Mannequin / Mannequinat : 20 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/02529

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Mannequin / Mannequinat : 20 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/02529
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8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°115

N° RG 19/02529 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-PWGL

Mme [M] [H]

C/

SAS TJ PASSY venant aux droits de :

– SAS UNIFORM

– SAS JM&B

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Mars 2023, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 19 janvier précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [M] [H]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Sandrine PARIS de la SELARL ATALANTE AVOCAT, Avocat au Barreau de NANTES, pour conseil

INTIMÉES :

La SAS JM&B prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 5]

La SAS UNIFORM prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 8]

[Localité 6]

REPRÉSENTÉES par Me Bertrand GAUVAIN substituant à l’audience Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocats postulants du Barreau de RENNES et ayant Me Karine MIGNON-LOUVET, Avocats au Barreau de PARIS, pour conseil

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

La S.A.S. TJ PASSY venant aux droits de la SAS JM & B et de la SAS UNIFORM prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 4]

[Localité 7]

REPRÉSENTÉE par Me Bertrand GAUVAIN substituant à l’audience Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocats postulants du Barreau de RENNES et ayant Me Karine MIGNON-LOUVET, Avocats au Barreau de PARIS, pour conseil

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Mme [M] [H] a été engagée le 17 mars 2014 par la SAS JM&B par contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de responsable de boutique, statut cadre. Elle exerçait ses fonctions au sein de la boutique TARA JARMON de la [Adresse 10].

Le 11 mai 2016, elle a été licenciée pour motif économique et le 18 mai 2016, elle a signé un contrat de sécurisation professionnelle.

Contestant son licenciement d’une part et arguant d’autre part de l’existence d’un contrat de travail avec la SAS UNIFORM, détentrice d’un stand TARA JARMON au sein des Galeries Lafayette de [Localité 9], Mme [H] a saisi le Conseil de prud’hommes de Nantes le 2 juillet 2016 aux fins notamment de contestation de son licenciement économique par la société JM&B et de versement de diverses sommes, de requalification en CDI de sa relation avec la société UNIFORM et de résiliation judiciaire aux torts de cet employeur, outre le paiement de rappels de salaire.

Après radiation et réenrôlement, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement à l’audience du 17 décembre 2018.

La cour est saisie d’un appel formé par Mme [H] par déclaration du 12 avril 2019 contre le jugement du 8 mars 2019 par lequel le Conseil de prud’hommes de NANTES a :

– constaté qu’il existait bien une clause expresse de mobilité géographique avec la SAS JM&B,

– dit que la SAS JM&B n’a pas manqué à ses obligations de loyauté,

– dit qu’il n’y a pas eu contrat de travail entre Mme [H] et la SAS UNIFORM et que Mme [H] était bien employée à temps plein par la SAS JM&B,

– dit que la rupture du contrat de travail de Mme [H] est bien un licenciement économique avec cause réelle et sérieuse,

– débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes,

– laissé les éventuels dépens à la charge de Mme [H].

Par ordonnance du 28 février 2020, le conseiller de la mise en état a rejeté les exceptions soulevées les sociétés Uniform et JM&B l’irrecevabilité de l’appel en ce qu’il était dirigée contre la société JM&B et subsidiairement, la nullité des conclusions de Mme [H] et la caducité de la déclaration d’appel.

Par arrêt du 16 octobre 2020 la cour saisie sur déféré, après avoir constaté que la société JM&B avait fait l’objet le 13 novembre 2017 d’une fusion absorption par la société TJ Passy suivie d’une radiation sans liquidation du registre du commerce et des sociétés par mention du 4 mai 2018, a notamment :

– déclaré irrecevable le déféré, faute d’intérêt pour agir en ce qu’il émane de la société UNIFORM et faute de capacité d’ester en justice en ce qu’il émane de la société JM&B,

– dit que la notification des conclusions d’incident de la société JM&B le 6 août 2019 valait notification au sens de l’article 370 du code de procédure civile de la perte de la capacité juridique de cette société et que l’instance était interrompue.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 3 octobre 2022, suivant lesquelles Mme [H] demande à la cour de :

‘ réformer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nantes en ce qu’il a :

– dit qu’il existait une clause expresse de mobilité géographique avec la société JM&B,

– dit que la SAS JM& B n’a pas manqué à son obligation de loyauté,

– dit qu’il n’y pas eu de contrat de travail entre Mme [H] et la SAS UNIFORM et que Mme [H] était employée à temps plein par la SAS JM& B,

– dit que la rupture du contrat de travail est bien un licenciement économique avec cause réelle et sérieuse,

– débouté en conséquence Mme [H] de toutes ses demandes,

– condamné Mme [H] aux dépens

Statuant à nouveau de ces chefs

A l’encontre de la société TJ PASSY SAS venant aux droits de la société UNIFORM

‘ débouter la société TJ PASSY SAS de toutes ses demandes, fins et conclusions,

‘ écarter le barème d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse fixé par l’article L.1235-3 du Code du travail en appréciant « in concreto » que l’indemnité prévue n’est pas adéquate pour réparer l’entier préjudice de Mme [H],

‘ requalifier le contrat de travail liant la société UNIFORM et Mme [H] en contrat à durée indéterminée à temps plein,

‘ dire et juger que le poste occupé par Mme [H] était celui de responsable et que son salaire mensuel moyen doit être fixé à la somme de 2 480, 80 €,

‘ condamner en conséquence la société TJ PASSY SAS venant aux droits de la société UNIFORM à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

– 4.961,60 € au titre de l’indemnité de requalification,

– 94 270,40 € au titre des salaires écoulés jusqu’à la date de la résiliation judiciaire,

– 9.427,40 € au titre des congés payés,

‘ prononcer la résiliation du contrat de travail entre Mme [H] et la société UNIFORM aux torts exclusifs de la société UNIFORM, avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ condamner en conséquence la société TJ PASSY SAS venant aux droits de la société UNIFORM à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

– 7.442,4 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10.121,66 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 4.961,60 € à titre d’indemnité compensatrice du titre du préavis,

– 496,16 € à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

‘ dire et juger que la société UNIFORM n’a pas rémunéré Mme [H] de décembre 2015 à avril 2016 et condamner en conséquence la société TJ PASSY SAS venant aux droits de la société UNIFORM à payer à Mme [H] les sommes de :

– 9.923,20 € au titre des salaires qu’elle aurait dû percevoir pour les mois de décembre 2015 à avril 2016,

– 992,30 € à titre d’indemnité de congés payés,

– 14.884 ,80 € au titre de l’infraction de travail dissimulé,

– 7.442,40 € au titre du manquement à l’obligation de loyauté,

‘ ordonner, sous 70 € d’astreinte par jour de retard, à la société TJ PASSY SAS venant aux droits de la société UNIFORM de remettre à Mme [H] tous les bulletins de salaire pour l’ensemble de la période travaillée depuis décembre 2015 et l’ensemble des documents de fin de contrat, la Cour se réservant la liquidation de l’astreinte ;

A l’encontre de la société JM&B

‘ Vu le principe d’estoppel, déclarer la Société TJ PASSY SAS venant aux droits de la société JM&B irrecevable à se contredire au détriment de Mme [H],

‘ déclarer Mme [H] recevable et bien fondée en ses demandes,

‘ débouter la société TJ PASSY SAS venant aux droits de la société JM & B de toutes ses fins, demandes et conclusions,

‘ dire et juger que le licenciement de Mme [H] est dénué de toute cause réelle et sérieuse,

‘ fixer le salaire mensuel moyen de Mme [H] à la somme de 2.480, 80 €,

‘ condamner en conséquence la société TJ PASSY SAS venant aux droits de la société JM& B à payer à Mme [H] les sommes de :

– 24.808 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

– 12.404 € au titre du manquement à l’obligation de loyauté,

En tout état de cause

‘ déclarer la société UNIFORM irrecevable en sa demande d’amende civile,

‘ débouter la société UNIFORM de sa demande de dommages et intérêts,

‘ débouter les sociétés JM&B, UNIFORM et TJ PASSY SAS de leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner la société TJ PASSY SAS venant aux droits des sociétés UNIFORM et JM&B à payer à Mme [H] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner la société TJ PASSY SAS venant aux droits des sociétés UNIFORM et JM&B aux entiers dépens dont frais d’exécution forcée de la décision à venir.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 27 septembre 2022 suivant lesquelles la SAS TJ PASSY venant aux droits de la SA JM&B et de la SAS UNIFORM demande à la cour de :

A l’égard de la société JM&B

‘ débouter Mme [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées contre JM&B,

‘ confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

‘ condamner Mme [H] à payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens,

A l’égard de la société UNIFORM

‘ confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes du 8 mars 2019, sauf en ce qu’il a débouté la société UNIFORM de ses demandes reconventionnelles,

‘ débouter en conséquence Mme [H] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société UNIFORM,

Statuant à nouveau

‘ condamner Mme [H] au paiement de la somme de 1.500 € à titre d’amende civile pour procédure abusive,

‘ condamner Mme [H] au paiement de la somme de 5.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,

‘ condamner Mme [H] au paiement, au bénéfice de la société UNIFORM de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et des entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 6 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

***

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur les demandes concernant la société UNIFORM

Sur la mise à disposition :

Pour infirmation et requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, Mme [H] conteste l’argumentation de la SAS TJ PASSY arguant de ce que les deux entreprises JM&B et UNIFORM constituaient deux entités distinctes, qu’il lui a été demandé d’aller travailler sur le stand TARA JARMON des Galeries Lafayette du mois de décembre 2015 au mois d’avril 2016, que la SAS UNIFORM l’y a employée de manière dissimulée, sans la rémunérer ni lui délivrer de bulletin de salaire, qu’outre le prêt de main d’oeuvre illicite, l’existence d’un contrat de travail est nécessairement établie.

Pour confirmation et débouté de la salariée, la Société TJ PASSY venant aux droits de la SAS UNIFORM fait valoir qu’il ne peut avoir existé de contrat de travail entre la SAS UNIFORM et Mme [H] qui demeurait liée à la société JM&B par un contrat de travail à temps complet, que si elle y a travaillé quelques heures au total, de manière ponctuelle pour une entraide aux salariées du stand du grand magasin sur une demi journée en novembre 2015, Mme [H] ne démontre pas l’existence d’un lien de subordination à l’égard de l’entreprise utilisatrice, sachant qu’elle a continué à être rémunérée par la société JM&B.

En application de l’article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s’engage, moyennant rémunération, à mettre son activité à la disposition d’une autre sous la subordination de laquelle elle se place, c’est à dire à se soumettre, dans l’accomplissement de son travail, aux ordres et directives du mandant, qui a le pouvoir d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements ou si la personne n’exerce pas son activité au sein d’un service organisé, à se soumettre à des conditions de travail qui sont unilatéralement déterminées par le mandant.

L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions effectives dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

L’article L8241-1 du Code du travail dans sa version en vigueur depuis le 04 avril 2015 dispose que « Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;

2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;

3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.

Une opération de prêt de main-d”uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.»

L’article L8241-2 du même code dans sa rédaction en vigueur du 24 mars 2012 au 01 janvier 2018 dispose que « Les opérations de prêt de main-d’oeuvre à but non lucratif sont autorisées.

Dans ce cas, les articles L. 1251-21 à L. 1251-24, L. 2313-3 à L. 2313-5 et L. 5221-4 du présent code ainsi que les articles L. 412-3 à L. 412-7 du code de la sécurité sociale sont applicables.

Le prêt de main-d”uvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert :

1° L’accord du salarié concerné ;

2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;

3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

A l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice.

Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.

La mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un salarié en vertu d’un mandat représentatif.

Pendant la période de prêt de main-d”uvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu. Le salarié continue d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse.

Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l’entreprise prêteuse sont consultés préalablement à la mise en ‘uvre d’un prêt de main-d”uvre et informés des différentes conventions signées.

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l’entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition figure sur la liste de ceux présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés mentionnée au second alinéa de l’article L. 4154-2.

Le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, les délégués du personnel de l’entreprise utilisatrice sont informés et consultés préalablement à l’accueil de salariés mis à la disposition de celle-ci dans le cadre de prêts de main-d”uvre.

L’entreprise prêteuse et le salarié peuvent convenir que le prêt de main-d”uvre est soumis à une période probatoire au cours de laquelle il peut y être mis fin à la demande de l’une des parties. Cette période probatoire est obligatoire lorsque le prêt de main-d”uvre entraîne la modification d’un élément essentiel du contrat de travail. La cessation du prêt de main-d”uvre à l’initiative de l’une des parties avant la fin de la période probatoire ne peut, sauf faute grave du salarié, constituer un motif de sanction ou de licenciement.»

Il résulte de ces dispositions, que pour être licite, ce dispositif nécessite au préalable l’accord explicite du salarié. qui est inscrit dans un avenant au contrat de travail, dans lequel doivent apparaître les tâches confiées dans l’entreprise dans laquelle il vient en renfort, les caractéristiques particulières du poste de travail, les horaires et le lieu de travail, la période probatoire s’il y a lieu et sa durée définie par un accord entre l’entreprise prêteuse et le salarié.

De la même manière, préalablement à la mise en ‘uvre d’un prêt de main d”uvre et à l’accueil de salariés mis à disposition les conseils sociaux et environnementaux (CSE) des deux entreprises doivent être consultés, l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice doivent également signer une convention de mise à disposition définissant la durée et mentionnant l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse.

