N° RG 21/03599 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LAFX
C2
N° Minute :
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
Me Bruno LUCE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU LUNDI 03 JUILLET 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/03373)
rendue par le Tribunal judiciaire de Valence
en date du 29 juin 2021
suivant déclaration d’appel du 03 août 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. NM FINANCES CONSEILS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE et plaidant par Me Justine BISTOLFI, avocat au barreau de VALENCE
INTIMEE :
Mme [B] [O]
née le 29 juin 1924 à [Localité 4] 42
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Bruno LUCE, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller
DÉBATS :
A l’audience publique du 30 mai 2023,Mme Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de Mme Clerc, président de chambre, assistées de Madame Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 25 juin 2001, Mme [B] [O] a souscrit, par l’intermédiaire de la société NM Finances représentée par Mme [L] [K], courtier en assurances, un contrat d’assurance- vie EXEL auprès de la société Generali France.
Le 9 septembre 2016, Mme [O] a émis sur son compte bancaire ouvert auprès de la société Banque Postale un chèque de 30.000€ qu’elle a remis entre les mains de son courtier, Mme [K], laquelle, après lui avoir fait signé un bulletin de versement, devait le transmettre à la société Generali Assurances.
Le chèque a été encaissé, le 11 octobre 2016, sur le compte de la SAS UNIP BJM.
Suite à la plainte déposée le 9 mars 2017 pour escroquerie, la société Banque Postale a indemnisé, le 12 septembre 2017, Mme [O] à hauteur de 15.000€ en spécifiant que le solde de 15.000€ devait être pris en charge par la société Banque Populaire Méditerranée qui avait accepté fautivement le chèque falsifié.
Faute d’obtenir amiablement l’indemnisation complémentaire, Mme [O] a fait citer, suivant exploits d’huissier des 26 et 27 novembre 2019, la société Banque Populaire Méditerranée et la société NM Finances à l’effet d’obtenir leur condamnation in solidum à lui payer diverses sommes.
Par jugement du 29 juin 2021, le tribunal judiciaire de Valence a :
débouté Mme [O] de ses demandes à l’encontre de la société Banque Populaire Méditerranée,
dit la responsabilité de la société NM Finances engagée,
condamné la société NM Finances à payer à Mme [O] la somme de 15.000€,
débouté Mme [O] de sa demande de dommages-intérêts complémentaires,
rejeté la demande de la société NM Finances en dommages-intérêts,
condamné la société NM Finances à payer à Mme [O] une indemnité de procédure de 1.500€, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Suivant déclaration en date du 3 août 2021, la société NM Finances a relevé appel de cette décision en intimant uniquement Mme [O].
Au dernier état de ses écritures en date du 27 avril 2023, la société NM Finances demande, à titre liminaire, d’annuler le jugement déféré, sur le fond, de l’infirmer et de :
dire que sa responsabilité n’est pas engagée,
condamner Mme [O] à lui payer des dommages-intérêts de 3.000€,
débouter Mme [O] de sa demande tendant à ce que la condamnation des intérêts soit assortie des intérêts à compter de l’assignation,
débouter Mme [O] de l’intégralité de ses demandes,
condamner Mme [O] à lui payer une indemnité de procédure de 2.500€ en première instance outre la même somme en cause d’appel et à supporter les entiers dépens de l’instance.
Elle fait valoir que :
la juridiction de première instance a introduit un moyen nouveau en ce qu’elle a considéré que Mme [O] lui avait donné mandat de faire parvenir le chèque à la société Generali sans l’avoir mis au préalable dans le débat,
Mme [O] savait pertinemment qu’elle ne pouvait encaisser des fonds pour le compte de la société Generali,
alors qu’elle était assistée de son fils, elle ne pouvait se méprendre sur la nature et l’étendue de son intervention,
le tribunal est allé au delà de la demande formée par Mme [O] en considérant que celle-ci lui avait donné mandat de faire parvenir le chèque à la compagnie Generali alors que Mme [O] faisait uniquement valoir un mandat apparent de percevoir les fonds pour le compte de la société Generali et qu’elle n’a pas fait valoir qu’elle lui donnait mandat de faire parvenir le chèque litigieux,
de l’aveu judiciaire même de Mme [O], aucun mandat ne lui avait été donné,
le tribunal a retenu que la preuve de l’envoi du chèque n’a jamais été remise en cause et les investigations dans le cadre de l’enquête pénale n’ont jamais permis de l’inquiéter,
de surcroît, l’envoi des fonds au moyen d’un chèque était à l’époque admis par la société Generali,
il est donc particulièrement étonnant de lui opposer une faute alors qu’elle n’a fait qu’user du processus admis par la société Generali,
ce n’est que récemment que la société Generali a retenu que l’envoi de fonds par chèque n’était pas assez sécurisé,
à supposer l’existence d’un mandat caractérisé, il n’est pas établi les diligences qu’elle aurait dû remplir pour s’assurer que le chèque parviendrait bien à destination,
quelles que soit les diligences, LAR par exemple, rien n’aurait pu prévenir le vol éventuel du chèque et sa falsification par un employé de la poste ni que le chèque ait été réceptionné par un employé de Generali,
en outre, c’est à celui qui se prévaut de l’existence d’une faute ayant permis le détournement d’en rapporter la preuve, ce que Mme [O] échoue à faire,
Mme [O] a accepté à tort d’être indemnisée de la seule somme de 15.000€ alors que manifestement si la banque postale a accepté de l’indemniser c’était que la falsification était facilement décelable,
ensuite de leurs liens anciens, elle a accepté, sans ménager sa peine, d’aider l’intimée suite à la découverte de la falsification,
ces éléments justifient l’allocation à son bénéfice de dommages-intérêts.
Par uniques conclusions du 25 janvier 2022, Mme [O] sollicite de confirmer le jugement déféré sauf à assortir la condamnation adverse à lui payer la somme de 15.000€ des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2019, date de l’assignation, et de condamner la société NM Finances à lui payer des dommages-intérêts de 5.000€ ainsi qu’une indemnité de procédure de 5.000€.
Elle explique que :
le moyen en nullité du jugement est inopérant par l’aveu même de l’appelante dans ses conclusions de première instance dans lesquelles elle indique que l’intervention de Mme [K] a consisté à remplir le bon de versement et à poster le courrier contenant le dit bon et le chèque litigieux,
Mme [K] reconnaît avoir agit au travers d’un mandat apparent et Mme [O] avait toute croyance que les fonds seraient remis à leur bénéficiaire,
l’appelante reconnaît avoir reçu le chèque pour l’envoyer à la compagnie d’assurance.
La clôture de la procédure est intervenue le 16 mai 2023.
MOTIFS
1/ sur la demande en annulation du jugement déféré
La société NM Finances soutient que la juridiction de première instance a introduit un moyen nouveau en ce qu’elle a considéré que Mme [O] lui avait donné mandat de faire parvenir le chèque à la société Generali sans l’avoir mis au préalable dans le débat.
Si par application de l’article 12 du code civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé, il doit, en toutes circonstances, faire respecter le principe du contradictoire.
Le tribunal, en s’abstenant de soumettre au débat la question du mandat apparent, a violé le principe du contradictoire, de sorte que le jugement déféré doit être annulé.
Suivant l’effet dévolutif de l’appel, la cour est saisie de l’entier litige.
2/ sur les demandes de Mme [O]
en paiement de la somme de 15.000€
Aux termes de l’article 1992 du code civil, le mandataire répond non seulement du dol mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion.
Il n’est pas discuté que Mme [O] a remis à Mme [K] de la société NM Finances un chèque de 30.000€ à l’ordre de la société Generali en vue du versement sur son compte d’assurance-vie Exel et que Mme [K] a rempli et fait signer, à cette occasion, à Mme [O] un bulletin de versement à l’en-tête de la société Generali.
Il se déduit de cet ensemble de fait que la société NM Finances a reçu de Mme [O] mandat de faire parvenir à la société Generali le bulletin de versement accompagné du chèque litigieux.
En l’espèce, la société NM Finances échoue à démontrer l’envoi du chèque par voie postale et la tradition de celui-ci à la compagnie d’assurance en vue de son encaissement.
En outre, le fait que l’envoi des chèques par voie postale simple ait été le processus habituel ne justifie pas le manque de sécurité de la tradition d’une somme aussi importante.
Ainsi, Mme [O] démontre une faute sur la réalité de l’envoi par voie postale et à supposer cet envoi effectif, sur le choix d’une voie non sécurisée, ce qui justifie de condamner la société NM Finances à lui payer la somme de 15.000€.
en dommages-intérêts
En l’absence de démonstration d’un préjudice distinct que celui réparé par la condamnation précédente au paiement de la somme de 15.000€, il convient de rejeter la demande de Mme [O] en dommages-intérêts complémentaires.
3/ sur la demande en dommages-intérêts de la société NM Finances
La société NM Finances, succombant, ne saurait prétendre à l’allocation de dommages-intérêts.
Il convient de la débouter de ce chef de demande.
4/ sur les mesures accessoires
L’équité justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de Mme [O].
Enfin, les entiers dépens de la procédure seront supportés par la société NM Finances.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Annule le jugement déféré sauf sur le rejet de la demande de Mme [B] [O] à l’encontre de la société Banque Populaire Méditerranée,
Confirme le jugement déféré concernant la société Banque Populaire Méditerranée,
Statuant à nouveau sur le surplus,
Condamne la société NM Finances à payer à Mme [B] [O] la somme de 15.000€ avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2019,
Déboute Mme [B] [O] de sa demande en dommages-intérêts complémentaires,
Déboute la société NM Finances de sa demande en dommages-intérêts,
Y ajoutant,
Condamne la société NM Finances à payer à Mme [B] [O] la somme de 2.500€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société NM Finances aux dépens de la procédure d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT