Mandat apparent : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00377

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Mandat apparent : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00377

ARRET N°297

N° RG 21/00377 – N° Portalis DBV6-V-B7F-BIGME

AFFAIRE :

S.A. LEXIS NEXIS

C/

M. [L] [Y], S.C.M. [R], S.C.P. COLLET-ROCQUIGNY-CHANTELOT-BRODIEZ-GOURDOU & ASS

GS/MK

Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution

Sans procédure particulière

Grosse délivrée à Me Laetitia DAURIAC , avocat

COUR D’APPEL DE LIMOGES

Chambre civile

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ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

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Le HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX la chambre civile a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.A. LEXIS NEXIS, dont le siège social est sis : [Adresse 2]

représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES

Me Olivier PIGNATARI, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE d’un jugement rendu le 08 FEVRIER 2021 par le PRÉSIDENT DU TJ DE TULLE

ET :

Monsieur [L] [Y] (à la suite de l’assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée le 15.10.2021), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES

S.C.M. [R] au capital de 1 000,00 €, immatriculée au RS de Clermont-Ferrand sous le n° 537 554 024, dont le siège social est sis : [Adresse 1]

représentée par Me Michel LABROUSSE de la SCP SCP D’AVOCATS MICHEL LABROUSSE – CELINE REGY – FRANCOIS ARMA ND & ASSOCIES, avocat au barreau de TULLE

SCPCOLLET-ROCQUIGNY-CHANTELOT-BRODIEZGOURDOU & ASS au capital de 153 740 €,immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 325 123 131, dont le siège social est sis: [Adresse 1]

représentée par Me Michel LABROUSSE de la SCP D’AVOCATS MICHEL LABROUSSE – CELINE REGY – FRANCOIS ARMA ND & ASSOCIES, avocat au barreau de TULLE

INTIMES

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Suivant calendrier de procédure de la Présidente de chambre chargée de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 19 Mai 2022 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 30 Juin 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 avril 2022.

A l’audience de plaidoirie du 19 Mai 2022, la Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers assistés de Mme Mandana SAFI, Greffier. Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Juin 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. Le 30 juin le délibéré a été prorogé au 13 Juillet 2022 et de nouveau prorogé au 08 septembre 2022 et les parties régulièrement informées.

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LA COUR

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FAITS et PROCÉDURE

Les SCP d’avocats C&R d’une part et Cesis d’autre part ont décidé de s’associer dans le cadre d’une société civile de moyens, la SCM [R]. Ces sociétés se sont rapprochées de la société LexisNexis pour la mise en place, au sein de ces deux cabinets d’avocats, d’un système informatique.

Le 31 octobre 2017, la SCM [R] et la SCP C&R ont assigné la société Lexisnexis devant le tribunal de grande instance de Tulle en remboursement des sommes versées pour l’installation et la maintenance du système informatique en lui reprochant s’avoir manqué à ses engagements contractuels.

Le 2 juillet 2018, la SCM [R] et la SCP C&R ont assigné M. [L] [Y], ingénieur commercial de la société Lexisnexis devant le tribunal de grande instance de Tulle aux mêmes fins.

La jonction des affaires a été ordonnée le 11 septembre 2018.

Par jugement du 8 février 2021, le tribunal judiciaire de Tulle a retenu que M. [Y] justifiait d’un mandat apparent de la société LexisNexis et que cette dernière n’avait pas exécuté une partie de ses engagements contractuels. Ce tribunal a notamment condamné cette société à payer:

– à la SCM [R] une somme de 16 067,64 euros en restitution du prix de la prestation non exécutée,

– à la SCP C&R une somme de 50 135,51 euros en réparation de son préjudice matériel.

La société LexisNexis a relevé appel de ce jugement.

MOYENS et PRÉTENTIONS

La société LexisNexis conclut au rejet des demandes formées à son encontre par la SCM [R] et la SCP C&R. Elle expose qu’elle n’a jamais contracté d’engagement de reprise et/ou de création des matrices à l’égard de ces dernières. Elle soutient ne pas avoir manqué à ses obligations contractuelles. Elle ajoute que la SCM [R] et la SCP C&R ne justifient pas du préjudice qu’elles allèguent.

La SCM [R] et la SCP C&R concluent à la confirmation du jugement, sauf à leur allouer, en sus, des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel et moral.

M. [Y] a constitué avocat mais n’a pas conclu.

MOTIFS

Les sociétés intimées invoquent l’existence de deux conventions distinctes conclues successivement:

– la première, en date du 21 décembre 2012, faisant suite à des échanges de courriers entre la société LexisNexis et la SCP C&R portant sur la reprise et la création de matrices de courriers spécifiques issus de l’ancien logiciel ‘Ciceron’, remplacé par le logiciel ‘Poly office’,

– la seconde ayant donné lieu à un contrat écrit du 28 décembre 2012 conclu entre la société LexisNexis et la SCM [R] portant sur l’installation et la mise en service du logiciel ‘Poly office’.

Il ressort des échanges de mails entre les parties que, dans le cadre de leur projet de changement du système informatique équipant leurs cabinets d’avocats, les sociétés intimées se sont rapprochées de la société LexiNexis et qu’au cours de leurs négociations, les besoins et attentes des sociétés clientes ont été précisés. Ces négociations ont été menées, pour la société LexisNexis, par son ingénieur commercial, M. [L] [Y], lequel s’est présenté expressément en cette qualité auprès de ses interlocuteurs, ainsi que cela résulte clairement des mentions des mails adressés par celui-ci à la SCP C&R les 21 et 27 décembre 2012.

Ces négociations se sont tenues sur la base des trois devis adressés par M. [Y] le 19 décembre 2012:

– un devis ‘Poly Office Plus 46 licences’ établi pour la SCM [R],

– un devis de formation’ Poly Office Plus’ établi pour la SCP Cesis,

– un devis de formation ‘Poly Office Plus’ établi pour la SCP C&R.

Un devis complémentaire a été établi pour la SCM [R] pour l’option ‘Poly Scan’.

M. [Y] précise, dans sa transmission, avoir, à titre exceptionnel, obtenu une ‘autorisation’ de remise financière de la part de sa direction dans certaines limites.

Lors de ces négociations, la question de la création et de la reprise des matrices/courriers a bien été abordée. Ainsi, dans un mail du 21 décembre 2012, M. [Y] indique à la SCP C&R que les courriers du cabinet doivent être intégrés manuellement et que ce travail incombe à cette SCP. Cette dernière lui ayant fait part de ses réticences à exécuter cette tache, M. [Y] lui a répondu, le 21 décembre 2012, qu’après avoir fait le point avec sa direction, la société LexisNexis proposait d’intégrer elle-même les courriers du cabinet dans la base de travail ‘Poly Office plus’ tout en sollicitant des éléments de nature à estimer cette charge de travail. Il n’est pas justifié d’une réponse de la SCP C&R à cette proposition.

Les termes employés dans les mails de M. [Y] démontrent que ce dernier devait rendre compte auprès de la direction de la société LexisNexis qui l’employait, celle-ci étant seule habilitée à prendre les décisions sur le contenu du contrat en cours de négociation, particulièrement en ce qui concerne les obligations souscrites par elle. En l’état des termes employés dans ces mails, les sociétés intimées, composées de professionnels du droit, ne peuvent soutenir que M. [Y] disposait d’un mandat apparent pour représenter son employeur.

En tout état de cause, M. [Y] n’a formulé, dans son mail du 21 décembre 2012 adressé à la SCP C&R, qu’une simple proposition d’intégration des courriers du cabinet d’avocats subordonnée, au demeurant, à la justification de l’importance de cette tache, à laquelle la SCP cliente n’a pas répondu.

La négociation entre les parties sur la création ou la reprise des matrices/courriers n’a donc pas abouti, aucun contrat n’ayant été signé entre elles comportant l’obligation pour la société LexisNexis d’exécuter la prestation litigieuse.

Si un devis de la société LexisNexis a bien été signé par la SCP C&R le 17 avril 2013, ce document n’envisage la création de matrices et de courriers spécifiques que dans le cadre d’une formation de trois jours que la société LexisNexis s’est engagée à assurer au profit du cabinet d’avocats en vue de l’apprentissage de son personnel à la réalisation de cette tache.

D’ailleurs, les mails ultérieurs émanant de la société LexisNexis rappellent expressément que la création de matrices et courriers s’inscrit dans le cadre de sa prestation de formation, laquelle requiert la collaboration des personnels des cabinets clients en charge de cette tache (cf notamment mail de la société LexisNexis du 15 mai 2013).

Aucun début d’exécution d’une prestation de création de matrices ou courriers à la charge de la société LexisNexis ne saurait donc être déduit de cette situation.

Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’ont retenu à tort les premiers juges, la preuve n’est pas rapportée d’un engagement de la société LexisNexis de réaliser la création et/ou la reprise des matrices/courriers du cabinet, en sorte qu’aucun manquement contractuel ne saurait être imputé à cette société du fait de l’inexécution de cette prestation.

Le contrat signé avec la société LexisNexis le 28 décembre 2012 l’a été avec la SCM [R]. Ce contrat stipule de manière explicite que l’intervention de la société LexisNexis est limitée à la reprise des données et ne concerne pas la création de matrice pour le compte du cabinet (annexe 3 du contrat).

Ce contrat, qui précise (p. 8) que son exécution requière la collaboration active et régulière du client, mentionne que la société LexisNexis n’est tenue que d’une obligation générale de moyen (p. 9 et 16), sans distinguer selon les prestations qui ont été convenues, à savoir:

– l’installation et la mise en oeuvre du logiciel ‘Poly office’,

– la formation du personnel des cabinets d’avocat à l’utilisation de ce logiciel.

La SCP C&R produit des attestations rédigées par des membres de son personnel desquelles il résulte que ce cabinet d’avocats a été confronté à des difficultés lors de mise en fonctionnement du logiciel ‘Poly office’ (dossiers mélangés, contacts disparus), cette situation, cause de retards et de surcharge de travail, ayant perduré plus de dix jours.

Ce dysfonctionnement a été admis par la société LexisNexis ainsi que cela résulte de son mail du 25 mars 2013 par lequel elle indique dépêcher son service ‘reprise’ pour y remédier.

La prestation de la société Lexis nexis porte sur l’installation et la mise en service du logiciel ‘Poly office Plus’ au sein des cabinets d’avocats des SCP Cesis et C&R en remplacement du logiciel ‘Ciceron’ précédemment utilisé.

S’agissant de l’installation d’un système informatique nouveau mettant en oeuvre des technologies complexes, l’existence de dysfonctionnements lors du démarrage du système ne saurait caractériser à elle seule un manquement contractuel de la société LexisNexis, laquelle n’était tenue qu’à une simple obligation de moyen dans le cadre de l’exécution de sa prestation qui nécessitait la collaboration effective de ses clients.

Il n’est pas allégué l’absence d’intervention du service ‘reprise’ et il n’est pas démontré la persistance de dysfonctionnements techniques postérieurement à cette intervention.

La seule difficulté qui subsiste demeure la reprise des courriers du cabinet d’avocats C&R. Sur ce point précis, il résulte des mails échangés qu’un accord est intervenu entre les parties, la société LexisNexis proposant d’effectuer cette intégration sous réserve que le cabinet d’avocats, lui fournisse des éléments lui permettant d’évaluer cette charge de travail (tri des courriers en distinguant les ‘simples’ des ‘complexes’, nombre de courriers concernés (mail de M. [Y] du 4 septembre 2014). Ces éléments ont été transmis par le cabinet C&R qui a, lui-même, procédé au tri des courriers conformément à l’accord intervenu entre les parties.

Au vu des éléments fournis, la société LexisNexis a proposé à la SCP C&R une action de formation de quatre jours sur site destinée à son personnel afin de le former à l’intégration des matrices dans le logiciel ‘Poly Office Plus'( mail de la société LexisNexis du 11 juin 2014).

La SCP C&R n’a pas donné suite à cette proposition, ce que la société LexisNexis a déploré dans un mail du 23 octobre 2014, qui n’est pas utilement contredit sur ce point et qui rappelle très justement les termes du contrat qui ne met pas à sa charge la reprise des modèles de documents et matrices d’actes et qui stipule, en tout état de cause, l’indispensable collaboration des personnels des cabinets clients.

Dès lors, la preuve d’un manquement de la société LexisNexis à ses obligations contractuelles n’est pas rapportée et les sociétés intimées ne peuvent qu’être déboutées de leur action indemnitaire.

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR ,

Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tulle le 8 février 2021;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE la SCM [R] et la SCP d’avocats C&R de leurs actions;

CONDAMNE la SCM [R] et la SCP d’avocats C&R à payer à la société LexisNexis la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SCM [R] et la SCP d’avocats C&R aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Mandana SAFI. Corinne BALIAN.

 


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