Mandat apparent : 3 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/03590

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Mandat apparent : 3 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/03590

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 03 AVRIL 2023

N° RG 20/03590 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LWWK

S.A.R.L. NEGOCE VENTE LOCATION MOREAU [O]

c/

S.A.R.L. S2L

S.E.L.A.R.L. FIRMA

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 septembre 2020 (R.G. 2019F01191) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 02 octobre 2020

APPELANTE :

S.A.R.L. NEGOCE VENTE LOCATION MOREAU [O], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]

représentée par Maître Véronique LASSERRE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.R.L. S2L, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Elodie VITAL-MAREILLE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. FIRMA, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2] –

représentée par Maître Véronique LASSERRE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 20 février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat conclu, le 1er mai 2015, la société Négoce Vente Location Moreau [O], en qualité de bailleur, a donné à bail à la société S2L, en qualité de preneur, une pelle sur chenilles de marque Komatsu, de type de PC 118MR-8 2PB, avec trois équipements : une attache hydraulique Blanchard, quatre godets de 500, 900, 1 400 et 1 600 mm et une pince de tri avec sa platine. Le contrat prévoyait que le locataire devait restituer le matériel à l’issue du contrat fixée au 30 avril 2019.

La société Négoce Vente Location Moreau [O] a mis en demeure, le 06 mai 2019, la société S2L de lui restituer le matériel, ce que cette dernière a refusé arguant d’un accord intervenu entre les parties pour un rachat du matériel en fin de contrat pour sa valeur résiduelle fixée à 12 650 euros.

Par ordonnance du 27 août 2019, le président du tribunal de commerce de Bordeaux statuant en référé a débouté la société Négoce Vente Location Moreau [O] de sa demande de restitution du matériel.

Par acte d’huissier du 23 octobre 2019, la société Négoce Vente Location Moreau [O] a assigné la société S2L devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d’obtenir la restitution du matériel loué, une indemnité d’utilisation et une indemnisation de ses préjudices.

Par jugement contradictoire du 24 septembre 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

–  débouté la société Négoce Vente Location Moreau [O] de l’ensemble de ses demandes,

– donné acte à la société S2L de sa proposition de rachat concernant le matériel pour un prix de 12 650 euros HT,

– condamné la société Négoce Vente Location Moreau [O] à payer à la société S2L la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Négoce Vente Location Moreau [O] aux entiers dépens de la présente instance.

Par déclaration du 02 octobre 2020, la société Négoce Vente Location Moreau [O] a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société S2L.

Par jugement du 30 novembre 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Négoce Vente Location Moreau [O]. La société Firma a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 8 février 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Négoce Vente Location Moreau [O] et la société Firma représentée par son gérant, M. [H] [I], demandent à la cour de :

– ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture à la date des plaidoiries,

– déclarer recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la société Firma en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Négoce Vente Location Moreau [O].

– vu les dispositions 1103, 1004, 1217 et 1231 du code civil,

– réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 24 septembre 2020,

– statuant à nouveau,

– condamner la société S2L à restituer dans les quarante-huit heures de la signification de la décision à intervenir, et à peine d’astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai, la pelle sur chenilles Komatsu PC 118MR-8 2PB numéro de série F00261 avec ses accessoires, soit :

– une attache hydraulique Blanchard,

– trois godets de terrassement de 500 mm, 900 mm et 1400 mm,

– un godet de curage de 1600 mm,

– une pince de tri 6.850 + platine,

– le carnet d’entretien du matériel,

– le manuel d’utilisation du matériel,

– le certificat de conformité mis à disposition avec le matériel,

– condamner la société S2L à lui payer la somme de 138 564 euros à titre d’indemnité d’utilisation du matériel pour les mois de mai 2019 à novembre 2022, ainsi qu’une somme mensuelle de 3 079,20 euros jusqu’à complète restitution du matériel,

– juger que les sommes allouées porteront intérêt au taux pratiqué par la BCE, augmenté de 10% en application de l’article L. 441-6 du code de commerce, à compter du 1er de chaque mois échu et condamné la société S2L au paiement desdits intérêts,

– condamner la société S2L à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1217 et 1231 du code civil,

– condamner la société S2L à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société S2L de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles,

– la condamner en tous les dépens.

