Mandat apparent : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00273

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Mandat apparent : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00273

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00273 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBGVR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2019 -Tribunal de Grande Instance d’EVRY – RG n° 17/07994

APPELANTE

SARL IMMO CONTROLE

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 423 142 793

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

SCI FONCIERE BALLAINVILLIERS

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : 449 489 178

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Me Bertrand THOUNY de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030 substitué à l’audience par Me Florence RENAUDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GIROUSSE, conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Gilles BALAY, président

Monsieur Douglas BERTHE, conseiller

Madame Marie GIROUSSE, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Yulia TREFILOVA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Gilles BALAY, président et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre du 2 décembre 2016, la société Horizon Developpement a adressé à la société Arizona Asset Management, une ‘lettre d’intention d’acquérir le local situé à [Adresse 6] ‘, appartenant à la SCI Foncière Ballainvilliers, pour un prix net vendeur de 700.000 € HT. Elle précisait que la société Horizon Developpement serait chargée de la commercialisation de ce bien et qu’elle-même intervenait dans l’intérêt de sa cliente la société Immo Contrôle.

Le 06 décembre 2016, l’offre d’achat a été renvoyée signée par un salarié de la société Arizona Asset Management avec les mentions ‘offre acceptée au prix de 700 000 € net vendeur’ et « offre caduque le 06 janvier 2017 ».

Après plusieurs échanges de courriers entre les notaires des parties, le 22 mars 2017, la SCI Foncière Ballainvilliers a informé la société Immo Contrôle de son refus de vendre le bien en cause.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mai 2017, la société Immo Contrôle a mis en demeure la propriétaire du local de régulariser sous quinzaine la promesse de vente, mise en demeure à laquelle cette dernière s’est opposée.

Par acte d’huissier du 17 novembre 2017, la société Immo Contrôle a fait assigner la SCI Foncière Ballainvilliers devant le tribunal de grande instance d’Evry aux fins d’obtenir la vente forcée de l’immeuble litigieux. La propriétaire s’est opposée à cette demande;

Par jugement du 18 novembre 2019, le tribunal de grande instance d’Evry a débouté la société Immo Contrôle de l’intégralité de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles et à ordonner l’exécution provisoire.

Par déclaration du 19 décembre 2019, la société Immo Contrôle a interjeté appel total du jugement.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 07 septembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions déposées le 1er septembre 2022, la société Immo Contrôle demande à la Cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes, l’a condamnée au dépens et dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles ; statuant à nouveau, de déclarer acquise au jour du jugement la vente du local commercial en cause, pour le prix de 700 000 €, outre les frais, droits et émoluments de l’acte authentique, leurs suites et leurs conséquences ; de renvoyer, sous astreinte, les parties devant l’office notarial de maître Duval Corde Brière et Mouchel afin de procéder à la signature de l’acte authentique, selon projet définitif de promesse adressé le 14 mars 2017 par l’étude notariale à l’étude Attal; de condamner la SCI Foncière Ballainvilliers à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société Immo Contrôle fait valoir que la société Horizon Developpement, signataire de la lettre d’intention du 02 décembre 2016, a été mandatée par elle et qu’il est inopérant d’invoquer la date de l’assemblée générale de ses associés autorisant l’acquisition du bien, ajoutant qu’un défaut de pouvoir du mandataire ne peut être soulevé que par le mandant ; que la société Arizona Asset Management, représentée par son salarié qui a contresigné l’offre d’achat pour le compte de la SCI Foncière Ballainvilliers, a nécessairement agi dans le cadre d’un mandat en ce que dans un premier temps l’absence de pouvoir n’a pas été soulevée, le notaire de cette dernière ayant d’ailleurs rédigé un projet de promesse de vente; qu’au regard des liens étroits entre la SCI Foncière Ballainvilliers et la société Arizona Asset Management, la croyance d’un mandat régulier confié à cette dernière est légitime, un mandat apparent pouvant à tout le moins être retenu.

Elle soutient que dans leurs correspondances des 2 et 6 décembre 2016, les parties ont manifesté leur accord sur la chose et sur le prix, conditions essentielles de la vente, de sorte qu’elle est parfaite; que l’absence d’accord sur le dépôt de garantie, la clause pénale et l’indemnité d’immobilisation concerne des conditions secondaires, seul l’acquéreur pouvant d’ailleurs s’en prévaloir. Elle ajoute que les parties ont trouvé un accord sur l’indemnité d’immobilisation du prix de vente, et de façon générale, sur toutes les conditions secondaires de l’acte, que le vendeur ne peut revenir sur ses engagements ni se prévaloir de la clause de caducité de l’offre, l’acheteur seul pouvant l’invoquer.

Par conclusions déposées le 27 juin 2022, la SCI Foncière Ballainvilliers demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Immo Contrôle de l’intégralité de ses demandes ; de condamner cette dernière à lui payer une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’ aux entiers dépens.

Elle fait notamment valoir que la vente n’est pas parfaite et expose que les conditions essentielles de l’offre émise par la société appelante dépassent la simple détermination de la chose et du prix en ce que d’autres conditions essentielles étaient prévues telles que la mise en place d’une clause pénale de 10 % sans dépôt de garantie ni indemnité d’immobilisation, étant observé que ces conditions ne sont pas de simples conditions suspensives et ont fait l’objet de longues négociations entre notaires; que la rencontre des volontés n’a jamais eu lieu, dès lors que la réponse en date du 6 décembre 2016 constituait, non pas une acceptation conforme à l’offre mais une contre-offre valable seulement jusqu’au 6 janvier 2017; qu’en l’absence de signature d’un compromis dans le délai, cette contre-offre est devenue caduque le 6 janvier 2017. A titre subsidiaire, elle soutient que la contre-offre a été signée par un employé de la société Arizona Asset Management, lequel ne disposait pas de mandat de représenter la propriétaire, cette société n’ayant qu’une mission de gestion du bien et de procéder à l’identification du type d’acquéreur susceptible d’être intéressé. Elle ajoute que les circonstances imposaient à la société appelante de s’assurer de la capacité de son interlocuteur à l’engager. Elle souligne que la lettre d’intérêt du 02 décembre 2016 n’est pas signée par la société Immo Contrôle mais par la société Horizon Developpement qui ne justifie pas d’un mandat de représentation et donc de sa capacité à formuler une offre d’achat au nom et pour le compte de l’appelante.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L’ARRET

Selon l’article 1582 du code civil, la vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer et selon 1583 du même code, elle est parfaite et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Toutefois, ce principe est écarté quand les parties ont fait des modalités accessoires de la vente un élément constitutif de leur consentement. En pareil cas, pour que la vente soit formée, l’accord doit porter sur l’ensemble des éléments qui ont été intégrés dans la négociation pré-contractuelle.

En l’espèce, par lettre du 2 décembre 2016 adressée à ‘CBRE’, le parties s’accordant pour dire que ce destinataire est en fait la société Arizona Asset Management , mentionnant ‘remis en main propre contre décharge’, ayant pour objet ‘Lettre d’intention d’acquérir le local situé à [Adresse 5]’, la société HORIZON DEVELOPPEMENT, représentée par son gérant, écrivait ‘nous vous confirmons l’intérêt de notre client, la société IMMO CONTROLE, pour l’acquisition (par ses soins ou toute personne morale ou physique qu’elle souhaiterait se substituer) du local commercial, dont vous avez la commercialisation appartenant à la SCI FONCIERE BALLAINVILLIERS située (…) Afin d’y faire exploiter un magasin de commerce de détail sous l’enseigne ‘NOZ’ aux conditions suivantes’.

Ces conditions étaient en premier lieu:

– Prix net vendeur de 700.000 euros hors taxes, frais d’agence en sus à la charge de l’acquéreur

(49.000 euros hors taxes) payable à la signature de l’acte authentique ;

– Propriété régulière du bien et absence de servitudes, inscriptions, privilèges, hypothèque, obligations contractuelles quelconques susceptibles de venir restreindre sa valeur ou sonusage comme magasin de commerce de détail sous l’enseigne « NOZ » ;

-Jouissance anticipée gratuite du bien à la signature du compromis pour y conduire des travaux

n’affectant pas la structure du bâtiment (après établissement d’un état des lieux contradictoire aux frais de l’acquéreur et présentation d’une attestation d’assurance appropriée), l’acquéreur s’engageant à remettre en l’état et à libérer les lieux en cas de non réalisation de la vente ;

– Conformité à la réglementation de l’installation d’assainissement du bien et son raccordement;

– Clause pénale de 10 % sans dépôt de garantie ni indemnité d’immobilisation ;

‘ Absence d’engagement de non-concurrence ou pacte de préférence envers le vendeur ou des

tiers.

Cette lettre ajoutait, à titre de conditions suspensives au bénéfice et frais de l’acquéreur, en sus des conditions usuelles, l’obtention :

– Des financements nécessaires à l’acquisition du bien ;

– D’une autorisation d’enseigne et de travaux d’aménagement d’un ERP d’une surface totale de 994 m², purgée de tous recours et faculté de retrait à solliciter dans les deux mois de la signature du compromis ;

– Le cas échéant, d’une autorisation de la Commission Départementale d’Autorisation Commerciale, purgée de tous recours et faculté de retrait, permettant l’exploitation d’un magasin à l’enseigne [7] d’une surface de vente de 894 m², à solliciter dans les deux mois de la signature du compromis ;

– Fourniture du justificatif des taxes foncières correspondant au montant de 14.035 € annoncé ;

– Le cas échéant, d’un accord de la copropriété sur les travaux touchant aux parties communes et aux autorisations administratives nécessaires.

Elle mentionnait en caractères soulignés « ces termes et conditions susvisés sont essentiels et déterminants du consentement de la société IMMO CONTRÔLE et devront être repris dans le compromis de vente » puis précisait qu’à défaut de signature du compromis sous 30 jours après acceptation par le propriétaire, la société Immo Contrôle se réserverait le droit d’invoquer la caducité de l’offre et demandait de faire signer cette lettre en deux exemplaires par le propriétaire vendeur en le retournant sous sept jours à peine de caducité de l’offre.

Il ressort de la pièce produite et des explications des parties que cette lettre à été retournée le 6 décembre 2016 contresignée par Monsieur [K] [P], employé de la société Arizona Asset Management, après avoir préalablement barré la mention « sans dépôt de garantie ni indemnité d’immobilisation », puis ajouté avant sa signature ‘offre acceptée au prix de 700.000 € net vendeur, sept cent mille net vendeur. A [Localité 8] le 6 décembre 2016. Offre caduque le 6 janvier 2017″ en mentionnant en bas de page : ‘Maître ATTAL Vianey LAPORTE en copie’.

Aucun élément ne permet d’établir que la société Immo Contrôle aurait accepté de renoncer à son exigence, posée en condition essentielle, d’être dispensée du versement d’un dépôt de garantie et d’une indemnité d’immobilisation ni qu’il y aurait eu un accord sur toutes les conditions avant le 6 janvier 2017, le courriel de son notaire du 8 décembre 2016 ne constituant pas un accord sur les conditions de la vente mais un document relatif aux conditions d’élaboration de l’avant-contrat.

L’appelante produit les courriels, notamment en date des 8 décembre 2016, 10 janvier 2017, 17 et 24 janvier 2017, 2, 23 et 28 février 2017, 2, 3, 17 et 21 mars 2017, adressés par son notaire à celui de la SCI Fonciere Ballainvilliers pour lui faire des demandes, donner différentes instructions et avis quant à la rédaction du compromis de vente ou le relancer. Cependant, elle ne produit pas les courriels de ce dernier, de sorte qu’elle ne démontre pas qu’il y aurait eu un accord des parties sur l’ensemble des éléments inclus dans la négociation précontractuelle. Il ressort au contraire de ces courriers que des négociations se sont poursuivies entre notaires.

Ainsi dans son courriel du 23 février 2017, le notaire de la société Immo Contrôle écrivait à celui de la propriétaire ‘je vous confirme l’accord de notre client pour le versement de l’indemnité d’immobilisation (5% du prix de vente) dès la promesse et le solde à la réalisation des conditions suspensives (…) Par ailleurs, mon client m’a indiqué qu’il renonçait à la jouissance anticipée (ce qui aurait été demandé par le vendeur)’, contre-proposition dont il n’est pas démontré qu’elle ait été acceptée puisque le projet d’acte produit prévoit une indemnité d’immobilisation fixée à 10%. Dans le courriel du 2 mars 2017, ce notaire demandait de modifier la clause de substitution et concluait ‘nous ne pouvons pas conserver la clause en l’état’. Il et réitérait une demande de modification à cet égard le 21 mars 2017en indiquant de nouveau qu’il ne pouvait conserver le projet d’acte soumis en l’état.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le 6 décembre 2016, la SCI FONCIERE BALLAINVILLIERS n’a pas accepté la totalité des conditions essentielles posées dans l’offre d’achat du 2 décembre 2016; que la société IMMO CONTRÔLE n’a pas donné son acceptation de la modification réclamée par la propriétaire dans le délai imparti expirant le 6 janvier 2017; que cette absence d’accord des parties se trouve confirmée par les longues négociations entre notaires concernant les différentes conditions présentées comme essentielles dans l’offre d’achat. Dès lors, qu’il n’y a pas eu de rencontre de consentement des parties sur les conditions essentielles de la vente, celle-ci ne s’est pas réalisée.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris qui a débouté à juste titre la société IMMO CONTROLE de l’intégralité de ses demandes.

La société IMMO CONTROLE dont l’appel est rejeté sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

Elle sera déboutée de sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance d’Evry,

Condamne la société IMMO CONTROLE à payer à la SCI FONCIERE BALLAINVILLIERS la somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société IMMO CONTROLE de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société IMMO CONTROLE aux dépens.

 


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