Mandat apparent : 30 janvier 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 21/00762

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Mandat apparent : 30 janvier 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 21/00762

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 32 DU 30 JANVIER 2023

N° RG 21/00762

N° Portalis DBV7-V-B7F-DK3N

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en date du 5 mai 2021, dans une instance enregistrée sous le n° 2020J00045.

APPELANTE :

S.A. BNP Paribas Antilles Guyane

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Daniel Werter, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

INTIME :

Monsieur [W] [Z]

‘[Adresse 5]’

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Jeanne-Hortense Louis, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 octobre 2022, en audience publique, devant Monsieur Frank Robail, chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposé, puis mise en délibéré devant la cour composé de :

Monsieur Frank Robail, président de chambre,

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller,

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 9 janvier 2023 ; par avis du même jour, les parties ont été avisées de la prorogation du délibéré au 30 janvier 2023.

GREFFIER  lors des débats et du prononcé : Madame Armélida Rayapin, greffière.

ARRÊT :

– Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisés conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

– Signé par Monsieur Frank Robail, président de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 30 novembre 2007, la S.A.R.L. ALFA BATIMENT a ouvert un compte courant n° 0910200124800134 dans les livres de la S.A. BNP PARIBAS GUADELOUPE ;

Par acte sous sein privé du 6 juillet 2009, M. [W] [Z] s’est porté caution solidaire de ladite société, dont il était le gérant, au profit de ladite banque au titre de l’ensemble des engagemens de cette société, débitrice principale, envers cette dernière, mais ce dans la limite de la somme de 288 000 euros ‘couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard’ ;

Par jugement du 17 décembre 2009, le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE a prononcé l’ouverture, au profit de la société ALFA BATIMENT, d’une procédure de redressement judiciaire au passif de laquelle, par lettre recommandée du 21 février 2010, la banque a déclaré sa créance pour un total de 2 087 436,54 euros;

Par jugement du 3 mars 2011, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de ladite société et désigné Me [P] [T] en qualité de mandataire liquidateur ;

Le 12 septembre 2011, cette dernière a adressé à la banque une attestation d’irrécouvrabilité de sa créance ;

Par lettre de son conseil à la BNP en date à [Localité 4] du 29 novembre 2011, M. [Z] a accepté de lui payer, en qualité de caution de la société liquidée, la somme de 207 000 euros à raison de 20 000 euros immédiatement, 27 000 euros le 20 décembre 2011 et 16 mensualités de 10 000 euros chacune à compter d’avril 2012;

Par lettre du 21 février 2013, la banque, reconnaissant avoir reçu paiement à cette date, en exécution dudit engagement, d’une somme totale de 97 000 euros, a constaté que M. [Z] avait manqué à cet engagement pour un total de 60 000 euros arrêté à l’échéance de février 2013 incluse, et l’a invité à lui régler cette somme ‘dans les meilleurs délais’ ;

Cette demande a été suivie d’une mise en demeure du 15 avril 2013, et ce pour la somme arrêtée cette fois à avril 2013 à 80 000 euros, puis d’une autre, pour 100 000 euros, en date du 5 juin 2020 ;

Aux termes d’un traité de fusion du 25 août 2016 et d’une assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2016, la société BNP PARIBAS GUADELOUPE a été absorbée par la société BNP MARTINIQUE et celle-ci est devenue la société ‘BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE’, ci-après désignée ‘la BNP’ ou ‘la banque’ ;

Par acte d’huissier de justice du 23 décembre 2020, la BNP a fait appeler M. [Z], ès qualités de caution solidaire de la société ALFA BATIMENT, devant le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE à l’effet de le voir condamner à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de son engagement de caution, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation annuelle de ces intérêts à compter du 11 juin 2013, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens ;

Par jugement contradictoire du 5 mai 2021, ce tribunal :

– a rejeté la demande formée par la BNP à l’encontre de M. [W] [Z] relative à son engagement de caution signé le 6 juillet 2009,

– a dit n’y avoir lieu à application des dispositions issues de l’article 700 du code de procédure civile,

– a condamné la BNP aux dépens,

– a rappelé que ce jugement est exécutoire par provision ;

Par déclaration remise au greffe le 9 juillet 2021 par voie électronique (RPVA), la BNP a relevé appel de ce jugement, y intimant M. [Z] et précisant les chefs de jugement critiqués, qui sont ceux par lesquels le tribunal mixte de commerce :

– a rejeté sa demande à l’encontre de M. [Z] relative à son engagement de caution signé le 6 juillet 2009,

– a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– et l’a condamnée aux dépens ;

Cet appel a été orienté devant le juge de la mise en état et, sur avis en ce sens du greffe en date du 7 septembre 2021, la banque a fait signifier à M. [Z], suivant acte d’huissier de justice du 29 septembre 2021, sa déclaration d’appel, ses conclusions d’appelante, un bordereau de pièces et le susdit avis du greffe ;

L’intimé a constitué avocat par acte remis et notifié par RPVA le 12 octobre 2021 ;

Chacune des parties a conclu à deux reprises, la BNP, par conclusions n° 1 remises au greffe par RPVA et signifiées à son adversaire respectivement les 27 septembre 2021 et 29 septembre 2021, puis par conclusions n° 2 remises et notifiées par RPVA le 23 février 2022, et M. [Z], par conclusions remises et notifiées par RPVA les 21 décembre 2021 et 20 mai 2022 ;

L’instruction de cette procédure d’appel a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 juin 2022 et l’affaire fixée à l’audience du magistrat rapporteur du 24 octobre 2022 à 10 heures, audience à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 9 janvier 2022, par mise à disposition au greffe ; à cette date, les parties ont été avisées par le greffe, par voie électronique, de la prorogation de ce délibéré à ce jour;

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

1°/ Par ses dernières écritures d’appelante, la BNP conclut aux fins de voir, au visa des articles 1102, 1104 et 2288 du code civil :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il :

** a rejeté sa demande à l’encontre de M. [Z] relative à son engagement de caution signé le 6 juillet 2009,

** dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

** et l’a condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau,

A TITRE PRINCIPAL

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré la dette exigible à l’égard de M. [Z] au moment du prononcé de la liquidation judiciaire le 3 mars 2011,

– condamner M. [W] [Z] à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de son engagement de caution, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,

A TITRE SUBSIDIAIRE, condamner M. [W] [Z] à lui payer la somme de 87 433,99 euros à titre de caution des contrats de prêts et du solde débiteur restant dus par la société ALFA BATIMENT, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 11 juin 2013,

– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

A ces fins, elle soutient en substance :

– que sa créance est bel et bien exigible à l’égard de la caution, et ce en application de la clause de l’acte de cautionnement qui stipule l’opposabilité à la caution d’une exigibilité anticipée à l’égard du débiteur principal,

– que le montant de la dette principale de la société cautionnée s’élève toujours à 2087436,54 euros se décomposant comme suit :

** comptes fusionnés débiteurs pour un solde compensé de 154 396,64 euros

** prêt professionnel de 46 500 euros : 11 546,60 euros

** prêt professionnel de 65 500 euros : 6 433,15 euros

** prêt professionnel de 46 500 euros : 7 341, 88 euros

** cession de créance sur la SCCV LES HELICONIAS ‘FRANGIPANIERS’ : 286449,23 euros

** cession de créance sur la SCCV LE FRUYAPEN : 461 296,57 euros

** cession de créance sur la SCCV LES HELICONIAS : 82 293,53 euros

** caution de retenue de garantie à l’égard de la société LE FRUYAPEN : 74102,61 euros,

** caution de retenue de garantie à l’égard de la société LES PIEDS DANS L’EAU : 13977,83 euros

** caution de retenue de garantie à l’égard de la société LES HELICONIAS FRANGIPANIERS : 66 890,25 euros,

** caution de retenue de garantie à l’égard de la société LES HELICONIAS : 69440 euros

** avance plus en pool avec la société OSEO : 318 000 euros

** engagements de caution de la société ALFA BATIMENT envers les sociétés ALFI 12, BALI 12, CALANTHE 2006 C, STICH 6 et CLOE 2 : 467 846,53 euros

** délégations de loyers tripartites au titre des prêts consentis aux sociétés CLOE 32, YUGI 4 et ALFA 11 : 46 506,35 euros,

– que ces sommes ont été ‘admis(es) au passif de la procédure de redressement puis de liquidation judiciaire dont a fait l’objet la société ALFA BATIMENT’, cependant que compte tenu de ‘l’ancienneté de la procédure, (elle) n’est pas en mesure de rapporter la preuve de l’admission de l’intégralité de cette créance telle qu’exposée précédemment’,

– que cependant, au 6 juin 2011, le solde débiteur de la société ALFA BATIMENT s’élevait à 563 529,22 euros, lequel, en suite de divers réglements, a été ramené à 179200,65 euros,

– que dans le même temps, le solde débiteur des 3 prêts s’élevait à 51 079,43 euros, si bien que la dette totale s’élève 230 280,08 euros hors intérêts,

– que M. [Z] a accepté de rembourser cette somme en qualité de caution et a donc payé à cet égard 81 347,25 euros, ramenant la dette globale à 206 652,75 euros,

– qu’ils ont convenu tous deux d’arrêter la dette de M. [Z] à 207 000 euros, ce que ce dernier a accepté explicitement dans le courrier du 29 novembre 2011, en suite de quoi il a effectué des réglements pour 107 000 euros, sans émettre la moindre contestation, ramenant sa dette à 100 000 euros, laquelle est donc certaine et exigible,

– que si ce courrier émane de l’avocat de M. [Z], il est de jurisprudence constante qu’un tel courrier, en ce qu’il propose un échéancier de réglement, a valeur de reconnaissance de dette de la part de son client,

– et que cette reconnaissance a été suivie de son exécution partielle, si bien que le tribunal ne pouvait sérieusement lui dénier la qualité de reconnaissance de dette, sans quoi les versements effectués à ce titre auraient été sans cause, alors même qu’aucune réclamation n’est faite à cet égard ;

Pour le surplus de ses explications, il est expressément référé aux susdites écritures;

2°/ Par ses propres dernières écritures, M. [Z], ès qualités de caution solidaire de la société ALFA BATIMENT aujourd’hui liquidée, conclut quant à lui aux fins de voir, au visa des articles 2292 et suivants du code civil et L 643-1 du code de commerce :

A TITRE PRINCIPAL

– dire et juger :

** que la créance dont se prévaut la BNP n’est pas exigible à son égard,

** qu’à la date de l’ouverture de la procédure collective, la dette exigible était de 481,90 euros,

** qu’il n’a pas reconnu la dette,

En conséquence,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la créance non exigible et rejeté les demandes,

– rejeter les demandes de la S.A. BNP PARIBAS,

A TITRE INCIDENT

– infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que la créance était exigible à l’égard de la caution,

– rejeter les demandes de la banque,

A TITRE SUBSIDIAIRE

– constater que la banque n’a pas respecté son obligation annuelle d’information de la caution,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la déchéance des intérêts échus et de tous les accessoires,

– dire que la créance de 87 433,99 euros dont se prévaut la BNP à titre subsidiaire n’est pas certaine,

– rejeter en conséquence la demande de ladite banque,

– constater que son cautionnement était disproportionné à ses capacités financières,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré qu’il était proportionnel,

– rejeter en conséquences les entières demandes de la BNP,

EN TOUT ETAT DE CAUSE, condamner la BNP à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens ;

Au soutien de ces défenses, M. [Z] explique pour l’essentiel :

– que le premier juge a à juste titre considéré que le montant de sa dette était incertain,

– qu’elle n’est pas davantage certaine aujourd’hui au regard des productions de la banque, puisqu’elle a réclamé au fil du temps des sommes bien distinctes, notamment, par un courrier de sa part en date du 15 février 2019, une somme de seulement 32 773,94 euros quand elle réclame désormais beaucoup plus,

– qu’elle invoque une simple erreur alors même qu’une grande partie de la dette de la société débitrice principale est constituée de cession de créances et qu’il peut légitimement considérer que les clients de cette société, principalement des collectivités publiques, aient fini par remplir leurs engagements et payer les prestations faites à leur profit,

– qu’à l’encontre, de toute façon, des appréciations du même juge, cette dette n’est de toute façon pas exigible à son encontre puisque :

** la cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 4 novembre 2014, que si le prononcé de la liquidation judiciaire entraîne l’obligation de payer immédiatement et en sa totalité la dette sociale, cette exigibilité, à défaut de clause contraire, n’est pas opposable à la caution, celle-ci n’étant tenue que des dettes échues avant cette liquidation,

** la banque ne rapporte pas la preuve de l’exigibilité de dettes échues à hauteur de 100 000 euros à la date d’ouverture de la procédure collective de la société ALFA BATIMENT, mais de seulement 481,90 euros,

** l’acte de cautionnement ne contient aucune clause prévoyant l’exigibilité anticipée liée à l’ouverture d’une liquidation judiciaire de la débitrice principale,

** en effet, la banque invoque, à l’encontre de ce constat, une clause de l’acte de cautionnement qui n’est pas suffisamment précise pour considérer que la caution puisse être tenue des sommes rendues exigibles par l’ouverture d’une procédure collective,

** cette clause est une clause type, générale, qui ne lui a pas permis de prendre conscience de la portée de son engagement dans ce cadre, notamment en cas de liquidation judiciaire, si bien qu’elle doit être écartée,

– que c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le courrier adressé par son conseil à la banque ne peut constituer une reconnaissance de dette permettant de fixer le montant de sa dette et dispensant la banque d’avoir à justifier de son montant, qui ne répond pas aux conditions de preuve de l’article 1326 du code civil applicable en 2011,

– que la banque n’a de toute façon pas respecté son obligation d’information annuelle de la caution résultant des articles 2293 al 2 du code civil et de l’article L 313-22 du code monétaire et financier, et ce sur la période de 9 ans qui s’est écoulée entre sa déclaration de créance au passif de la procédure collective de la débitrice principale et la présente procédure, alors même qu’il est de jurisprudence que la banque demeure débitrice de cette obligation d’information annuelle au delà de la liquidation judiciaire de ladite débitrice,

– qu’elle ne prouve pas davantage l’avoir informé des incidents de paiement,

– qu’il y a donc lieu à déchéance du droit aux intérêts échus et de tous les accessoires de la dette, et à imputation de toutes les sommes déjà payées par lui au réglement du principal de la dette,

– et que même les chiffres avancés par la banque au titre de sa demande subsidiaire d’une somme ramenée à 87 433,99 euros, restent incompréhensibles, notamment au regard, pour les 3 prêts, des sommes qui étaient demandées dans le cadre de la déclaration de créance du 21 février 2010 et qui sont bien inférieures à celles qui sont réclamées à ce jour, sachant au surplus que ces prêts ont permis d’acheter des matériels qui ont fait l’objet de nantissements ayant permis à la BNP de les revendiquer;

M. [Z] ajoute enfin que la fiche de renseignement que produit ladite banque et qui avait été remplie par lui, révèle que le montant de son cautionnement était disproportionné à ses capacités financières ;

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la recevabilité de l’appel

Attendu qu’il ne résulte d’aucune des pièces du dossier que l’appel interjeté par la banque à l’encontre du jugement déféré l’aurait été tardivement au regard du délai réglementaire de l’appel en la matière ordinaire ; qu’il y a donc lieu de la dire recevable en son recours ;

II- Sur l’exigibilité de la créance de la banque à l’égard de la caution de la société ALFA BATIMENT, débitrice principale

Attendu qu’en application de l’article 2288 ancien du code civil applicable au cautionnement litigieux en ce qu’il est antérieur à la réforme de septembre 2021, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ;

Attendu qu’au delà des termes généraux de ces dispositions, l’acte de cautionnement fixe les conditions précises dans lesquelles le garant est tenu au paiement des sommes dues par le débiteur principal au titre de son engagement cautionné ;

Attendu que l’acte de cautionnement signé le 6 juillet 2009 par M. [Z] contient notamment une clause VI intitulée ‘MISE EN JEU DE LA CAUTION’ qui stipule qu’en cas de défaillance du cautionné pour quelque cause que ce soit, la caution sera tenue de payer à la banque ce que lui doit le cautionné, y compris les sommes devenues exigibles par anticipation ;

Attendu que cette clause ne mérite aucune sorte d’interprétation, puisque sa lettre est parfaitement claire et on ne peut plus habituelle dans le cadre notamment des cautionnements par les gérants des engagements de leurs entreprises envers les banques prêteuses ; que M. [Z], qui ne prétend pas n’avoir aucune connaissance du monde des affaires et de leur financement, n’a pu en ignorer le sens et la portée, laquelle implique très explicitement que toute exigibilité d’une créance entrant dans le champ de sa garantie, fût-elle anticipée par quelque cause que ce soit, notamment, comme en l’espèce,par l’effet de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, lui est opposable en sa qualité de caution ; qu’ainsi, à l’encontre de ce qu’il tend à faire juger, ladite clause n’a pu en aucun cas lui interdire de ‘prendre conscience de la portée de son engagement dans ce cadre et notamment en cas d’ouverture d’une liquidation judiciaire de la société débitrice’, étant précisé que pour tout chef d’entreprise normalement avisé des choses de la gouvernance d’une société commerciale, industrielle ou artisanale, le substratum de son engagement de caution envers une banque prêteuse, singulièrement dans une économie en très large part financiarisée, est précisément de faire échapper ladite banque au risque consubstantiel à toute entreprise de ce type, celui de la ‘faillite’ au sens commun du terme, c’est-à-dire celui de la liquidation judiciaire qui rend de plein droit exigible toute créance à l’encontre de la société débitrice ;

Attendu qu’il en résulte que l’ouverture à l’encontre de la société ALFA BATIMENT, par jugement du tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE du 3 mars 2011, d’une procédure de liquidation judiciaire qui, en application de l’article L 643-1 al 1 du code de commerce, a rendu exigibles par anticipation les créances bancaires non échues à l’égard de cette société, débitrice principale, est opposable à M. [Z] en exécution de la clause VI sus-rappelée et que, dès lors, celui-ci, en qualité de caution solidaire de cette société au profit de la banque, est tenu de lui payer ce que lui doit la société cautionnée ;

Attendu que si, par suite, ce motif du jugement déféré ne mérite aucune réformation ou infirmation, aucune confirmation ne s’impose davantage de ce chef, puisque la décision en ce sens des premiers juges ne participe que des motifs de leur jugement et n’a fait l’objet d’aucune disposition ayant autorité de chose jugée, étant observé au surplus que, pour cette raison même, la déclaration d’appel de la banque ne vise aucunement ce motif, seule l’intimé ayant relevé appel incident à cet égard puisqu’il en demande l’infirmation ;

III- Sur le quantum de la créance de la banque à l’égard de la caution

Attendu que la liquidation judiciaire de l’entreprise cautionnée a été ouverte le 3 mars 2011 ; que la banque ne justifie que d’une mise en demeure adressée à la caution d’avoir à se libérer de la dette rendue exigible par cette procédure collective le 15 avril 2013, soit bien après cette liquidation, cependant que par lettre du 29 novembre 2011, soit quelques mois seulement après cette liquidation et l’exigibilité subséquente des sommes dues par la débitrice principale et son garant, Me [B], se présentant comme avocat de M. [Z], et y écrivant expressément que cette lettre faisait suite à ‘un entretien du 16 courant’ à ce sujet, ‘confirm(ait)’ ‘que son client ‘accept(ait) le paiement de la somme de 207 000 euros en sa qualité de caution’, y proposant supplémentairement son paiement selon l’échelonnement suivant :

– 20 000 euros immédiatement par chèque BNP n° 4220068,

– 27 000 euros le 20 décembre 2011,

– 160 000 euros à raison de 16 mensualités à compter d’avril 2012 ;

Attendu que la mise en demeure de la banque en date du 21 février 2013 fait état de l’excution partielle ici incontestée de cet échelonnement à hauteur de la somme de 97000 euros, exécution portée à ce jour à 107 000 euros, ce qui implique le versement effectif :

– de la première de ces sommes, soit 20 000 euros au moyen du chèque sus-décrit et réellement débité,

– de la seconde de ces sommes, celle de 27 000 euros stipulée payable le 20 décembre 2011,

– et de 60 000 euros supplémentaires au titre des 16 échéances sus-visées ;

Attendu que le premier juge a estimé lapidairement que ladite lettre ne valait pas reconnaissance ‘de la créance de la banque’ au seul motif qu’elle n’en ‘revêta(it) pas les caractéristiques’ et qu’ainsi, elle ne dispensait pas ladite banque ‘de justifier du montant de sa créance’;

Attendu que M. [Z] adopte en appel la même thèse, tout en l’argumentant des dispositions de l’article 1326 ancien du code civil (seul applicable à un contrat conclu bien avant 2016) aux termes duquel ‘l’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent (…) doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres’, alors qu’en l’espèce l’acte litigieux n’est ni manuscrit ni signé de sa main ;

Mais attendu que le cautionnement litigieux est incontestablement un cautionnement commercial comme ayant été donné par le gérant d’une société commerciale qui avait, à l’opération ainsi financée et garantie, un intérêt direct et personnel, ceci n’ayant jamais été contesté par personne, à telle enseigne que la compétence du tribunal mixte de commerce n’a pas été remise en cause en première instance alors même qu’il n’est compétent, pour l’essentiel, que pour les litiges ayant trait à des actes de commerce ou entre commerçants à raison de leur commerce ;

Attendu qu’il s’agit donc d’un acte de commerce par nature auquel s’applique le régime du droit commercial, notamment les dispositions de l’article L 110-3 du code de commerce, aux termes desquelles de tels actes peuvent, par principe, et sauf exceptions légales non applicables au cas d’espèce, se prouver par tous moyens, si bien que les dispositions de l’article 1326 sus-visées ne sont pas opposables à la banque en ce qui est de la prétendue reconnaissance de dette du 29 novembre 2011;

Attendu qu’à l’encontre de l’opinion de M. [Z], la cour de cassation, par la voix de l’une de ses chambres, a déjà eu à juger que le courrier d’un conseil et même d’un ‘ancien conseil’ peut revêtir les caractéristiques d’une reconnaissance de dette, puisque, selon cette cour, il n’y a pas lieu de restreindre à la seule hypothèse du mandat ad litem la possibilité pour un avocat de représenter un client, même dans le cadre d’un simple mandat apparent, de quoi il s’infère que cet avocat a la capacité d’engager son client dans la reconnaissance de tel ou tel fait juridiquement porteur d’effets, notamment dans une reconnaissance de dette ;

Attendu qu’en l’espèce, non seulement le courrier adressé à la BNP le 29 novembre 2011 par Me [E] [B] dont M. [Z] reconnaît qu’il était son conseil à cette époque, est particulièrement explicite quant à la somme que ce dernier, par la voix du premier, y reconnaît expressément devoir en sa qualité de caution, mais au surplus et surtout :

– d’une part, y sont expressément développées les modalités de réglement de la somme de 207 000 euros que M. [Z] se propose d’adopter, soit en 18 échéances précisément exposées : 20 000 euros ce 29 novembre 2011 par chèque remis par même courrier, 27 000 euros le 20 décembre suivant et 16 échéances mensuelles à compter d’avril 2012 pour le solde de 160 000 euros,

– et d’autre part, il n’est pas contesté que cette reconnaissance de dette ainsi augmentée des modalités précises de paiement, ait trouvé un très large début d’exécution par le paiement effectif, en stricte exécution de l’engagement y pris, d’une somme totale incontestée de 107 000 euros ;

Attendu que la banque verse aux débats à cet égard un tableau des paiements qu’à aucun moment devant cette cour M. [Z] ne remet en cause et qui révèle les paiements en partie erratiques, suivants :

– 20 000 euros le 30 novembre 2011 ainsi que stipulé dans ladite reconnaissance,

– 27 000 euros le 7 décembre suivant, soit un peu plus tôt qu’y prévu,

– 25 000 euros le 2 avril 2012, alors qu’il peut être déduit de l’acte en cause qu’à cette date seuls 10 000 euros étaient réellement exigibles,

– 25 000 euros le 14 juin 2012,

– et 10 000 euros le 11 juin 2013, alors qu’à cette date un total, sur les 16 échéances stipulées, de 150 000 euros était dû et que seule une somme de 60 000 euros avait été réglée ;

Attendu qu’ainsi résulte-t-il de l’ensemble de ces éléments et de leur combinaison la preuve formelle :

– de la reconnaissance de dette de la caution commerciale de la société ALFA BATIMENT, en la personne de M. [Z], au profit de la société commerciale BNP à hauteur d’une somme de 207000 euros au titre de son cautionnement solidaire du 6 juillet 2009,

– de son engagement subséquent de lui payer cette somme en exécution de ce cautionnement solidaire,

– et du réglement seulement partiel des sommes dont l’échéance ultime était fixée à juillet 2013 ;

Attendu que, d’une part, né en 1962 et gérant depuis de nombreuses années de sociétés civile et commerciale, ainsi qu’il résulte notamment de la fiche de renseignement qu’il a complétée à destination de la banque en 2006, de seconde part, suffisamment avisé pour s’entourer des conseils d’un avocat hors toute procédure judiciaire engagée, à la date de la reconnaissance de dette, à son encontre en sa qualité de caution de la société ALFA BATIMENT, et, de troisième part et plus encore, pour avoir décidé de faire écrire cette reconnaissance de dette et son engagement de paiement par cet avocat, M. [Z] apparaît tel un homme d’affaire particulièrement avisé et rompu aux affaires et aux négociations financières, notamment avec sa banque, si bien qu’il n’a pu s’engager, au travers de la lettre de son conseil en date du 29 novembre 2011, qu’en toute connaissance de cause et muni des meilleurs conseils et informations en la matière ;

Attendu qu’enfin, M. [Z], qui se borne à exciper de l’absence de reconnaissance de dette valable, ne conteste pas n’avoir payé à ce jour, sur cette somme de 207 000 euros pourtant reconnue comme due, qu’une somme de 107 000 euros ; qu’il y a donc lieu d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées et de condamner la sus-nommée caution solidaire à payer à la banque BNP la somme reliquataire de 100 000 euros, et ce avec, ainsi que requis a minima par cette dernière, intérêts au taux légal à compter de l’assignation devant le tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 23 septembre 2020, cette assignation valant interpellation suffisante pour la défenderesse à la première instance, d’avoir à payer ladite somme ;

Attendu que la banque sollicite ‘en tout état de cause’ la capitalisation annuelle des intérêts ‘à compter du 11 juin 2013″ alors qu’elle ne requiert les intérêts au taux légal qu’à compter du 23 septembre 2020 ; qu’il y a donc lieu de n’y faire droit qu’à compter de cette dernière date ;

Attendu que les moyens développés à titre subsidiaire par M. [Z] n’ont trait et ne s’opposent qu’à la demande subsidiaire formée par la banque au titre de l’acte de cautionnement, stricto sensu, en cas de rejet de ses demandes principales fondées sur la reconnaissance de dette sus-analysée, de sorte qu’ils sont désormais dénués d’objet ;

IV- Sur les dépens et frais irrépétibles

Attendu que, succombant en appel, M. [Z] supportera, sur infirmation du jugement déféré de ce chef, tous les dépens de première instance ; qu’il sera également et subséquemment condamné aux entiers dépens d’appel, ainsi que, en équité, à indemniser la banque de ses frais irrépétibles d’appel à hauteur de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu’en revanche, si la disposition dudit jugement, certes imprécise, aux termes de laquelle le tribunal a ‘dit n’y avoir lieu à application des dispositions issues de l’article 700 du code de procédure civile’, est déférée à la cour par la seule appelante principale, l’appelant incident n’y faisant pas référence en ses écritures, cette disposition concernait essentiellement la demande de ce chef de M. [Z], puisque seule la banque, succombante, y était condamnée aux dépens et que dès lors le tribunal y rejetait principalement la demande de ce dernier à ce titre, la partie condamnée aux dépens ne pouvant bénéficier des dispositions de cet article ; qu’au surplus, aucune des parties ne requiert expressément et clairement en appel la condamnation de l’autre à l’indemniser des frais irrépétibles de première instance ; qu’il y a donc lieu de confirmer la décision déférée de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe,

– Dit recevable l’appel formé par la S.A. BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE à l’encontre du jugement du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 5 mai 2021,

– Infirme ce jugement en toutes ses dispositions déférées, sauf en ce que le tribunal y a ‘dit n’y avoir lieu à application des dispositions issues de l’article 700 du code de procédure civile’,

– Le confirme de ce seul chef,

Et, statuant à nouveau,

– Condamne M. [W] [Z], ès qualités de caution solidaire de la société en liquidation judiciaire ALFA BATIMENT, à payer à la S.A. BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE la somme de 100 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,

– Ordonne la capitalisation annuelle de ces intérêts à compter du 23 septembre 2020,

– Condamne M. [W] [Z] aux entiers dépens de première instance,

– Déboute la banque du surplus de ses demandes,

Y ajoutant,

– Condamne M. [W] [Z] à payer à la S.A. BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Et ont signé,

La greffière Le président

 


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