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 13 avril 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société S2L, demande à la cour de :

– vu l’article 1103 du code civil,

– confirmer le jugement rendu le 24 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions,

– en conséquence,

– débouter la société Négoce Vente Location Moreau [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– lui donner acte de ce qu’elle maintient son offre d’achat au prix de 12 650 euros,

– condamner la société Négoce Vente Location Moreau [O] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 06 février 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 20 février 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Il convient de prononcer la révocation de l’ordonnance de clôture avec fixation de la nouvelle clôture à la date de l’audience, la nomination du mandataire judicaire étant une cause grave justifiant cette révocation.

2- Les conclusions notifiées le 8 février 2023 contenant intervention volontaire du mandataire judiciaire sans que de nouvelles prétentions ne soient formées ou de nouveaux moyens développés seront ainsi déclarées recevables.

L’intervention volontaire est elle-même recevable.

3- La société Négoce Vente Location Moreau [O] et la société Firma soutiennent que les premiers juges ont à tort retenu que le matériel était cessible en fin de contrat. Elles considèrent que la société Négoce Vente Location Moreau [O] était ainsi en droit de solliciter sa restitution.

Elles font valoir :

– que le contrat stipule clairement en son article 9 que le matériel doit être restitué en fin de contrat,

– qu’il ne peut être tenu compte de documents antérieurs à la vente,

– que les pièces 7 et 8 de l’intimée n’ont pas de valeur probante, M. [O] déniant sa signature aux termes d’une attestation en date du 28 juin 2019 produite aux débats,

– que la société Négoce Vente Location Moreau [O] n’était pas tenue de porter plainte pour usage de faux dans la mesure où la solution du litige ne dépend pas des attestations produites par son contradicteur, pièces antérieures de plusieurs mois à l’accord des parties,

– que, de la même façon, une expertise graphologique est inutile,

– que M. [O] n’était pas le gérant de la société Négoce Vente Location Moreau [O] et n’avait pas ainsi la possibilité d’engager cette dernière.

4- La société S2L expose que les parties, liées par des relations commerciales établies, convenaient systématiquement du rachat du matériel en fin de location et qu’il en a été de même dans le cadre de ce contrat litigieux ce dont elle justifie par la production de ses pièces 10 et 11, qui ont bien été signées par M. [O]. Elle ajoute qu’il ressort des différentes pièces produites aux débats que M. [O] a plusieurs signatures et qu’en cas de doute, la cour pourra désigner un expert en graphologie. Elle maintient que M. [O] était bien gérant de la société société Négoce Vente Location Moreau [O]. En tout état de cause, il a engagé celle-ci en vertu d’un mandat apparent.

5- Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6- L’article 9 du contrat de location du 1er mai 2015 stipule que le matériel sera restitué à l’expiration du contrat de location et qu’à défaut le locataire sera tenu d’une indemnité mensuelle égale à un mois de loyer.

La preneuse justifie cependant, comme l’ont relevé les premiers juges, que les parties, qui étaient liées par des relations commerciales établies, avaient conclu de nombreux contrats de location comportant la même clause et avaient convenu d’une pratique différente de la lettre du contrat puisque la preneuse rachetait le matériel loué en fin de contrat pour sa valeur résiduelle ( pièce 6 : contrat du 30 mars 2015, matériel racheté le 6 avril 2017 pour une valeur résiduelle de 3180 euros; pièce 12: contrat du 1er mai 2015, matériel racheté le 10 710 euros le 5 décembre 2018).

La preneuse produit aux débats :

– une attestation à l’entête de société Négoce Vente Location Moreau [O] et la société Firma ainsi rédigée ‘ je soussigné Monsieur [O], représentant la société NVLMG, en conformité avec votre proposition d’achat ( pelle Komatsu PC 118) vous confirme que l’achat de la pelle sera validé à condition qu’à la fin du contrat la pelle soit vendue moyennant une VR de 10% soit 12650 euros ( valeur machine : 126 500 euros HT) ‘ suivi d’une signature qui lui est attribuée, et de la mention manuscrite ‘remis en main propre le 19 janvier 2015″ et de la signature de M. [D] gérant de S2L,

– une attestation à l’entête de la société S2L ainsi rédigée ‘ Monsieur, suite à votre demande et à votre remise en main propre le 19 janvier 2015 de l’attestation pour la VR de la machine Komatsu PC 118, je vous confirme l’accord de financement de cette pelle financée par la société NVLMG dont vous êtes co-gérant avec M. [W]. Comme validé par les deux parties, la machine sera vendue à la fin du contrat à la société S2L pour la somme de 12 650 euros, soit 10% de la valeur de la machine.’ suivie de la signature de M. [D] gérant et avec la mention ‘remis en mains propres le 26 janvier 2015″ suivie d’une signature attribuée à M. [O].

– une attestation de M. [T] du 5 juillet 2019, responsable de l’agence SAMI TP à [Localité 4], distributeur de machines Komatsu, attestant que le jour de l’achat de la pelle PC118, il était présent et que M. [O] et M. [D] avaient convenu d’un rachat de la pelle par la société S2L à 10% de sa valeur.

La bailleresse conteste l’authenticité des deux premières attestations et soutient que la troisième n’est pas suffisamment circonstanciée.

Elle produit pour sa part, deux attestations de M. [O] affirmant qu’il n’a signé aucune des deux attestations et que sa nomination de gérant de la société Négoce Vente Location Moreau [O], envisagée initialement, n’a pas abouti.

La cour relève, comme les premiers juges, que l’intimée n’a pas porté plainte contre l’appelante qui selon elle aurait émis et fait usage de deux faux dans le but d’obtenir une décision de justice à son avantage. Elle ne souhaite pas plus solliciter une expertise en graphologie alors que la cour relève des similitudes frappantes entre l’écriture figurant sur l’attestation rédigée par M. [O] et la mention ‘ remis en mains propres’ figurant sur l’attestation du 26 janvier 2015.

Il est en outre exact, comme le soutient l’intimée, que M. [O] a une signature qui varie selon les circonstances.

Enfin, il ressort bien des statuts de la société Négoce Vente Location Moreau [O] et de la publication légale du 26 décembre 2012 que M. [O] a été nommé gérant de la société Négoce Vente Location Moreau [O]. Même si celui-ci a pu renoncer rapidement à ses fonctions en raison de leur incompatibilité avec son emploi de salarié, il a pu engager la société Négoce Vente Location Moreau [O] sur le fondement du mandat apparent.

L’attestation de M. [T] apparait enfin suffisamment circonstancié même si elle ne mentionne pas la date de l’échange auquel celui-ci a assisté plusieurs années auparavant, étant relevé qu’il n’est pas contesté qu’il est bien le vendeur de la pelle objet à ce litige.

Dès lors, il sera jugé que le tribunal de commerce a pu, à juste titre, compte tenu de l’usage établi entre les parties et de l’accord précontractuel produit aux débats, juger que les cocontractants avaient convenu du rachat de la pelle par le preneur pour 10% de sa valeur en fin de bail.

La décision de première instance sera ainsi intégralement confirmée. Il y sera ajouté que la société S2L sera tenue au paiement du prix de vente dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la facture.

La société Négoce Vente Location Moreau [O] qui succombe sera condamnée aux dépens de cette instance d’appel.

La société Négoce Vente Location Moreau [O] sera condamnée à verser la somme de 3000 euros à la société S2L au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort;

Ordonne le rabat de la clôture au jour des plaidoiries,

Déclare recevable l’intervention volontaire de la société Firma en qualité de mandataire judiciaire de la société Négoce Location Moreau [O],

Confirme en toutes ses dispositions déférées à la cour la décision rendue le tribunal de commerce de Bordeaux le 24 septembre 2020,

y ajoutant

Constate que les parties ont convenu de la cession du matériel loué à l’issue de la location pour la somme de 12 650 euros,

Dit que la société S2L sera tenue au paiement du prix de vente à la société Négoce Vente Location Moreau [O] dans les 15 jours de réception de la facture,

Condamne la société Négoce Vente Location Moreau [O] aux dépens de cette instance d’appel,

Condamne la société Négoce Vente Location Moreau [O] à verser la somme de 3000 euros à la société S2L au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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