N° RG 21/03940 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LBFY
C4
Minute :
délivrée le :
la SELARL CDMF AVOCATS
la SCP FICHTER TAMBE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023
Appel d’une décision (N° RG 200J135)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 26 juillet 2021
suivant déclaration d’appel du 14 septembre 2021
APPELANTES :
S.A.R.L. COME au capital social de 701.800,00 euros, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro 841 380 041, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
S.A.R.L. LAURIS, au capital social de 5.000,00 euros, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro 537 706 525, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
E.U.R.L. TERRE DE SAINT ISMIER au capital social de 8.000,00euros, immatriculée au RCS de [Localité 2] sous le numéro 753 194 901, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentées par Me BANDOSZ de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.A.R.L. SOREL & STENDHAL immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 498 324 581, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Julien TAMBE de la SCP FICHTER TAMBE, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me MOUTALAA, avocat au barreau de GRENOBLE, postulants et par Me MILLIAND, avocat au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 17 novembre 2022, M. Lionel BRUNO, Conseiller,
qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. La société Sorel et Stendhal est spécialisée dans l’organisation de foires, salons professionnels et congrès. La société Côme est spécialisée dans le conseil de gestion. Le 1er août 2018, un contrat de communication globale a été conclu entre ces deux sociétés, pour une durée de trois ans, au tarif mensuel de 1.470 euros HT. Au mois de décembre 2019, la société Côme a résilié ce contrat, avec effet au premier janvier 2020, au motif que la société Sorel et Stendhal n’a pas respecté ses obligations contractuelles. Cette dernière a pris acte de cette résiliation le 2 janvier 2020, mais a demandé le paiement de 33.516 euros TTC au titre de l’indemnité de résiliation. Le 3 février 2020, la société Sorel et Stendhal a proposé à la société Côme soit de poursuivre le contrat jusqu’à son terme, soit de régler l’indemnité de résiliation, puis a assigné le 27 avril 2020 la société Côme devant le tribunal de commerce de Grenoble. Le 16 octobre 2020, la société Sorel et Stendhal a également mis en cause les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris, sociétés filiales de la société Côme.
2. Par jugement du 26 juillet 2021, le tribunal de commerce a’:
– ordonné la jonction des instances enrôlées sous les n°2020J00135 et 2020J00345′;
– constaté l’existence d’une relation d’affaire liée au contrat entre la société Sorel et Stendhal et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris’;
– confirmé l’intérêt à agir de la société Sorel et Stendhal contre la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris’;
– jugé que la clause pénale est justifiée par l’équilibre financier du contrat et qu’elle n’est pas manifestement excessive’;
– condamné in solidum la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris à payer à la société Sorel et Stendhal la somme de 27.930 euros HT soit 33.516 euros TTC, au titre de la résiliation du contrat, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la mise en demeure’;
– rejeté les demandes de la société Côme et des sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile’;
– débouté la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris de leur demande d’écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir’;
– condamné in solidum la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris à payer à la société Sorel et Stendhal la somme de 1.200 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamné in solidum la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris aux dépens.
3. La société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris ont interjeté appel de cette décision le 14 septembre 2016, sauf en ce que le tribunal a prononcé la jonction des instances.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 27 octobre 2022.
Prétentions et moyens de la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris :
4. Selon leurs conclusions remises le 21 juin 2022, elles demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1199, 1231-5 et 1353 du code civil, des articles 9, 31, 32-1, 122, 514-1, 515, 564, 566, 567, 695 et suivants du code de procédure civile’;
– de les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes’;
– de rejeter toutes les demandes de l’intimée comme étant irrecevables voire infondées’;
– ainsi, de réformer le jugement déféré’;
– statuant à nouveau, à titre principal, de rejeter l’action de l’intimée du fait de son irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir’;
– subsidiairement, de rejeter les demandes de l’intimée comme étant mal fondées’;
– à titre infiniment subsidiaire, de dire que la clause d’indemnité de résiliation fondant la demande de condamnation de l’intimée est une clause pénale manifestement excessive’;
– de réduire le montant de cette clause pénale à la somme de l’euro symbolique en réparation du prétendu préjudice subi par l’intimée’;
– en tout état de cause, d’ordonner à l’intimée, sous astreinte journalière de 100 euros à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, de restituer aux appelantes l’ensemble des identifiants et mots de passe des sites internet les concernant’;
– de condamner l’intimée à payer à chacune des appelantes la somme de 5.000 euros au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile’;
– de condamner l’intimée à payer à chacune des appelantes la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– de condamner l’intimée aux dépens de l’instance, avec distraction au profit de la Selarl Cdmf-Avocats, maître Jean-Luc Médina.
Elles exposent’:
5. – concernant l’irrecevabilité de l’action de l’intimée, que seule la société Côme est contractuellement liée au titre du contrat de communication globale’; que les factures fondant la demande en paiement ne concernent que cette société et non les autres appelantes’; qu’un contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties, alors que les tiers ne peuvent ni en demander l’exécution, ni se voir contraints de l’exécuter’;
6. – que si la société Sorel et Stendhal soutient qu’elle est bien fondée en son action dirigée contre les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris au motif que la société Côme est leur associé principal, cette affirmation ne repose sur aucun fondement juridique’; que si le tribunal a retenu que les pièces fournies prouvent les relations contractuelles avec les filiales, ce que ne conteste pas la société Côme, alors qu’une facture de 180 euros a été payée par la société Terre de Saint Ismier, ce qui est un indice de l’acceptation du contrat, cependant, le contrat signé le 1er août 2018 n’a concerné que la société Côme’; qu’il a été seulement précisé qu’en sa qualité de holding, elle refacturera les honoraires à ses trois filiales, dont les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris’;
7. – qu’ainsi, il n’a pas été stipulé que ces sociétés soient parties au contrat, qu’elles n’ont pas signé et qui ne comporte pas leur cachet, alors que l’intimée exerce son action sur un fondement contractuel, sollicitant le paiement d’une clause pénale’; que le fait que l’intimée ait émis deux factures sur la société Lauris est insuffisant pour démontrer l’existence d’un lien contractuel, nul ne pouvant se constituer une preuve à lui-même’; que le fait que l’Eurl Terre de Saint Ismier ait payé une facture de 180 euros ne fait que confirmer qu’elle a été attraite artificiellement à la procédure pour une facture payée’; qu’il a été expressément stipulé que la facturation devait être faite sur la société Côme’; que peu importe que les filiales aient bénéficié de prestations, puisque le contrat n’a été conclu qu’avec la holding, alors qu’il n’est pas extraordinaire qu’une holding contracte seule avec un prestataire, pour que celui-ci exécute ses prestations pour le groupe, sans que pour autant les filiales soient parties au contrat’;
8. – subsidiairement, que les prétentions de la société Sorel et Stendhal sont mal fondées, puisqu’elle fonde son action sur deux factures établies à l’ordre de la société Eurl Terre de Saint Ismier et sur une facture établie à l’ordre de la Sarl Lauris, alors que seule la société Côme est partie au contrat’; que ces factures ne sont pas ainsi justifiées’;
9. – que concernant la facture n°01201857 du 6 août 2018 émise à destination de la société Eurl Terre de Saint Ismier, pour 180 euros TTC, concernant l’hébergement et un nom de domaine, cette facture a été payée par virement le 7 août 2018′;
10. – que concernant la facture n°01201992 du 1er août 2019, émise à destination de la société Lauris pour 17.640 euros HT soit 21.168 euros TTC, pour le suivi de la communication annuelle, l’intimée ne rapporte pas la preuve de l’exécution de son obligation, alors que la société Côme a fondé sa demande de résiliation sur une mauvaise exécution’; que selon le contrat, la société Sorel et Stendhal s’était engagée à une refonte ou à la réalisation des sites internet, à la réalisation de visuels et de documents, de newsletter, à un référencement sur les portails internet, à des veilles sur les sites, à la réalisation et à la mise à jour de bases de donnés, à préconiser et suivre des évènements’;
11. – que cependant, la société Sorel et Stendhal n’a jamais réalisé le site internet de la société Lalic, troisième filiale de la société Côme’; que concernant les deux autres filiales, l’intimée a commis des erreurs sur les sites internet, notamment concernant les prix pratiqués, avec très peu de parutions, des visuels de mauvaise qualité’; que les veilles sur les sites et la réalisation de newsletter n’ont pas été effectuées’; qu’il n’y a eu aucune proposition d’animation pour aucune des sociétés’; que les personnes intervenant pour le compte de l’intimée étaient peu professionnelles’; que le travail réalisé a été de mauvaise qualité, outre l’utilisation d’une marque déposée sans autorisation’; que le compte tweeter de la société Lauris a été détourné afin de promouvoir une campagne électorale municipale, sans accord préalable’;