En l’espèce, il est établi qu’aucune convention de mise à disposition au sens des dispositions de l’article L.8241-2 du Code du travail n’a été conclue entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice concernant l’emploi même ponctuel de Mme [H] au stand de la société UNIFORM aux Galeries Lafayette, cette circonstance étant suffisante à caractériser l’illicéité du prêt de main d’oeuvre, peu important que le contrat de travail de la salariée comporte des dispositions relatives à la mobilité géographique, en l’occurrence sans rapport et ne pouvant légitimer un quelconque prêt de main d’oeuvre dans les circonstances rapportées.

Ceci étant, à aucun moment, Mme [H] ne propose de démontrer l’existence des éléments établissant la réalité d’un lien de subordination qui ne peut résulter de la seule illicéité de la mise à disposition, étant relevé que l’intéressée qui soutient s’être vue enjoindre d’aller travailler au stand UNIFORM pendant cinq mois n’en justifie aucunement au-delà d’une intervention ponctuelle sur une seule journée, n’a plus été sollicitée par la suite et alors qu’elle a continué, bien que dispensée d’activité à compter du mois d’avril 2016 par son employeur, à être rémunérée par lui à temps complet.

Il y a lieu par conséquent d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de débouter Mme [H] de sa demande tendant à voir reconnue l’existence d’un contrat de travail la liant à la société UNIFORM aux droits de laquelle vient la société TJ PASSY.

Sur les autres demandes de Mme [H] :

Mme [H] étant déboutée de sa demande principale, elle ne peut qu’être déboutée des demandes subséquentes, relatives à la requalification du contrat de travail en contrat à temps plein, à la fixation de salaire de référence, au rappel de salaire, à la résiliation dudit contrat de travail et à ses conséquences, au travail dissimulé et à l’obligation de loyauté ainsi que de l’ensemble des autres demandes qui ne sont formulées qu’à l’égard de la SAS UNIFORM.

Sur les demandes reconventionnelles de la SAS TJ PASSY :

La SAS TJ PASSY sollicite la condamnation de Mme [H] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que sa condamnation à régler une amende civile au même titre.

Cependant, ainsi qu’il résulte des développements qui précèdent, pour autant qu’elle ne permette pas de reconnaître l’existence d’un contrat de travail et les conséquences qui en découleraient, les conditions de la mise à disposition de Mme [H] au profit de la SAS UNIFORM n’étaient pas conformes aux dispositions des articles L8241-1 et suivants du Code du travail, de sorte qu’il ne peut être soutenu que l’action engagée par la salariée ait dégénéré en abus. Il y a lieu de débouter la SAS TJ PASSY des demandes formulées à ce titre.

2. Sur les demandes concernant la société JM&B

Sur le manquement à l’obligation de loyauté :

Pour infirmation et bien fondé de ses prétentions, Mme [H] fait valoir que la société JM&B a décidé fin 2015 de fermer la boutique TARA JARMON et afin de se séparer de sa salariée à moindre coût a tenté de justifier cette fermeture par une prétendue nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, alors que le seul objectif était de continuer à accroître les profits comme l’indique au demeurant parfaitement la campagne de publicité lancée au printemps 2016, période à laquelle la boutique a été vendue. Elle soutient que la société JM&B a conclu devant le conseil de prud’hommes et devant la cour alors qu’elle avait été absorbée et radiée, en soutenant l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre.

La SAS TJ PASSY rétorque que la salariée ne rapporte pas la preuve du manquement allégué, que la fermeture de la boutique était justifiée, que le récit de Mme [H] est fantaisiste ; qu’il n’y a aucun rapport entre les irrecevabilités soulevées devant le conseiller de la mise en état et un manquement à l’obligation de loyauté dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.

En application des dispositions de l’article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.

En l’espèce la salariée n’invoque aucun manquement de son employeur dans l’exécution de ses obligations contractuelles ni aucun préjudice distinct de celui résultant de son licenciement puisqu’elle ne critique au soutien de ce chef de demande que les conditions de la rupture du contrat pour un motif économique qu’elle conteste par ailleurs. Quant aux incidents ayant émaillé la procédure devant la cour d’appel postérieurement à la rupture du contrat, ils ne peuvent constituer des manquements de l’une des parties dans l’exécution de ses obligations contractuelles.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le bien fondé du licenciement économique :

Pour infirmation et reconnaissance de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement économique, Mme [H] argue de l’absence du motif économique qui aurait pu justifier le licenciement et de l’absence de recherches loyales et personnalisées de reclassement.

