Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 23 MAI 2023
N°2023/
Rôle N° RG 21/14908 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIIPN
URSSAF PACA
C/
S.A. [2]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– URSSAF PACA
– Me Frédéric BERGANT de la SELARL PHARE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
N° RG 21/14908 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIIPN
Arrêt prononcé sur saisine de la Cour suite à l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 12 Mai 2021.
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]
représentée par M. [B] [N] en vertu d’un pouvoir spécial
DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
S.A. [2], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Frédéric BERGANT de la SELARL PHARE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre,
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Madame Isabelle PERRIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Aurore COMBERTON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2023
Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
N° RG 21/14908 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIIPN
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties
L’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient désormais l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence Alpes Côte d’Azur (ci-après désignée URSSAF) a procédé à un contrôle sur l’application de la législation de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires de la société SA [2] pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, à l’issue duquel une lettre d’observations a été notifiée le 25 octobre 2010 à la société, portant sur cinq chefs de redressement.
Le redressement envisagé a été maintenu à la suite des observations formulées par la cotisante le 24 novembre 2010.
La société a saisi la commission de recours amiable le 22 décembre 2010, puis deux mises en demeure lui ont été adressées les 24 décembre 2010 et 13 janvier 2011 de montants respectifs de 131.030,00 euros pour l’année 2007, et de 334.794,00 euros pour les années 2008 et 2009.
En l’absence de décision explicite de la commission, la société a porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône par requête du 28 mars 2011.
La commission de recours amiable a statué le 21 novembre 2011 en rejetant le recours, formé avant toute décision de redressement.
Par jugement du 21 septembre 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale a donné acte à la société de son désistement et constaté l’extinction de l’instance.
Le 7 novembre 2013 URSSAF a fait délivrer à la société une contrainte décernée le 16 octobre précédent pour obtenir paiement de la somme de 431.920,00 euros, à laquelle la société [2] a régulièrement formé opposition par courrier reçu le 19 novembre suivant, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.
Par jugement du 12 juillet 2018, notifié le 7 août suivant, cette juridiction a :
– rejeté la fin de non-recevoir opposée par la SA [2] pour autorité de la chose jugée,
– reçu la société en son opposition,
– déclaré cette opposition bien fondée,
– débouté l’URSSAF de sa demande en paiement des causes de la contrainte,
– débouté chaque partie du surplus de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à frais irrépétibles.
Par déclaration adressée le 31 août 2018, l’URSSAF a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a reçu et dit bien fondée l’opposition, et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de la société au paiement des sommes objets de la contrainte.
Par arrêt du 13 septembre 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions et a condamné l’URSSAF aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.500,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur pourvoi de l’URSSAF, la Cour de cassation a, par décision du 12 mai 2021, cassé et annulé cet arrêt, sauf en ce qu’il a confirmé le jugement déféré rejetant la fin de non-recevoir opposée par la société [2] pour autorité de la chose jugée, aux motifs que :
« Vu les articles 1354, alinéa 2, du Code civil, L.311-3, 15°, du code de la sécurité sociale, L.7123-2, L.7123-3, et L.7123-4 du code du travail, le deuxième, dans sa rédaction applicable au litige :
Selon le deuxième de ces textes, sont compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation d’affiliation au régime général prévu à l’article L.311-2, les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des trois derniers de ces textes.
Selon le troisième, est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :
1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;
2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image.
Selon le quatrième, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail.
Selon le cinquième, la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation.
Il résulte de la combinaison de ces textes que la présentation directe au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment d’exhibition sportive, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption instituée par les trois derniers.
Pour rejeter la demande de l’URSSAF tendant à la condamnation de la société au paiement des sommes visées dans la contrainte, l’arrêt relève qu’il résulte des contrats conclus entre les différents sportifs, visés par le redressement, et la société, que cette dernière promeut son activité, ses produits, services, avec le concours d’athlètes au travers de leurs performances sportives et de l’image qu’ils véhiculent, et que les sportifs, qui s’engagent à porter les équipements de la marque à l’occasion des entraînements, matchs amicaux ou de championnat et pour toutes autres manifestations ayant trait à leur activité, perçoivent une contrepartie matérielle et financière par le versement en fin de saison d’indemnités, en fonction notamment du nombre de matchs joués et des résultats obtenus en étant ainsi équipés.
L’arrêt ajoute que pour autant, si obligation est faite aux sportifs de donner à la société la possibilité d’utiliser leur nom et leur image dans le cadre de la commercialisation des équipements de la marque dans les catalogues, lors de campagnes promotionnelles et sur l’emballage des équipements, de fournir un cliché de leur personne portant l’équipement, il ne leur est aucunement fait obligation de participer à une quelconque manifestation qui serait imposée par la société, au sens de la circulaire du 28 juillet 1994. L’arrêt relève encore que selon la société, les clichés de sportifs porteurs de l’équipement promu n’ont pas été utilisés dans le cadre de la promotion de ses produits, ce qui est corroboré par la production des catalogues que l’inspecteur de l’URSSAF a pu examiner. Il énonce que l’URSSAF se contente de retenir la présomption de salariat tirée de l’activité de mannequinat, sans jamais apporter d’éléments quant au pouvoir de direction, de contrôle ou de sanction qui permettrait de qualifier un quelconque lien de subordination, que les contrats liant la société avec les sportifs ne créent pas d’obligations à son égard telles que la participation imposée à des manifestations ou démonstrations, et que la compensation financière variable qu’ils reçoivent résulte, en vertu des contrats de sponsoring, de leur acceptation de porter un équipement fourni durant leur activité sportive pour un employeur avec lequel ils sont par ailleurs liés professionnellement.
L’arrêt retient que la relation entre la société qui exploite le nom et la renommée des sportifs recevant compensation financière dans ce cadre est de nature commerciale, et que cette seule compensation ne peut suffire à permettre une requalification de ladite relation en une relation de travail telle qu’elle existe entre un employeur et un salarié, laquelle répond à des critères précis dont l’existence d’un lien de subordination. L’arrêt en déduit que par conséquent, les sportifs en relations commerciales avec la société et qui reçoivent une contrepartie financière dans le cadre de contrats de sponsoring ne relève pas de l’activité de mannequinat au sens de l’alinéa 3 de l’article L.763-1 du code du travail, devenu L.7123-2 du même code, et qu’en l’absence d’activité de mannequinat, la présomption de salariat ne peut être retenue.
En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses propres constatations que les conventions litigieuses emportaient pour les athlètes concernés l’obligation, moyennant rémunération, de porter les équipements de la marque en vue d’en assurer la promotion à l’occasion de diverses manifestations, de sorte que ces contrats étaient présumés être des contrats de travail de mannequin, et qu’il appartenait à la société de renverser cette présomption en apportant la preuve de l’absence de lien de subordination, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. »
L’URSSAF a saisi la présente cour désignée comme cour de renvoi le 21 octobre 2021.
Par conclusions déposées le 20 décembre 2022, puis visées et développées oralement à l’audience des débats du 21 mars 2023, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement en ses dispositions critiquées, et de :
– dire bien fondé le motif de redressement afférent à l’activité de mannequinat : assujettissement régime général,
– condamner la société au paiement des causes de la contrainte du 16 octobre 2013 en deniers ou quittance,
– condamner la société à lui payer une somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir essentiellement que :
– au visa des textes cités par l’arrêt de cassation, les conventions litigieuses emportaient pour les athlètes concernés l’obligation, moyennant rémunération, de porter les équipements de la marque en vue d’en assurer la promotion à l’occasion de diverses manifestations de sorte que ces contrats sont présumés être des contrats de travail de mannequin,
– les termes des contrats conclus et les obligations qu’elles imposent aux sportifs ne permettent pas d’écarter la présomption ainsi édictée,
– le fait que les clichés des sportifs porteurs de l’équipement promu n’aient pas été utilisés par la société dans ses catalogues et publications commerciales est sans incidence.
