COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXECUTOIRE
à- Me ROUET-HEMERY
– SELAS TERRAJURIS AVOCATS
COPIE CERTIFIEE CONFORME AUX PARTIES
LE : 02 MARS 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
BAUX RURAUX
ARRÊT DU 02 MARS 2023
N° – Pages
N° RG 22/00012 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DPJ3
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de BOURGES en date du 24 Juin 2022
PARTIES EN CAUSE :
I – Société EARL DE LA POINTE DU JOUR agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:
[Adresse 16]
[Localité 1]
Représentée et plaidant par Me Marie-hélène ROUET-HEMERY, avocat au barreau de CHATEAUROUX
APPELANTE suivant déclaration du 22/07/2022
II – Mme [M] [T] divorcée [Y]
[Adresse 17]
[Localité 2]
INTIMÉE
– Mme [U] [Y]
[Adresse 13]
[Localité 5]
INTERVENANTE VOLONTAIRE suivant conclusions du 19/12/2022
Représentées et plaidant par la SELAS TERRAJURIS AVOCATS, avocat au barreau de BOURGES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme CIABRINI, Présidente chargée du rapport
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre,
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSE
Selon convention en date du 27 février 2005, [J] [P] [G], représentant de [Z] [T] veuve [I] en qualité de tuteur de celle-ci selon jugement rendu le 1er avril 1993 par le juge des tutelles du tribunal d’instance de Tours, a consenti à la SAFER du Centre, sous réserve de l’accord du conseil de famille et du juge des tutelles, une mise à disposition des parcelles cadastrées BY numéros [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 12],[Cadastre 3] et CN numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 7] à [Localité 14], ainsi que la parcelle cadastrée BH numéro [Cadastre 10] sur la commune de [Localité 19], pour une durée d’une campagne à compter du 1er mars 2005 jusqu’au plus tard le 1er novembre 2005.
[S] [W] s’est vu attribuer par la SAFER l’exploitation des terres dans le cadre d’un bail, les terres ayant été mises à disposition du GAEC LA POINTE DU JOUR devenu depuis lors EARL DE LA POINTE DU JOUR.
[S] [W] n’a pas libéré les lieux le 1er novembre 2005.
Le 2 juillet 2014, le centre hospitalier de [Localité 14] a bénéficié d’une ordonnance d’expropriation portant sur les parcelles BY [Cadastre 12] et [Cadastre 3].
Par ordonnance du 5 juillet 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bourges a débouté le centre hospitalier de sa demande à l’encontre des consorts [P] [G] et [M] [T] divorcée [Y] en paiement d’une indemnité réglée à l’EARL, au motif de l’existence de contestation sérieuse tant sur la preuve de l’existence du bail à ferme que sur le paiement à l’indivision d’une somme correspondant à une indemnité d’éviction.
Le centre hospitalier de [Localité 14] a assigné au fond [M] [T], [J], [V] et [X] [P] [G] aux fins de constatation de l’existence d’un bail à ferme et de condamnation à lui verser la somme de 12 353 € en application de la subrogation née entre les parties ou, à titre subsidiaire, la somme de 62 000 € en application de ladite subrogation.
Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bourges s’est déclaré compétent pour trancher le litige et a débouté le centre hospitalier de l’ensemble de ses demandes.
Par requête en date du 5 août 2021, l’EARL DE LA POINTE DU JOUR a sollicité la convocation devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Bourges d'[M] [T] divorcée [Y] afin qu’il soit dit que l’EARL bénéficie depuis le 11 novembre 2005 d’un bail à ferme portant sur les parcelles précitées et qu’il soit dit que ce bail s’est renouvelé par tacite reconduction, à défaut de congé, le 11 novembre 2014 pour une durée de neuf ans venant à expiration le 10 novembre 2023.