Pour confirmation et reconnaissance du bien fondé du licenciement de Mme [H], la SAS TJ PASSY fait essentiellement valoir que la réalité du motif économique du licenciement tel que développé dans ses conclusions a été reconnu par les premiers juges et qu’il ne pouvait être déclaré sans cause réelle et sérieuse dès lors que l’obligation de reclassement a été respectée par l’employeur.

En application de l’article L1233-3 du code du travail dans sa version antérieure au 1er décembre 2016, est constitutif d’un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non-inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; lorsqu’une entreprise fait partie d’un groupe, les difficultés économiques de l’employeur doivent s’apprécier tant au sein de la société, qu’au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d’activité, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ;

Une réorganisation de l’entreprise ne constitue un motif de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi du salarié licencié ;

La sauvegarde de compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats et dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de celle-ci ne représente pas une cause économique de licenciement ;

Par application de l’article L1233-4 du même code dans sa version applicable entre le 8 août 2015 et le 24 septembre 2017, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie; les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises ;

Le reclassement doit en outre être recherché avant la décision de licenciement, au sein de la société comme au sein des sociétés du groupe entre lesquelles la permutabilité du personnel est possible et l’employeur doit s’expliquer sur la permutabilité et ses éventuelles limites, au regard des activités ou de l’organisation, ou du lieu d’exploitation; dans le cadre de cette obligation, il appartient encore à l’employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher effectivement s’il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan social et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles ; il ne peut notamment se borner à recenser dans le cadre du plan social les emplois disponibles au sein de la société et dans les entreprises du groupe ;

En l’espèce, il est établi que le 16 mars 2016, la Responsable des ressources humaines du Groupe TARA JARMON a adressé aux responsables régionaux un courriel ainsi rédigé : “(…) Dans la perspective d’un licenciement économique du personnel de la boutique de [Localité 9], nous devons formuler des propositions de reclassement à l’équipe.

Je vous remercie donc de m’adresser AVANT lundi 21 mars tous les postes disponibles sur vos réseaux respectifs, export inclus, selon le modèle suivant :

Intitulé :

Point de vente :

Date de prise de poste :

Temps de travail :

Merci par avance de votre réactivité.”

Le 22 mars 2016, la SAS JM & B aux droits de laquelle vient la SAS TJ PASSY a adressé à Mme [H] un courrier au terme duquel elle lui faisait part des difficultés économiques à l’origine de la décision de fermeture du point de vente où elle était employée et elle lui communiquait un ensemble de reclassements identifiés, correspondant aux réponses apportées par les responsables régionales entre le 16 et le 21 mars 2016.

Cependant, aucune des offres ainsi communiquées à l’intéressée ne répond à l’obligation faite à l’employeur d’adresser au salarié des propositions personnalisées, dans la mesure d’une part où il s’est contenté de recenser les postes disponibles sans communiquer aux responsables régionaux le moindre élément un tant soit peu précis sur la situation personnelle de l’intéressée tels que notamment le poste occupé, ses diplômes, son ancienneté, voire son âge, dans la mesure d’autre part où les treize offres communiquées l’ont été de manière indifférenciées aux trois salariées licenciées, Mmes [T] et [B] ayant été destinataires des mêmes propositions entre le 22 et le 25 mars 2016.

Il y a lieu par conséquent d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de déclarer le licenciement de Mme [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :

Compte tenu de l’effectif du personnel de l’entreprise, de la perte d’une ancienneté de deux ans et deux mois pour une salariée âgée de 32 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l’égard de l’intéressée qui justifie de son impossibilité de retrouver un emploi avant 2018 et aux pièces produites concernant sa situation ultérieure, Mme [H] est en droit de percevoir une indemnité au moins égale au montant cumulé des six derniers mois de salaire en application de l’article L. 1235-5 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le barème critiqué n’étant pas applicable à un licenciement intervenu le 11 mai 2016.

Il sera ainsi alloué à Mme [H] une somme de 15.000 €.

Sur le remboursement ASSEDIC

En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l’espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu’il est dit au dispositif ;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif .

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

RÉFORME partiellement le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS TJ PASSY venant aux droits de à verser à Mme [H] la somme de 15.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Et y ajoutant,

DÉBOUTE la SAS TJ PASSY de ses demandes reconventionnelles,

CONDAMNE la SAS TJ PASSY à payer à Mme [H] la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS TJ PASSY de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement par la SAS TJ PASSY à l’organisme social concerné des indemnités de chômage payées à Mme [H] dans les limites de trois mois en application de l’article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SAS TJ PASSY aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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