Mandat apparent : 5 avril 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 21/02007

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Mandat apparent : 5 avril 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 21/02007

Arrêt n° 148

du 05/04/2023

N° RG 21/02007 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-FCPC

IF/ACH

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 05 avril 2023

APPELANT :

d’une décision rendue le 08 octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TROYES, section ENCADREMENT (n° F 20/00340)

Monsieur [W] [K]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par la SELARL CORINNE LINVAL, avocats au barreau de l’AUBE

Représenté par la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉES :

S.A.S. RIESTER

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par la SELAS BURNICHON PATRICK, avocats au barreau de SAINT-MALO

S.A.S. RIESTER AUTOMOBILES

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par la SELAS BURNICHON PATRICK, avocats au barreau de SAINT-MALO

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 janvier 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président, et Madame Isabelle FALEUR, conseillère, chargées du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 05 avril 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère

Madame Isabelle FALEUR, conseillère

GREFFIER lors des débats :

Mme Maureen LANGLET, greffière placée

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Monsieur [W] [K] a été embauché, à compter du 1er juillet 2017, par la SAS RIESTER en contrat à durée indéterminée en qualité d’attaché commercial pour la vente de véhicules neufs et de véhicules d’occasion, catégorie cadre niveau 1A moyennant une rémunération fixe mensuelle brute de 1250 euros, outre des primes liées aux ventes réalisées et un véhicule de fonction.

Le 28 mars 2019, Monsieur [W] [K] s’est vu notifier une mise à pied disciplinaire de trois jours, du 9 au 11 avril 2019.

Par courrier du 14 novembre 2019, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par la SAS RIESTER AUTOMOBILES.

Au terme de la lettre de licenciement, il lui était reproché de ne pas exécuter de bonne foi son contrat de travail et ne pas observer les directives données par la direction en ayant fait sous-traiter par la carrosserie [U] des travaux de remise en état d’un véhicule Peugeot 208 et en ayant adressé en sous-traitance auprès de la concession JP FROMENT un véhicule Hyundai Tucson et ce, en dépit de l’interdiction de faire effectuer des travaux de sous-traitance en extérieur.

Par requête reçue au greffe le 11 juin 2020, Monsieur [W] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes à l’encontre de la SAS RIESTER AUTOMOBILES aux fins de contester son licenciement et d’obtenir le paiement de diverses indemnités, dommages et intérêts et aux fins de voir déclarer nulle la convention de forfait en jours avec toutes conséquences de droit.

Par acte d’huissier en date du 16 mars 2021, Monsieur [W] [K] a fait assigner la SAS RIESTER en intervention forcée devant le conseil de prud’hommes de Troyes aux fins d’obtenir sa condamnation solidaire à lui payer les sommes sollicitées au titre de la rupture de son contrat de travail, de la nullité de la convention de forfait en jours et du rappel de salaires.

Par jugement en date du 8 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Troyes a:

– déclaré Monsieur [W] [K] recevable et partiellement fondé en ses demandes,

– déclaré la convention de forfait valide à partir du 1er janvier 2019,

– dit que le licenciement de Monsieur [W] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu’il est abusif,

– condamné solidairement la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES à payer à Monsieur [W] [K] les sommes suivantes :

. 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné le remboursement des indemnités chômage à pôle emploi dans la limite de six mois de salaire,

– dit qu’à l’expiration du délai d’appel, une copie de la décision serait transmise à pôle emploi par le greffe du conseil de prud’hommes,

– débouté Monsieur [W] [K] du surplus de ses demandes,

– débouté la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES de l’ensemble de leurs demandes,

– ordonné l’exécution provisoire sur la totalité des condamnations,

– condamné solidairement aux dépens, y compris à ceux d’exécution, la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES.

Monsieur [W] [K] a interjeté appel du jugement de première instance le 8 novembre 2021 pour le voir infirmer en ce qu’il :

– a écarté la nullité du licenciement,

– a écarté la nullité et à tout le moins la privation d’effet de la convention annuelle de forfait en jours,

– l’a débouté de ses demandes :

. de rappel d’heures supplémentaires pour 17’413,92 euros outre 1741,39 euros de congés payés afférents,

. de la contrepartie obligatoire en repos pour 4156,94 euros,

. de dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement sans cause et sérieuse pour 40’008,96 euros,

. de l’indemnité de travail dissimulé pour 20’004,48 euros,

. de la perte de chance de bénéficier d’un capital de fin de carrière de 30’000 euros,

. de dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle pour 20’000 euros,

. d’article 700 du code de procédure civile pour 3000 euros,

. de la capitalisation des intérêts à compter de la mise en demeure du 13 février 2020.

Au terme de ses conclusions notifiées par RPVA le 22 juillet 2022, Monsieur [W] [K] demande à la cour :

– DE JUGER recevable et bien fondé son appel à l’encontre du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Troyes en date du 8 octobre 2021,

– DE CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré recevable les demandes dirigées solidairement contre la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES,

L’infirmant pour le surplus,

– DE CONDAMNER solidairement la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES à lui payer les sommes suivantes :

. 30’000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d’un capital de fin de carrière

. 17’513,92 euros au titre du rappel d’heures supplémentaires pour les années 2017, 2018 et 2019 outre 1751,39 euros au titre des congés payés afférents,

. 4 156,94 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les années 2018 et 2019,

. 20’004,48 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

. 40’008,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins procédant d’un abus de droit,

. 11’669,28 euros, à titre subsidiaire en l’absence de nullité et d’abus de droit, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

. 20’000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

. 4000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

– D’ORDONNER la capitalisation des intérêts à la date de mise en demeure du 13 février 2020,

– DE CONDAMNER solidairement les intimés aux dépens de première instance et d’appel.

Monsieur [W] [K] fait valoir que les prescriptions biennales, triennales et quinquennales qui s’appliquent à chacune de ses demandes ne sont pas encourues, les actions diligentées contre les sociétés défenderesses ayant été introduites à l’intérieur des délais de prescription propres à chaque type de demande.

Subsidiairement, concernant la recevabilité des demandes de dommages et intérêts formulées sur le fondement d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il soutient que la prescription a été interrompue à l’égard de la SAS RIESTER, assignée en intervention forcée le 16 mars 2021, faisant valoir que :

– en application des articles 2241 et 2242 du Code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription jusqu’à l’extinction de l’instance et qu’en vertu de l’article 2245 du Code civil, l’interpellation faite à un débiteur solidaire par une demande en justice interrompt le délai de prescription contre tous les autres; qu’il est, dès lors, recevable à attraire dans la cause toutes les parties concernées par l’exécution et la rupture du contrat de travail à compter du 11 juin 2020 jusqu’à la clôture des débats devant le conseil de prud’hommes.

– il est recevable à formuler, contre toute partie au litige, de nouvelles demandes qui procèdent de la naissance, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail ainsi que l’a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juin 2013 au terme duquel elle a rappelé que si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent le même contrat de travail ; qu’en conséquence l’action diligentée au cours d’une même instance à l’égard de la SAS RIESTER AUTOMOBILES interrompt la prescription des demandes formulées à l’encontre de la SAS RIESTER.

– qu’il existe un lien de droit entre la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES qui l’a licencié dès lors que la lettre de licenciement est imprimée sur un papier à en-tête de la SAS RIESTER AUTOMOBILE et que le signataire de la lettre de licenciement, président de plusieurs sociétés du groupe, a précisé qu’il agissait en sa qualité de président de la SAS RIESTER AUTOMOBILES ; qu’au surplus la SAS RIESTER AUTOMOBILES s’est présentée en audience de conciliation en invoquant des arguments de fond, se reconnaissant comme son employeur.

– qu’en vertu du principe de l’estoppel, la fin de non-recevoir, tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui et qui sanctionne l’attitude procédurale consistant pour une partie au cours d’une instance à adopter des positions contraires, incompatibles entre elles, dans des conditions qui ont pour finalité d’induire en erreur son adversaire sur ses intentions, doit être appliquée en l’espèce dès lors que la SAS RIESTER AUTOMOBILES n’a pas contesté sa qualité d’employeur, en présentant des arguments de fond pour s’opposer à toute conciliation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Troyes, que cette attitude avait pour objectif de l’induire en erreur et qu’elle adopte désormais une position contraire en soutenant avoir procédé par erreur à son licenciement tout en engageant la SAS RIESTER.

– que la SAS RIESTER AUTOMOBILES s’est comportée comme son employeur apparent, dès lors que la SAS RIESTER qui a signé son contrat de travail initial est domiciliée à [Adresse 12], à la même adresse que le siège de la SAS RIESTER AUTOMOBILES, et que l’organisation des activités des sociétés et l’identité de ses dirigeants crée volontairement la confusion, ce qui justifie une condamnation solidaire au visa de la théorie de l’apparence.

– qu’en s’abstenant dans une intention dilatoire de soulever dès l’audience de conciliation, et en tout état de cause dès l’audience de mise en état du 6 novembre 2020, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité d’employeur de la SAS RIESTER AUTOMOBILES et en présentant des arguments de fond devant le bureau de conciliation pour s’opposer à toute condamnation, la SAS RIESTER AUTOMOBILES a agi dans une intention dilatoire et stratégique ayant pour objectif de faire échec à toute régularisation, justifiant ainsi une condamnation solidaire des deux sociétés.

Concernant la convention de forfait en jours, Monsieur [W] [K] soutient que le dispositif conventionnel appliqué par la SAS RIESTER est nul et de nul effet et à tout le moins privée d’effet.

Il expose que, de 2017 à 2018, il s’est vu appliquer un forfait jours sans accord de branche ou d’entreprise valide, sans convention individuelle de forfait en jours, sans contrôle de la charge de travail et des jours travaillés et sans entretien individuel annuel.

Il ajoute que l’avenant à son contrat de travail en date du 31 janvier 2019 à effet du 1er janvier 2019 se limite à reproduire les dispositions de l’article 1.09F de la convention collective du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, dont les dispositions ont été jugées insuffisantes pour assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés, par la Cour de cassation dans un arrêt de la chambre sociale du 9 novembre 2016 numéro 15’15.064 et qu’il ne prévoit pas de manière suffisante la mesure de la charge de travail en dehors de l’entretien individuel annuel et se trouve de ce fait entaché de nullité.

Il affirme qu’à tout le moins, la convention individuelle de forfait est privée d’effet en l’absence de mesure effective par l’employeur de sa charge de travail, des amplitudes de temps de travail et de l’assurance que celle-ci assure une bonne répartition dans le temps de sa charge de travail, lui assurant un équilibre harmonieux entre sa vie professionnelle et familiale.

Monsieur [W] [K] soutient qu’en conséquence la durée de travail doit être appréciée au regard de la durée légale du travail, ce qui justifie un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos dès lors que l’employeur est défaillant dans la charge de la preuve qui lui incombe et qu’il ne produit aucun élément susceptible de remettre en cause le décompte précis des heures travaillées qu’il a versé aux débats.

Il expose que la SAS RIESTER a volontairement violé les règles d’ordre publique afférentes à la forfaitisation de la durée du travail, ce qui caractérise l’existence de l’intention frauduleuse et justifie son indemnisation au titre du travail dissimulé.

Monsieur [W] [K] affirme que son licenciement est de nature disciplinaire et qu’il serait, a minima, dénué de cause réelle et sérieuse s’il n’était nul pour être intervenu dans un contexte de double discrimination.

Il fait valoir que son licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse dès lors que Monsieur [C] [G] l’a licencié en sa qualité de directeur de la SAS RIESTER AUTOMOBILES alors que cette société n’est pas son employeur et dès lors qu’il repose sur des griefs qui sont prescrits d’une part et totalement injustifiés d’autre part.

Il expose que le premier grief, avoir fait sous-traiter des travaux de carrosserie auprès de l’entreprise [U] était prescrit à la date d’enclenchement de la procédure de licenciement puisque la facture du garage [U] est en date du 2 juillet 2019, et qu’il est au surplus infondé, le client ayant expressément souhaité faire réaliser des travaux de réparation par la carrosserie [U] qu’il connaissait personnellement et la SAS RIESTER n’ayant réglé aucune facture ni subi le moindre préjudice.

Il expose que le second grief, avoir fait sous-traiter la réalisation d’un diagnostic par l’entreprise JP FROMENT était prescrit à la date d’enclenchement de la procédure de licenciement puisque son employeur a eu connaissance de ce fait le 4 juillet 2019, et qu’il est au surplus infondé dès lors qu’il a répondu aux besoins du client qui devait partir en vacances en l’adressant au concessionnaire le plus proche de son domicile et que la SAS RIESTER n’a subi aucun préjudice.

Monsieur [W] [K] soutient qu’une double nullité affecte son licenciement.

Il affirme en premier lieu qu’il a subi une discrimination liée à l’âge puisqu’il a réalisé toute sa carrière dans le milieu de l’automobile dans des conditions qui le rendent éligible au versement d’un capital de fin de carrière, à l’âge de 60 ans, que son employeur souhaitait à tout prix éviter de lui payer en le licenciant.Il souligne que son ancien employeur s’abstient de produire les registres des entrées et sorties du groupe pour démontrer que l’âge n’est pas un critère de licenciement.

Il ajoute qu’il a subi une discrimination liée à son état de santé dès lors que son licenciement est intervenu à la suite d’un entretien d’évaluation lors duquel son supérieur hiérarchique a évoqué un arrêt de travail à venir d’une durée d’un mois en raison d’une opération, et à l’issue immédiate de son arrêt de travail du 20 septembre 2019 au 20 octobre 2019.

Monsieur [W] [K] expose qu’il a subi un préjudice économique puisqu’il a été licencié après deux ans et cinq mois d’ancienneté, alors qu’il avait plus de 38 ans d’expérience dans la vente automobile, qu’agé de 59 ans il a tenté en vain de retrouver un emploi et qu’il a finalement dû faire valoir ses droits à la retraite sans pouvoir bénéficier du capital de fin de carrière auquel il aurait pu prétendre.

Il précise que son salaire de référence doit tenir compte du rappel des heures supplémentaires qu’il sollicite et être fixé à la somme de 3334,08 euros mensuels bruts, ce qui justifie une indemnisation à hauteur de 12 mois de salaire soit 40’008,96 euros.

A titre subsidiaire, Monsieur [W] [K] sollicite que la Cour écarte le barème des indemnités de licenciement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où la mauvaise foi de l’employeur constitue une fraude à ses droits.

Il sollicite l’indemnisation de la perte de chance de percevoir un capital de fin de carrière à hauteur de 90 % dudit capital, soit la somme de 30’000 euros et l’indemnisation de son préjudice moral lié à la déloyauté contractuelle de l’employeur à hauteur de 20’000 euros, faisant valoir que ce dernier a volontairement détourné les règles de mise en ‘uvre de la convention de forfait et que les conditions d’exécution de son préavis ont été particulièrement difficiles, le conduisant à un arrêt de travail et à une prise en charge psychologique jusqu’à la fin de la période de préavis.

Au terme de ses conclusions notifées par RPVA le 5 mai 2022, la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES demandent à la cour :

– D’INFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il les a solidairement condamnées à payer à Monsieur [W] [K] les sommes suivantes :

. 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– DE METTRE hors de cause la SAS RIESTER AUTOMOBILES, SAS immatriculé au RCS de Melun sous le numéro 332 590 322 000 27 et le siège social sis [Adresse 3],

– DE JUGER prescrites les demandes formulées par Monsieur [W] [K],

– DE DECLARER irrecevables les demandes formulées par Monsieur [W] [K] concernant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité pour licenciement nul, les dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle, la perte de chance de bénéficier d’un capital de fin de carrière, l’indemnité pour travail dissimulé,

– DE JUGER partiellement prescrite l’action en paiement des salaires,

– DE DEBOUTER Monsieur [W] [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire, sur le fond,

– DE CONFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [K] de ses demandes relatives à l’exécution déloyale du contrat de travail, à la perte de chance de bénéficier du capital de fin de carrière, aux heures supplémentaires, aux congés payés, au repos compensateur, aux dommages et intérêts pour travail dissimulé, aux dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle,

A titre reconventionnel, subsidiairement sur le fond,

– DE CONDAMNER Monsieur [W] [K] au remboursement de la somme de 1267,06 euros correspondant à 12,5 jours de RTT indus,

En tout état de cause,

– DE CONDAMNER Monsieur [W] [K] à payer à la SAS RIESTER AUTOMOBILES la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– DE CONDAMNER Monsieur [W] [K] à payer à la SAS RIESTER la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– DE CONDAMNER Monsieur [W] [K] aux dépens.

La SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES soutiennent que la SAS RIESTER AUTOMOBILES numéro de siret 332 590 322 000 27 n’est pas l’employeur de Monsieur [W] [K] et que le véritable employeur de Monsieur [W] [K], la SAS RIESTER, numéro de siret 746 150 218 000 61 n’a été attraite en la cause que le 16 mars 2021, au-delà du délai de 12 mois imposé par les dispositions de l’article L 1471-1du code du travail. Elles affirment en conséquence que les demandes du salarié sont irrecevables comme étant prescrites que ce soit au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, au titre des demandes relative à la perte de chance de bénéficier d’un capital de fin de carrière, cette demande étant directement liée à la rupture du contrat de travail, ou encore au titre des demandes indemnitaires pour déloyauté contractuelle et travail dissimulé.

Elles soulignent que la saisine du conseil de prud’hommes à l’encontre de la SAS RIESTER AUTOMOBILES ne peut avoir aucun effet interruptif de prescription à l’égard de la SAS RIESTER, que l’interruption de la prescription sur le fondement de l’article 2245 du Code civil suppose une interpellation faite à un débiteur solidaire par une demande en justice et qu’il n’existe en l’espèce aucune solidarité qu’elle soit légale, réglementaire ou jurisprudentielle. Elles ajoutent que l’assignation délivrée le 16 mars 2021 n’a pu interrompre un délai de prescription qui était expiré depuis le 19 novembre 2020.

La SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES font valoir que le principe de l’estoppel peut s’appliquer dès lors que la SAS RIESTER AUTOMOBILES n’a pas changé de stratégie procédurale, n’a pas revendiqué la qualité d’employeur de Monsieur [W] [K], ne s’est pas présentée comme tel et que le fait de commenter une situation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes ne vaut pas reconnaissance de la qualité d’employeur. Elles ajoutent que les premières écritures de la SAS RIESTER AUTOMOBILES ont clairement exposé qu’elle n’était pas l’employeur de Monsieur [W] [K] et que son attitude procédurale et cohérente n’est nullement dilatoire.

Concernant la rupture du contrat de travail, la SAS RIESTER et la SAS RIESTER font valoir qu’une erreur de papier à en-tête ne vicie pas la procédure de licenciement sur le fond.

Elles soutiennent qu’il appartient au juge de redonner au motif du licenciement son exacte qualification et que les éléments mentionnés dans la lettre de licenciement caractérisent une insuffisance professionnelle, de nature à exclure tout jeu de la prescription, l’employeur ayant toujours visé une incompétence notoire de son salarié et non une faute.

Elles exposent que Monsieur [W] [K] a persévéré dans l’insubordination alors qu’il avait déjà été mis à pied pour des faits graves, que les faits mentionnés dans la lettre de licenciement sont établis et qu’ils démontrent l’incompétence professionnelle de Monsieur [W] [K].

Au titre du rappel d’heures supplémentaires, la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES soutiennent qu’en vertu de l’article L 3245-1 du code du travail relatif à la prescription de l’action en paiement ou en répétition du salaire, seules les demandes postérieures au 16 mars 2018 peuvent être examinées par la juridiction prud’homale.

Elles exposent que Monsieur [W] [K] a bénéficié de tous les avantages de la convention de forfait, notamment de la rémunération minimale garantie, que l’avenant régularisé au 1er janvier 2019 était conforme aux dispositions légales et conventionnelles applicables, qu’il existait un outil de contrôle de la charge de travail par le biais d’un suivi individuel mensuel et d’un entretien annuel d’évaluation lors duquel étaient abordées les questions relatives à la charge de travail et à l’équilibre entre la vie professionnelle et privée du salarié. Elles ajoutent que Monsieur [W] [K] a bénéficié, entre le 28 février 2018 et le 25 juin 2019, de 11,5 jours de RTT et de 7 jours de récupération.

Les intimées contestent que Monsieur [W] [K] ait effectué des heures supplémentaires, affirmant que les agendas communiqués sont dépourvus de toute valeur probante, qu’aucun horaire précis n’y est mentionné et qu’il n’est pas démontré que les tâches ont été réellement exécutées.

Elles contestent la validité des attestations produites par Monsieur [W] [K] et soutiennent qu’il ressort de l’attestation de Monsieur [I] [E] que Monsieur [W] [K] n’arrivait jamais avant 9 heures-9 heures 15 et qu’il partait au plus tard à 18 heures.

Elles font valoir que Monsieur [W] [K] oublie avoir pris 12,5 jours de RTT entre mars 2018 et novembre 2019 et que dans l’hypothèse où la juridiction reconnaîtrait des heures supplémentaires prétendument effectuées par Monsieur [W] [K], celui-ci devrait être condamné à rembourser à la SAS RIESTER les RTT pris sur la période non prescrite, à savoir 12,5 jours pour un montant de 1.267,06 euros.

La SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES affirment que la demande relative au capital de fin de carrière est prescrite au sens de l’article L 1471-1 du Code du travail.

Elles ajoutent que Monsieur [W] [K] ne remplit pas les conditions du régime de prévoyance et que les évènements susceptibles de lui ouvrir droit au capital de fin de carrière sont situés dans l’avenir et sont sujets à son futur déroulé de carrière.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes formulées à l’encontre de la SAS RIESTER et de la SAS RIESTER AUTOMOBILES:

En faisant valoir qu’il est recevable à formuler, contre toute partie au litige, de nouvelles demandes qui procèdent de la naissance, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail, Monsieur [W] [K] se fonde sur la règle de l’unicité de l’instance qui a été supprimée par la réforme issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016.

Il ne peut davantage se fonder sur le principe de l’estoppel dès lors que le changement de stratégie procédurale de la SAS RIESTER AUTOMOBILES est insuffisamment caractérisé en ce que si cette société s’est présentée en audience de conciliation du bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Troyes et n’a, alors, pas indiqué qu’elle n’était pas l’employeur de Monsieur [W] [K], elle a pu dans la suite de l’instance, sans qu’il s’en déduise ipso facto une intention de nuire, faire valoir des moyens de droit pour contester cette qualité.

C’est à raison en revanche que Monsieur [W] [K] soutient qu’en vertu de la théorie de l’apparence, ses demandes sont recevables à l’encontre de la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES qui devront en répondre solidairement.

L’article L 1232-6 du code du travail prévoit que lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

Une lettre de licenciement signée par une personne en apparence habilitée à le prononcer engage l’entreprise.

Par ailleurs la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé le 23 septembre 2009, dans un arrêt n° 07-42.707, qu’une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs.

C’est à raison que Monsieur [W] [K] fait valoir que la SAS RIESTER AUTOMOBILES a agi, en le licenciant, comme son employeur apparent, créant la confusion dans l’identité de l’employeur et ce d’autant que durant toute la relation contractuelle, l’identité de l’employeur de Monsieur [W] [K] a été particulièrement fluctuante sur les divers documents contractuels.

Il est en effet établi par le contrat de travail, avenant au contrat de travail, bulletins de de salaire, lettre de licenciement et documents de fin de contrat produits aux débats que :

– le contrat de travail initial de Monsieur [W] [K] a été établi par la SAS RIESTER située [Adresse 1], numéro de siret 746 150 218 000 79, et signé par Monsieur [C] [G] en qualité de directeur général,

– l’avenant au contrat de travail a été établi par la SAS RIESTER numéro de siret 746 150 218 000 20, située [Adresse 8], et signé par Monsieur [C] [G] en qualité de président, avec un tampon de la société RIESTER ROMILLY CONCESSIONNAIRE,

– les bulletins de salaire de Monsieur [W] [K] ont été établis par la société RIESTER ROMILLY située [Adresse 11],

– la lettre de licenciement de Monsieur [W] [K] a été établie par la SAS RIESTER AUTOMOBILES numéro de siret 332 590 322 située [Adresse 3], et signée par Monsieur [C] [G] en qualité de président, avec un tampon de la SAS RIESTER AUTOMOBILES

– le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi ont été établis par RIESTER ROMILLY située [Adresse 11], avec un tampon de la société RIESTER COULOMMIERS située [Adresse 4].

Contrairement à ce que prétendent la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES, c’est bien la SAS RIESTER AUTOMOBILES qui, en vertu de l’article L 1232-6 du code du travail a procédé au licenciement de Monsieur [W] [K] étant souligné que, non seulement le papier à en-tête est celui de la SAS RIESTER AUTOMOBILES mais également que le signataire de la lettre de licenciement a pris soin de préciser, s’agissant de Monsieur [C] [G], président de plusieurs sociétés du groupe, qu’il agissait en sa qualité de président de la SAS RIESTER AUTOMOBILES dont le siège se situe [Adresse 3].

Il ne s’agit donc pas d’une simple erreur de papier en-tête.

Le licenciement prononcé par la SAS RIESTER AUTOMOBILES a été ratifié et exécuté par la SAS RIESTER puisque le certificat de travail mentionne une fin de contrat au 12 février 2020.

Du fait de la confusion qu’elles ont créé, de leur étroite imbrication en raison de l’identité de leur objet social et de leur dirigeant, la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES seront, en vertu de la théorie de l’apparence, tenues solidairement à l’égard de Monsieur [W] [K] des conséquences de la rupture du code du travail.

Au terme de l’article 2245 du code civil, l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée, ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers.

En conséquence, la demande en justice formée à l’encontre de la SAS RIESTER AUTOMOBILES le 11 juin 2020 a interrompu la prescription à l’encontre de la SAS RIESTER de sorte que, sous réserve des prescriptions afférentes à chaque demande, l’action de Monsieur [W] [K] est recevable à l’encontre de la SAS RIESTER et de la SAS RIESTER AUTOMOBILES qui seront tenues d’en répondre solidairement.

Sur la nullité de la convention de forfait:

La relation salariale peut être soumise, quant à la durée du travail à une convention individuelle de forfait en jours pour les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service, de l’équipe auxquels ils sont intégrés.

Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut par une convention ou un accord de branche et l’accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l’année doit notamment déterminer la période de référence du forfait, le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise.

À défaut de telles garanties, l’accord est nul et il en est de même de la convention individuelle de forfait conclue en application d’un tel accord.

En revanche la convention individuelle de forfait est seulement privée d’effet ou inopposable au salarié lorsque l’employeur a été défaillant dans la mise en ‘uvre des mécanismes de contrôle et de suivi prévus par la convention ou l’accord collectif d’entreprise.

Le contrat de travail de Monsieur [W] [K] établi le 1er juillet 2017 ne comporte aucune mention sur la durée du travail. Il ne comporte pas davantage de mention relative à un forfait en jours.

Pourtant, sur les bulletins de salaire, l’employeur fait référence à une rémunération forfaitaire sur la base d’un forfait de 218 jours par an.

Par ailleurs l’employeur n’a, durant cette période, contrôlé ni le nombre de jours travaillés, ni la charge de travail ni l’articulation entre l’activité professionnelle du salarié et sa vie personnelle.

Il est donc établi que du 1er juillet 2017 jusqu’au 1er janvier 2019, date de la prise d’effet de l’avenant du 31 janvier 2019, Monsieur [W] [K] s’est vu appliquer un forfait en jours sans convention individuelle de forfait en jours.

La convention non écrite de forfait en jours résultant de ses bulletins de salaire est nulle et au surplus privée d’effet faute de contrôle du temps de travail par l’employeur.

Durant la période du 1er juillet 2017 au 1er janvier 2019, le temps de travail de Monsieur [W] [K] devait donc être comptabilisé conformément aux règles de droit commun.

L’avenant au contrat de travail établi le 31 janvier 2009, à effet du 1er janvier 2019, mentionne que Monsieur [W] [K] est embauché sur la base du forfait jours annuel de 218 jours de travail annuel du 1er janvier au 31 décembre de chaque année, conformément à l’avenant numéro 70 du 3 juillet 2014 relatif aux conventions de forfait jours et conformément aux dispositions de l’article 4.06 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.

En son article 3, l’avenant au contrat de travail reproduit l’article 4.06 de la convention collective qui prévoit que l’horaire de travail des salariés qui ont conclu une convention de forfait en jours, conformément aux dispositions de l’article 1.09f de la convention collective n’étant pas contrôlable, les entreprises sont tenues d’assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail par les moyens suivants :

– un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à disposition à cet effet, qui fera apparaître le nombre et la date des journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels, jours fériés chômés, jour de repos liés au forfait, autres jours non travaillés et qui devra rappeler la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnable,

– un autre dispositif ayant la même finalité voire un système informatique, après consultation des représentants du personnel lorsqu’il en existe,

– un entretien individuel au cours duquel un point sera fait avec le salarié sur sa charge de travail, son organisation de travail, l’amplitude de ses journées de travail et l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale.

L’avenant au contrat de travail comporte un article 3bis intitulé ‘suivi du temps de travail et de la charge de travail’ qui stipule que Monsieur [W] [K] devra remplir le document individuel de contrôle des journées et demi-journées travaillées, en vigueur dans l’entreprise, et le remettre à l’employeur à chaque fin de mois, que ce document mentionnera l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle du salarié ainsi que les appréciations du salarié sur ce point, qu’un décompte récapitulatif annuel sera opéré en décembre de chaque année, qu’un entretien d’évaluation de suivi de la charge de travail du salarié sera organisé chaque année au cours du premier trimestre de l’année civile pour évaluer notamment, la charge et les conditions de travail, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, la rémunération, les modalités de l’exercice du droit à la déconnexion.

Il est prévu qu’à l’occasion de cet entretien, un bilan sera opéré et que si nécessaire, il sera effectué un réaménagement des charges et des conditions de travail de Monsieur [W] [K].

Dans un arrêt du 9 novembre 2016, numéro 15’15.064, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé insuffisantes pour assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié les dispositions de l’article 1.09f alors applicable de la convention collective du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.

Toutefois, les dispositions de l’article 4.06 de la convention collective, jugées insuffisantes par la cour de cassation ont été modifiées par l’avenant n° 70 du 3 juillet 2014 et sont conformes aux dispositions légales alors applicables.

L’avenant au contrat de travail de Monsieur [W] [K] conclu le 31 janvier 2019, inclut une convention individuelle de forfait, prise en application de la convention collective nationale modifiée, qui comporte des stipulations suffisantes pour assurer la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Il n’y a donc pas lieu de prononcer la nullité de la convention individuelle de forfait.

En revanche, Monsieur [W] [K] fait valoir avec raison que son employeur a été défaillant dans le contrôle de sa charge et de son temps de travail.

Les article L3121-60 et L 3121-65 du code du travail, dans leur rédaction applicables au litige, prévoient que l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, qu’il établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, qui peut être renseigné par le salarié sous la responsabilité de l’employeur, qu’il s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires et qu’il organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Si l’entretien annuel a bien eu lieu, le 17 septembre 2019, l’employeur ne rapporte pas la preuve du respect de ses autres obligations. Il produit aux débats les photocopies, illisibles, de deux tableaux qui semblent correspondre à l’activité mensuelle de Monsieur [W] [K].

En tout état de cause, le suivi du nombre des journées ou demi-journée travaillée n’a pas eu lieu chaque mois.

Par ailleurs, l’employeur n’a pas pris en compte l’articulation entre l’activité professionnelle de Monsieur [W] [K] et sa vie personnelle, dès lors qu’il est indiqué en dernière page de son entretien annuel que, compte tenu de son opération chirurgicale prévue le 20 septembre 2019, il va être absent pendant un mois minimum, que ses objectifs fixés pour la fin d’année vont être difficilement atteignables, qu’il s’engage à tout faire pour y arriver quand même.

Il en résulte que l’employeur n’a tenu aucun compte de l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle du salarié dès lors que compte tenu de son absence d’un mois minimum, il aurait dû réduire les objectifs de vente.

Il résulte de ces éléments que la convention individuelle de forfait en jours est privée d’effet pour la période du 1er janvier 2019 jusqu’au licenciement du salarié.

Au regard de la nullité et de l’absence d’effet du dispositif de forfait en jours pour toute la durée de la relation contractuelle, la durée du temps de travail de Monsieur [W] [K] doit être appréciée au regard de la durée légale du travail de 35 heures et les heures accomplies au-delà de la durée légale doivent être valorisées en tenant compte d’une majoration à 25 % pour les huit premières heures et 50 % au-delà.

Sur les heures supplémentaires et les contreparties obligatoire en repos:

L’article L 3245-1 du code du travail stipule : « L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ».

Le contrat de travail a été rompu le 16 février 2020.

Il résulte de la combinaison des articles L.3245-1 et L.3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, que pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré.

Ainsi, le contrat de travail de Monsieur [W] [K] ayant été rompu le 16 février 2020, la demande de rappel d’heures supplémentaires et de repos compensateurs n’encourt aucune prescription.

Aux termes de l’article L 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Contrairement à ce que soutiennent la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES, Monsieur [W] [K] apporte des éléments particulièrement précis relatifs à ses heures de travail, en ce qu’il produit aux débats, non seulement les photocopies de ses agendas sur lesquels figurent ses rendez-vous, qui permettent d’établir qu’il a régulièrement travaillé six jours par semaine, mais également un tableau précis de ses heures de travail chaque semaine, mois et année de la relation contactuelle.

Face à ces éléments, les intimées ne fournissent aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, à l’exception d’une attestation, émanant de Monsieur [I] [S] [Y] [R], mécanicien au sein de la société Riester Romilly qui atteste que Monsieur [W] [K] arrivait presque tous les matins vers 9h/9h15 et repartait le soir vers 18 heures.

Toutefois ce témoin, qui est mécanicien, n’explique pas en quoi il était en mesure de contrôler quotidiennement les horaires de Monsieur [W] [K], vendeur automobile travaillant dans un autre service.

Par ailleurs, il se trouve toujours dans un lien de subordination vis-à-vis des intimées et son attestation n’est corroborée par aucun autre élément.

Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir les demandes de Monsieur [W] [K] au titre des heures supplémentaires et des contreparties obligatoires en repos, compte tenu du dépassement du contingent des 220 heures supplémentaires annuelles.

Au titre des heures supplémentaires il y a lieu de faire droit à ses demandes à hauteur de 3224,18 euros pour l’année 2017, 8 610,48 euros pour l’année 2018, 5679,26 euros pour l’année 2019 soit un total de 17’513,92 euros, outre 1751,39 euros au titre des congés payés afférents.

Au titre des contreparties obligatoires en repos, il y a lieu de faire droit à ses demandes à hauteur de 2849,76 euros pour l’année 2018 et 1307,18 euros pour l’année 2019, soit un total de 4 156,94 euros, étant souligné que cette somme n’inclut pas les congés payés afférents que Monsieur [W] [K] sollicite dans les motifs de ses conclusions mais pas dans le dispositif.

Le jugement de première instance sera infirmé de ce chef et la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES seront solidairement condamnées à payer à Monsieur [W] [K] la somme de 17’513,92 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 1751,39 euros de congés payés afférents et la somme de 4 156,94 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos.

Sur le travail dissimulé:

L’article L 8223-1 du code du travail prévoit qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’ action en paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé issue de l’article L. 8223-1 du code du travail est soumise à la prescription quinquennale et court à compter du jour où le salarié a eu connaissance effective des éléments lui permettant d’exercer son droit.

Cette indemnité n’étant exigible qu’en cas de rupture de la relation de travail , le point de départ de la prescription dont disposait Monsieur [W] [K] est le 16 février 2020.

Il n’est donc pas prescrit en ses demandes.

Seule la dissimulation intentionnelle d’une activité ou d’un emploi au préjudice du salarié expose l’employeur au versement d’une indemnité forfaitaire.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut pas se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite.

En l’espèce, l’employeur s’est abstenu de contrôler la durée de travail de Monsieur [W] [K], mais il ne peut être déduit de cette absence de contrôle une volonté de dissimuler le nombre d’heures réellement travaillées.

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [K] de sa demande au titre du travail dissimulé.

Sur la nullité du licenciement pour discrimination liée à l’âge et à l’état de santé:

L’article L 1134-5 du code du travail stipule que l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée.

Il résulte de ces dispositions que Monsieur [W] [K] est recevable en sa demande de nullité de son licenciement pour discrimation lié à son âge et à son état de santé.

Selon l’article L1132-1 du code du travail « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008- 496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ».

L’article L1134-1 du code du travail stipule :

‘ Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« Je fais suite à l’entretien préalable qui s’est déroulé en date du 5 novembre dernier, au cours duquel vous ont été notifiés les griefs retenus à votre encontre.

Nous avons recueilli vos explications.

Au vu de ces éléments, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En effet, alors que vous occupez le poste d’attaché commercial VO, statut cadre, niveau 1A, dans notre société depuis le 1er juillet 2017, nous avons eu à déplorer de votre part, un comportement ne permettant plus de garantir une collaboration sereine.

En effet, nous vous avions notifié par courrier du 28 mars 2019 une mise à pied disciplinaire qui n’a jamais été contestée et qui reposait sur des faits très graves consistant en de multiples fabrications et utilisations de fausses plaques d’immatriculation sur des véhicules en stock de l’entreprise, plaques dont vous aviez assuré vous-même la fabrication.

Vous avez reconnu avoir interverti ou modifié des chiffres et des lettres sur lesdites plaques vous permettant ainsi d’échapper au contrôle et / ou répression des infractions par vous commises à bord des véhicules concernés.

Ces faits sont d’une extrême gravité et nous avons montré à votre encontre une forme de bienveillance en limitant la sanction disciplinaire qui vous a été notifiée: une mise à pied de trois jours du 9 au 11 avril 2019.

Alors que vous auriez dû adopter un comportement exemplaire face à des faits qui auraient largement justifié un licenciement pour faute grave, vous vous autorisez à adopter une attitude délétère et provocante dans le cadre de l’exécution de votre contrat de travail.

Nous avons eu à déplorer à votre encontre deux griefs qui démontrent votre volonté de ne pas exécuter de bonne foi votre contrat de travail et de ne pas observer les directives qui vous sont données par votre Direction.

C’est ainsi que vous avez adressé chez l’un de nos concurrents, la carrosserie [U], un véhicule PEUGEOT 208, immatriculé [Immatriculation 10], (véhicule de prêt qui avait été endommagé par le client (latéral droit)).

Vous avez, de votre propre chef, fait sous-traiter par la carrosserie [U] les travaux de remise en état, facturés au nom de la société RIESTER et réglés directement par le client, alors que vous saviez pertinemment que nos concessions disposent de services de carrosserie et que notre marge sur les travaux extérieurs est nulle, en ajoutant la perte de temps y afférent.

Vous avez ainsi délibérément enfreint les instructions de votre Direction générale, pourtant réitérées par écrit (notamment mail du 4 juillet 2019).

De même, vous vous êtes autorisé à adresser en sous-traitance, un véhicule HYUNDAI TUCSON, immatriculé [Immatriculation 9], auprès de la concession JP FROMENT de TROYES.

Malgré l’interdiction de votre Direction générale d’effectuer des travaux de sous-traitance en extérieur, vous avez délibérément dirigé le véhicule du client vers un concurrent.

Nous nous sommes donc retrouvés avec une facture de 90 euros à régler pour un diagnostic qui a d’ailleurs conclu à une absence de prise en charge en garantie de la batterie défectueuse.

Le fait, une nouvelle fois, d’adresser en extérieur des travaux qui pouvaient parfaitement être effectués en interne et ce malgré l’interdiction générale de votre Direction, constitue un nouveau manquement à vos obligations contractuelles qui ne permettent plus la poursuite d’une relation transparente et sereine.

Dans ces conditions, votre contrat de travail prendra fin à l’expiration de votre préavis conventionnel au terme duquel vous seront remis les éléments afférents à votre solde de tout compte (…)

Le juge doit donner au motif de licenciement son exacte qualification et contrairement à ce que soutiennent la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES, Monsieur [W] [K] a été licencié pour motif disciplinaire et non pour insuffisance professionnelle.

Il lui est en effet reproché d’avoir, par deux fois, délibérément agi en violation des directives de son employeur. Le refus de suivre les instruction de l’employeur constitue une faute et non une insuffisance professionnelle.

Monsieur [W] [K] a été convoqué le 25 octobre 2019 à un entretien préalable qui s’est tenu le 5 novembre 2019.

Or à la date de la convocation à entretien préalable les deux griefs qui figurent dans la lettre de licenciement étaient largement prescrits par application de l’article L 1332-4 du code du travail qui stipule qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Il est en effet établi, par la facture en date du 2 juillet 2019, que les intimées produisent aux débats, que l’employeur a eu connaissance dès le mois de juillet 2019 qu’un véhicule avait été adressé à la carrosserie [U].

Il est par ailleurs établi, par un échange de courriers électroniques entre Monsieur [W] [K] et Monsieur [C] [G], président, en date du 4 juillet 2019, que ce dernier a eu connaissance dès cette date de la réalisation d’un diagnostic par l’entreprise JP FROMENT.

Il convient de souligner, au surplus, qu’au vu des attestations de Monsieur [M] [U], gérant de la carrosserie [U] et de Monsieur [O], client, qui expliquent que les travaux sur le véhicule ont été confiés à la carrosserie en raison du souhait du client, la matérialité du premier grief est insuffisamment établie.

La matérialité du second grief n’est pas davantage établie dès lors que Monsieur [W] [K] explique avoir conseillé à un de ses clients qui partait en vacances et dont le véhicule était en panne de s’adresser au concessionnaire le plus proche de son domicile compte tenu de l’urgence.

Il sera souligné que Monsieur [W] [K] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement quatre jours seulement après son retour dans l’entreprise à la suite d’un arrêt maladie d’un mois en raison d’une opération chirurgicale et que son employeur l’a licencié en invoquant des faits fautifs par leur nature, prescrits depuis plusieurs mois et au surplus infondés.

Par ailleurs ce licenciement est intervenu après un entretien d’évaluation du 17 septembre 2019 durant lequel son supérieur hiérarchique a évoqué l’arrêt de travail à venir de Monsieur [W] [K], d’un mois minimum, et a fait remarquer l’incidence d’une suspension de son contrat sur ses performances déjà jugées ‘en recul’.

Enfin Monsieur [W] [K] a été licencié alors qu’il était âgé de 58 ans et qu’ayant réalisé toute sa carrière dans le milieu de l’automobile, il était éligible à un capital de fin de carrière à en cas de départ volontaire à la retraite à l’âge de 60 ans.

Ces éléments laissent présumer l’existence d’une double discrimination liée à l’état de santé et à l’âge de Monsieur [W] [K].

La SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES soutiennent qu’elles embauchent des salariés âgés de plus de 55 ans, ainsi que cela a été le cas pour Monsieur [W] [K] mais, à l’exception de la première page d’un contrat de travail d’une cadre commerciale née en 1964, elle ne produisent aucun élément pour en justifier, tel qu’un registre du personnel.

Elles soutiennent aussi, à juste titre, que le capital de fin de carrière est versé par l’organisme de prévoyance professionnelle IRP AUTO et que l’employeur n’en fait que l’avance.

Au vu de ces éléments, il n’est pas établi que Monsieur [W] [K] ait été licencié en raison de son âge, pour éviter à l’employeur de verser le capital de fin de carrière.

En revanche, il l’a été en raison de son état de santé, jugé défavorable par l’employeur au maintien de sa performance.

Le licenciement de Monsieur [W] [K] est donc nul et le jugement de première instance sera infirmé en ce qu’il l’a jugé sans cause réelle et sérieuse

Sur les demandes indemnitaires de Monsieur [W] [K]:

* sur l’indemnité pour licenciement nul:

Compte tenu du rappel d’heures supplémentaires, le salaire mensuel brut de référence de Monsieur [W] [K] doit être fixé à la somme de 3334,08 euros.

Il est établi par les documents qu’il produit aux débats, qu’après une période de chômage, au cours de laquelle il a été indemnisé jusqu’au 28 février 2021, Monsieur [W] [K] a pris sa retraite à compter du 1er mars 2021, le cumul de sa retraite CARSAT et de sa retraite AGIRC ARRCO s’élèvant à 1972 euros nets par mois.

En application de l’article L 1235-3-1 du code du travail, le salarié dont le licenciement est discriminatoire a droit à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.

Il y a lieu en conséquence de condamner solidairement la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES à payer à Monsieur [W] [K] la somme de 25’000 euros à titre d’indemnité en raison de la nullité de son licenciement.

* sur les dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle:

Selon l’article L. 1471-1 du code du travail toute action portant sur l’ exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Au titre de la déloyauté contractuelle justifiant l’indemnisation de son préjudice moral, Monsieur [W] [K] reproche à l’employeur un détournement des règles de mise en ‘uvre de la convention de forfait, l’exécution de son préavis dans un contexte difficile, ses collègues ayant reçu l’ordre de ne pas communiquer avec lui et d’informer ses clients sur son départ.

La convention de forfait ayant été appliquée jusqu’au licenciement et le préavis ayant pris fin le 16 février 2020, les demandes de Monsieur [W] [K] ne sont pas prescrites.