12. – concernant la facture n°01201925 du 31 décembre 2019 émise sur la société Lauris, pour 17.640 euros HT soit 21.168 euros TTC, au titre du suivi de la communication annuelle du 1er août 2020 au 1er août 2021, que l’intimée n’a pu facturer par avance des prestations qu’elle n’a pas exécutées du fait de la résiliation du contrat’; qu’il s’agit en réalité de la facturation de l’indemnité de résiliation’; qu’il s’agit d’une clause pénale susceptible de modération, ce que reconnaît l’intimée dans ses conclusions;
13. – que cette clause pénale est manifestement excessive, puisqu’elle vise l’indemnisation de prestations non exécutées, outre le fait que la facture a été émise sur une société qui n’est pas engagée contractuellement’;
14. – s’agissant de la demande reconventionnelle des concluantes, que l’intimée doit restituer l’ensemble des identifiants et mots de passe des sites internet les concernant’; que si l’intimée soutient que cette demande est nouvelle en cause d’appel et ainsi irrecevable, cette demande est bien la conséquence de l’exécution des condamnations prononcées par le tribunal, puisque l’intimée a indiqué le 3 février 2020 qu’elle ne restituera les identifiants que lorsqu’elle sera payée’;
15. – que cette procédure est manifestement irrecevable et infondée, et ainsi abusive.
Prétentions et moyens de la société Sorel et Stendhal’:
16. Selon ses conclusions remises le 9 février 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 331 et 564 du code de procédure civile, 1103 du code civil’:
– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions’;
– y ajoutant, de condamner les appelantes à lui verser la somme de 3.600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle indique’:
17. – sur la recevabilité de son action, que si les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris soutiennent que seule la société Côme est contractuellement engagée, de sorte que la concluante n’aurait aucun intérêt à agir à leur encontre, leur intervention forcée est rendue nécessaire en raison de leurs liens avec la société Côme au sens de l’article 331 du code de procédure civile’; que ces sociétés ont bénéficié de prestations qu’elles ne contestent pas avoir reçues’; qu’elles ne démontrent pas ne pas les avoir commandées à la concluante directement, ou indirectement par l’intermédiaire de la société Côme et ne demandent pas que celle-ci en assume le coût’; qu’elles ont réglé certaines factures directement à la concluante’; que la concluante a ainsi un intérêt à agir contre ces deux sociétés, la preuve d’un lien contractuel étant rapportée ainsi que retenu par le tribunal de commerce;
18. sur le fond, que le contrat signé par la société Côme pour une durée de trois ans le 1er août 2018 a été résilié par cette dernière sans mentionner la moindre difficulté’; que ce contrat prévoit une clause pénale en cas de rupture anticipée, quelle qu’en soit la cause’; que la société Côme est la principale actionnaire des sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris, pour le compte desquelles elle a agi’;
19. – que la concluante fonde sa demande exclusivement sur la clause pénale, alors que les appelantes ne justifient d’aucune exception d’inexécution, ce qu’a également relevé le tribunal’; que cette clause est justifiée par l’équilibre financier du contrat et n’est pas manifestement excessive’;
20. – que le tribunal a exactement retenu que tout justiciable a le droit de se défendre en justice, et que les appelantes ne justifient d’aucun abus dans l’exercice du droit d’agir’; qu’une amende civile ne peut profiter aux appelantes’;
21. – que la demande de remise des identifiants, non formée devant le tribunal, est nouvelle en cause d’appel et ainsi irrecevable, n’étant pas l’accessoire ni la conséquence ou le complément des prétentions soumises au premier juge.
*****
22. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION’:
1) Concernant la recevabilité de l’action de la société Sorel et Stendhal’:
23. Le contrat conclu le 1er août 2018 n’a été souscrit que par la société Côme. Il est seulement mentionné qu’elle regroupe trois autres sociétés, à savoir les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris, ainsi que la société Lalic. S’il s’est agi, comme précisé au titre de l’objet du contrat, de confier à la société Sorel et Stendhal la gestion de la communication globale des trois filiales de la société Côme, ces trois filiales ne sont pas intervenues ni dans la négociation ni dans la signature de ce contrat.
24. Au sens des articles 1199 et suivants du code civil, le contrat ne produit pas d’effet à l’égard des tiers, qui ne peuvent ni en demander l’exécution, ni être contraints de l’exécuter. On ne peut s’engager en son propre nom que pour soi-même.
25. Si un contrat peut être conclu avec le représentant d’une des parties, ce dernier n’est fondé à agir que dans la limite des pouvoirs qui lui sont donnés, ainsi qu’il est dit à l’article 1153 du code civil. L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté. Lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité. L’inopposabilité comme la nullité de l’acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l’a ratifié.
26. En la cause, le contrat n’a pas précisé que la société Côme a agi en qualité de représentante de ses filiales, avec le pouvoir de les engager, et il n’est pas soutenu par la société Sorel et Stendhal qu’elle ait disposé d’un mandat apparent. Il n’est justifié d’aucune ratification du contrat par les sociétés filiales de la société Côme. Le fait que l’Eurl Terre de Saint Ismier ait payé une facture de 180 euros directement à la société Sorel et Stendhal ne permet pas de retenir une ratification en connaissance de cause du contrat. Un tiers peut effectuer un paiement en l’acquit du débiteur ainsi qu’il est dit à l’article 1342-1 du code civil.
27. Le fait que la société Côme ait décidé de confier à l’intimée la gestion de la communication globale de ses filiales constitue cependant une stipulation au profit de ces sociétés. Si on peut stipuler pour un bénéficiaire, et si la stipulation pour autrui n’exclut pas, dans le cas d’acceptation par le bénéficiaire, qu’il soit tenu de certaines obligations, à ce titre, il a été expressément indiqué que les honoraires seront payés mensuellement, et que la société Côme les refacturera à chacune de ses filiales, à hauteur de 400 euros HT pour la société Terre de Saint Ismier, de 600 euros HT pour la société Lauris et 470 euros HT pour la société Lalic. Aucune obligation n’a été mise à la charge des filiales au profit de la société Sorel et Stendhal. Ainsi, seule la société holding s’est engagée à payer l’intégralité des prestations destinées à ses filiales, sans possibilité pour la société Sorel et Stendhal d’agir directement contre ces dernières, et sans mettre à leur charge le paiement de leur quote-part du prix du contrat. En conséquence, le régime de la stipulation pour autrui ne permet pas à l’intimée d’agir directement contre les sociétés Terre de Saint Ismier et Lauris
28. Si pour fonder sa décision le tribunal de commerce a retenu l’existence de relations d’affaires entre l’intimée et les sociétés Terre de Saint Ismier et Lauris, ces relations résultent cependant de la stipulation effectuée par la société Côme au profit de ses filiales, sans que le contrat ne prévoit l’obligation pour les bénéficiaires des prestations promises par la société Sorel et Stendhal de lui payer directement le prix mensuellement fixé. L’exécution du contrat au profit des filiales ne peut ainsi mettre aucune obligation à leur charge au profit de l’intimée, alors que le paiement d’une somme modique directement par l’une des filiales est sans effet probatoire, en raison de la possibilité pour un tiers au contrat de régler l’obligation, ainsi qu’il a été indiqué plus haut.
29. Il en résulte que si l’existence d’un contrat entre la société Côme et la société Sorel et Stendhal n’est pas contestable, la preuve d’un contrat n’est pas rapportée concernant les sociétés Terre de Saint Ismier et Lauris. En conséquence, l’action de la société Sorel et Stendhal dirigée contre ces deux sociétés est irrecevable, ces sociétés n’ayant pas qualité à défendre à la présente instance, n’ayant pas la qualité de débitrices de l’intimée. Le jugement déféré sera ainsi infirmé en ce qu’il a’:
– constaté l’existence d’une relation d’affaire liée au contrat entre la société Sorel et Stendhal et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris’;
– confirmé l’intérêt à agir de la société Sorel et Stendhal contre la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris’;
– condamné in solidum la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris à payer à la société Sorel et Stendhal la somme de 27.930 euros HT soit 33.516 euros TTC, au titre de la résiliation du contrat, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la mise en demeure’;
– condamné in solidum la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris à payer à la société Sorel et Stendhal la somme de 1.200 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamné in solidum la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris aux dépens.
