Mandat Apparent et Enrichissement Injustifié : Éclaircissements sur les Relations Contractuelles dans le Cadre de Travaux de Construction

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Mandat Apparent et Enrichissement Injustifié : Éclaircissements sur les Relations Contractuelles dans le Cadre de Travaux de Construction

Mme [U] [G] est propriétaire d’une maison à [Adresse 1] à [Localité 3]. Le 8 juin 2018, elle a déclaré à la mairie son intention de construire une piscine, réalisée par la SARL Revd’eau. Cette dernière a poursuivi Mme [G] pour un solde impayé de 25 789 euros, mais le tribunal judiciaire de Mulhouse, par jugement du 1er juin 2021, a débouté la société de ses demandes, constatant l’absence de preuve d’un lien contractuel entre elle et Mme [G]. La société Revd’eau a fait appel, et la cour a ordonné la réouverture des débats pour examiner l’existence d’un mandat apparent.

Dans ses conclusions, la société a soutenu qu’un mandat apparent avait été donné par M. [W] [I] à Mme [G] pour la construction de la piscine. Elle a également invoqué l’enrichissement injustifié, arguant que Mme [G] avait bénéficié de l’augmentation de la valeur de sa propriété sans avoir payé pour la piscine.

La cour a finalement infirmé le jugement de première instance en condamnant Mme [G] à verser 24 969 euros à la SARL Revd’eau pour les travaux de piscine, tout en rejetant le surplus de la demande et en condamnant Mme [G] aux dépens et à payer 2 500 euros pour les frais de procédure.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 octobre 2024
Cour d’appel de Colmar
RG
21/03477
MINUTE N° 408/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 18 octobre 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03477 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HURO

Décision déférée à la cour : 01 Juin 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

La S.A.R.L. REVD’EAU, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4]

représentée par Me Guillaume HARTER de la SELARL LX COLMAR, avocat à la cour.

INTIMÉE :

Madame [U] [G]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 2]

assignée le 22 octobre 2021 par signification à personne.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Mai 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT réputé contradictoire

– prononcé publiquement après prorogation du 11 octobre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [U] [G] est propriétaire de la maison située au [Adresse 1] à [Localité 3] (68).

Le 8 juin 2018, elle a effectué une déclaration préalable à la mairie de cette commune pour la construction d’une piscine annexée à sa résidence laquelle a été livrée et mise en place par la SARL Revd’eau.

Alléguant du non-paiement du solde de sa facture à hauteur de 25 789 euros, la société Revd’eau a attrait Mme [G] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse par acte introductif d’instance déposé le 12 juin 2020 et signifié par dépôt en étude d’huissier de justice le 6 juillet 2020.

Par jugement du 1er juin 2021, le tribunal a :

débouté la SARL Revd’eau de ses demandes en paiement de la somme de 25 789 euros et de dommages et intérêts formées à l’encontre de Mme [U] [G] ;

débouté Mme [U] [G] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée à rencontre de la SARL Revd’eau ;

débouté Mme [U] [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouté la SARL Revd’eau de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SARL Revd’eau aux dépens de l’instance.

Après avoir indiqué qu’il appartenait à la société Revd’eau qui se prévalait d’un contrat conclu avec Mme [U] [G] d’en rapporter la preuve, le tribunal a fait état de ce que le devis et le procès-verbal de réception de la piscine étaient établis au nom de M. [W] [I] et de ce que la société Revd’eau ne produisait aucun écrit de nature à démontrer l’existence d’un lien contractuel avec Mme [G].

Il a ajouté que la déclaration préalable de travaux remplie par cette dernière ne caractérisait pas un commencement de preuve par écrit et n’était, au demeurant, étayée par aucun autre élément, le seul fait que Mme [G], en qualité de propriétaire du terrain, ait consenti à un tiers le droit d’y faire édifier une piscine étant un élément insuffisant.

Il en a conclu qu’en l’absence de preuve d’une relation contractuelle entre la société Revd’eau et Mme [U] [G], était inopérant le moyen tiré de la force exécutoire des conventions pour solliciter le paiement de la facture.

Le tribunal a également considéré que, dès lors qu’elle disposait d’une action contre M. [W] [I] [E] qui, au demeurant, avait été exercée et qu’elle ne démontrait pas l’insolvabilité de ce dernier, la société Revd’eau ne pouvait agir contre Mme [G] sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Il a souligné que, d’une part, l’enrichissement de Mme [G], tenant à la valorisation du terrain dont elle est propriétaire, était causé par la théorie de l’accession liée à son droit de propriété et à l’édification par son locataire sur son fonds d’une piscine et, d’autre part, que l’appauvrissement de la société Revd’eau n’était dû qu’à l’insolvabilité de son débiteur contractuel, de sorte qu’il n’y avait pas de corrélation entre l’appauvrissement de la société Revd’eau et l’enrichissement de Mme [G].

Sur la demande en dommages et intérêts formulée par la société Revd’eau, le tribunal, rappelant qu’il n’existait pas de créance entre Mme [G] et cette dernière, a considéré qu’il ne pouvait être reproché une quelconque résistance abusive dans l’exécution de son obligation à Mme [G].

La société Revd’eau a formé appel à l’encontre de ce jugement par voie électronique le 23 juillet 2021.

Par arrêt réputé contradictoire du 14 avril 2023, la cour a :

sursis à statuer au fond ;

ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 1er mars 2022 ;

ordonné la réouverture des débats ;

invité les parties à faire valoir leurs observations sur l’existence d’un mandat relevant des dispositions des articles 1984 à 2010 du code civil et, plus spécialement, sur l’existence d’un mandat apparent ;

renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 4 juillet 2023 ;

réservé les frais et dépens.

Après avoir rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas était réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris, la cour a indiqué qu’il n’était pas contesté que, d’une part, tant le devis que le procès-verbal de réception de la piscine avaient été établis au nom de « M. [W] [I] » et, d’autre part, la déclaration préalable de travaux avait été remplie par Mme [G] ; que dans le cadre de cette déclaration, cette dernière, après avoir fourni ses coordonnées, avait indiqué qu’elle souhaitait que les courriers de l’administration autres que les décisions soient adressés à « M. [W] [I] » domicilié [Adresse 1] à [Localité 3] et y avait également précisé qu’elle acceptait de recevoir par courrier électronique les documents transmis en cours d’instruction par l’administration à l’adresse électronique de « M. [W] [I] ».

Elle a analysé ces éléments comme étant de nature à considérer que Mme [G] avait entendu faire de M. [O] son mandataire et qu’en signant le devis et le procès-verbal de réception, ce dernier était apparu comme mandataire apparent vis à vis de la société Revd’eau, cette analyse rendant nécessaire la réouverture des débats pour que les parties puissent faire toutes observations utiles sur l’existence d’un mandat et plus spécialement d’un mandat apparent.

L’instruction a été clôturée le 4 juillet 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 9 juin 2023, la société Revd’eau demande à la cour de :

la dire et juger recevable et bien fondée en son appel ;

infirmer le jugement rendu le 1er juin 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse;

et statuant à nouveau :

condamner Mme [U] [G] à lui verser la somme de 25 789 euros ;

condamner Mme [U] [G] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens y compris ceux de première instance.

Rappelant les dispositions des articles 1984, 1156 et 1103 du code civil, la société Revd’eau se prévaut, à titre principal, de l’existence d’un mandat apparent donné à Mme [G] par M. [O] pour contracter avec elle.

A cet égard, elle indique que :

la déclaration préalable de travaux remplie par Mme [G] précise que cette dernière souhaitait que les courriers de l’administration, autres que les décisions, soient adressés à M. [W] [I] domicilié à la même adresse qu’elle, que Mme [G] acceptait de recevoir par courrier électronique les documents transmis en cours d’instruction par l’administration à l’adresse électronique de M. [W] [I], ce dont il se déduit que Mme [G] avait entendu faire de M. [I] son mandataire vis-à-vis de l’administration mais aussi pour la construction de la piscine puisqu’en signant le devis du pisciniste et en signant le procès-verbal de réception, M. [I] est apparu vis-à-vis d’elle comme le mandataire apparent de Mme [G],

contrairement à ce qu’a jugé le tribunal judiciaire de Mulhouse, elle a bien apporté la preuve d’une relation contractuelle avec Mme [G], en sus de sa seule qualité de propriétaire du terrain, dans la construction de la piscine.

A titre subsidiaire, la société Revd’eau se prévaut des dispositions des articles 1303 et 1303-3 du code civil relatives à l’enrichissement injustifié pour obtenir paiement.

A cet égard, elle expose que :

il n’est pas contesté que Mme [G] est propriétaire et occupante de la maison sise [Adresse 1] et qu’elle héberge des membres de sa famille dont M. [I] [E], compagnon de sa fille, que Mme [G] a désigné comme son locataire sans en justifier,

Mme [G] bénéficie de l’ouvrage de piscine construit chez elle comme occupante et comme propriétaire, la présence de la piscine augmentant nettement la valeur de sa propriété. Il s’en déduit que Mme [G] s’est enrichie grâce à l’accroissement de la valeur immobilière de sa maison alors qu’elle-même s’est appauvrie en construisant une piscine d’une valeur de 25 789 euros sur la propriété de Mme [G] et ce, sans avoir reçu le moindre paiement,

elle a obtenu la condamnation de M. [I] [E] et démontré l’insolvabilité de ce dernier respectant donc à la lettre l’article 1303-3 du code civil et la jurisprudence de la Cour de cassation,

la théorie de l’accession développée par le tribunal de Mulhouse pour justifier la cause de l’enrichissement de Mme [G] est critiquable puisque cette dernière n’a pas justifié de ce que M. [I] [E] était son locataire,

la situation d’unique propriétaire et occupante de la maison, corroborée par le fait que Mme [G] a effectué une déclaration préalable auprès de la mairie le 8 juin 2018 témoigne également sans ambiguïté de la corrélation directe entre l’enrichissement injustifié de Mme [G] et son appauvrissement,

la présence de la piscine sur la propriété de Mme [G] valorise de 30 000 euros la valeur vénale de sa maison, ce qui est supérieur coût de la piscine.

Mme [G] s’est vue signifier à personne la déclaration d’appel et les conclusions d’appel le 22 octobre 2021 à sa personne. Elle n’a pas constitué avocat. Elle s’est vue signifier les dernières conclusions de la société Revd’eau le 20 juin 2023 par dépôt de l’acte en étude du commissaire de justice.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens de la société Revd’eau aux conclusions transmises à la date susvisée.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que Mme [G] s’étant vue signifier la déclaration d’appel à personne et n’ayant pas constitué avocat, il sera statué par arrêt réputé contradictoire. Non comparante, elle est réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris en application de l’article 954 du code de procédure civile.

Sur la demande en paiement de la somme de 25 789 euros

Aux termes des dispositions de l’article 1984 du code civil, le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire.

L’article 1156 du même code prévoit que l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.

Il est constant que tant le devis concernant la piscine que le procès-verbal de sa réception ont été établis au nom de M. « [W] [I] » dont le nom complet est [W] [I] [E].

En outre, l’analyse de la déclaration préalable de travaux concernant cette même piscine qui a été remplie par Mme [G], en sa qualité de propriétaire, permet de relever que cette dernière, après avoir fourni ses coordonnées, a indiqué qu’elle souhaitait que les courriers de l’administration autres que les décisions soient adressés à M. [W] [I] domicilié [Adresse 1] à [Localité 3] et y a également précisé qu’elle acceptait de recevoir par courrier électronique les documents transmis en cours d’instruction par l’administration à l’adresse électronique de M. [W] [I].

Il s’en déduit que Mme [G] a entendu, dans le cadre des travaux de piscine, faire de M. [I] [E] son mandataire, la société Revd’eau, tiers contractant, ayant légitimement cru en la réalité des pouvoirs de M. [I] [E] qui a signé non seulement le devis mais aussi le procès-verbal de réception des travaux de la piscine construite sur la propriété de Mme [G].

Faisant application des dispositions de l’article 1998 du code civil qui prévoient que le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné, il y a lieu de condamner Mme [G] à payer à la société Revd’eau la somme de 24 964 euros correspondant au montant du devis accepté le 18 mai 2018 par M. [W] [I] [E] tel qu’indiqué dans le jugement rendu le 30 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Mulhouse (n°RG 18/00490), le tribunal ayant fait état de ce que le prix de 25 789 euros avait été barré.

Le surplus de la demande formulée de ce chef est rejeté.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts

La société Revd’eau demande l’infirmation du jugement entrepris sans toutefois formuler de demande sur ce point, de sorte que le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais de procédure non compris dans les dépens

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.

Mme [G] est condamnée aux dépens de la procédure de premier ressort et de la procédure d’appel.

Elle est condamnée à payer à la société Revd’eau la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés en premier ressort et à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 1er juin 2021 en ce qu’il a :

débouté la SARL Revd’eau de sa demande en paiement de la somme de 25 789 euros ;

débouté la SARL Revd’eau de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SARL Revd’eau aux dépens de l’instance ;

LE CONFIRME pour le surplus dans la limite de l’appel ;

Statuant de nouveau sur les seuls points infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE Mme [U] [G] à payer à la SARL Revd’eau la somme de 24 969 euros (vingt quatre mille neuf cent soixante neuf euros) au titre des travaux de piscine ;

REJETTE le surplus de la demande de la SARL Revd’eau au titre de ces travaux ;

CONDAMNE Mme [U] [G] aux dépens de la procédure de premier ressort et de la procédure d’appel ;

CONDAMNE Mme [U] [G] à payer la SARL Revd’eau la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés dans la procédure de premier ressort et hauteur d’appel.

La greffière, La présidente de chambre,


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