Mandat apparent : 21 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/02326

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Mandat apparent : 21 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/02326

N° RG 22/02326 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OGRW

Décisions :

Tribunal de Grande Instance de CUSSET

Au fond

du 17 septembre 2018

RG : 17/00885

Cour d’Appel de RIOM

Au fond du 09 juin 2020

RG 18/01929

1ère ch civile

Cour de Cassation

Civ3 du 30 septembre 2021

Pourvoi G20-18.303

Arrêt 683 F-D

[P]

C/

[X]

ROUVET

[H]

S.C.P. JEANNE MARIE CARRIER DE BOISSY BERTRAND LABBE DE M ONTAIS FREDERIC ROUVET NOTAIRES ASSOCIES

S.A.R.L. BELLERIVE IMMO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 21 Février 2023

statuant sur renvoi après cassation

APPELANT :

M. [A], [K], [T] [P] agissant en son nom personnel et ès-qualités d’héritier de M. [E] [F] [R]

né le 30 Août 1964 à [Localité 9] (63)

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me Etienne AVRIL de la SELARL BOST-AVRIL, avocat au barreau de LYON, toque : 33

ayant pour avocat plaidantMe Philippe BOISSIER de la SCP BOISSIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, toque : 37

INTIMES :

M. [S] [X]

né le 20 Novembre 1974 à [Localité 10] (03)

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté par Me Céline GARCIA, avocat au barreau de LYON, toque : 2210

ayant pour avocat plaidant Me Alexandre BENAZDIA, avocat au barreau de CUSSET-VICHY

Mme [I] [H], à l’enseigne : [H] IMMOBILIER

née le 01 Janvier 1958 à [Localité 10] ([Localité 10])

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Céline GARCIA, avocat au barreau de LYON, toque : 2210

ayant pour avocat plaidant Me Alexandre BENAZDIA, avocat au barreau de CUSSET-VICHY

La S.A.R.L. BELLERIVE IMMO

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Céline GARCIA, avocat au barreau de LYON, toque : 2210

ayant pour avocat plaidant Me Alexandre BENAZDIA, avocat au barreau de CUSSET-VICHY

Me Frédéric ROUVET, notaire

né le 15 Octobre 1965 à [Localité 1] (03)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Joël TACHET de la SCP TACHET, AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 609

ayant pour avocat plaidant Patrice TACHON de la SCP LARDANS TACHON MICALLEF, avocat au barreau de MOULINS

La S.C.P. CARRIER DE BOISSY – LABBE DE MONTAIS – ROUVET, Notaires associés

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Joël TACHET de la SCP TACHET, AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 609

ayant pour avocat plaidant Me Patrice TACHON de la SCP LARDANS TACHON MICALLEF, avocat au barreau de MOULINS

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 05 Décembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Décembre 2022

Date de mise à disposition : 21 Février 2023

Audience tenue par Stéphanie LEMOINE, conseiller, et Bénédicte LECHARNY, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l’audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Olivier GOURSAUD, président

– Stéphanie LEMOINE, conseiller

– Bénédicte LECHARNY, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L’AFFAIRE

Selon acte notarié du 3 avril 2017, M. [S] [X], d’une part, M. [A] [P] et [E] [R], d’autre part, ont, par l’entremise de Mme [I] [H] et de la société Bellerive immo (les agents immobiliers), signé une promesse synallagmatique de vente qui a été notifiée le 4 avril 2017 aux deux acquéreurs par Maître Frédéric Rouvet, notaire, membre de la société civile professionnelle Carrier de Boissy-Labbé de Montais-Rouvet (le notaire), en application de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation. Le compromis était signé par [E] [R], agissant tant en son nom qu’en celui de M. [P] dont il avait reçu procuration le 31 mars 2017 pour procéder à cette acquisition et exercer éventuellement sa faculté de rétractation.

Par lettres du 12 juin 2017, [E] [R] et M. [P] ont renoncé à leur acquisition, précisant que le délai de rétractation n’avait pu courir, faute de notification valide.