2) Sur l’action engagée à l’encontre de la société Côme’:
30. Le contrat a été souscrit par la société Côme, au profit de ses filiales, pour une durée fixe de trois ans, renouvelables par tacite reconduction, durée prenant effet à compter de sa signature le 1er août 2018. Les conditions particulières signées par la société Côme ont prévu qu’en cas d’annulation ou de suspension du contrat pour tout ou partie, l’intégralité du montant jusqu’à la fin de la convention sera due. Il n’est pas contesté par la société Sorel et Stendhal qu’il s’agit d’une clause pénale et non d’une évaluation conventionnelle des dommages et intérêts en cas de rupture anticipée.
31. En premier lieu, la demande en paiement de la société Sorel et Stendhal repose sur des factures qu’elle a émises, dont aucune ne concerne la société Côme, puisque celles en litige ont été émises sur les sociétés Terre de Saint Ismier et Lauris. Une seule facture a été émise sur la société Côme le 2 août 2018, et l’intimée justifie elle-même qu’elle a été réglée. En conséquence, pour ce premier motif, l’action engagée contre la société Côme est mal fondée.
32. En deuxième lieu, il est constant que la société Côme a résilié ce contrat, par courrier reçu par la société Sorel et Stendhal le 2 janvier 2020, cette lettre de la société Côme ne portant aucune indication de date, alors que si elle indique qu’elle est adressée en recommandé avec accusé de réception, la preuve de cette forme d’envoi n’est pas rapportée.
33. Dans ce courrier, la société Côme a fait grief à l’intimée de son malaise concernant la tournure des relations commerciales, ainsi que du comportement de la société Sorel et Stendhal à l’égard de l’entourage professionnel, ce qui a conduit la société Côme à une perte de confiance en la qualité de l’adéquation des prestations par rapport à ses besoins. Après avoir indiqué que plusieurs évènements préjudiciables à ses activités sont arrivés du fait de la société Sorel et Stendhal, sans cependant les détailler, la société Côme a avisé l’intimée de sa volonté de mettre un terme à la relation commerciale à compter du 1er janvier 2020. Elle lui a demandé de lui rendre les codes Facebook et Instagram pour cette date, et d’annuler les sites internet.
34. Au sens de l’article 1153 du code civil, il appartient au créancier de rapporter la preuve de son obligation, et au débiteur de rapporter celle du fait ayant produit l’extinction de la créance.
35. A ce titre, la société Sorel et Stendhal produit un ensemble de documents concernant les activités mises en place afin d’exécuter le contrat, concernant tant la refonte des sites internet que la réalisation de visuels, l’organisation d’évènements, la gestion et l’hébergement des sites internet, obligations prévues dans le contrat au profit des filiales de la société Côme. Un volume important de mails confirme les relations suivies afin de permettre le suivi des actions à entreprendre.
36. Cependant, ainsi que soutenu par la société Côme, ces pièces sont relatives aux actions mises en place pour les sociétés Terre de Saint Ismier et Lauris. Aucun élément n’indique que la société Sorel et Stendhal a réalisé le site internet de la société Lalic, troisième filiale de la société Côme, ce que l’intimée ne conteste pas.
37. En outre, concernant les deux autres filiales, la société Côme justifie par témoignages concordants et précis que la collaboration s’est dégradée du fait de l’attitude de la société Sorel et Stendhal, les témoins faisant état d’un travail sans grand effort ni effet sur l’attractivité des sites internet, d’erreurs, d’utilisation non conforme du logo d’une marque déposée, ainsi que de l’attitude de la personne gérant la relation commerciale, peu propice à une collaboration. Il est également établi que le compte tweeter de la société Lauris a été détourné par erreur par la société Sorel et Stendhal afin de promouvoir la campagne d’un candidat à l’élection municipale de [Localité 2], sans accord préalable de cette filiale exploitant un restaurant, au cours du mois d’avril 2019. Cette erreur a eu un impact sur la réputation de ce restaurant selon les réponses postées par la clientèle.
38. Il résulte de ces éléments qu’il est établi que d’une part la société Sorel et Stendhal n’a pas exécuté la totalité de ses obligations, puisqu’aucun élément ne concerne la société Lalic, alors que des griefs sérieux sur la bonne exécution des prestations destinées aux sociétés Terre de Saint Ismier et Lauris sont constitués, confirmant le bien fondé de la lettre de résiliation adressée fin décembre 2019 par la société Côme.
39. Il en résulte que la société Côme était en droit de procéder à la résiliation unilatérale du contrat avant son échéance, en raison de faits imputables à la société Sorel et Stendhal. Il s’ensuit que l’intimée était mal fondée à solliciter le paiement de la clause pénale, portant sur l’intégralité des sommes devant lui revenir jusqu’au terme de la convention. En conséquence, le jugement déféré sera également infirmé en ce qu’il a condamné la société Côme au paiement de cette indemnité, ainsi qu’au paiement des frais engagés par l’intimée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Statuant à nouveau, la cour déboutera la société Sorel et Stendhal de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la société Côme.
3) Sur les demandes reconventionnelle des appelantes’:
40. S’agissant en premier lieu de la demande visant la condamnation de l’intimée, sous astreinte journalière de 100 euros à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à restituer aux appelantes l’ensemble des identifiants et mots de passe des sites internet les concernant, cette prétention n’a effectivement pas été soumise au tribunal de commerce. La cour ne peut que constater qu’elle est nouvelle devant elle. Elle ne tend pas à opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Elle ne résulte pas plus des effets du jugement déféré, et aucun élément n’interdisait aux appelantes de la soumettre au tribunal, puisqu’elles contestaient devant lui tant la recevabilité que le bien fondé des demandes de la société Sorel et Stendhal.
41. L’article 954 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. La cour constate que si l’intimée soutient l’irrecevabilité de cette prétention reconventionnelle, elle n’en forme pas la demande dans le dispositif de ses conclusions. La cour déclarera ainsi d’office l’irrecevabilité de cette demande de restitution sous astreinte, conformément à l’article 564 du code de procédure civile.
42. S’agissant de la demande des appelantes formées sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, il résulte de ce texte que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Ainsi que soutenu par la société Sorel et Stendhal, le produit d’une amende civile ne peut être alloué à une partie, s’agissant d’une amende ne profitant qu’au Trésor public. En outre, s’agissant de l’allocation de dommages et intérêts, il n’est pas justifié d’un abus de la société Sorel et Stendhal dans l’exercice de son droit d’action, en raison des particularités du présent litige. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté les appelantes de cette demande.
43. Succombant devant cet appel, la société Sorel et Stendhal sera condamnée à payer à chacune des appelantes la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1103, 1153, 1199, 1231-5, 1342-1 et 1353 du code civil, des articles 9, 31, 32-1, 122, 514-1, 515, 564, 566, 567, 695 et suivants, 954 du code de procédure civile’;
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a’:
– constaté l’existence d’une relation d’affaire liée au contrat entre la société Sorel et Stendhal et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris’;
– confirmé l’intérêt à agir de la société Sorel et Stendhal contre la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris’;
– condamné in solidum la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris à payer à la société Sorel et Stendhal la somme de 27.930 euros HT soit 33.516 euros TTC, au titre de la résiliation du contrat, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la mise en demeure’;
– condamné in solidum la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris à payer à la société Sorel et Stendhal la somme de 1.200 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamné in solidum la société Côme et les sociétés Eurl Terre de Saint Ismier et Sarl Lauris aux dépens’;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour;
statuant à nouveau’;
Déclare l’action de la société Sorel et Stendhal dirigée contre les sociétés Terre de Saint Ismier et Lauris irrecevable’;
Déboute la société Sorel et Stendhal de l’intégralité de ses demandes formées contre la société Côme’;
y ajoutant’;
Déclare d’office irrecevable, comme nouvelle devant elle, la demande de la société Côme et des sociétés Terre de Saint Ismier et Lauris visant la condamnation de la société Sorel et Stendhal, sous astreinte journalière de 100 euros à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à leur restituer l’ensemble des identifiants et mots de passe des sites internet les concernant’;
Condamne la société Sorel et Stendhal à payer à chacune des appelantes la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne la société Sorel et Stendhal aux dépens exposés tant en première instance qu’en cause d’appel, avec distraction au profit de la Selarl Cdmf-Avocats, maître Jean-Luc Médina;
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente