Mandat apparent : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 20/02016

·

·

Mandat apparent : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 20/02016

AFFAIRE :N° RG 20/02016 –

N° Portalis DBVC-V-B7E-GTKW

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 16 Septembre 2020 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2019006762

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

S.A.S.U. TREEZOR

N° SIRET : 807 465 059

[Adresse 6]

[Localité 9]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Agathe AUMONT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

S.A.S. GROUPE LB

N° SIRET : 906 580 105

[Adresse 8]

[Localité 10]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Anthony MAYAUD, avocat au barreau de CAEN

S.A.S. MOULIN AU ROY

N° SIRET : 822 402 046

[Adresse 4]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Franck THILL, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 09 juin 2022

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier lors des débats et Mme FLEURY, greffier lors de la mise à disposition

ARRÊT prononcé publiquement le 06 octobre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme FLEURY, greffier

* * *

Au titre d’un marché de travaux privé concernant le lot gros oeuvre de la reconstruction d’une résidence, la SAS MOULIN AU ROY restait redevable à l’égard de la SAS GROUPE LB de trois factures, se décomposant comme suit :

– n° 9389 du 18 décembre 2017 pour un solde à payer de 48 615,50€ TTC,

– n° 9564 du 29 janvier 2018 pour un montant de 25 037,70€ TTC,

– n° 10819 du 31 août 2018 pour un montant de 4080€ TTC.

En mars 2018, la SAS MOULIN AU ROY a été victime d’une escroquerie de la part d’un dénommé [O] [V] qui, se présentant comme directeur administratif et financier de la SAS GROUPE LB et invoquant un changement de coordonnées bancaires du fait d’une restructuration du groupe, a amené la SAS MOULIN AU ROY à procéder au virement de la somme de 73 653,20€ correspondant aux deux premières factures, sur un compte ouvert au nom d’une société MN auprès de l’établissement de gestion de monnaie électronique SAS TREEZOR.

Les sociétés MOULIN AU ROY et GROUPE LB ont déposé plainte contre X le 4 avril 2018.

Par actes d’huissier des 16 et 18 juillet 2019, la SAS GROUPE LB a fait assigner la SAS MOULIN AU ROY et la SAS TREEZOR devant le tribunal de commerce de Caen aux fins de les voir condamner in solidum au paiement de la somme de 77 733,20€ TTC avec intérêts au titre des trois factures litigieuses.

Par jugement du 16 septembre 2020, le tribunal a :

– condamné la société MOULIN AU ROY à payer à la société GROUPE LB la somme de 73 653,20€ TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2019 ;

– débouté la société GROUPE LB de sa demande de paiement de la facture de 4080€ TTC ;

– condamné la société TREEZOR à payer à la société MOULIN AU ROY la somme de 73 653,20€ ;

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour chacune des parties ;

– condamné la société GROUPE LB aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s’élevant à la somme de 87,05€ dont TVA 14,51€.

Par déclaration du 21 octobre 2020, la SASU TREEZOR a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 avril 2022, la SAS TREEZOR demande de :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’il n’y avait pas lieu à condamner la société TREEZOR in solidum avec la société MOULIN AU ROY à payer à la société GROUPE LB la somme de 73.653,20€ TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2019 ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société TREEZOR à payer à la société MOULIN AU ROY la somme de

73.653,20€ ;

– débouté la société TREEZOR de ses autres demandes ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

In limine litis :

– Surseoir à statuer dans l’attente des résultats de l’enquête pénale et de la décision pénale à intervenir dans le cadre des plaintes pour escroquerie déposées le 4 avril 2018 par les sociétés MOULIN AU ROY et GROUPE LB ;

A titre subsidiaire :

– Débouter la société MOULIN AU ROY de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société TREEZOR ;

A titre infiniment subsidiaire :

– Si par extraordinaire le tribunal jugeait que la société TREEZOR avait commis une faute en lien avec le préjudice invoqué par la société la société MOULIN AU ROY :

– Juger que les graves négligences fautives de la société MOULIN AU ROY sont de

nature à exonérer largement la société TREEZOR de sa responsabilité ;

– Juger que les fautes de la société MOULIN AU ROY sont prépondérantes dans la

survenance de son préjudice et que la part de responsabilité de la société TREEZOR

dans ce préjudice ne peut être que symbolique ;

En tout état de cause :

– Rappeler que l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société TREEZOR à payer à la société MOULIN AU ROY la somme de 73.653,20€ emporte restitution à la société TREEZOR, par la société MOULIN AU ROY, de cette somme de 73.653,20€ versée en exécution du jugement revêtu de l’exécution provisoire ou à tout le moins de la somme en trop versée ;

– Débouter la société GROUPE LB et la société MOULIN AU ROY de l’ensemble de leurs demandes formées à son encontre ;

– Condamenr in solidum la société GROUPE LB et la société MOULIN AU ROY à payer à la société TREEZOR la somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 avril 2021, la SAS GROUPE LB demande de :

– Confirmer le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

– Condamner la SAS MOULIN AU ROY à lui verser la somme de 4080€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2019 ;

– Condamner en cause d’appel in solidum la SAS MOULIN AU ROY et la SAS TREEZOR à lui payer la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 septembre 2021, la SAS MOULIN AU ROY demande de :

– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il :

– l’a condamnée à payer à la société Groupe LB la somme de 73.653,20 € TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 22/02/2019 ;

– l’a déboutée de sa demande visant à voir juger que la société Groupe LB a commis une faute à l’origine de son dommage,

– l’a déboutée de sa demande visant à voir condamner in solidum la société Groupe LB et la société TREEZOR à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– a ordonné l’exécution provisoire ;

– a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour chacune des parties.

– Le confirmer pour le surplus,

En conséquence, statuant de nouveau :

– Débouter la société GROUPE LB de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner le cas échéant, la société TREEZOR à la garantir de toutes condamnations ;

– Débouter la société TREEZOR de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner in solidum la société GROUPE LB et la société TREEZOR à lui verser la somme de 7.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 mai 2022.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur la demande de sursis à statuer

Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer formée par la SAS TREEZOR dans l’attente des résultats de l’enquête pénale en cours.

En effet, les éléments de la procédure pénale, dont l’objet est d’identifier l’auteur des faits délictueux et de caractériser l’infraction, ne sont pas de nature à avoir une incidence sur l’instance civile mettant en jeu les éventuelles fautes et responsabilités des plaignantes et de la SAS TREEZOR.

II. Sur la demande en paiement formée par la SAS GROUPE LB à l’encontre la SAS MOULIN AU ROY

Pour s’opposer au paiement des factures émises par la SAS GROUPE LB les 18 décembre 2017 et 29 janvier 2018, correspondant aux situations n° 12 et 13, pour un montant global de 73 653,20€ TTC, la SAS MOULIN AU ROY se prévaut en premier lieu de la théorie du mandat apparent.

Sur ce fondement, le mandant peut être engagé si la croyance du tiers dans les pouvoirs du prétendu mandataire était légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier la réalité de ces pouvoirs.

En l’espèce, la SAS MOULIN AU ROY ne pouvait légitimement croire que le dénommé Monsieur [V] était le directeur administratif et financier de la SAS GROUPE LB, habilité à réclamer au nom de ladite société le paiement de deux factures restées impayées sur un autre compte que celui stipulé expressément au contrat d’engagement du 22 décembre 2016, compte tenu notamment des éléments suivants :

– les situations établies par la SAS GROUPE LB mentionnent en rouge l’existence de très nombreuses tentatives de fraudes par fausse modification des coordonnées bancaires et invitent le co-contractant à procéder à des vérifications ;

– l’appelante ne connaissait pas M. [V] qui n’était pas son interlocuteur habituel ;

– le numéro de téléphone mentionné par M. [V] sur ses mails ‘[XXXXXXXX02] » ne correspond nullement à celui de la SAS GROUPE LB indiqué sur l’acte d’engagement, à savoir ‘ [XXXXXXXX01] » ;

– le RIB produit par M. [V] mentionne comme titulaire du compte ‘MN GROUPE LB [Adresse 5]’ alors que la SAS GROUPE LB apparaît sur tous les documents officiels (contrats, factures) comme domiciliée à [Localité 10].

Au regard de ces observations, les ciconstances alléguées par la SAS MOULIN AU ROY, à savoir que le réglement litigieux a été effectué au vu de deux mails adressés par M. [V] et sur la présentation par celui-ci d’un RIB en apparence conforme, de deux véritables factures émises par la SAS GROUPE LB et deux certificats de paiement, ne la dispensaient pas de vérifier l’existence et les pouvoirs de M. [V], ce qu’elle n’a pas fait.

Par suite, le jugement est confirmé en ce qu’il a écarté l’existence d’un mandat apparent.

En second lieu, la SAS MOULIN AU ROY soutient que la SAS GROUPE LB a commis une faute qui est à l’origine de son préjudice en ayant communiqué à un tiers, M. [V], les deux factures de situations et les deux certificats de paiement dont il s’est servi pour commettre son escroquerie, sans aucune vérification préalable de l’identité et de la qualité de ce dernier.

La cour, à l’instar des premiers juges, considère que la transmission de ces documents ne relève ni d’une légèreté blâmable ni d’un comportement fautif de la SAS GROUPE LB de nature à exonérer la SAS MOULIN AU ROY, ne serait ce que partiellement, de son obligation au paiement.

Ce moyen est également écarté.

Par suite, le jugement est confirmé en ce qu’il a jugé que le paiement effectué entre les mains de l’escroc n’était pas libératoire et a condamné en conséquence la SAS MOULIN AU ROY à payer à la SAS GROUPE LB la somme de 73.653,20€ TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2019 ;

La SAS GROUPE LB sollicite encore la condamnation de la SAS MOULIN AU ROY à lui payer une troisième facture en date du 31 août 2018 d’un montant de 4080€ TTC.

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant, principal ou incident, ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

Aux termes du dispositif de ses conclusions, la SAS GROUPE LB ne sollicite pas l’infirmation de la disposition du jugement qui l’a déboutée de sa demande au titre de ladite facture. Il y a donc lieu à confirmation de ce chef.

III. Sur la responsabilité de la SAS TREEZOR

On relève que dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile, la SAS GROUPE LB ni ne sollicite l’infirmation de la disposition qui l’a déboutée de sa demande de condamnation de la SAS TREEZOR à lui payer, in solidum avec la SAS MOULIN AU ROY, la somme de 73 653,20€, ni ne réitère cette prétention.

Dès lors, la cour n’étant saisie d’aucune demande de ce chef, ne peut que confirmer le jugement sur ce point.

La SAS MOULIN AU ROY demande à être garantie par la SAS TREEZOR de toutes les condamnations prononcées contre elle, en soutenant que celle-ci a engagé sa responsabilité pour avoir manqué à son obligation de vigilance tant au moment de l’ouverture du compte que lors de l’exécution du virement.

La SAS TREEZOR, qui ne méconnaît pas être tenue à une obligation de vigilance lors de l’ouverture des comptes de paiement dans ses livres, réplique qu’elle a sollicité et obtenu toutes les informations nécessaires à l’identification de la société MN et de son dirigeant M. [M] [T] à l’occasion de l’ouverture du compte au nom de cette société; qu’elle n’a pas eu connaissance du RIB falsifié par M. [V] sur la base duquel le virement frauduleux a été effectué ; que depuis le 1er novembre 2009, en vertu de l’article L 133-21 du code monétaire et financier, la responsabilité de la banque réceptionnaire ne peut être engagée lorsque le virement a été exécuté conformément à l’identifiant unique (IBAN) fourni par le donneur d’ordre.

En vertu de l’article R 312-2 ancien du code monétaire et financier (aujourd’hui abrogé), dans sa version applicable au litige, le banquier doit, préalablement à l’ouverture d’un compte, vérifier le domicile et l’identité du postulant, qui est tenu de présenter un document officiel comportant sa photographie. Le banquier doit recueillir et conserver les informations suivantes : nom, prénoms, date et lieu de naissance du postulant, nature, date et lieu de délivrance du document présenté et nom de l’autorité ou de la personne qui l’a délivré ou authentifié.

Pour l’ouverture d’un compte au nom d’une personne morale, le banquier demande la présentation de l’original ou l’expédition ou la copie de tout acte ou extrait de registre officiel datant de moins de trois mois constatant la dénomination, la forme juridique, l’adresse du siège social et l’identité des dirigeants.

Il résulte de l’extrait du site internet de la SAS TREEZOR (pièce n°9 de SAS MOULIN AU ROY) que cette dernière est un établissement de monnaie électronique agréé par l’ACPR qui peut émettre et gérer de la monnaie électronique, mais aussi fournir des services de paiement.

Elle assure un service de tenue de compte qui comprend notamment le fonctionnement du compte et la mise à disposition des moyens de paiement. Elle permet de générer des comptes ‘ibanisés’ à la volée pour attribuer instantanément un IBAN unique à chaque utilisateur.

Contrairement à ce que la SAS TREEZOR soutient, elle était bien soumise aux exigences de l’article R 312-2, qui figure au chapitre II ‘comptes et dépôts’ du titre I ‘les opérations de banque, les services de paiement et l’émission et la gestion de monnaie électronique’ du code monétaire et financier, lorsqu’elle a ouvert le compte de paiement au nom de la société MN dirigée par M. [M] [T].

Il ne peut lui être reproché de pas avoir procédé à des vérifications sur le dénommé M. [V] puisqu’elle n’a pas ouvert de compte ni à son nom ni à celui d’une société lui appartenant.

La SAS TREEZOR justifie avoir recueilli des éléments d’identification concernant M. [T] (passeport) et la société MN dont le siège social se situe [Adresse 7], en particulier les statuts modifiés le 19 octobre 2017 certifiés conformes par le gérant. Les autres documents produits (BO, Creditsafe etc), non datés, ne sont pas probants.

Si l’appelante ne démontre pas avoir sollicité à l’époque l’extrait K bis de l’entreprise, cela est toutefois sans incidence dès lors que les données recueillies (n° d’immatriculation, adresse du siège social, identité du gérant etc) sont en concordance avec celles mentionnées sur l’extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés délivré par le greffe (pièce n° 13 de l’appelante) et que l’existence légale de la société MN est établie.

En revanche, le compte ayant été ouvert en ligne, la SAS TREEZOR a manqué de vigilance en ne vérifiant pas la conformité de la signature et de la photographie reproduites sur le passeport de M. [T] avec celles du postulant ayant procédé effectivement à l’ouverture du compte au nom de la société MN, à savoir M. [V].

Cette négligence fautive est en relation directe avec le dommage subi puisqu’elle a permis au dénommé M. [V] de réaliser son escroquerie en ouvrant un compte sous une fausse identité sur lequel il a pu percevoir le virement litigieux après avoir falsifié le RIB délivré par la SAS TREEZOR.

La SAS MOULIN AU ROY fait encore grief à la SAS TREEZOR d’avoir exécuté l’ordre de virement alors que celui-ci mentionnait comme bénéficiaire ‘ MN/GROUPE LB’ qui ne correspondait pas à l’identité du titulaire du compte, soit ‘MN’ (cf extrait de compte bancaire – pièce n°10 de la SAS MOULIN AU ROY, RIB officiel- pièce n° 15 de l’appelante).

Cependant, l’article L. 133-21 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige dispose que:

‘Un ordre de paiement exécuté conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l’identifiant unique.

(…)

Si l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n’est pas responsable de la mauvaise exécution de l’opération de paiement.

(…)

Si l’utilisateur de services de paiement fournit des informations en sus de l’identifiant unique ou des informations définies dans la convention de compte de dépôt ou dans le contrat-cadre de services de paiement comme nécessaires aux fins de l’exécution correcte de l’ordre de paiement, le prestataire de services de paiement n’est responsable que de l’exécution de l’opération de paiement conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur de services de paiement.’

Il résulte de ce texte que la responsabilité de l’établissement financier du bénéficiaire du virement ne peut être engagée lorsqu’il a exécuté le virement en se conformant à l’identifiant unique (IBAN) fourni par le donneur d’ordre.

L’irresponsabilité prévue par cet article bénéficie aussi bien au prestataire du service de paiement du payeur qu’à celui du bénéficiaire.

En l’espèce, la SAS TREEZOR s’est bien conformée à l’identifiant bancaire (IBAN) transmis par la SAS MOULIN AU ROY.

Elle était dispensée de toute vérification supplémentaire et n’avait pas à vérifier la concordance avec les autres éléments apposés sur le virement.

Ainsi, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir vérifié la condordance entre l’identité du titulaire du compte et la désignation du bénéficiaire du virement. Sa responsabilité ne peut donc être retenue à cet égard au titre d’une violation du devoir de vigilance.

La responsabilité délictuelle de la SAS TREEZOR est donc engagée à l’égard de la SAS MOULIN AU ROY au titre seulement du premier grief.

Toutefois, il résulte des motifs énoncés plus haut que la SAS MOULIN AU ROY a fait preuve de négligence fautive en procédant au virement d’une somme conséquente, conformément aux prétendues modifications de coordonnées bancaires annoncées par une personne qu’elle ne connaissait pas, sans effectuer de vérifications préalables auprès de la société GROUPE LB et alors même que le RIB comportait des anomalies qui auraient dû l’alerter.

La SAS MOULIN AU ROY a ainsi contribué à la production de son dommage dans une proportion que la cour estime à 30% dans ses rapports avec la SAS TREEZOR laquelle, en sa qualité d’établissement financier, a commis la faute la plus grave et endosse dès lors la plus large part de responsabilité.

Par suite, la SAS TREEZOR est partiellement exonérée de sa responsabilité et condamnée à payer à la SAS MOULIN AU ROY une indemnité de 51 557,24€ (70% x 73 653,20€) en réparation de son préjudice.

IV. Sur les demandes accessoires

Aux termes du dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour, la SAS TREEZOR ne demande pas l’infirmation de la disposition du jugement qui l’a condamnée aux entiers dépens. Il y a donc lieu à confirmation de ce chef.

Succombant sur l’essentiel de ses prétentions en appel, la SAS TREEZOR est condamnée aux dépens exposés devant la cour.

Succombant dans ses rapports avec la SAS GROUPE LB, la SAS MOULIN AU ROY est condamnée à lui payer la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

La SAS TREEZOR est condamnée à garantir la SAS MOULIN AU ROY à hauteur de 70% de cette condamnation et à lui payer la somme de 4000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Toute autre demande fondée sur ce texte est rejetée.

La disposition relative aux frais irrépétibles est infirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– condamné la société TREEZOR à payer à la société MOULIN AU ROY la somme de 73 653,20€ ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour chacune des parties ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS TREEZOR à payer à la SAS MOULIN AU ROY la somme de 51 557,24€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

CONDAMNE la SAS MOULIN AU ROY à payer à la SAS GROUPE LB la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE la SAS TREEZOR à garantir la SAS MOULIN AU ROY à hauteur de 70% de cette condamnation et à lui payer la somme de 4000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande fondée sur ce texte ;

CONDAMNE la SAS TREEZOR aux dépens de l’appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

E. FLEURYF. EMILY

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x