Par actes du 18 juillet 2018, [E] [R] et M. [P] ont assigné M. [X], le notaire et la SCP de notaires Boissy-de Montais-Rouvet (la SCP de notaires) devant le tribunal de grande instance de Cusset.

Les agents immobiliers sont intervenus volontairement à l’instance.

Par jugement du 17 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Cusset a :

– condamné solidairement [E] [R] et M. [P] à payer à M. [X] la somme de 56 000 euros au titre de la clause pénale, en ce compris le dépôt de garantie déjà versé,

– ordonné le versement au bénéfice de M. [X] de la somme de 25 000 euros déposée en l’étude notariale en dépôt de garantie au titre du compromis de vente en cause,

– condamné solidairement [E] [R] et M. [P] à payer aux agents immobiliers la somme totale de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts, à charge pour ces derniers de se répartir cette somme selon leur accord,

– condamné solidairement [E] [R] et M. [P] à payer à M. [X] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement [E] [R] et M. [P] à payer au notaire et à la SCP de notaires la somme totale de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement [E] [R] et M. [P] à payer aux agents immobiliers la somme totale de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de toute autre demande,

– condamné [E] [R] et M. [P] aux entiers dépens qui seront distraits au profit du conseil qui en a fait la demande dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

– prononcé l’exécution provisoire du présent jugement.

Par arrêt du 9 juin 2020, la cour d’appel de Riom a :

– confirmé le jugement,

– dit que le notaire devra verser à M. [X] la somme de 25 000 euros qu’il détient à titre de séquestre, afin de le désintéresser en partie du montant de la clause pénale,

– condamné les consorts [R] et [P] à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

2 500 euros à M. [X],

2 500 euros au notaire,

2 500 euros à Mme [H],

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné les consorts [R] et [P] aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître Benzdia, avocat.

[E] [R] est décédé le 16 août 2020.

Sur pourvoi formé par M. [P], agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritier de [E] [R], la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt, renvoyant l’affaire et les parties devant la cour d’appel de Lyon (3e Civ., 30 septembre 2021, pourvoi n° 20-18.303).

La Cour a considéré qu’en retenant, pour rejeter la demande en restitution du dépôt de garantie, que l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation impose seulement une notification de la promesse de vente par lettre recommandée avec demande d’avis de réception mais n’enjoint pas à l’expéditeur de s’assurer de l’identité du signataire de l’avis de réception et que, par conséquent, il appartenait aux acquéreurs de s’assurer de la bonne réception de ces lettres et de donner procuration à des tiers, si nécessaire, pour les recevoir, alors qu’elle avait constaté que les lettres recommandées portaient des signatures qui n’étaient pas celles de [E] [R], ni de M. [P], mais d’un tiers à qui aucune procuration n’avait été donnée pour recevoir les lettres au nom des destinataires, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Selon déclaration du 25 mars 2022, M. [P] a saisi la cour de renvoi.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 1er juillet 2022, M. [P], agissant tant en son nom qu’en sa qualité d’héritier de [E] [R], demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Cusset qui a refusé de déclarer irrégulières les notifications du compromis et de prononcer en conséquence la caducité dudit compromis, et refusé d’ordonner la restitution du dépôt de garantie de 25 000 euros et des frais de 200 euros,

– débouter l’ensemble des intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

et statuant à nouveau,

– prononcer la nullité des deux notifications du 4 avril 2017 du compromis de vente du 3 avril précédent retirées par un tiers sans mandat spécial,

– prononcer la nullité de la notification adressée à M. [P] personnellement qui se trouvait en Espagne au lieu de l’adresser à son mandataire spécial, M. [R], conformément à la procuration notariée du 31 mars 2017,

– juger en conséquence bonnes et valables les notifications de rétractation de M. [R] et de M. [P] par deux lettres recommandées avec accusé de réception du 12 juin 2017, dont celle de M. [P] dument motivée et postée depuis l’Espagne dans le délai augmenté de deux mois conformément aux articles 642 à 646 du code de procédure civile,

– prononcer la caducité du compromis de vente du 3 avril 2017 et à défaut sa nullité,

– débouter, dès lors, comme étant irrecevables et mal fondées les demandes en paiement des intimés tant au titre de la clause pénale au profit de M. [X] que des commissions d’agence sous forme de dommages intérêts ou autres,

– condamner in solidum M. [X] et le notaire à lui porter et à lui payer la somme de 25 200 euros au titre du dépôt de garantie et de la provision pour frais versée le 3 avril 2017 en l’étude du notaire intervenant pour M. [X], outre intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 27 juin 2017, et à défaut depuis l’assignation du 18 juillet 2017 qui valaient mises en demeure conformément aux articles 1344 et 1344-1 du code civil,

– condamner M. [X] à lui porter et à lui payer la somme de 67 482,52 euros, dont 25 000,00 euros de dépôt de garantie, l’ensemble versé les 22 juin et 20 juillet 2020 en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement et de l’arrêt de Riom du 9 juin 2020, et ce, outre intérêts légaux depuis la date de leurs versements,

– condamner le notaire et sa SCP d’avoir à lui porter et à lui payer la somme de 3 251 euros réglée dans le cadre de l’exécution provisoire ainsi qu’en vertu de l’arrêt cassé de la cour d’appel de Riom,

– débouter M. [X] de sa demande tendant à l’application de la clause pénale à son encontre,

– débouter les agents immobiliers de leurs demandes en paiement de commissions et de dommages intérêts,

à titre subsidiaire,

– modérer la clause pénale convenue entre les parties et la fixer à la somme de 1 000 euros au profit de M. [X],

– juger que les agents immobiliers ont engagé leur responsabilité contractuelle à son égard et qu’elles devront le garantir et relever indemne de toute éventuelle condamnation,

– les y condamner in solidum,

– débouter les agents immobiliers et les notaires de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– fixer, très subsidiairement à 1 000 euros le montant des dommages et intérêts qui pourraient être alloués aux agents immobiliers,

– condamner in solidum M. [X], le notaire et la SCP de notaires, et les agents immobiliers en tous les dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 7 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 14 juillet 2022, M. [X] demande à la cour de :

à titre principal,

– voir dire bien jugé, mal appelé,

– voir confirmer le jugement en toutes ses dispositions et notamment voir confirmer la condamnation de M. [P] tant à titre personnel qu’en tant qu’ayant droit de [E] [R], à lui payer la somme de 56 000 euros au titre de la clause pénale, en ce compris le dépôt de garantie déjà versé à son profit,

– voir confirmer qu’il soit ordonné le versement à son bénéfice de la somme de 25 000 euros déposée originellement en l’étude notariale,

– voir confirmer la condamnation de M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] à verser aux agents immobiliers la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts, à charge pour ces dernières de se répartir cette somme selon leur accord,

– voir confirmer la condamnation de M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [X] ainsi qu’aux entiers dépens,

– voir confirmer la condamnation de M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] à verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 au profit du notaire et 800 euros au titre de l’article 700 au profit des agents immobiliers,

y ajouter,

– voir condamner M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel,

à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 1240 l’égard du notaire, si par extraordinaire M. [P] agissant tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] triomphait en sa demande de voir déclarer nulle la notification effectuée par le notaire et que soit prononcée la caducité du compromis,

– voir condamner le notaire à le relever indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R], tant en principal, intérêts, accessoires, dommages et intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens,

en conséquence,

– voir condamner le notaire à lui payer et porter à titre d’indemnité, la somme de 56 000 euros, outre la somme complémentaire correspondant aux intérêts, article 700 et dépens, soit 11 392,25 euros perçus par M. [X] au regard des décisions antérieures,

– voir condamner le notaire à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 14 juillet 2022, les agents immobiliers demandent à la cour de :

à titre principal,

– voir dire bien jugé, mal appelé,

– voir confirmer le jugement en toutes ses dispositions et notamment voir confirmer la condamnation de M. [P] tant à titre personnel qu’en tant qu’ayant droit de [E] [R], à payer la somme de 56 000 euros au titre de la clause pénale, en ce compris le dépôt de garantie déjà versé au profit de M. [X],

– voir confirmer qu’il soit ordonné le versement au bénéfice de M. [X] de la somme de 25 000 euros déposée originellement en l’étude notariale,

– voir confirmer la condamnation de M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] à leur verser la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts, à charge pour ces dernières de se répartir cette somme selon leur accord,

– voir confirmer la condamnation de M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [X] ainsi qu’aux entiers dépens,

– voir confirmer la condamnation de M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] à verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 au profit du notaire et 800 euros au titre de l’article 700 à leur profit,

y ajouter,

– voir écarter toutes demandes, fins et conclusions de M. [P], et notamment sa demande de condamnation à leur égard au titre d’une responsabilité contractuelle et d’avoir à le garantir indemne de toutes condamnations,

– voir juger irrecevable et mal fondé M. [P] à voir réduire le montant des dommages et intérêts à la somme de 1 000 euros au regard de la perte de chance,

– voir écarter toutes demandes de M. [P], et notamment de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

– voir condamner M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] à leur verser la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel,

à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 1240 l’égard du notaire, si par extraordinaire M. [P] agissant tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R] triomphait en sa demande de voir déclarer nulle la notification effectuée par le notaire et que soit prononcée la caducité du compromis,

– à tout le moins, voir condamner le notaire à les relever indemnes de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre au profit de M. [P] tant à titre personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [E] [R], tant en principal, intérêts, accessoires, dommages et intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens,

en conséquence,

– les recevoir en leur appel provoqué à l’égard du notaire, et ce, au regard de leur demande de condamnation à la somme de 12 000 euros concernant la perte de chance par rapport à la commission contractuellement prévue en vertu des articles 909 et 551 du code de procédure civile, et ce, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, outre aux sommes complémentaires correspondant aux intérêts, article 700 et dépens, soit 4 911,57 euros perçus au regard des décisions antérieures,

– voir condamner le, notaire à payer et porter à M. [X] à titre d’indemnité, la somme de 56 000 euros, outre la somme complémentaire correspondant aux intérêts, article 700 et dépens, soit 11 392.25 euros perçus par M. [X] au regard des décisions antérieures,

– voir condamner le notaire à leur verser la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 21 juin 2022, le notaire et la SCP de notaires demandent à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Cusset, sauf en ce qu’il lui a ordonné de verser la somme litigieuse à M. [X],

statuer à nouveau,

– lui indiquer la partie à laquelle le dépôt de garantie et la provision sur frais doivent être remis,

– confirmer pour le surplus le jugement du tribunal de grande instance de Cusset en ses dispositions le concernant,

– dire irrecevables les demandes formées contre eux par les agents immobiliers.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la validité de la rétractation et la restitution du dépôt de garantie

M. [P] fait valoir :

– que la notification du compromis de vente et de la faculté de rétractation des acquéreurs effectuée le 4 avril 2017 est irrégulière puisque, conformément aux termes du compromis de vente et de la procuration annexée, M. [P] avait donné procuration notariée à [E] [R] afin que ce dernier puisse conclure l’avant-contrat en son nom et le cas échéant, exercer sa faculté de rétractation ; que le notaire aurait donc dû adresser deux notifications à [E] [R], une en sa qualité d’acquéreur et l’autre en sa qualité de mandataire spécial de M. [P];

– que les deux lettres recommandées avec accusé de réception portant notification du compromis de vente ont été réceptionnées par un tiers ; que dès lors que les notifications du 4 avril 2017 sont irrégulières, M. [P] et [E] [R] pouvaient librement exercer leur faculté de rétractation au-delà du délai de dix jours de l’article L271-1 du code de la construction ;

– que l’exercice du droit de rétractation par l’un des coacquéreurs entraîne l’anéantissement du contrat à l’égard de tous ; que la caducité du compromis par suite des rétractations ayant un effet rétroactif, le notaire est tenu de lui restituer le dépôt de garantie d’un montant de 25 000 euros consigné lors de la signature du compromis de vente, outre la somme de 200 euros versée à titre de provision pour frais liés à la vente ainsi annulée.

M. [X] et les agents immobiliers font valoir :

– qu’il importe peu que ce soit un tiers qui ait signé les lettres recommandées avec accusé de réception pourvu qu’elles aient été envoyées à la bonne adresse et retournées dûment signées ; que les notifications faites à l’adresse déclarée, d’une part et au mandant, pris individuellement, d’autre part, sont valables ; qu’il y a un mandat apparent dès lors que le tiers qui a réceptionné le courrier l’a accepté ; qu’il ne peut être demandé à M. [X] d’apporter la preuve que le récipiendaire avait un mandat des consorts [U], la preuve étant impossible ;

– que M. [P] et [E] [R] ayant nécessairement eu connaissance de la teneur des courriers recommandés qui ont été réceptionnés par un tiers et n’ayant pas dénoncé la notification dans les jours et semaines qui ont suivi, la notification du délai de rétractation est régulière et leur est opposable ;

– que M. [P] et [E] [R] ayant acquis un autre bien ont fomenté la rupture du compromis de vente en excipant d’une fausse cause.

Le notaire et la SCP de notaires indiquent qu’ils remettront à la partie que la cour désignera la somme de 25 000 euros versée à titre de dépôt de garantie, au moment de la signature du compromis litigieux, dont le notaire a été déclaré séquestre, outre la provision sur frais d’un montant de 200 euros.

Réponse de la cour

Selon l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à la date de signature du compromis de vente, pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte.

Cet acte est notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.

Lorsque l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l’acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s’appliquent qu’à ce contrat ou à cette promesse.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est dressé en la forme authentique et n’est pas précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale, l’acquéreur non professionnel dispose d’un délai de réflexion de dix jours à compter de la notification ou de la remise du projet d’acte selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation mentionné aux premier et troisième alinéas. En aucun cas l’acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de dix jours.

En application de ce texte, la notification de la promesse de vente par lettre recommandée avec demande d’avis de réception n’est régulière que si la lettre est remise à son destinataire ou à un représentant muni d’un pouvoir à cet effet.

En l’espèce, M. [P] a, par une procuration notariée du 31 mars 2017, désigné pour mandataire spécial [E] [R] à l’effet de conclure l’avant-contrat et la vente qui en découlera et d’exercer la faculté de rétractation. Aux termes de cette procuration, il est précisé que : « Le constituant élit domicile chez son mandataire pour l’exercice éventuel de la faculté de rétractation. A cet effet, l’avant-contrat avec ses annexes sera notifié à son mandataire, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remis contre décharge ». 

Il résulte des dispositions de l’article L. 271-1 précité et des énonciations de la procuration que la notification de la promesse de vente devait être faite, s’agissant tant de [E] [R] que de M. [P], à [E] [R], au domicile de ce dernier.

Or, force est de constater que les accusés de réception des lettres recommandées de notification portent des signatures qui ne sont pas celles de [E] [R], ni de M. [P], mais d’un tiers, ces signatures ne présentant aucune similitude avec celles apposées par [E] [R] et M. [P] sur le document intitulé « intention d’achat de biens immobiliers », la procuration pour acquérir ou le compromis de vente.

S’il n’est pas contesté que les lettres recommandées ont bien été adressées au domicile de [E] [R], il n’est pas établi, en revanche, qu’une procuration avait été donnée à ce tiers pour recevoir les lettres au nom des destinataires, l’existence d’un tel mandat s’agissant de M. [P] étant, d’ailleurs, hautement improbable, alors qu’il avait déjà institué [E] [R] comme son mandataire, de sorte que l’existence d’un mandat apparent doit nécessairement être écartée.

En l’absence de remise des lettres recommandées à leur destinataire ou à un représentant muni d’un pouvoir à cet effet, il convient de retenir que la notification de la promesse de vente, tant à M. [P] qu’à [E] [R], est irrégulière.

La notification de la promesse n’étant pas régulière, le délai de rétraction n’a pas couru, de sorte que [E] [R] et M. [P] ont valablement exercé leur droit de rétractation par lettre recommandée du 12 juin 2017.

Au vu de ce qui précède, il convient, par infirmation du jugement déféré, de constater l’anéantissement du compromis de vente et de dire que la somme de 25 200 euros versée entre les mains du notaire au titre du dépôt de garantie et de la provision sur frais doit, en conséquence, être restituée à M. [P], en application de l’article L. 271-2, alinéa 2, du code de la construction et de l’habitation.

2. Sur la clause pénale et la demande de dommages-intérêts des agents immobiliers

[E] [R] et M. [P] ayant valablement exercé leur droit de rétractation et le compromis de vente étant anéanti, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il les a condamnés solidairement à payer à M. [X] la somme de 56 000 euros au titre de la clause pénale insérée dans la promesse et aux agents immobiliers la somme de 12 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte de chance de percevoir une commission.

3. Sur les demandes en paiement des sommes de 25 200 euros et 67 482,52 euros

Le notaire s’étant défait de la somme de 25 200 euros entre les mains de M. [X] en exécution du jugement assorti de l’exécution provisoire, il convient de condamner ce dernier à payer ladite somme à M. [P], avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Pour le surplus, l’obligation de rembourser les sommes versées en vertu d’une décision de première instance assortie de l’exécution provisoire résulte de plein droit de la réformation de cette décision. Il en va de même pour les sommes versées en vertu d’un arrêt d’appel cassé et annulé en toutes ses dispositions par la Cour de cassation.

Il en ressort que la cour d’appel n’a pas à statuer sur la demande en paiement des sommes de 67 482,52 – 25 200 = 42 282,52 euros et de 3 251 euros formée par M. [P].

4. Sur les demandes de M. [X] dirigées contre le notaire

M. [X] demande à être relevé indemne par le notaire de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et sollicite la condamnation du notaire à lui payer la somme de 56 000 euros à titre de dommages-intérêts. Il fait valoir :

– que ce dernier a commis une faute dans le cadre de l’envoi de la lettre de notification du droit de rétractation en ne s’assurant pas de l’identité des signatures figurant sur les accusés de réception, alors même que cette notification revêtait une importance toute particulière, notamment pour sceller le compromis et sécuriser le rapport juridique des parties ;

– que si le notaire avait été vigilant, il ne se serait pas trouvé devant cet imbroglio judiciaire et en procédure, et conserverait la somme de 56 000 euros à titre de dommages et intérêts;

– qu’il existe incontestablement une perte de chance occasionnée par la faute du notaire.

Le notaire et la SCP de notaires ne font valoir aucun moyen en réponse.

Réponse de la cour

Le notaire est tenu d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours. Il est encore tenu de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes rédigés par ses soins.

Il engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil, à charge pour celui qui l’invoque de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité.

En l’espèce, il incombait au notaire de vérifier la sincérité, au moins apparente, des signatures figurant sur les avis de réception des lettres recommandées adressées aux acquéreurs, étant observé qu’une simple comparaison des signatures figurant sur les accusés de réception avec celles apposées par [E] [R] et M. [P] sur le document intitulé « intention d’achat de biens immobiliers », la procuration pour acquérir ou le compromis de vente lui aurait permis de se convaincre de l’absence totale de similitude entre ces signatures.

La faute du notaire, qui n’a pas assuré l’efficacité de l’acte de vente, est ainsi établie et M. [X] est fondé, sur le principe, à solliciter la condamnation du notaire à le relever indemne de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de M. [P] du fait de l’anéantissement du compromis de vente résultant de l’exercice par les acquéreurs de leur droit de rétractation.

Toutefois, la condamnation de M. [X] à payer à M. [P] la somme de 25 200 euros initialement versée entre les mains du notaire au titre du dépôt de garantie et de la provision sur frais n’étant que la conséquence de la libération préalable de cette somme entre les mains de M. [X] en exécution du jugement assorti de l’exécution provisoire, il n’y a pas lieu de condamner le notaire à le relever indemne à ce titre.

Encore, M. [X] n’établit pas la preuve d’un lien de causalité entre la faute du notaire et l’obligation dans laquelle il se trouve d’avoir à rembourser à M. [P] la somme de 56 000 euros versée au titre de la clause pénale en exécution du jugement infirmé, cette obligation trouvant sa cause, non dans la faute du notaire, mais dans l’infirmation de la décision de première instance.

Aussi convient-il de débouter M. [X] de ce chef de demande.

5. Sur la demande des agents immobiliers dirigée contre le notaire

Les agents immobiliers indiquent régulariser un appel provoqué en ce qui concerne la demande de dommages-intérêts à hauteur de 12 000 euros correspondant à la perte de chance d’obtenir la commission. Ils concluent à la recevabilité de cet appel provoqué réalisé dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile, et donc dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant, ainsi que dans les formes de l’article 551 du code de procédure civile, par notification d’avocat dans la mesure où les parties ont constitué avocats pour les représenter devant la cour.

Sur le fond, ils soulèvent les mêmes moyens que M. [X] et estiment que la faute du notaire justifie sa condamnation à leur payer la somme de 12 000 euros pour le préjudice qu’ils subiront en perdant le bénéfice des dommages-intérêts obtenus en première instance.

Le notaire et la SCP de notaires font valoir que les demandes sont irrecevables car les conclusions signifiées ne comportent pas d’appel provoqué ; que l’irrégularité supposée des notifications n’a eu aucun effet sur la volonté de M. [P] et de [E] [R] de se rétracter; qu’elle ne génère aucun préjudice à l’encontre des agents immobiliers.

Réponse de la cour

Les demandes formées par les agents immobiliers sont recevables pour avoir été faites dans les formes et délais prévues par les articles 551 et 909 du code de procédure civile. En effet, le notaire et la SCP de notaires soutiennent à tort que les conclusions signifiées par les agents immobiliers ne comportent pas d’appel provoqué alors qu’ils ont déposé des conclusions d’appel provoqué le 24 juin 2022, soit dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant effectuée le 30 mars 2022.

Si la cour a jugé que le notaire a commis une faute en ne vérifiant pas la sincérité, au moins apparente, des signatures figurant sur les avis de réception des lettres recommandées adressées aux acquéreurs, elle retient, néanmoins, que si le notaire avait constaté l’absence de concordance des signatures, il aurait été contraint de faire procéder à une nouvelle notification ouvrant un nouveau délai de rétractation aux acquéreurs, de sorte qu’il ne peut être soutenu par les agents immobiliers que la faute du notaire est à l’origine de leur préjudice généré par la perte de chance de percevoir la commission de 15 000 euros prévue par le contrat.

A défaut d’établir la preuve d’un lien de causalité entre la faute du notaire et leur préjudice, les agents immobiliers sont déboutés de ce chef de demande.

6. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

M. [X] et le notaire, parties perdantes, sont condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [P] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le notaire est condamné à relever et garantir M. [X] de ces condamnations.

Les agents immobiliers qui sont déboutés de leur demande de dommages-intérêts conserveront la charge de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Cusset le 17 septembre 2018,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate l’anéantissement du compromis de vente signé le 3 avril 2017,

Condamne M. [S] [X] à payer à M. [A] [P] la somme de 25 200 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie et de la provision sur frais, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Déboute Mme [I] [H] et la société Bellerive immo de leur demande de dommages-intérêts,

Dit n’y n’avoir lieu à statuer sur la demande en paiement des sommes de 42 282,52 euros et de 3 251 euros formée par M. [A] [P],

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum M. [S] [X] et Maître Frédéric Rouvet à payer à M. [A] [P] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamne in solidum aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne Maître Frédéric Rouvet à relever et garantir M. [S] [X] de ces condamnations.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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