéterminée,

– condamné la SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) à verser à Mme [J] [Z] la somme nette de 2 700 € à titre d’indemnité de requalification prévue par l’article L. 1251-41 du code du travail.

– jugé que le prêt de main d”uvre illicite et le délit de marchandage sont établis,

– condamné in solidum les SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) et SASU Pro Services Consulting (PSC) à verser à Mme [J] [Z] les sommes suivantes :

– 5 000 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au prêt de main d”uvre illicite,

– 5 000 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au délit de marchandage,

– 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– débouté Mme [J] [Z] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– jugé le licenciement de Mme [J] [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la SASU Pro Services Consulting (PSC) à verser à Mme [J] [Z] la somme de 5 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à dire qu’il s’agit d’un montant brut

– débouté les SASU Pro Services Consulting (PSC) et SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) de leurs demandes reconventionnelles.

– condamné in solidum les SASU Pro Services Consulting (PSC) et SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) aux dépens.

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant des chefs du jugement infirmé et y ajoutant,

DEBOUTE Mme [J] [Z] de sa demande indemnitaire pour préjudice financier lié au prêt de main d”uvre illicite et au délit de marchandage,

DIT que Mme [J] [Z] a subi des faits de harcèlement moral et sexuel,

DIT que les SASU Pro Services Consulting (PSC) et SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) ont manqué à leur obligation de sécurité et de prévention,

CONDAMNE les SASU Pro Services Consulting (PSC) et SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) in solidum à payer à Mme [J] [Z] une indemnité de 3 000 euros (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts au titre des manquements à l’obligation de sécurité et de prévention,

DEBOUTE Mme [J] [Z] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement,

DIT que la rupture du contrat de travail avec la société SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) est dénuée de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) à payer à Mme [J] [Z] la somme de :

8 100 euros (huit mille cent euros) bruts au titre de l’indemnité de préavis de trois mois,

810 euros (huit cent dix euros) bruts au titre des congés payés afférents,

1 350 euros (mille trois cent cinquante euros) à titre d’indemnité de licenciement

5400 euros bruts (cinq mille quatre cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DEBOUTE la SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE in solidum les SASU Pro Services Consulting (PSC) et SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) à verser à Mme [J] [Z] une indemnité complémentaire de 1800 euros (mille huit cents euros) au titre des frais irrépétibles,

DEBOUTE les SASU Pro Services Consulting (PSC) et SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE in solidum SASU Pro Services Consulting (PSC) et SAEML Gaz et Electricité de [Localité 5] (GEG) aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président