Par conclusions notifiées le 27 février 2023, puis visées et développées oralement à l’audience des débats du 21 mars 2023, l’intimée demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles, précision faite de ce que la confirmation de l’annulation des redressements opérés est également sollicitée contrairement à la mention écrite portée au dispositif des conclusions,
à défaut,
– juger recevable et bien fondée l’opposition à contrainte,
– dire les chefs de redressement infondés et les annuler,
à titre subsidiaire,
– dire recevable et bien fondée l’opposition à contrainte,
– juger mal fondée la réintégration opérée par l’URSSAF pour la totalité des indemnités versées aux sportifs sous contrat de sponsoring et annuler les redressements ayant donné lieu à la contrainte,
en tout état de cause,
– condamner l’URSSAF à lui payer une somme de 5.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient en substance que :
– les contrats litigieux relèvent de la convention de parrainage qui procède d’une stricte relation égalitaire de coopération commerciale,
– pour faire échec à la présomption édictée par l’article L.763-1 devenu L.7123-2 à L.7123-4 du code du travail, elle soutient l’inexistence de tout lien de subordination, par l’absence de tout moyen d’exercer la moindre contrainte sportive ou financière sur le sportif parrainé, et par l’absence de tout pouvoir de sanction,
– l’objet du contrat, à savoir l’exploitation commerciale de la notoriété du sportif, ne peut être réduit à la seule utilisation de son image,
– elle n’utilise du reste pas les photos des joueurs sous contrat,
– aucun élément ne vient établir une prestation physique effectuée par les sportifs pouvant être assimilée à une activité de mannequinat, la promotion de la marque s’effectuant par le seul biais de l’activité professionnelle des sportifs,
– la rémunération versée ne relève pas des dispositions de l’article L.7123-6 du code du travail, la contrepartie financière de la prestation physique réalisée sous l’autorité de la société étant distincte du contrat de travail conclu avec le club sportif,
– le caractère égalitaire du bénéfice de cette coopération commerciale entre les deux parties est totalement inconciliable avec l’existence d’un lien de subordination,
– les indemnités ne sont pas fixées au jour de la signature du contrat de sponsoring mais calculées en fin de saison sportive en considération du nombre de matchs joués et en fonction des résultats obtenus par le club employeur du sportif considéré, ce qui rend le sponsor tributaire des décisions de l’employeur du joueur,
– au visa de l’article précité, la totalité des indemnités versées ne peut être soumise à assujettissement.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE L’ARRÊT
En application de l’article L.311-3 15° du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, sont compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation d’affiliation au régime général prévu à l’article L.311-2, les mannequins, auxquels s’appliquent les dispositions des articles L.7123-2 à L.7123-4 du code du travail.
Aux termes de l’article L.7123-2 précité, est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :
1° soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;
3° soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image.
L’article L.7123-3 dispose que tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail.
Enfin, l’article L.7123-4 précise que la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation.
Il résulte de la combinaison de ces textes que la présentation directe au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption instituée par les textes précités.
Aux termes de la lettre d’observations du 25 octobre 2010, l’inspectrice du recouvrement, ayant rappelé que la SA [2] a pour activité la commercialisation d’articles de sport, a constaté qu’elle faisait appel à des sportifs afin de promouvoir les objets de la marque.
L’analyse des déclarations d’honoraires « DAS 2 » a fait apparaître que les différents sportifs perçoivent des sommes versées par la société, en exonération de charges.
L’examen des contrats conclus avec les sportifs a révélé un certain nombre d’obligations incombant à ces derniers, notamment d’utiliser exclusivement les équipements Uhlsport, de ne pas être lié à un autre contrat de même type portant sur la promotion d’équipements, de fournir avant le début du championnat un ou plusieurs clichés de son image avec le matériel Uhlsport, lesquels seront validés par [2], et à défaut, de se rendre disponible pour permettre à [2] la réalisation de clichés nécessaires à la promotion d’équipements.
L’inspectrice de recouvrement a considéré que cette clause contractuelle révélait la présence d’une activité de mannequinat, définie par l’article L.763-1 alinéa 3 du code du travail (recodifié aux article L.7123-2 à L.7123-4 ), en retenant que :
* les sportifs sont chargés de promouvoir les équipements de la marque de façon directe (« l’athlète s’engage à promouvoir la marque Uhlsport chaque fois que possible et notamment lors des interviews emportant les produits de la marque »),
* la présentation peut aussi être indirecte puisque les contrats prévoient que le nom et l’image de l’athlète pourront être utilisée dans des catalogues, lors de campagnes promotionnelles et sur l’emballage des équipements Uhlsport,
* les athlètes doivent se rendre disponibles pour la réalisation de clichés nécessaires à la promotion d’équipements. Un show-room est aménagé au sein des locaux de la société afin de pouvoir réaliser les clichés, puis l’examen de la comptabilité fait apparaître la présence du photographe,
* les athlètes sont donc amenés à poser comme modèles comme en attestent les différentes photos présentes au sein des locaux (calendriers et affiches).
La société ne conteste pas les constatations matérielles telles qu’ainsi détaillées par l’inspectrice du recouvrement. Elle se prévaut uniquement de la nature de « contrat de sponsoring » la liant aux sportifs concernés, exclusif de tout lien de subordination, du fait de l’absence de tout pouvoir de donner des ordres et directives, de contrôler l’exécution de ces directives, et de sanctionner les manquements éventuels du subordonné.
À cet égard, l’affirmation de la société selon laquelle le sportif, acteur de la compétition qui véhicule des valeurs positives aux yeux du public et se révèle comme un excellent support d’une image attrayante, commercialise au travers des contrats de sponsoring sa propre notoriété, est sans incidence sur le présent litige, dès lors que cette observation est tout autant applicable à de nombreux mannequins, identifiés comme très attrayants par le public et auxquels a recours le complexe économique mode/beauté.
L’argument suivant selon lequel la société a pour activité la commercialisation d’articles de sport et n’est nullement une « société de spectacle », est également sans incidence sur l’appréciation de la nature du contrat litigieux, les sociétés commercialisant des produits de beauté, de mode, de décoration ou de tout autre produit soumis à promotion publicitaire assurée par le recours aux mannequins n’étant pas davantage, sauf preuve contraire, des sociétés de spectacle.
Il ressort des contrats conclus entre la SA [2] et différents footballeurs que la marque, qui jouit d’un prestige reconnu dans le monde entier dans le domaine des équipements de football, entend se constituer au travers de l’athlète, en raison de ses performances sportives et de l’image qu’il véhicule auprès du public, un soutien promotionnel lui permettant de renforcer l’image de marque de ces produits sur le marché français.
L’athlète s’engage :
– à ne pas être lié à un autre contrat de ce type portant sur la promotion d’équipements de sport ou de produits de la marque d’un équipementier concurrent,
– à utiliser exclusivement les équipements Uhlsport à l’occasion des entraînements, matchs amicaux, de championnat, de coupe, nationaux ou internationaux et pour toute autre manifestation ayant trait à son activité de joueur de football,
– à promouvoir la marque la Uhlsport chaque fois que possible, et notamment lors des interviews, emportant les produits promotionnels de type blousons, casquettes, T-shirts…,
– à conférer à [2] le droit d’utiliser son nom et son image, pendant la durée d’exécution du contrat, dans le cadre de la commercialisation des équipements de gardien de but Uhlsport ; son nom et son image pourront être utilisés dans des catalogues, lors de campagnes promotionnelles et sur l’emballage des équipements Uhlsport,
– à fournir, avant le début du championnat un ou plusieurs clichés de son image avec le matériel Uhlsport, et à défaut, l’athlète devra se rendre disponible pour permettre à [2] la réalisation de clichés nécessaires à la promotion d’équipements.
La société s’engage :
– à fournir gratuitement à l’athlète les équipements sportifs nécessaires à son activité pour une valeur de 2.000,00 euros par saison en ligue 2 et de 3.000,00 euros en ligue 1 au tarif général,
– en garantie de la licence concédant à [2] le droit d’utiliser son nom, à verser à l’athlète en fin de saison des indemnités précisées en annexe ( celle-ci prévoit le versement d’indemnités fixes annuelles croissant année par année, suivant la classification du club il est salarié, allant de 10.000,00 euros à 55.000,00 euros outre des primes de résultat selon le niveau de compétition, le résultat du club et le nombre de matchs joués ).
Il en résulte que ces contrats emportent pour les athlètes concernés l’obligation, moyennant rémunération, de porter les équipements de la marque et exclusivement ces équipements, en vue d’en assurer la promotion, à l’occasion de diverses manifestations, peu important que les clichés fournis par l’athlète en exécution du contrat soient ou non utilisés dans les catalogues de promotion publicitaire des produits commercialisés par la société.
Il en résulte qu’en application de l’article L.7123-2 précité, la mise en oeuvre de cette obligation conduit à considérer que l’athlète exerce bien une activité de mannequin.