Par jugement rendu le 24 juin 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bourges a :
– Rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée en raison du jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Bourges le 28 janvier 2021 ;
– Constaté l’absence de bail rural au bénéfice de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR à compter du 2 novembre 2005, concernant les parcelles suivantes : [Localité 14] ‘ BY n°[Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 11] et CN n°[Cadastre 7], ST GERMAIN DU PUY – BH n°[Cadastre 10]
– Dit que l’EARL DE LA POINTE DU JOUR est occupante sans droit ni titre de ces parcelles ;
– Ordonné l’expulsion de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique sur ces parcelles ;
– Débouté Mme [M] [T] et Mme [U] [Y] de leur demande au titre de l’astreinte ;
– Débouté l’EARL DE LA POINTE DU JOUR de sa demande de délai aux fins de libération des parcelles occupées ;
– Fixé le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 2.600 euros par an ;
Condamné l’EARL DE LA POINTE DU JOUR à payer à Mme [M] [T] la somme de 13.205 euros représentant les indemnités d’occupation des années 2017 à 2021 incluses ;
– Rejeté la demande de condamnation à l’encontre de M. [S] et M. [F] [W] ;
– S’est déclaré incompétent matériellement pour statuer sur la demande formée par Mme [U] [Y] à l’encontre de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR, Messieurs [S] et [F] [W] au titre du préjudice subi ;
– Condamné L’EARL DE LA POINTE DU JOUR aux dépens de l’instance ;
– Condamné L’EARL DE LA POINTE DU JOUR à payer à Mme [M] [T] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit. »
L’EARL DE LA POINTE DU JOUR a interjeté appel de cette décision et demande à la cour, au visa des articles L411 ‘ 1 du code rural et de la pêche maritime, 1998 et suivants et 1156 du Code civil, de :
‘ Réformer le jugement entrepris en ses dispositions suivantes :
‘ « constate l’absence de bail rural au bénéfice de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR à compter du 2 novembre 2005 concernant les parcelles suivantes : [Localité 14] BY [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 11], CN [Cadastre 7] ; [Localité 19] BH [Cadastre 10]
‘ dit que l’EARL DE LA POINTE DU JOUR est occupante sans droit ni titre de ces parcelles
‘ ordonne son expulsion et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique sur ces parcelles
‘ déboute l’EARL DE LA POINTE DU JOUR de sa demande de délai aux fins de libération des parcelles occupées
‘ fixe le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 2600 € par an
‘ condamne l’EARL à payer à [M] [T] la somme de 13 205 € représentant les indemnités d’occupation des années 2017 à 2021 incluse ainsi qu’aux dépens et à verser à cette dernière la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ».
‘ Dire que l’EARL DE LA POINTE DU JOUR bénéficie depuis le 11 novembre 2005 d’un bail à ferme portant sur les parcelles précitées
‘ Dire que ce bail s’est renouvelé par tacite reconduction, à défaut de congé, le 11 novembre 2014 pour une période de neuf ans venant à expiration le 10 novembre 2023
‘ Confirmer, sur le surplus, le jugement
‘ Débouter Madame [T] et Madame [Y] de l’ensemble de leurs demandes
‘ Condamner Madame [T] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
[M] [T], intimée, et [U] [Y], intervenante volontaire, demandent pour leur part à la cour, au visa des articles 480 du code de procédure civile et L411 ‘ 1 du code rural, de :
– Débouter l’EARL DE LA POINTE DU JOUR de toutes ses demandes, fins et conclusions ; – Confirmer le jugement rendu par le Tribunal paritaire des baux ruraux le 22 juin 2022, en ce qu’il : – constate l’absence de bail rural au bénéfice de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR à compter du 2 novembre 2005, concernant les parcelles suivantes : [Localité 14] ‘ BY n°[Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 11] et CN n°[Cadastre 7] [Localité 19] – BH n°[Cadastre 10]
– Dit que l’EARL DE LA POINTE DU JOUR est occupante sans droit ni titre de ces parcelles ;
– Ordonne l’expulsion de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique sur ces parcelles ;
– Déboute l’EARL DE LA POINTE DU JOUR de sa demande de délai aux fins de libération des parcelles occupées ;
– Condamne L’EARL DE LA POINTE DU JOUR aux dépens de l’instance ;
– Condamne L’EARL DE LA POINTE DU JOUR à payer à Mme [M] [T] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile
– Infirmer jugement rendu par le Tribunal paritaire des baux ruraux le 22 juin 2022, en ce qu’il :
– Fixe le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 2600 euros par an ;
– Condamne L’EARL DE LA POINTE DU JOUR à payer à Mme [M] [T] la somme de 13.205 euros représentant les indemnités d’occupation des années 2017 à 2021 incluses ;
-Se déclare incompétent matériellement, pour statuer sur la demande formée par Mme [U] [Y] à l’encontre de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR, Messieurs [S] et [F] [W] au titre du préjudice subi
En conséquence, et statuant à nouveau :
– Fixer l’indemnité d’occupation annuelle à la somme de 8.000 € ;
– Condamner L’EARL DE LA POINTE DU JOUR à verser la somme de 48.000 euros à Mme [M] [T] représentant les indemnités d’occupation des années 2017 à 2022 incluses ;
– Condamner l’EARL DE LA POINTE DU JOUR à verser la somme de 43 479 euros à Madame [U] [Y] en réparation du préjudice subi au titre de la perte d’exploitation des années 2020 à 2022,
En toutes hypothèses :
– Condamner l’EARL DE LA POINTE DU JOUR à payer à Madame [M] [T] la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
– Condamner l’EARL DE LA POINTE DU JOUR à payer à Madame [U] [Y] la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
SUR QUOI
En application de l’article L411 ‘ 1 alinéa premier du code rural et de la pêche maritime, « toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L311 ‘ 1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l’article L411 ‘ 2. Cette disposition est d’ordre public ».
Il appartient dès lors à l’appelante, qui se prévaut d’un bail à ferme dont elle indique bénéficier depuis le 11 novembre 2005 sur les parcelles BY numéros [Cadastre 8],[Cadastre 9],[Cadastre 11] et CN [Cadastre 7] à [Localité 14] et BH [Cadastre 10] à [Localité 19], de rapporter la preuve de l’existence d’une mise à disposition d’un bien immobilier agricole, réalisée en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole et à titre onéreux.
Il est constant, en l’espèce, que le 27 février 2005 une convention de mise à disposition a été conclue en application de l’article L 142 ‘ 6 du code rural, et sous réserve de l’accord du conseil de famille et du juge des tutelles du tribunal de Tours, entre, d’une part, [J] [P] représentant [Z] [T] née [I] et, d’autre part, la SAFER du Centre, portant notamment sur les parcelles ci-dessus mentionnées, outre les parcelles BY [Cadastre 12] et [Cadastre 3] dont l’expropriation pour cause d’utilité publique a été ultérieurement décidée au profit du centre hospitalier de Bourges selon ordonnance du 2 juillet 2014.
Ces parcelles dépendaient de l’indivision existant à l’époque entre [Z] [I] veuve de [D] [T] et ses deux filles [A] [T] épouse [P] [G] et [M] [T] divorcée [Y].
Cette convention prévoyait qu’elle était « consentie et acceptée pour une durée de une campagne, qui commencera à courir le 1er mars 2005 pour se terminer après l’enlèvement de la récolte et au plus tard le 1er novembre 2005 ».
[Z] [T] née [I] est décédée le 10 mars 2005.
Il est constant qu’à la date du terme ainsi prévu par les parties, soit le 1er novembre 2005, [S] [W], cogérant de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR anciennement GAEC DE LA POINTE DU JOUR, bénéficiaire de la mise à disposition de la part de la SAFER, n’a pas libéré les lieux dont s’agit.
Selon acte de partage reçu par Maître [K] [E], notaire à [Localité 15], le 11 avril 2018, [M] [T] s’est vu attribuer la pleine propriété des parcelles situées à [Localité 14] et cadastrées BY numéros [Cadastre 8], [Cadastre 9],[Cadastre 4] et [Cadastre 7] et à [Localité 19] cadastrée BH [Cadastre 10], faisant partie de l’indivision successorale [T] – [P] [G].
Pour solliciter l’infirmation du jugement entrepris ‘ qui l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes ‘, et solliciter qu’il soit dit qu’elle bénéficie d’un bail à ferme portant sur lesdites parcelles depuis le 11 novembre 2005, depuis lors renouvelé par tacite reconduction, l’EARL DE LA POINTE DU JOUR ne soutient pas qu’elle aurait obtenu l’accord unanime des indivisaires successoraux en vue de la conclusion d’un bail rural à son profit.
Elle fait valoir, en revanche, qu’un bail à ferme lui a été consenti par Maître [H], notaire chargé des opérations successorales, agissant en qualité de mandataire apparent des consorts [T] – [P] [G] et ayant, à ce titre, engagé ses mandants, ajoutant, par ailleurs, que la preuve de la volonté certaine des propriétaires de mettre leur bien à disposition dans le cadre de ce bail résulte, en outre, de l’important délai écoulé depuis 2006 sans que ne soient réalisées de quelconques démarches pour la contraindre à quitter les lieux, ce qui exclut toute éventuelle tolérance de nature provisoire.
Il est de principe que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence de faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites de ce pouvoir.
Au cas d’espèce, il peut être retenu que Maître [H] notaire à [Localité 18], était bien le notaire en charge des opérations successorales dont s’agit, dès lors qu’il résulte de la lecture de l’acte de partage successoral du 11 avril 2018 que Maître [E], rédacteur de celui-ci, a été nommée en qualité d’administrateur provisoire de l’indivision successorale existant entre les parties selon ordonnance rendue le 17 avril 2014 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Tours.
Pour soutenir que Maître [H], officier public ministériel en charge de la succession à l’actif de laquelle figuraient les parcelles litigieuses, donnait l’apparence d’un mandat de l’indivision pour consentir un bail à ferme, de sorte qu’il a engagé ses mandants en application des articles 1998 et suivants du Code civil, l’appelante produit les quatre pièces suivantes :
‘ pièce numéro 1: une facture manuscrite établie le 20 novembre 2006 à l’en-tête de « Maître [H] » au nom d'[S] [W], d’un montant net TTC de 4973,89 €, faisant référence à un « fermage » et à des « charges foncières »
‘ pièce numéro 2: un reçu dactylographié établi par Maître [H] le 4 décembre 2006 au nom du « GAEC DE LA POINTE DU JOUR », faisant référence à un « fermage » et au « prorata de taxe foncière »
‘ pièce numéro 3: un courrier établi par le même notaire, Maître [H], le 7 août 2009, à l’intention du GAEC DE LA POINTE DU JOUR, et indiquant à celui-ci qu’il reste devoir la somme de 9881,68 € au titre des « fermage 2007 » et « fermage 2008 »
‘ pièce numéro 4: un courrier adressé à Maître [H] par son avocat le 25 novembre 2011, lequel indique prendre contact avec lui en sa « qualité de conseil de Monsieur [S] [W] », et lui adressant le paiement « du fermage 2011 » d’un montant de 4731,51 €, et lui confirmant, à toutes fins utiles, « que Monsieur [W] entend se prévaloir du bénéfice du statut du fermage sur les parcelles dont la liste figure en annexe de ce courrier ».
Il doit être remarqué, à cet égard, que la quatrième et dernière pièce apparaît inopérante pour rapporter la preuve d’un mandat apparent du notaire chargé des opérations successorales, dès lors qu’elle ne contient qu’un courrier adressé pour le compte de l’appelante ‘ ou ,plus précisément, d'[S] [W], cogérant de celle-ci ‘ sans réponse de ce notaire.
S’il est exact que les pièces numéros 1,2 et 3, rédigées par le notaire, mentionnent le terme « fermage », il doit être rappelé qu’il appartient à l’EARL DE LA POINTE DU JOUR de rapporter la preuve de l’existence d’une erreur commune et légitime et que les circonstances de l’espèce l’autorisaient à ne pas vérifier l’étendue des pouvoirs du mandataire apparent.
Or, l’EARL DE LA POINTE DU JOUR, bénéficiaire d’une seule mise à disposition dans le cadre d’une convention de mise à disposition s’achevant au plus tard le 1er novembre 2005, et informée du décès de [Z] [I] le 10 mars précédent, soit quelque deux semaines seulement après la signature de ladite convention, ne pouvait ignorer la précarité ou à tout le moins l’incertitude de la situation dans laquelle elle se trouvait en cas de maintien dans les lieux postérieurement au 1er novembre 2005, de sorte qu’il lui appartenait d’effectuer les recherches les plus élémentaires, en l’absence de tout bail rural écrit, sur la nature des droits qu’elle pouvait le cas échéant détenir par rapport à l’indivision successorale et qui pouvaient l’autoriser à se maintenir dans les lieux.
De telles vérifications élémentaires s’avéraient d’autant plus nécessaires que l’appelante ne pouvait ignorer qu’il n’avait été réservé aucune suite au courrier rédigé par [S] [W] le 25 mai 2005 proposant de reprendre l’exploitation de l’EARL CORDEAU, placée en liquidation judiciaire, qu’elle ne justifie d’aucun courrier, document ou acte de la part de l’indivision successorale permettant d’établir un accord de celle-ci en vue de la conclusion d’un bail rural, et qu’il ressort du jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Bourges qu'[M] [T] avait, au contraire, clairement manifesté son opposition à la conclusion d’un quelconque bail rural (cf courrier du 2 juillet 2012 de Maître [B] : « Madame [T] ne veut pas signer la vente amiable, c’est parce qu’il y est fait état d’une location verbale au profit de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR, représentée par Monsieur [W], dont elle n’a pas connaissance et pour laquelle elle n’a jamais encaissé aucun loyer (‘) » ; pourparlers du 1er septembre 2014 : « je précise que ces parcelles sont, de mon chef, libres de toute location. Je n’ai consenti de bail à qui que ce soit pour leur éventuelle exploitation ni perçu aucun loyer de qui que ce soit »).
Il doit être ajouté qu’en raison de la longueur des opérations successorales de l’indivision [T] – [P] [G] , il ne peut être déduit du délai important ayant couru depuis le terme de la mise à disposition des lieux résultant de la convention du 27 février 2005 une quelconque manifestation implicite d’acceptation de l’indivision à la conclusion d’un bail rural au profit de l’appelante.
Au vu de ces éléments, et nonobstant l’impropriété du terme « fermage » utilisé dans les courriers du notaire précités, c’est à bon droit que le premier juge a retenu que l’existence du bail rural revendiqué par l’EARL DE LA POINTE DU JOUR ne résultait pas des éléments soumis à son appréciation et a, en conséquence, ordonné l’expulsion de celle-ci des lieux.
C’est en outre à juste titre que le tribunal a évalué à 2600 € le montant de l’indemnité d’occupation annuelle devant être mise à la charge de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR, en référence à la valeur locative des parcelles litigieuses ‘ la demande des intimées tendant à la réévaluation de ladite indemnité d’occupation à un montant annuel de 8000 €, qui n’est justifiée par aucun élément du dossier, devant nécessairement être rejetée.
[U] [Y], intervenante volontaire dans le cadre du présent litige, sollicite par ailleurs la condamnation de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR à lui verser la somme de 43 479 € en réparation du préjudice qu’elle indique avoir subi au titre de la perte d’exploitation des années 2020 à 2022 sur la base d’une attestation du cabinet AUVERCO en date du 16 décembre 2022.
Elle explique, en effet, que sa mère [M] [T] lui a consenti un bail rural le 1er mars 2020 et qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’exploiter en raison de l’opposition physique de Monsieur [W].
En application de l’article L491 ‘ 1 du code rural et de la pêche maritime, « il est créé, dans le ressort de chaque tribunal judiciaire, au moins un tribunal paritaire des baux ruraux qui est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux relatives à l’application des titres Ier à VI et V du livre IV du présent code ».
[U] [Y] ne présentant ni la qualité de preneuse ni la qualité de bailleresse requises par le texte précité, c’est à bon droit que le premier juge, prenant en considération les conclusions de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR tendant à l’irrecevabilité de telles demandes, s’est déclaré incompétent pour connaître de cette prétention.
Il résulte de ce qui précède que le jugement rendu le 24 juin 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Bourges devra être confirmé en l’intégralité de ses dispositions.
Les dépens d’appel seront donc laissés à la charge de l’EARL DE LA POINTE DU JOUR, celle-ci devant par ailleurs être condamnée à verser à [M] [T] et [U] [Y] une indemnité globale que l’équité commande de fixer à 2000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que ces dernières ont dû exposer en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
‘ Confirme en toutes ses dispositions, le jugement entrepris
Y ajoutant
‘ Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires
‘ Condamne l’EARL DE LA POINTE DU JOUR à verser à [M] [T] divorcée [Y] et [U] [Y] une indemnité globale de 2000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
L’arrêt a été signé par Mme CLEMENT, Président, et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
S. MAGIS O. CLEMENT