Mandat apparent : 9 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/02832

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Mandat apparent : 9 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/02832

4ème Chambre

ARRÊT N° 69

N° RG 21/02832

N° Portalis DBVL-V-B7F-RTP6

NM / JPC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère, désignée par ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Rennes du 17 janvier 2023,

GREFFIER :

Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Janvier 2023, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre, et Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère, magistrats tenant seules l’audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. MARVILLE SOLAIRE

Prise en la personne de son gérant en exercice, M. [X] QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Mélanie CAHOURS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

SAS APAVE NORD OUEST

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Sandrine MARIE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCÉDURE

 

Le 19 mars 2012, la société Marville Solaire, spécialisée dans la production d’électricité, a signé avec la Ville de [Localité 3] une convention d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public communal ayant pour objet la conception, la réalisation et l’exploitation d’une centrale photovoltaïque sur la toiture du complexe sportif de Marville.

 

La société Marville Solaire a confié la réalisation des travaux à la société Quénéa Energies Renouvelables, travaux qui consistaient dans la dépose de la couverture amiante et la pose d’une toiture en bacs aciers et des panneaux translucides sur lesquels ont été posés les panneaux solaires photovoltaïques.  

La société Quénéa a confié une mission de contrôle technique à la société Apave Nord Ouest le 27 juin 2012.

 

L’installation a été mise en service le 24 décembre 2012.

 

En novembre 2013, des fuites d’eau ont été constatées au niveau de la toiture donnant sur les courts de tennis correspondant à la première bande de panneaux translucides. La Ville de [Localité 3] a déclaré le sinistre à son assureur, la société SMACL Assurances, qui a confié une expertise au cabinet Cristalis. Celui-ci a conclu à un défaut d’exécution des travaux de couverture.

 

Par une ordonnance du 23 juillet 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Malo, saisi par les sociétés Marville Solaire et Quénéa, a ordonné une expertise. M. [B] a déposé son rapport le 20 avril 2016.

 

Dans le cadre d’un protocole d’accord, la société MMA Iard, assureur de la société Quénéa, a indemnisé la société Marville Solaire à hauteur de 75 % du coût des travaux.

 

Par acte d’huissier en date du 5 février 2019, la société Marville Solaire a fait assigner l’Apave Nord Ouest devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo en paiement de la somme de 63134,77 euros correspondant aux 25 % restants en application de l’article 1792 du code civil.

 

Par un jugement en date du 15 mars 2021, le tribunal judiciaire a rejeté l’intégralité des demandes de la société Marville Solaire, en ce compris la demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a condamnée à verser à l’association Apave Nord Ouest la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

 

La société Marville Solaire a interjeté appel de cette décision par déclaration du 7 mai 2021.

 

Par un arrêt du 24 novembre 2022, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à fournir leurs observations sur le moyen soulevé d’office de la méconnaissance par la société Apave Nord-Ouest des dispositions de l’ancien article L. 111-23 alinéa 2 du code de la construction et de l’habitation, le préjudice de la société Marville en résultant et la perte de chance d’obtenir sa condamnation sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

Dans ses dernières conclusions en date du 19 janvier 2023, la société Marville Solaire demande à la cour de :

 

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

– condamner l’Apave à lui payer une somme de 74 476,25 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

– débouter l’Apave de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires ou plus amples aux présentes ;

– condamner l’Apave à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’intégralité de la procédure.

 

Elle faisait valoir que l’installation photovoltaïque constituait un ouvrage, car il avait été nécessaire de démolir l’ancienne toiture et de la remplacer par une nouvelle, qu’elle avait la qualité de maître de l’ouvrage en vertu de la convention d’occupation temporaire du domaine public communal, que les travaux comprenant le changement de la couverture, il n’était pas possible de la dissocier de l’installation. Elle indiquait que l’Apave avait la qualité de constructeur et qu’elle avait contracté avec la société Quénéa qui avait réalisé les travaux, ce qui ne changeait rien, cette dernière ayant été missionnée par elle pour agir en ses lieu et place. Selon elle, la société Quénéa avait agi en vertu d’un mandat apparent, le contrôleur technique ayant été son sous-traitant, de sorte que la responsabilité de plein droit de ce dernier était engagée à son égard pour les désordres de nature décennale. Elle invoquait la mauvaise foi de l’Apave, coutumière de ce type de contrat, qui savait qu’ils sont passés avec le maître de l’ouvrage en application de l’ancien article L.111-22 du code de la construction et de l’habitation, ce qui caractérisait une fraude afin de ne pas voir engager sa responsabilité décennale. Elle demandait que celle-ci soit retenue en application de la règle nemo auditur. Elle soutenait qu’il y avait eu réception tacite au plus tard le 24 décembre 2012, date de la mise en service, ce que la Ville avait confirmé, et rappelait qu’il existait une seule réception en droit de la construction. Les infiltrations étaient apparues fin 2013, postérieurement à la réception, et elles compromettaient la destination des courts de tennis et entraînaient des risques de blessures des joueurs.

 

À titre subsidiaire, elle considérait que le contrôleur technique avait commis des fautes qui engageaient sa responsabilité contractuelle, à titre très subsidiaire, sa responsabilité délictuelle. Elle faisait valoir qu’il n’avait pas relevé le non-respect de la fiche du fabricant concernant la portée maximale entre appuis ni l’absence de procès-verbal d’essai de la résistance des 1200 joules, qu’il n’avait pas émis d’avis réservé relatif à l’absence d’avis techniques, n’avait pas analysé le Pass innovation, n’avait pas contrôlé la solidité des panneaux translucides, ces fautes ayant été relevées par l’expert judiciaire. Elle estimait que la société Apave aurait dû procéder aux vérifications qu’il avait énumérées et l’alertait sur le risque d’infiltrations générées par l’absence totale de vis de couture et les non-recouvrements transversaux et observait qu’elle n’avait pas contesté la part de responsabilité qui lui avait été imputée.

 

Elle indiquait que ses préjudices étaient bien supérieurs aux sommes mentionnées dans le protocole d’accord de 2018.

Dans ses conclusions après la réouverture des débats, elle soutient que l’Apave a commis une faute en ne signant pas de contrat avec la bonne entité. Elle estime que les conditions de la responsabilité décennale sont réunies, que l’installation photovoltaïque est un ouvrage, que l’Apave est un constructeur, qu’une réception tacite est intervenue, que les désordres sont de nature décennale puisqu’ils compromettent la destination de l’ouvrage (les courts de tennis) entraînant des risques de blessure pour les joueurs. Elle estime que le désordre est imputable à l’Apave en qualité de contrôleur SPS et surtout en ce qui concerne l’exécution des travaux. Elle demande l’indemnisation de l’entier préjudice et lui réclame la somme de 74 476,25 euros qui serait restée à sa charge si elle avait signé le protocole.

 

Dans ses dernières conclusions en date du 27 août 2021, la société Apave Nord Ouest demande à la cour de :

 

– à titre principal, dire et juger que sa responsabilité décennale n’est pas engagée ; débouter la société Marville Solaire de toutes ses demandes ; la mettre purement et simplement hors de cause; confirmer le jugement dont appel ;

– à titre subsidiaire, dire et juger que sa responsabilité extracontractuelle n’est pas engagée ; débouter la société Marville Solaire de toutes ses demandes ; la mettre hors de cause ;

– à titre très subsidiaire, dire et juger sa responsabilité ne saurait être engagée au-delà d’une quote-part de 10 % et que les préjudices allégués par la société Marville Solaire sont injustifiés dans leur principe et leur quantum;

– en tout état de cause, condamner la société Marville Solaire à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens.

 

Elle démentait à l’appelante la qualité de maître de l’ouvrage en ce qui concerne la couverture, cette qualité n’existant que pour l’installation photovoltaïque aux termes de la convention d’occupation temporaire qui faisait la distinction, aux articles 3 et 5, entre l’installation et les travaux de couverture du complexe sportif, celle-ci appartenant au domaine public communal. Elle estimait que la mise à disposition de la couverture n’était pas constitutive de droits réels et que la Ville est restée de toute évidence maître de l’ouvrage des travaux de dépose et de repose de celle-ci et pouvait seule agir contre la société Marville sur le fondement de l’article 1792 du code civil. Elle en déduisait que cette dernière n’est pas fondée à agir sur ce fondement au titre des désordres qui affectaient la couverture, ajoutant qu’elle-même était liée contractuellement à la société Quénéa et non à la société Marville ou à la Ville.

 

Elle exposait être intervenue en qualité de coordonnateur SPS en vertu d’une convention du 24 juin 2012 et de contrôleur technique en vertu d’une seconde convention du 27 juin pour les missions L et LE. Selon elle, la société Quénéa n’avait pas agi comme mandataire, maître de l’ouvrage délégué, mais en qualité d’entreprise. Elle sollicitait la confirmation du jugement qui avait retenu que l’appelante ne pouvait agir sur le fondement de la garantie décennale en l’absence de relation contractuelle avec elle.

 

Elle faisait valoir que l’appelante ne justifiait pas avoir prononcé la réception des travaux avant le 24 décembre 2012, la mise en service n’ayant été qu’une manipulation provisoire selon la Ville, et qu’elle n’avait pas respecté la convention qui prévoyait un constat contradictoire d’achèvement des travaux avec cette dernière. Elle indiquait qu’en première instance, la société Marville prétendait que les infiltrations avaient fait l’objet de réserves à la réception par la Ville mais soutenait la position contraire désormais, et que les infiltrations étaient connues avant la réception, comme cela résultait d’un courrier de la société Quénéa du 21 novembre 2013.

 

Subsidiairement, elle concluait à son absence de responsabilité au titre de sa mission SPS comme de ses missions L et LE, en réalité L car les désordres affectaient les ouvrages neufs. S’agissant de la première, elle déclarait avoir parfaitement rempli sa mission comme l’avait reconnu l’expert. S’agissant de la seconde, elle faisait valoir qu’il n’y avait pas de lien entre la mission L – solidité de l’ouvrage et des éléments d’équipement indissociables- et le défaut d’étanchéité. Elle rappelait qu’elle examinait les éléments de clos et de couvert sous le prisme de la solidité et considérait qu’en présence d’infiltrations, sa responsabilité ne pouvait être engagée, car le risque qu’elle était chargée de prévenir, la solidité, ne s’était pas réalisé. Elle observait qu’en tout état de cause, l’expert avait évoqué d’autres non-conformités des travaux de couverture sans leur attribuer une origine causale dans la survenance des passages d’eau. Selon lui, ceux-ci avaient pour cause des défauts d’exécution de l’entreprise qui n’avait pas respecté les référentiels techniques applicables, défauts qui n’avaient manifestement pas été décelés par le maître d »uvre. Elle-même n’ayant pas assuré cette fonction, qui était exclue par la norme NFP 03-100, elle n’avait pas à vérifier à l’occasion de ses visites que l’entreprise exécutait correctement ses travaux. Très subsidiairement, elle demandait de limiter sa responsabilité à un maximum de 10%, les 35 % attribués à l’entreprise Quénéa étant selon elle insuffisants.  

Elle contestait les différents postes de préjudice et observait que la somme qui lui était réclamée représentait 27,66 % du préjudice total allégué. 

Après réouverture des débats, par note du 6 janvier 2023, elle soutient n’avoir pas commis de faute contractuelle en contractant avec la société Quenea faisant valoir que la société Marville Solaire et la société Quenea avaient le même gérant, ce qui avait pu entretenir la confusion sur son intervention ès qualités et observe que la société Marville Solaire n’a jamais soutenu ne pas avoir été informée de ses avis.

Elle considère que la perte de chance d’agir sur le fondement décennal ne peut s’analyser comme une perte totale de voir prospérer sa réclamation alors qu’elle dispose de divers fondements d’action.

Elle souligne qu’en tout état de cause les conditions d’application de l’article 1792 ne sont pas remplies. Elle allègue que le caractère fuyard de la couverture est apparu avant la réception tel que cela ressort de la correspondance de la société Quanéa du 21 novembre 2013 de sorte que le désordre était apparent. Elle ajoute qu’il n’y a pas de lien d’imputabilité entre son intervention, limitée à prévenir la survenance de défauts affectant la solidité de l’ouvrage et la survenance des désordres, soutenant qu’en l’espèce la société Marville Solaire ne démontre pas en quoi les désordres mettraient en cause la solidité de l’ouvrage.

Elle insiste sur le fait que l’expert attribue l’origine des passages d’eau à des défauts d’exécution et n’évoque aucun lien de causalité des défauts de conformité des travaux de couvertures avec les fuites d’eau. Elle rappelle que le maître d »uvre n’a pas décelé ces désordres et qu’elle-même ne réalise que des visites ponctuelles et non exhaustives pour donner un avis sur les ouvrages visités.

Elle en déduit que la responsabilité décennale de l’Apave ne peut pas être retenue et que la société Marville Solaire n’aurait pas été fondée à agir à son égard sur ce fondement.

MOTIFS

 

Il est constant que la convention de contrôle technique a été conclue avec la société Quénéa. Dès lors, le seul fondement possible de l’action de la société Marville Solaire à l’encontre de l’intimée est l’article 1240 du code civil.

 

Aux termes de l’article L. 111-23 alinéa 2 du code de la construction et de l’habitation, le contrôleur technique intervient à la demande du maître de l’ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes techniques dans le cadre du contrat qui les lie, notamment sur les problèmes de solidité de l’ouvrage et de sécurité des personnes. Le but de cette disposition est de préserver l’indépendance du technicien.

 

En acceptant de contracter avec la société Quénéa qui avait été chargée par la société Marville Solaire de la conception et de l’exécution des travaux, la société Apave a commis une faute qui engage sa responsabilité civile.

 

Le préjudice de la société Marville Solaire résulte de la perte de chance de contracter directement avec elle et ainsi de pouvoir actionner sa responsabilité décennale qui est une responsabilité de plein droit.

 

Cette perte de chance est très élevée puisque le gérant des deux sociétés était le même.

 

Il convient donc d’examiner si les conditions d’application de l’article 1792 du code civil sont réunies.

 

Il n’y a pas de débat sur la qualification d’ouvrage de la centrale photovoltaïque.

 

Il s’infère de la convention d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public communal que la société Marville Solaire a la qualité de maître de l’ouvrage de l’installation qui comprenait les travaux de toiture qui en sont le support, ce que confirme le courrier de la Ville du 26 février 2013 lorsqu’il insiste sur la souscription des assurances concernant la toiture et pas seulement la centrale.

 

La réception de l’ouvrage, définie par l’article 1792-6 du code civil, ne concerne que les relations entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur. Il est indifférent que, dans le cas d’espèce, l’article 5 de la convention ait prévu une procédure contradictoire à l’achèvement des travaux avec la Ville de [Localité 3], seule cette dernière pouvant se prévaloir de son non-respect. Il ne peut non plus être tiré argument de l’emploi du mot ‘réserves’ dans son courrier du 26 février 2013, celles-ci étant en lien avec ses intérêts qui ne sont pas ceux du maître de l’ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil (cf. les allusions à la Commission de sécurité).

 

La facture de travaux de la société Quénéa du 25 octobre 2012 avait été réglée ainsi que cela résulte du rapport d’expertise de la société Cunningham & Lindsey d’octobre 2014. Il y a dès lors eu réception tacite à cette date, au plus tard le jour de la mise en service de l’installation photovoltaïque le 24 décembre suivant, peu important que la Ville l’ait interrompue quelques semaines plus tard par rapport à ses préoccupations.

 

Il ressort des pièces versées aux débats que les infiltrations se sont manifestées pour la première fois en novembre 2013, soit postérieurement à la réception. Il n’existe aucune allusion à de précédentes infiltrations dans le courrier de la société Quénéa du 21 novembre 2013.

 

Les moyens pris du caractère apparent des désordres à la réception et de l’existence de réserves, soulevés par l’intimée, ne sont donc pas fondés.

 

Sur l’imputabilité des désordres, il convient de rappeler que le contrôleur technique engage sa responsabilité dans la limite de la mission qui lui est confiée (ancien article L. 111-24 du code de la construction et de l’habitation). Il ne peut s’en exonérer que s’il établit qu’il n’entrait pas dans sa mission de déceler le fait qui est à l’origine du dommage.

 

En juin 2012, la société Apave a été chargée d’une mission de coordination SPS, qui est dépourvue de lien avec le litige, la prévention des risques professionnels et la sécurité des personnes n’étant pas en cause, et des missions L relative à la solidité de l’ouvrage et des éléments d’équipement indissociables et LE relative à la solidité des existants.

 

Il ressort du rapport d’expertise que l’expert a fait procéder à des essais d’eau sur la toiture qui ont montré que les traces d’eau sur le sol en terre battue des courts de tennis provenaient de passages d’eau au droit des recouvrements latéraux et longitudinaux entre les panneaux translucides, d’une part, entre ceux-ci et les panneaux en bacs acier qui supportent les panneaux photovoltaïques, d’autre part.

 

Les infiltrations ont plusieurs causes selon l’expert : la non-conformité des recouvrements des panneaux translucides et bacs acier, l’absence de vis de couture dans le sens longitudinal des panneaux translucides, la présence d’un régulateur de condensation sur toute la surface des bacs acier et le fait que les ondes en recouvrement sur la moitié de la couverture sont face dominant au vent en violation des règles de l’art.

 

L’expert a, par ailleurs, relevé que la fiche technique du fabricant n’avait pas été respectée en ce qui concerne la portée maximale entre les appuis et l’implantation de l’installation à moins de trois kilomètres de la mer.

 

Il a procédé au partage de responsabilité sur la base de l’ensemble de ces manquements.

 

Ces conclusions ne peuvent être entièrement suivies par la cour, car l’expert judiciaire a dépassé sa mission, à savoir la détermination de la cause des infiltrations, en examinant la conformité de l’installation aux règles de l’art.

 

Comme le fait observer l’intimée, il n’existe aucun lien de causalité entre les infiltrations et la résistance des panneaux translucides à 1200 joules, l’implantation à moins de 3 km de la mer, la fourniture de bacs acier sans avis technique ou de bacs non adaptés aux portées, étant précisé que ces non-conformités n’ont occasionné aucun dommage. Les relever ne présentait d’intérêt que par rapport aux travaux de reprise qui doivent être exécutés conformément aux règles de l’art.

 

Il ne fait pas de doute que l’insuffisance du recouvrement des panneaux formant la couverture est à l’origine des infiltrations puisque, selon le fabricant, il devait être de 300 mm alors que l’expert précise qu’il a vérifié que les recouvrements étaient très inférieurs à 200 mm (page 59 du rapport).

 

L’expert n’explique pas en quoi l’absence de vis de couturage a pu également y contribuer, ce qui ne ressort pas de l’évidence (d’après ses explications en page 59, cette non-conformité est liée au problème de résistance). Il en est de même de la présence du régulateur de condensation sur toute la surface des bacs acier ou des ondes en recouvrement face au vent.

 

L’insuffisance du recouvrement des panneaux translucides et avec les bacs en acier sera donc seule retenue comme cause des désordres.

 

S’agissant de la société Apave, l’expert lui reproche de ne pas avoir décelé les non-conformités d’exécution, de ne pas avoir émis d’avis défavorables relatifs à la non-conformité de l’exécution, à la non-conformité de l’ouvrage au regard du Pass Innovation, à l’absence d’avis techniques et à l’absence de production d’un certificat d’un laboratoire confirmant la solidité des panneaux à 1200 joules. Il lui attribue une part de responsabilité de 25 % parce qu’elle a gravement failli à sa mission en ne sollicitant pas les avis techniques et en ne réalisant pas de contrôle de la réalisation de l’ouvrage.

 

Cet avis ne peut être suivi pour le motif indiqué plus haut, à savoir l’absence de lien de causalité entre l’absence d’avis technique et les infiltrations, et parce qu’il n’entrait pas dans la mission de l’intimée d’assurer une fonction de maître d »uvre, comme elle le fait justement observer.

 

L’appelante soutient que la mission de l’Apave, qui portait sur la solidité de l’ouvrage, était capitale mais le désordre ne l’affecte pas mais l’étanchéité de la couverture. L’intimée n’avait pas à rappeler, dans le cadre de la mission qui était la sienne, que la notice du fabricant des panneaux translucides devait être respectée ainsi que les règles de l’art lors de la pose des panneaux translucides.

 

Il résulte de ces éléments que les désordres d’infiltrations ne sont pas imputables à la société Apave.

 

Le jugement sera donc confirmé par substitution de motifs en ce qu’il a débouté la société Marville Solaire de toutes ses demandes.

 

L’appelante est condamnée aux dépens d’appel et à payer la somme de 2000€ à l’intimée au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, contradictoirement :

 

Vu l’arrêt n° 397 du 24 novembre 2022,

 

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, 

 

Y ajoutant,

 

CONDAMNE la société Marville Solaire à payer à la société Apave Nord-Ouest la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

 

CONDAMNE la société Marville Solaire aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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