Il appartient à Monsieur [W] [K] de prouver la faute de l’employeur, l’existence de son préjudice et le lien de causalité entre les deux.

Il n’est pas établi que les collègues de Monsieur [W] [K] devaient s’abstenir de communiquer avec lui pendant la période de son préavis.

Il est en revanche établi par deux attestations qu’ils informaient les clients qui demandaient à lui parler que Monsieur [W] [K] ne faisait plus partie de la société. Cette information n’est toutefois pas fautive.

La mise en place d’un forfait jours en l’absence de toute convention individuelle de forfait pendant plus d’un an, et l’absence de suivi de la durée du travail de Monsieur [W] [K], dans les circonstances ci-dessus rappelées, constituent un manquement de l’employeur à son obligation en matière de santé et de sécurité des travailleurs et à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.

Il est établi qu’en raison de difficultés psychologiques Monsieur [W] [K] a dû être placé en arrêt de travail jusqu’à l’issue du préavis.

Il n’apparaît pas toutefois que le préjudice de Monsieur [W] [K], lié à son état psychologique pendant la durée du préavis, soit en relation avec les manquements de l’employeur dans le cadre du dispositif de forfait en jours.

Ils sont en lien avec rupture du contrat de travail qui a été réparée par l’octroi de dommages et intérêts à hauteur de 25’000 euros.

En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle.

Sur la perte de chance de bénéficier d’un capital de fin de carrière:

La SAS RIESTER AUTOMOBILES et la SAS RIESTER soutiennent à tort que les demandes de ce chef sont prescrites dès lors que l’action en responsabilité pour perte de chance relève du régime de la prescription quinquennale de droit commun.

La notion de perte de chance s’analyse comme la disparition certaine d’une éventualité favorable. Le demandeur doit démontrer qu’il avait des chances d’obtenir satisfaction dans ses demandes. Le juge ne peut rejeter la demande en réparation d’une perte de chance sans caractériser l’absence de toute probabilité de l’événement concerné. La réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Il est établi que Monsieur [W] [K] a été licencié alors qu’il avait une ancienneté de plus de 38 ans dans la vente automobile et qu’il était âgé de 58 ans.

Il est établi par la notice explicative de l’IRP AUTO, qu’il produit aux débats, que si Monsieur [W] [K] était parti volontairement à la retraite à partir de 60 ans, ou avant 60 ans dans le cadre du dispositif des carrières longues, il aurait pu prétendre à un capital de fin de carrière dans la mesure où il bénéficiait d’au moins 20 ans d’ancienneté dans la profession au terme de son préavis, dont au moins un an continu dans l’entreprise ; au vu de son ancienneté dans la profession, il aurait pu bénéficier d’un capital de fin de carrière de 24’909 euros.

Au vu de son ancienneté dans la profession, il est permis de penser que Monsieur [W] [K], s’il n’avait pas été licencié, aurait terminé sa carrière au sein de la SAS RIESTER.

Ainsi, il a subi une réelle perte de chance de percevoir le capital de fin de carrière.

Compte tenu de ces éléments et dans la mesure où Monsieur [W] [K] sollicite l’application d’un coefficient de 90%, il convient de condamner solidairement la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES à lui payer la somme de 22 418 euros.

Sur le remboursement par Monsieur [W] [K] des jours de RTT.

Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

Il a été précédemment statué que la convention de forfait à laquelle Monsieur [W] [K] était soumise était nulle et privée d’effet pendant toute la durée de la relation de travail de sorte que le paiement des 12,5 jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu.

Monsieur [W] [K] est donc tenu à restitution à la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES la somme de 1267,06 euros.

Sur les autres demandes:

Il convient de rappeler que les condamnations salariales sont prononcées sous déduction des cotisations sociales et salariales applicables.

En application des articles L 1132-4 et L 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner le remboursement à Pôle emploi, solidairement par la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES qui ne justifient pas employer moins de 11 salariés, des indemnités de chômage versées à Monsieur [W] [K] dans la limite de six mois.

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2020, date de la première réunion du bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Troyes dans la mesure où la Cour ne dispose pas des éléments permettant de dater le jour de la présentation à la SAS RIESTER AUTOMOBILES de la lettre la convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Troyes.

Les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il convient par ailleur d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

La SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES succombant en leurs demandes, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il les a solidairement condamnées à payer à Monsieur [W] [K] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles et les a solidairement condamnées aux dépens, à l’exception des dépens d’exécution qui ne concernent pas le présent litige.

Statuant à nouveau et y ajoutant, il convient de condamner solidairement la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES à payer à Monsieur [W] [K] la somme de 1500 euros au titre des des frais irrépétibles d’appel.

La SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES sont solidairement condamnées aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement de première instance sauf en ce qu’il a :

– solidairement condamné la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES à payer à Monsieur [W] [K] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné le remboursement des indemnités chômage à pôle emploi dans la limite de six mois de salaire,

– débouté Monsieur [W] [K] de ses demandes indemitaires au titre du travail dissimulé et de l’exécution déloyale du contrat de travail

– solidairement condamné la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES aux dépens de première instance.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE Monsieur [W] [K] recevable en ses demandes à l’égard de la SAS RIESTER et de la SAS RIESTER AUTOMOBILES,

DECLARE nulle et privée d’effet la convention individuelle de forfait en jours,

CONDAMNE solidairement la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES à payer à Monsieur [W] [K] les sommes suivantes :

. 17’513,92 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 1751,39 euros de congés payés afférents pour les années 2017, 2018 et 2019,

. 4 156,94 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les années 2018 et 2019,

CONDAMNE Monsieur [W] [K] à payer à la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES la somme de 1267,06 euros, en remboursement des jours RTT indûment rémunérés,

DIT que le licenciement de Monsieur [W] [K] est nul,

CONDAMNE la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES solidairement à payer à Monsieur [W] [K] :

. la somme de 25’000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la nullité du licenciement,

. la somme de 22’418 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d’un capital de fin de carrière.

RAPPELLE que les condamnation salariales sont prononcées sous déduction des cotisations sociales et salariales applicables,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2020,

DIT que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

DIT que les dépens de première instance auxquels la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES sont solidairement condamnées ne comprennent par les frais d’exécution,

CONDAMNE solidairement la SAS RIESTER et la SAS RIESTER AUTOMOBILES à payer à Monsieur [W] [K] la somme de 1500 euros au titre des des frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE solidairement la SAS RIESTER et la SAS RIESTER aux dépens de la procédure d’appel.

La Greffière La Conseillère

 


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