COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 02 JUIN 2022
N° 2022/337
Rôle N° RG 18/17985 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDKXX
EARL LA FUMERADE
C/
[V] [I]
SAS SOLY NATURE FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Alexia CASTROVINCI
– Me Frédéric ROMETTI
– Me Marc BOLLET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 22 Octobre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2017J00080.
APPELANTE
EARL LA FUMERADE,
immatriculée au RCS de GRASSE sous le n°502 078 553 dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Alexia CASTROVINCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-monique CASTELNAU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [P] [I], membre de la SCP TADDEI – [I] Mandataires Judiciaires, ès qualité de Liquidateur judiciaire de Monsieur [N] [H], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Frédéric ROMETTI de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
SAS SOLY NATURE FRANCE,
(Anciennement KAN PRIM) immatriculée au RCS de GRASSE sous le n° 523 326 809 dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Marc BOLLET de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTERVENANT VOLONTAIRE
LE GROUPE AGRICOLE D’EXPOITATION EN COMMUN GEORGES C,
Venant aux droit de L’EARL LA FUMERADE, inscrite au RCS de Grasse sous le n°502 078 553, dont le siège social est sis, [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 23 Mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseiller rapporteur
Madame Agnès VADROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022,
Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 10 mars 2011, le tribunal de commerce de NICE a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de M. [N] [H] exerçant une activité de commerçant de vente de fruits et légumes en nom propre et désigné M. [P] [I] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 18 mai 2011, la même juridiction a prononcé la liquidation judiciaire de M. [H] et désigné M. [I] en qualité de liquidateur judiciaire.
Entre le 3 juin et le 30 novembre 2014, M. [H] a été embauché en qualité de chauffeur livreur par l’EARL LA FUMERADE.
Par acte du 3 mai 2018, la société SOLY NATURE FRANCE (la société SOLY NATURE) a fait citer l’EARL LA FUMERADE devant le tribunal de commerce de GRASSE en paiement de :
-29 819, 35 euros correspondant à des factures impayées,
-1 800 euros de dommages et intérêts,
-1 500 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 6 février 2018, l’EARL LA FUMERADE a appelé en garantie M. [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H], et sollicité la jonction des procédures.
Par jugement du 22 octobre 2018, le tribunal de commerce de GRASSE a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
-joint les procédures,
-débouté les sociétés LA FUMERADE et SOLY NATURE de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de M. [H] et de M. [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H],
-débouté la société LA FUMERADE de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-condamné la société LA FUMERADE à payer à la société SOLY NATURE :
-29 819, 35 euros avec intérêts au taux légal non capitalisés à compter du 28 janvier 2016,
-1 500 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société LA FUMERADE et la société SOLY NATURE à payer à M. [I] ès qualités 500 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné les sociétés LA FUMERADE et SOLY NATURE à supporter la moitié des dépens chacune.
Le premier juge a retenu que :
-les demandes formées contre M. [H] sont irrecevables en ce que :
-les faits objets du litige sont postérieurs à sa liquidation judiciaire,
-il n’était pas inscrit au registre du commerce au moment des faits,
-M. [H] doit être mis hors de cause ainsi que la SCP TADDEI [I] ès qualités,
-les livraisons objets du litige ont été échelonnées et répétitives entre septembre et novembre 2015,
-il est impensable que M. [S] ne soit pas au courant des commandes d’autant que le mode opératoire était identique à chaque livraison,
-la liquidation judiciaire de M. [H] a été clôturée le 18 mai 2011 et le liquidateur ne peut plus valablement être mis en cause,
-postérieurement à sa liquidation judiciaire M. [H] était salarié et il convient de rejeter toute demande d’inscription au passif de sa liquidation judiciaire.
La société LA FUMERADE a fait appel de cette décision le 14 novembre 2018.
Dans ses dernières écritures, déposées au RPVA le 8 février 2019, elle demande à la cour de constater un certain nombre de choses qui sont autant de moyens, d’infirmer le jugement frappé d’appel et de :
-débouter la société SOLY NATURE de l’ensemble de ses fins, moyens et prétentions à son encontre,
-condamner M. [I] ès qualités de liquidateur de M. [H] à régler la créance de la société SOLY NATURE avec inscription au passif de la liquidation judiciaire,
-subsidiairement, de condamner M. [I] ès qualités de liquidateur de M. [H] à payer les condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre
– condamner M. [I] ès qualités aux dépens et à lui payer 2 500 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au RPVA le 7 mai 2019, la société SOLY NATURE demande à la cour de :
-débouter la société LA FUMERADE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-débouter M. [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-confirmer le jugement frappé d’appel en ce qu’il a condamné la société LA FUMERADE à lui payer 29 819, 35 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l’échéance des factures,
-l’infirmer en ce qu’il a refusé la capitalisation des intérêts,
-prononcer la capitalisation des intérêts,
-infirmer le jugement frappé d’appel en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [I] ès qualités la somme de 500 euros en visa de l’article 700 du code de procédure civile et à la moitié des dépens de première instance,
-condamner la société LA FUMERADE aux dépens d’appel et à lui payer 2 500 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées au RPVA le 16 mai 2019, M. [I], membre de la SCP TADDEI [I], en qualité de liquidateur judiciaire de M. [H] demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu le 22 octobre 2018 par le tribunal de commerce de GRASSE,
-condamner la partie succombante aux dépens et à lui payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 10 février 2022, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 23 mars 2022.
La procédure a été clôturée le 24 février 2022 et, le même jour, la date de fixation a été rappelée aux parties.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la dénomination de l’EARL LA FUMERADE et l’intervention volontaire du GAEC GEORGES C
Une consultation du site BODACC.fr fait apparaître que, depuis que la décision frappée d’appel a été rendue, l’EARL LA FUMERADE a changé de forme juridique, de capital, d’adresse, d’administration et de dénomination.
Sous le même numéro d’immatriculation au RCS, elle est désormais désignée sous l’appellation GROUPEMENT AGRICOLE D’EXPLOITATION EN COMMUN GEORGES C (le GAEC GEORGES C).
En conséquence, dans un souci de bonne administration de la justice, ses intérêt et qualité à agir n’étant pas remis en cause, il convient de recevoir en son intervention volontaire le GAEC GEORGES C, venant aux droits de la société LA FUMERADE.
Cette intervention volontaire ayant été formalisée par une note en délibéré autorisée par la cour et déposée au RPVA le 24 mars 2022.
Sur la demande de mise hors de cause de la SCP TADDEI [I], représentée par M. [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H]
Il résulte des dispositions combinées des articles L640-2 et L641-9 du code de commerce que:
-l’ouverture de sa liquidation judiciaire dessaisit le commerçant qui, sauf autorisation expresse du tribunal, n’est plus autorisé à poursuivre son activité,
-les actes accomplis par le débiteur en violation de ces dispositions sont inopposables à la procédure collective.
Dans le cas présent, contrairement à ce qu’à retenu le premier juge, il est acquis aux débats que la liquidation judiciaire de M. [H], ouverte le 18 mai 2011, n’est pas clôturée.
Toutefois, la SCP TADDEI [I], représentée par M. [I], conclut à sa mise hors de cause en faisant valoir que :
-par l’effet de la procédure collective, M. [H], qui était dessaisi, ne pouvait pas poursuivre ou reprendre son activité de commerçant de vente de fruits et légumes,
-la procédure collective ne peut être tenue des créances nées postérieurement à son ouverture dans le cadre de la poursuite d’une activité non autorisée.
Force est de constater que les factures objets du litige concernent des marchandises livrées entre septembre et novembre 2015 de sorte que, quelles que soient les circonstances, en application des principes sus-visés elles sont effectivement inopposables à la procédure collective de M. [H] et, par conséquent, à la SCP TADDEI [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H].
Il s’ensuit que, par ces motifs que la cour substitue à ceux du premier juge, la SCP TADDEI [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H] doit être mise hors de cause et que le jugement rendu le 22 octobre 2018 par le tribunal de commerce de GRASSE sera confirmé en ce qu’il a débouté le GAEC GEORGES C, venant aux droits de la société LA FUMERADE, et la société SOLY NATURE de l’ensemble des demandes formées contre elle.
Sur la demande en paiement présentée par la société SOLY NATURE
Pour faire droit à la demande en paiement de la société SOLY NATURE, le tribunal de commerce de GRASSE a retenu que :
-les livraisons ont été échelonnées et répétitives entre septembre et novembre 2015,
-la relation commerciale entre la société LA FUMERADE et la société SOLY NATURE est établie,
-eu égard au mode opératoire identique et automatique à chaque livraison, le dirigeant de la société SOLY NATURE était nécessairement au courant des commandes.
Ce faisant, il a implicitement retenu l’existence d’un mandat apparent dont se prévaut la société SOLY NATURE mais que conteste le GAEC GEORGES C.
Il résulte de l’application de l’article 1998 du code civil que le mandant qui a laissé à l’égard des tiers une apparence de mandat est tenu des engagements contractés par le mandataire.
En l’occurrence, il n’est pas contesté et ressort des éléments soumis à la cour que :
-la marchandise a été commandée et livrée dans les entrepôts de la société LA FUMERADE,
-les commandes ont été passées au vu de l’extrait Kbis et du tampon de la société LA FUMERADE.
Par ailleurs, il ressort du procès-verbal d’audition de M. [S], gérant de la société LA FUMERADE (pièce 4 de l’appelante), que :
-il a employé M. [H] pendant un certain temps,
-il s’entendait bien avec lui et l’a dépanné à l’époque en lui faisant bénéficier de ses structures et de son matériel pour qu’il puisse se lancer tout seul,
-M. [H] se servait de ses frigos pour stocker sa marchandise,
-au mois d’août 2015, à sa demande, il l’a autorisé à faire livrer la marchandise par le fournisseur directement dans son entreprise,
-il savait que le fournisseur avait effectué plusieurs livraisons,
-en septembre 2015, le fournisseur lui a adressé une facture de 2 000 euros au nom de la société LA FUMERADE et il a réglé cette facture contre remboursement en espèces de la part de M. [H],
-il a reçu une nouvelle facture de 5 000 euros au nom de la société LA FURMERADE et l’a encore réglée alors que son comptable, qu’il avait interrogé, lui avait indiqué qu’il n’était pas dans la légalité.
Contrairement à ce que soutient le GAEC GEORGES C, il est donc établi que son dirigeant de l’époque, M. [S], était parfaitement informé de la situation, au moins à partir du 1er septembre 2015, et qu’il l’a laissée perdurer.
Bien plus, en réglant les deux premières factures adressées à la société LA FUMERADE et en s’abstenant de prendre attache avec la société SOLY NATURE pour lui dénoncer la situation,
il l’a confortée dans la croyance de l’existence du mandat donné à M. [H] pour passer les commandes ayant donné lieu à la facturation objet du litige.
Dès lors, par ces motifs que la cour substitue à ceux du premier juge, le jugement frappé d’appel sera confirmé en ce qu’il a condamné la société LA FUMERADE, aux droits de laquelle vient le GAEC GEORGES C, à payer à la société SOLY NATURE la somme de 29 819, 35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2016.
Cette solution s’impose d’autant qu’il n’est pas contesté que la marchandise a été livrée de sorte que la créance de l’intimée ne saurait être privée d’existence au seul motif que la société SOLY NATURE a succédé à la société KAN PRIM.
Dans la mesure où la société SOLY NATURE le réclamait déjà en première instance, le jugement frappé d’appel sera infirmé en ce qu’il a refusé la capitalisation des intérêts qui sont dus depuis maintenant six années.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement rendu le 22 octobre 2018 sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Le GAEC GEORGES C sera condamné aux dépens d’appel.
Il se trouve, ainsi, infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.
Il serait inéquitable de laisser supporter à la société SOLY NATURE et à la SCP TADDEI [I], représentée par M. [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H], l’intégralité des frais qu’elles ont exposés en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Le GAEC GEORGES C, venant aux droits de la société LA FUMERADE, sera condamné à leur payer à chacune la somme de 1 500 euro du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats public et par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
Reçoit en son intervention volontaire LE GROUPE AGRICOLE D’EXPOITATION EN COMMUN GEORGES C, venant aux droits de la société LA FUMERADE ;
Confirme en toutes ses dispositions, en ce compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, le jugement rendu le 22 octobre 2018 par le tribunal de commerce de GRASSE sauf en ce qu’il a débouté la société SOLY NATURE de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Statuant à nouveau du chef d’infirmation et y ajoutant :
Ordonne, dans les conditions prévues à l’article 1154 ancien du code civil, la capitalisation des intérêts sur la somme de 29 819, 35 euros objet de la condamnation prononcée à l’encontre de la société LA FUMERADE, aux droits de laquelle vient LE GROUPE AGRICOLE D’EXPOITATION EN COMMUN GEORGES C, et au bénéfice de la société SOLY NATURE;
Déclare LE GROUPE AGRICOLE D’EXPOITATION EN COMMUN GEORGES C infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;
Condamne LE GROUPE AGRICOLE D’EXPOITATION EN COMMUN GEORGES C , venant aux droits de la société LA FUMERADE, à payer à la société SOLY NATURE et à la SCP TADDEI [I], représentée par M. [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [H] la somme de 1 500 euros chacune au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Condamne LE GROUPE AGRICOLE D’EXPOITATION EN COMMUN GEORGES C , venant aux droits de la société LA FUMERADE, aux dépens d’appel.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE