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Le mandat de vendeur colporteur de presse n’est pas requalifiable en contrat de travail. Au sens de l’article 22 de la loi du 3 janvier 1991 :
‘ I. -Les personnes dénommées ‘ vendeurs-colporteurs de presse ‘ effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la vente de publications quotidiennes et assimilées au sens de l’article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l’article 72 de son annexe III sont des travailleurs indépendants lorsqu’elles exercent leur activité en leur nom propre et pour le compte d’un éditeur, d’un dépositaire ou d’un diffuseur. Elles ont la qualité de mandataire- commissionnaire aux termes d’un contrat de mandat. Elles sont inscrites à ce titre au Conseil supérieur des messageries de presse qui leur délivre l’attestation, prévue à l’article 298 undecies du code général des impôts, celle-ci justifîant de leur qualité de mandataire-commissionnaire.
II. -Les personnes dénommées : porteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la distribution de publications quotidiennes et assimilées au sens de l’article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l’article 72 de son annexe III ont la qualité de salarié au sens du droit du travail lorsque les conditions juridiques de leur activité ne répondent pas à celles visées au paragraphe 1…’
S’appuyer sur un arrêt prononcé le 28 novembre 2018 par la cour de cassation « dans une espèce concernant un coursier lié à une société utilisant une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant sous le statut de travailleur indépendant des livraisons de repas » pour démontrer qu’un colporteur de presse bénéficie en réalité d’un contrat de travail dans le cadre de son activité est inopérant dans la mesure où les éléments de fait entourant ce cas particulier étaient différents de ceux existant dans la présente instance puisque le coursier était soumis à un système de géolocalisation en temps réel, qu’il pouvait faire l’objet de sanctions en cas de comportements très précisément énumérés et qu’il se voyait imposer un système de bonus et de pénalités en fonction des délais d’attente et du kilométrage effectué.
Pour rappel, sur le fondement des articles L.1221-1 et suivants du code du travail le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération :
— le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné,
— l’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
Il appartient :
— au juge de restituer au contrat sa véritable qualification, quelle que soit la dénomination donnée au contrat par les parties, l’existence du contrat de travail dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur,
— à celui qui invoque l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 9/01/2020
Dossier : N° RG 18/03833 – N° Portalis DBVV-V-B7C-HDDJ
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
Z Y
C/
EURL PYRENEES DISTRIBUTION PRESSE
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 9 janvier 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 06 Novembre 2019, devant :
Madame X magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame X, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame B C D, et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame B C D, Président
Madame X, Conseiller
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
Madame Z Y
de nationalité française
[…]
[…]
assistée de Me PETRIAT, avocat au barreau de PAU
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/0408 du 08/02/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PAU)
INTIMEE :
EURL PYRENEES DISTRIBUTION PRESSE agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
6 et […]
[…]
assistée de Me OGEZ de la SELAS SO, avocat au barreau deTOULOUSE, et Me DUALE de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 05 NOVEMBRE 2018
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU
RG numéro : F 16/00429
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
La SA Pyrénées Presse est la société qui édite les titres quotidiens ‘ la République des Pyrénées ‘ et ‘ l’Eclair des Pyrénées ‘.
La société Pyrénées Distribution Presse, filiale de celle – ci, en charge du portage des journaux, service proposé aux lecteurs abonnés au journal afin de leur permettre de disposer de leur quotidien à une heure matinale, a conclu avec Madame Z Y un contrat de mandat pour une durée déterminée, dénommé ‘ vendeur colporteur de presse ‘, du 01 juin 2006 au 31 août 2006.
Les relations contractuelles se sont poursuivies :
— du 1 er septembre 2006 au 30 septembre 2006 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée,
— à compter du 23 septembre 2006 dans le cadre d’un nouveau contrat à durée indéterminée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 février 2016, en se fondant sur l’article 8 de la convention intervenue entre les parties, la société Pyrénées Distribution Presse a informé Madame Y qu’elle mettait fin à ladite convention et que la rupture serait effective à l’expiration d’un préavis de 15 jours courant à compter de la réception de ce courrier.
Par lettre du 14 avril 2016, Madame Y a indiqué à la société qu’elle entendait contester la rupture de son contrat de travail.
Par requête en date du 4 octobre 2016, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Pau, section activités diverses, afin d’obtenir :
— la requalification de la convention qui la liait à la société Pyrénées Distribution Presse en contrat de travail,
— la constatation que la lettre en date du 4 février 2016 notifiant la rupture des relations entre les parties s’analysait en un licenciement,
— le paiement de charges sociales et de rappels de salaires ainsi que les congés payés afférents,
— les indemnités corrélatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 5 novembre 2018, le conseil de prud’hommes, présidé par le juge départiteur qui a recueilli les avis des conseillers présents
— a dit que le contrat liant les parties ne s’analysait pas en un contrat de travail,
— s’est en conséquence déclaré incompétent au profil du Tribunal de grande instance de Pau,
— a condamné Madame Y aux dépens ainsi qu’à payer à la société Pyrénées Distribution Presse la somme de 1.000€ au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration en date du 5 décembre 2018, Madame Y a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
*************
Par conclusions en date du 15 octobre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame Y demande à la Cour de :
— déclarer recevable et bien fondé son appel sur le fondement des articles 84 et 917 du code de procédure civile,
— réformer le jugement attaqué
— en conséquence, statuant à nouveau :
— dire et juger qu’elle relevait du statut de salarié et que le Conseil de prud’hommes de Pau était compétent pour statuer sur les demandes relatives au contrat de travail,
— requalifier le mandat dénommé ‘ vendeur colporteur de presse ‘ intervenu entre elle et la société
Pyrénées Distribution Presse en contrat de travail à durée indéterminée,
— dire et juger que la rupture du contrat de travail équivaut à un licenciement irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse,
— en conséquence,
— condamner la société Pyrénées Distribution Presse à lui payer les sommes suivantes :
— les congés payés : 10 % du montant des commissions versées sur les trois dernières années : 19668+19651+20313= 59632 soit 5.963,32 €
— l’indemnité de préavis : 3.385,50 € (2 mois de salaire calculés sur la moyenne des 12 derniers mois de commissions versées en 2015)
— les congés payés sur préavis : 338.55 €
— l’indemnité légale de licenciement 10 ans d’ancienneté : 3385,50 € – des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18 mois de salaire : 30456 €,
— l’article 700 du code de procédure civile : 2500 €, outre les entiers dépens de l’exécution du jugement à intervenir,
— ordonner à l’employeur de lui remettre les documents sociaux rectifiés, et en cas de besoin sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir.
Par conclusions transmises par RPVA, en date du 14 février 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l’EURL Pyrénées Distribution Presse demande à la Cour de :
– à titre principal, confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement attaqué,
— à titre subsidiaire, juger que l’action de Madame Y est irrecevable car prescrite,
— à titre plus subsidiaire, débouter Madame Y de sa demande infondée au titre des congés payés et ramener à de plus justes proportions les dommages-intérêts alloués au titre d’un licenciement abusif,
— à titre reconventionnel, condamner Madame Y aux dépens et à lui payer la somme de 2.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.
***
La procédure a été clôturée en l’état.
MOTIFS
SUR L’EXCEPTION D’INCOMPETENCE :
En application de l’article L 1411- 1 du code du travail :
‘ Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les Salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. ‘
Il est acquis:
— que sur le fondement des articles’L.1221-1 et suivants du code du travail le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération,
— que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné,
— que l’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
Il appartient :
— au juge de restituer au contrat sa véritable qualification, quelle que soit la dénomination donnée au contrat par les parties, 1’existence du contrat de travail dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur,
— à celui qui invoque l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, Mme Y sollicite la requalification de son contrat de mandat de vendeur colporteur de presse en contrat de travail
La société Pyrénées Distribution Presse s’y oppose.
Cela étant, le dernier contrat qui liait les parties a été intitulé ‘ contrat de mandat – vendeur colporteur de presse ‘ et visait notamment l’article 22 de la loi du 3 janvier 1991 qui prévoit que :
‘ I. -Les personnes dénommées ‘ vendeurs-colporteurs de presse ‘ effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la vente de publications quotidiennes et assimilées au sens de l’article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l’article 72 de son annexe III sont des travailleurs indépendants lorsqu’elles exercent leur activité en leur nom propre et pour le compte d’un éditeur, d’un dépositaire ou d’un diffuseur. Elles ont la qualité de mandataire- commissionnaire aux termes d’un contrat de mandat. Elles sont inscrites à ce titre au Conseil supérieur des messageries de presse qui leur délivre l’attestation, prévue à l’article 298 undecies du code général des impôts, celle-ci justifîant de leur qualité de mandataire-commissionnaire.
II. -Les personnes dénommées : porteurs de presse effectuant, sur la voie publique ou par portage à domicile, la distribution de publications quotidiennes et assimilées au sens de l’article 39 bis du code général des impôts et qui répondent aux conditions de l’article 72 de son annexe III ont la qualité de salarié au sens du droit du travail lorsque les conditions juridiques de leur activité ne répondent pas à celles visées au paragraphe 1…’
Il fixe :
* le secteur géographique desservi par Madame Y,
* les modalités :
— de la rémunération sous forme de commissions,
— de remplacement du vendeur colporteur indisponible pour une durée limitée ou à titre exceptionnel,
— de fin de la convention.
Or, contrairement à tout ce que Madame Y soutient :
* elle avait elle – même reconnu dans le courrier qu’elle avait adressé le 1 juin 2006 à la société aux fins de demander l’ouverture d’un compte qu’elle était ‘ vendeur colporteur, travailleur indépendant ‘,
* elle était inscrite au Conseil supérieur des messageries de presse,
* elle avait la possibilité de procéder à la vente de publications quotidiennes, même si elle avait elle-même demandé pour des raisons de sécurité à ce que l’encaissement soit effectué par la société Pyrénées Distribution Presse,
* elle n’établit pas l’existence d’un lien de subordination entre la société Pyrénées Distribution Presse et elle-même :
— dans la mesure où le fait pour la société Pyrénées Distribution Presse de lui remettre un listing comportant le nom des dits clients suivis de leurs coordonnées lui était indispensable pour exercer son activité et connaître l’identité et les coordonnées des clients à livrer,
— dans la mesure où elle avait une liberté totale d’organisation dans le cadre des horaires fixés par le mandant et où aucun ordre de livraison ne lui était imposé par la société,
— dans la mesure où elle était libre de se faire remplacer en cas d’absence par la personne de son choix,
* elle n’a jamais fait l’objet d’une quelconque mesure disciplinaire en dix ans d’exercice, même en période de tension alors qu’elle ne conteste pas qu’elle a refusé de temps en temps de livrer quelques clients.
Soutenir pour elle que les pièces et attestations produites par la société de presse doivent être écartées des débats dans la mesure où les témoignages ne répondent pas aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile est inopérant dans la mesure :
— où les dispositions de l’article pré cité ne sont pas prescrites à peine de nullité,
— où les attestations litigieuses, régulièrement communiquées, ne peuvent être écartées des débats au seul motif qu’elles ne répondent pas en la forme aux prescriptions légales, alors que leur auteur est clairement identifiable et qu’elles ne comportent aucun indice de nature à mettre en doute leur authenticité.
De même, s’appuyer sur un arrêt prononcé le 28 novembre 2018 par la cour de cassation ‘ dans une espèce concernant un coursier lié à une société utilisant une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant sous le statut de travailleur indépendant des livraisons de repas ‘ pour démontrer qu’elle bénéficiait en réalité d’un contrat de travail dans le cadre de son activité est inopérant dans la mesure où les éléments de fait entourant ce cas particulier étaient différents de ceux existant dans la présente instance puisque le coursier était soumis à un système de géolocalisation en temps réel, qu’il pouvait faire l’objet de sanctions en cas de comportements très précisément énumérés et qu’il se voyait imposer un système de bonus et de pénalités en fonction des délais d’attente et du kilométrage effectué.
En conséquence, il résulte de l’ensemble de ces éléments que le contrat qui a lié Mme Y à la Société Pyrenées Distribution Presse est un mandat de vendeur-colporteur , tel que définit au sens de l’article 22 I de la loi du 3 janvier 1991 .
Comme le premier juge l’a très justement relevé, ne pouvant être requalifié en contrat de travail, ce contrat ne relève pas de la compétence du conseil de prud’hommes.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a fait droit à l’exception d’incompétence et a désigné en application de l’article 81 du code de procédure civile le tribunal de grande instance de Pau pour connaître du présent litige.
***
Les dépens de la présente instance seront supportés par la partie qui succombe.
Celle – ci doit être également condamnée à verser à la société Pyrénées Presse Distribution une somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile tout en la déboutant de sa propre demande présentée au titre de cette même disposition.
PAR CES MOTIFS
La cour après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement attaqué,
Y ajoutant,
Condamne Madame Y à payer à la société EURL Pyrénées Distribution Presse la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame Y aux dépens de l’instance d’appel.
Arrêt signé par Madame B C D, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE