Mandat apparent : 8 juillet 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/04367

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Mandat apparent : 8 juillet 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/04367

2ème Chambre

ARRÊT N°418

N° RG 19/04367

N° Portalis DBVL-V-B7D-P4TR

M. [W] [L]

C/

M. [Y] [J]

Mme [P] [U] épouse [J]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me GONSSE

– Me COULOGNER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Mai 2022

devant Madame Hélène BARTHE-NARI, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juillet 2022, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [W] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne-Gaëlle GONSSE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/007733 du 12/07/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉS :

Monsieur [Y] [J]

né le 01 Octobre 1983 à TIEBELE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [P] [U] épouse [J]

née le 25 Mars 1984 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Me Sophie COULOGNER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 février 2017, à la suite d’une annonce diffusée sur le site de l’Internet ‘Le bon coin’, M. [Y] [J] et Mme [P] [U] son épouse (les époux [J]) ont, moyennant le prix de 5 000 euros, acquis auprès de M. [W] [L] un véhicule d’occasion Wolkswagen Touran, mis en circulation en novembre 2003 et affichant au compteur un kilométrage d’environ 126 000 km.

Prétendant que le véhicule présentait des dysfonctionnements de divers organes mécaniques et se prévalant d’une expertise extrajudiciaire du 28 juillet 2017 ayant mis en évidence une modification volontaire du compteur kilométrique dans le but de minorer le kilométrage réel, les époux [J] ont, par acte du 2 mars 2018, fait assigner M. [L] devant le tribunal d’instance de Nantes en résolution de la vente pour manquement à l’obligation de délivrance, en restitution du prix et en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 28 mai 2019, le premier juge a :

prononcé la résolution de la vente du véhicule VW Touran, immatriculé [Immatriculation 6], intervenue le 14 février 2017 entre M. [L], d’une part, et les époux [J], d’autre part,

condamné en conséquence M. [L] à restituer aux époux [J] la somme de 5 000 euros correspondant au prix de vente du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, et à reprendre le véhicule à ses frais, y compris les frais de gardiennage le cas échéant,

condamné M. [L] à payer aux époux [J] la somme de 1 081,69 euros à titre de dommages-intérêts,

condamné M. [L] aux dépens, et à payer aux époux [J] la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties de toute autres demandes différentes, plus amples ou contraires au dispositif.

M. [L] a relevé appel de ce jugement le 1er juillet 2019, et aux termes de ses dernières conclusions du 13 janvier 2020, il demande à la cour de :

infirmer le jugement attaqué,

débouter les époux [J] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

statuer ce que de droit quant aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 2 mars 2020, les époux [J] demandent à la cour de :

confirmer le jugement attaqué en ses principales dispositions,

à titre incident :

condamner M. [L] à reprendre le véhicule sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

condamner M. [L] à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de leur préjudice moral,

condamner M. [L] à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par les parties, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 24 mars 2022.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la qualité à défendre de M. [L]

M. [L] soutient que n’étant pas le vendeur du véhicule Touran, il ne peut être condamné à restituer le prix de vente et à verser des dommages-intérêts aux acquéreurs.

S’il reconnaît que son nom est mentionné sur la carte grise, il indique toutefois qu’il n’a jamais vendu ce véhicule dont il n’avait jamais été le propriétaire effectif, celui-ci étant toujours resté entre les mains de M. [I], lequel a rempli le certificat de cession et était présent aux opérations d’expertise amiable.

Il ajoute que M. [I] l’a également trompé, et qu’il ne pensait pas être attrait en justice parce qu’il avait accepté d’immatriculer le véhicule à son nom, à la demande insistante de ce dernier, estimant que celui-ci, membre de la communauté arménienne, il pourrait en retour bénéficier d’aide, connaissant lui-même une situation personnelle précaire.

Cependant, les époux [J] mentionnent dans leurs écritures qu’ils ont en effet traité avec un homme qui s’est présenté comme le mandataire du véritable propriétaire, M. [L], et que cet homme s’est aussi présenté comme l’ami du vendeur lors de l’expertise amiable.

Il est à cet égard de principe que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

Or, il n’est pas contesté que la personne avec laquelle les époux [J] ont traité leur a remis la carte grise du véhicule au nom de [L] [W] en échange de la remise du chèque de règlement de la transaction et que le certificat de cession porte le même nom de vendeur, avec sa signature.

Aucun élément ne permettait ainsi aux époux [J] d’avoir des doutes sur l’étendue du mandat dont pouvait se prévaloir M. [I] au moment de la vente.

Ceux-ci n’avaient en effet aucun moyen de vérifier la signature portée sur la déclaration de cession, n’ayant pas accès aux éléments d’état civil ou de comparaison de signatures, et n’avaient en tout état de cause pas de raisons valables de les solliciter, l’homme avec lequel ils ont traité s’étant présenté comme le mandataire du véritable propriétaire, M. [L], muni d’une déclaration de cession comportant le nom et la signature de ce dernier, ainsi que la carte grise mentionnant que le propriétaire du véhicule cédé était M. [L] [W].

Les époux [J] ont donc pu légitimement croire à l’existence d’un mandat, et dans ces conditions le mandant est engagé sur le fondement du mandat apparent et doit en supporter les conséquences.

A cet égard, M. [L] ne peut soutenir, sans se contredire, avoir accepté de rendre service à son ami en acceptant d’immatriculer frauduleusement le véhicule à son nom, et avoir été victime de la part de ce dernier d’une usurpation d’identité.

L’éventuel abus dont aurait été victime M. [L] de la part de M. [I] est en tout état de cause inopposable aux époux [J], lesquels ont contracté avec un homme se présentant comme le mandataire du véritable propriétaire du véhicule, et dont aucun élément ne permettait à ces derniers de remettre en cause cette qualité.

C’est donc à juste titre que le premier juge a estimé que les époux [J] étaient fondés à attraire M. [L] dans la présente procédure, et qu’il appartenait à ce dernier d’appeler le véritable vendeur en garantie, le cas échéant.

Sur la résolution de la vente

M. [L] ne remet pas en cause le jugement en ce qu’il a prononcé la résolution de la vente avec pour conséquence la restitution du prix.

C’est en effet par d’exacts motifs que la cour adopte que le premier juge a pertinemment relevé :

qu’il ressortait du rapport d’expertise extrajudiciaire, contradictoire à l’égard de M. [L] dont l’ami M. [I] était présent aux opérations à sa demande, que le kilométrage affiché du compteur du véhicule était erroné, l’expert M. [T] relevant que celui-ci ‘(avait) été baissé à au moins deux reprise avant la vente […] entre décembre 2015 et août 2016 il est passé de 221 501 km à 124 011 km’,

qu’un kilométrage erroné, en l’occurrence un écart de plus de 95 000 km entre le kilométrage affiché et le kilométrage réel étant d’une telle ampleur, qu’il caractérise un manquement à l’obligation de délivrer une chose conforme aux spécifications convenues entre les parties de la vente d’un véhicule d’occasion,

qu’en vendant un véhicule d’occasion dont l’une des caractéristiques essentielles avait été modifiée, M. [L] a donc manqué à son obligation de délivrance et engagé sa responsabilité, devant ainsi réparer l’intégralité du préjudice subi par les époux [J].

C’est donc à juste titre que le premier juge a prononcé la résolution de la vente et ordonné la restitution du prix de 5 000 euros.

C’est également à juste titre qu’il a mis les frais de restitution du véhicule à la charge du vendeur, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Les époux [J] sont par ailleurs fondés à obtenir le remboursement des frais de réparation justifiés pour un total de 405,39 euros et des frais d’assurance pour un total de 676,30 euros.

Par ailleurs, l’acquisition d’un véhicule présentant un kilométrage supérieur de plus de 95 000 km à celui affiché au compteur leur a en outre causé un trouble moral qui sera exactement et intégralement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros.

Le jugement sera donc réformé en ce sens, M. [L] étant condamné au paiement de la somme de 2 081,69 euros à titre de dommages-intérêts (405,39 + 676,30 + 1 000).

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles étaient justifiées et seront maintenues.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge des époux [J] l’intégralité des frais exposés par eux à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il leur sera alloué une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 28 mai 2019 par le tribunal d’instance de Nantes en ce qu’il a condamné M. [L] à payer aux époux [J] la somme de 1 081,69 euros à titre de dommages-intérêts ;

Condamne M. [L] à payer à M. et Mme [J] la somme de 2 081,69 euros à titre de dommages-intérêts ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Condamne M. [L] à payer à M. et Mme [J] la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [L] aux dépens d’appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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