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24/05/2022
ARRÊT N°398/2022
N° RG 21/02699 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OHKZ
CBB/IA
Décision déférée du 10 Juin 2021 – Président du TJ de TOULOUSE ( 21/000346)
[L]
[J], [M] [G]
C/
[U] [F]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [J], [M] [G]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Hélène SIMON-GRASSA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Madame [U] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Camille LANDART, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.016382 du 19/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
M. [G] qui exerce la profession de kinésithérapeute pratique également au sein de son cabinet des séances de Cryolipolyse qui est une technique d’amincissement par le froid.
Mme [F] qui exerce la profession de mannequin l’a consulté pour des séances de kinésithérapie et le 5 juin 2019 elle a bénéficié d’une séance de cryolipolyse.
Elle soutient qu’une seconde séance le 17 juin 2019 n’a pas été réalisée suivant les règles de l’art et qu’elle présente depuis des traces indélébiles de brûlure sur le ventre.
PROCEDURE
Par acte en date du 15 février 2021, Madame [U] [F] a fait assigner Monsieur [J] [G] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir, sur le fondement des articles 145 du code de procédure civile et 1382 à 1384 du code civil, une mesure d’expertise médicale, opposable aux organismes sociaux appelés en cause, la condamnation de Monsieur [G] et de son assureur, in solidum, à lui verser la somme de 3000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation des préjudices subis, outre 1200 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ainsi que leur condamnation à supporter, à défaut de règlement spontané des condamnations et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001.
Par ordonnance contradictoire en date du 10 juin 2021, le juge a’:
– déclaré toutes mises hors de cause comme prématurées,
– ordonné l’organisation d’une mesure d’expertise et commis pour y procéder le Dr [O] [S] expert en chirurgie plastique, reconstructrice, esthétique, brûlologie, ou à défaut le Dr [X] [Z] ([Adresse 5]),
– accordé à la partie demanderesse une provision de 2.000 euros et condamné M. [J] [G] à payer la dite somme,
– réservé toutes demandes annexes relatives à l’article 700 du code de procédure civile,
– pour le surplus, débouté les parties de leurs autres demandes,
– laissé les dépens à la charge de la partie requérante.
Par déclaration en date du 17 juin 2021, M. [G] a interjeté appel de la décision. L’ordonnance est critiquée en ce qu’elle a ordonné une mesure d’expertise et commis pour y procéder un expert en chirurgie plastique, reconstructrice, esthétique, brûlologie, inscrit sur la liste de la Cour d’appel et accordé à la partie demanderesse une provision de 2.000 euros et condamné Monsieur [J] [G] à payer ladite somme.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [G], dans ses dernières écritures en date du 23 février 2022 demande à la cour au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de’:
– réformer l’ordonnance de référé dont appel en date du 10 juin 2021 ;
– débouter Mme [F] de sa demande d’expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;
– débouter Mme [F] de sa demande de provision.
Madame [F], dans ses dernières écritures en date du 23 février 2022 demande à la cour au visa des articles 145, 834 et 835 du code de procédure civile, de’:
– débouter Monsieur [G] de l’intégralité de ces demandes,
– confirmer l’ordonnance de référé en date du 10 juin 2021 dans toutes ses dispositions,
y ajouter,
– condamner Monsieur [G] à la somme de 2.500 Euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2022.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
MOTIVATION
M. [G] s’oppose à la demande d’expertise en raison d’une contestation sérieuse portant sur l’existence d’une deuxième séance de cryolipolyse pratiquée sur Mme [F] le 17 ou 18 juin 2019. Il explique en effet que les clients peuvent réserver les séances de kinésithérapie par l’application Doctolib au contraire des séances de cryolipolyse qui, plus longues, sont réservées directement auprès du praticien. Or, ni son agenda ni le dossier de Mme [F] ne visent une séance le 18 juin. Elle est venue le 17 juin mais pour une séance de kinésithérapie. Dans un SMS du 18 juin à 8h54 il lui indique qu’il ne peut lui assurer une telle séance le jour même à 14h comme elle le demandait. Et il n’est pas recommandé de faire deux séances à moins de 6 semaines d’écart. L’absence de facture pour un soin s’explique par le fait qu’il fait payer le traitement à l’issue de toutes les séances comme c’est la pratique chez tous les kinésithérapeutes. Sa machine à cryolipolyse est bridée au contraire de celles des médecins en raison des effets secondaires qui consistent en des brûlures’; mais en raison de ce bridage sa machine est dans l’incapacité d’être à l’origine de telles brûlures. Elle soutient qu’il n’a pas protégé sa peau par la pose préalable d’un tissu imprégné d’un gel alors que cette pratique est interdite. C’est donc qu’elle a sollicité un autre professionnel. Elle a orchestré une mise en scène en filmant son cabinet à son insu et sa volonté de le piéger ressort d’une part de l’enregistrement d’une conversation à son insu et de ses tergiversations quant à la date de la séance dont elle dit maintenant qu’elle aurait eu lieu le 17 juin. Elle n’a versé cet enregistrement que tardivement et non pas durant la plainte pénale. Au demeurant il ne fait pas preuve des faits qu’elle dénonce. Ainsi, en autorisant cette expertise et la provision le juge des référés a tranché la responsabilité ce qui ne relève pas de ses pouvoirs.
Mme [F] soutient au contraire qu’elle a fait réaliser une première séance de cryolipolyse qui n’est pas contestée et qu’elle n’a pas réglée, ainsi qu’une deuxième séance le 17 juin’: à chaque fois M. [G] ne protégeait pas sa peau avant d’appliquer l’appareil. La première séance s’est bien passée au contraire de la seconde à l’issue de laquelle lorsqu’il a retiré les appareils, la peau est restée collée. Elle l’a rencontré le lendemain le 18 juin pour qu’il constate les brûlures qui apparaissaient. Elle s’est rendue aux urgences le 19 juin où il a été constaté des brûlures au 1er et 2ème degré. Elle a de nouveau contacté M. [G] au téléphone et elle a enregistré la conversation où l’on entend clairement qu’il reconnaît avoir réalisé une deuxième séance de cryolipolyse le 17 juin et qu’il l’a bien revue le 18 juin. Elle précise qu’au titre des séquelles définitives, il demeure une dépigmentation de forme ovale au milieu du ventre ce qui lui a fermé les portes de tous les contrats de mannequinat. Elle l’a mis en demeure de trouver une solution le 10 décembre 2020 et elle a déposé plainte contre M. [G] le 26 novembre 2020. Elle lui reproche des séances de cryolipolyse trop rapprochées dans le temps sur la même zone du corps et réalisées sans protection.
L’article 145 du Code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.
Si la mise en oeuvre de ce texte ne se conçoit qu’en prévision d’un possible litige, elle n’exige pas que le fondement et les limites d’une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.
Ce motif existe dès lors que l’éventuelle action au fond n’est pas manifestement vouée à l’échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu’elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l’adversaire.
Il est dès lors indispensable que le demandeur établisse l’existence d’un litige plausible, crédible, bien qu’éventuel et futur, dont le contenu et le fondement soient cernés, approximativement au moins, et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner. Mais l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que le fondement et les limites d’une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.
En l’espèce, les blessures de Mme [F] ne sont pas contestables au vu des éléments médicaux contemporains de la période dénoncée des 17 au 19 juin 2019. Considérant la forme ovoïde et régulière des brûlures, l’origine technologique apparaît vraisemblable. Les visites de Mme [F] au cabinet de M. [G] ne sont pas non plus contestées les 5 et 17 juin 2019, ainsi qu’il ressort de la facture qu’il a lui-même établie le 23 juillet 2019, ce dernier ne contestant que la nature de la seconde visite c’est à dire une séance de kinésithérapie et non de cryolipolyse. Il ne conteste pas non plus l’absence de pièce contractuelle, ni d’information pré-contractuelle dans un document de consentement éclairé. Et la retranscription de la conversation téléphonique du 19 juin acrédite les faits tels que présentés par Mme [F].
Il n’appartient pas au juge des référés saisi sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile de trancher la question de la responsabilité de M. [G] mais seulement de vérifier qu’un litige plausible existe. Or, au vu des éléments ci-dessus évoqués et des pièces produites à l’appui de sa demande, Mme [F] justifie suffisamment de l’utilité de la mesure d’instruction dans un litige plausible en responsabilité contre M. [G] quel que soit le fondement exact de l’éventuelle action qui sera envisagée.
Dans ces conditions, la demande d’expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile sera confirmée.
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’obligation non sérieusement contestable peut être tenue pour caractérisée à chaque fois que la solution du litige est évidente et que le juge des référés n’est pas contraint, pour accueillir la demande, de trancher une question de fond opposant les parties.
Or ce n’est pas le cas en l’espèce car si les pièces versées au débat suffisent à justifier une demande fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, en revanche elles ne permettent pas l’admission d’une provision qui nécessiterait au préalable que le juge tranche la question de la responsabilité du professionnel ce qui relève exclusivement du juge du fond.
La décision sera donc infirmée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour
– Confirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 17 juin 2021 sauf en ce qu’elle a accordé à Mme [F] une provision de 2.000 euros et condamné M. [J] [G] à payer la dite somme,
Statuant à nouveau du chef infirmé
– Déboute Mme [F] de sa demande de provision.
– Vu l’article 700 du code de procédure civile condamne M. [G] à verser à Mme [F] la somme de 1000€.
– Condamne M. [G] aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
I.ANGERC. BENEIX-BACHER