Il revient en conséquence à la société, pour combattre l’assujettissement aux cotisations de sécurité sociale des sommes versées en exécution du contrat d’apporter la preuve de l’absence de lien de subordination l’unissant à ses cocontractants.
À cet égard, l’affirmation de ce que les sportifs, tous sous contrat de travail avec un club de football, répondent aux seules contraintes professionnelles et directives imposées par leur club employeur est insuffisante. Aucune impossibilité ni contradiction d’aucune sorte ne vient interdire aux joueurs d’exercer une autre activité rémunérée que celle de footballeur au sein de leur club. Il n’en est à tout le moins aucunement justifié par la société.
La SA [2] fait ensuite valoir qu’elle ne dispose d’aucun moyen lui permettant d’exercer la moindre contrainte sportive ou financière sur le sportif parrainé, encore moins s’agissant de joueurs professionnels notoirement connus, champions du monde ou gardien titulaire dans les clubs de football les plus prestigieux par exemple.
Cependant la notion de contrainte ne doit pas être analysée au regard des obligations sportives des joueurs, mais uniquement au regard des obligations qui les lient à la SA [2].
Il résulte précisément des contrats que la société impose aux joueurs un certain nombre de directives précises :
– utiliser exclusivement les équipements qu’elle lui fournit,- les utiliser à l’occasion des entraînements, et des matchs amicaux de championnat, de coupe, nationaux ou internationaux, mais également pour toute autre manifestation ayant trait à son activité de joueur de football.
Ces directives contiennent ainsi l’interdiction de porter tout autre équipement, à l’occasion de quelque activité que ce soit, de jeux ou de compétition ou d’entraînements ou même de toute autre manifestation, dès lors que l’action ou la représentation auquel se livre l’athlète a trait à son activité de joueur de football. Il s’agit d’une contrainte déterminée et constante.
Le contrat contient encore la directive selon laquelle le joueur doit promouvoir la marque chaque fois que possible, et notamment lors des interviews, en portant les produits promotionnels listés. Il s’agit là encore d’une contrainte précise, et cette fois détachée d’une action ou d’une représentation nécessairement liée à l’activité de joueur de football. Ce peut être le cas lors d’une interview quelconque sur la situation personnelle de la star du football concernée.
Par le contrat, l’athlète concède à la société le droit d’utiliser son nom et son image, dans des conditions extrêmement générales qui s’appliquent pendant toute la durée d’exécution du contrat, conclu généralement pour 4 années.
Il doit fournir un ou plusieurs clichés de son image avec le matériel commercialisé par la société, et à défaut se soumettre à la réalisation de clichés photographiques nécessaires à la promotion des équipements.
Il en résulte la caractérisation de directives précises et conséquentes données à ses cocontractants par la SA [2].
La société dénie encore détenir un quelconque pouvoir de sanction à l’encontre des joueurs, autres que la faculté de dénoncer le contrat.
Néanmoins, les « modalités du contrat » figurant en rubrique V, stipulent que :
– l’athlète doit effectuer un minimum de 30 matchs complets de championnat sur 38 par saison et s’il se trouve contraint d’interrompre son activité pour une période supérieure à quatre mois (retraite, maladie, blessure, suspension…). La société aura la faculté de dénoncer unilatéralement le contrat, l’athlète ne conservant que les équipements déjà fournis,
– si l’athlète joue dans une équipe autre que celle citée dans l’annexe susvisée les montants définis par cette annexe seraient à redéfinir par les parties,
– dans le cas d’une descente en division 2, l’athlète restera sous contrat mais seules les dotations d’équipement demeureront obligations de la société,
– dans le cas d’une descente en division inférieure à la division 2, la société aura la faculté de dénoncer unilatéralement le contrat.
Par ailleurs, la rubrique VIII relative à la dénonciation et à la résiliation anticipée du contrat donne pouvoir à la SA [2] de résilier de plein droit et sans préavis le contrat par courrier RAR si :
– l’athlète évolue en division inférieure à la division 2,
– l’athlète utilise du matériel autre que du matériel Uhlsport,
– l’athlète est positif à un contrôle antidopage,
– l’athlète évolue dans un championnat autre que les championnats français, anglais, italien, allemand et espagnol,
– l’athlète est sanctionné disciplinairement par son club par une fédération sportive et/ou par une instance juridictionnelle compétente, pour une peine égale ou supérieure à deux mois.
Les dispositions précédentes relèvent sans conteste possible d’un pouvoir de sanction de différents types de comportements, et notamment d’obligations précises imposées par le contrat, telle celle de ne porter que des équipements Uhlsport, ou de comportements contraires à l’esprit de promotion poursuivi, tous sont listés avec précision.
Les sanctions sont variables, de la dénonciation à la résiliation sans préavis, ou encore de nature financière par la suppression du droit aux indemnités.
Il en résulte que la société échoue à apporter la preuve de l’absence de lien de subordination résultant de l’application des articles L.7123-3 et L.7123-4 précités.
Il s’ensuit que le redressement fondé sur l’article L.311-3 15° du code de la sécurité sociale est justifié.
La société conteste à titre subsidiaire l’assiette de réintégration envisagée, laquelle englobe la totalité des sommes versées aux athlètes, alors qu’elle affirme verser des indemnités en rétribution de la seule notoriété du sportif parrainé, appréciée selon les résultats personnels et le bilan final du club professionnel au sein duquel il évolue.
Toutefois, la proportionnalité des indemnités allouées en application du mode de calcul ci-dessus rappelé est sans emport sur la nature desdites indemnités qui rémunèrent la notoriété du joueur à la place qui est la sienne dans la hiérarchie sportive née de la compétition et de la notoriété du niveau de cette dernière, dont découlent à proportion l’impact publicitaire de la prestation promotionnelle à laquelle se livre le joueur pour le compte de la société.
Au demeurant, la SA [2] ne fait état d’aucun critère ni d’aucun indicateur de quelque nature qu’il soit, qui permettrait de différencier la rémunération de la prestation de mannequin tel que ci-dessus caractérisée, d’une contrepartie financière alléguée d’une cession d’un droit à l’image.
En outre, les contrats visent, outre la fourniture gratuite à l’athlète des équipements sportifs, pour les montants précités qui n’ont pas donné lieu à redressement, le versement global et indistinct des indemnités telles que fixé en annexe 1, lesquels sont différenciés suivants la classification du club, le type de compétition, et, pour les primes de résultat, selon le classement et le nombre de matchs joués dans chaque type de compétition. Comme le fait justement remarquer la société, dans la mesure où son activité est totalement distincte de celle du club sportif auquel est affiliée le joueur, il s’en déduit que ces sommes vont croissant suivant l’impact promotionnel attendu eu égard aux résultats du club d’affiliation ainsi qu’au public touché, plus important à mesure que le niveau de la compétition augmente. Aucune autre distinction ne figure dans les contrats quant à la nature des sommes allouées.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que l’inspectrice du recouvrement a réintégré dans l’assiette sociale l’ensemble des sommes versées au sportif dans le cadre de l’exécution des contrats précités.
Le jugement déféré qui a déclaré bien fondée l’opposition à contrainte et débouté l’URSSAF de sa demande en paiement des causes de cette contrainte sera en conséquence infirmé, et la société sera déboutée de son opposition et condamnée à payer à l’URSSAF les sommes figurant sur la contrainte décernée le 16 octobre 2013.
L’intimée qui succombe supportera la charge des dépens et verra sa demande présentée au titre de ses frais irrépétibles rejetée.
L’équité commande d’allouer à l’appelante une somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant pas arrêt contradictoire,
Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2021,
– Infirme le jugement du 12 juillet 2018 en ce qu’il a déclaré bien fondée l’opposition formalisée par la SA [2] à la contrainte décernée le 16 octobre 2013 par l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône devenue URSSAF Provence Alpes Côte d’Azur, et signifiée le 7 novembre 2013, et en ce qu’il a débouté l’URSSAF de sa demande en paiement des causes de cette contrainte.
Statuant de nouveau des chefs infirmés,
– Déboute la SA [2] de son opposition, et la condamne à payer à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence Alpes Côte d’Azur la somme de 431.920,00 euros comprenant 375.177,00 euros de cotisations sociales et 56.743,00 euros de majorations de retard.
Y ajoutant,
Condamne la SA [2] aux dépens.
Condamne la SA [2] à payer à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence Alpes Côte d’Azur une somme de 3.000,00 en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute la SA [2] de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.
Le Greffier Le Président