N° RG 21/03876 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LA4H
C4
Minute :
délivrée le :
Me Marie-catherine CALDARA-BATTINI
la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023
Appel d’une décision (N° RG 2019J290)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 30 juillet 2021
suivant déclaration d’appel du 07 septembre 2021
APPELANTE :
LE CAMPUS NUMERIQUE IN THE ALPS société anonyme à directoire et conseil de surveillance, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Grenoble sous le numéro 831 866 355, pris en la personne de son Président [I] [H].
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Marie-Catherine CALDARA-BATTINI, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me John MONOD, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.R.L. INSIGHT OUTSIDE au capital de 450.450,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de GRENOBLE, sous le numéro 481 413 961, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Franck BENHAMOU de la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué et plaidant par Me Elsa BENHAMOU, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 17 novembre 2022, M. Lionel BRUNO, Conseiller,
qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure:
1. La société Insight Outside a pour activité l’organisation d’évènements professionnels et associatifs. La société Le Campus Numérique in the Alps est une société coopérative, spécialisée dans la formation et l’insertion professionnelle de techniciens développeurs.
2. Selon bon de commande du 15 mai 2017 signé par [R] [K], la société Insight Outside a été chargée d’organiser la manifestation intitulée «’Lancement saison 2 Campus Numérique’» pour un montant de 26.052 euros TTC. Les 27 et 28 juin 2017, cette société a adressé à la société Le Campus Numérique Agcnam Rhône Alpes, sise à [Localité 5], trois factures pour ce montant.
3. Le 7 septembre 2017, la société Le Campus Numérique in the Alps a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Grenoble.
4. Le 15 janvier 2019, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de l’Association de gestion du Conservatoire National des Arts et Métiers Auvergne Rhône Alpes. La société Insight Outside a déclaré sa créance de 26.052 euros TTC au passif de cette association le 28 février 2019. Cette créance a été admise le 5 novembre 2019. Un plan de redressement sur 10 ans a été adopté le 25 juin 2019.
5. Le 1er avril 2019, la société Insight Outside a mis en demeure la société Le Campus Numérique in the Alps. Elle l’a ensuite assignée devant le tribunal de commerce de Grenoble le 15 juillet 2019.
6. Par jugement du 30 juillet 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a’:
– condamné la société Le Campus Numérique in the Alps à payer à la société Insight Outside la somme de 26.052 euros TTC, assortie des intérêts contractuels de retard de trois fois le taux d’intérêt légal, à compter de la date d’échéance de chaque facture’:
* facture n°103800 du 27 juin 2017 d’un montant de 17.064 euros TTC échéance’: paiement à réception’;
* facture n°103807 du 28 juin 2017 d’un montant de 4.800 euros TTC échéance’: paiement à réception’;
* facture n°103808 du 28 juin 2017 d’un montant de 4.188 euros TTC échéance’: paiement à réception’;
conformément à l’article L441-10 du code de commerce, ainsi que l’indemnité de frais de recouvrement de 40 euros’;
– débouté la société Insight Outside de sa demande au titre des dommages et intérêts’;
– débouté la société Le Campus Numérique in the Alps de l’intégralité de ses demandes’;
– condamné la société Le Campus Numérique in the Alps à payer à la société Insight Outside la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamné la société Le Campus Numérique in the Alps aux dépens de l’instance.
7. La société Le Campus Numérique in the Alps a interjeté appel de cette décision le 7 septembre 2021 en toutes ses dispositions, à l’exception de celle ayant débouté la société Insight Outside de sa demande au titre des dommages et intérêts.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 27 octobre 2022.
Prétentions et moyens de la société Le Campus Numérique in the Alps :
8. Selon ses conclusions remises le 18 mai 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 31, 32, 123 du code de procédure civile, 1128, 1201, 1310, 1353, 1355, 1842 et 2292 du code civil, L210-6, R123-220, R210-6, L624-3-1 et R 624-8 du code de commerce’:
– d’infirmer le jugement déféré conformément à son acte d’appel et en ce qu’il a débouté la concluante de ses demandes tendant à débouter l’intimée de toutes ses prétentions et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens’;
– statuant à nouveau, de débouter l’intimée de toutes ses demandes, en ce qu’elles sont irrecevables et mal fondées’;
– subsidiairement, de limiter le montant de la condamnation à la somme de 13.026 euros’;
– plus subsidiairement, de limiter le montant de la condamnation à 25.009,92 euros, sauf à parfaire en fonction des prochaines échéances de remboursement à encaisser par l’intimée auprès de l’Agcnam Aura’;
– en tout état de cause, de condamner l’intimée à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.
Elle expose’:
9. – qu’elle a été constituée sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif par actions simplifiée à capital variable, et a été présidée par monsieur [H], secondé par un comité exécutif composé notamment de monsieur [Z], directeur régional de l’Agcnam Aura, de monsieur [T], directeur territorial de la Cnam, alors que monsieur [K] n’a jamais exercé les fonctions de directeur général’; que l’Agcnam Aura a détenu 17’% de son capital’;
10. – que le bon de commande a été signé le 15 mai 2017 par monsieur [K], antérieurement à la création et à l’immatriculation de la concluante, avec le tampon de l’Agcnam Aura, son numéro Siret ainsi que son numéro d’organisme de formation’; que les factures émises par la concluante ont été à l’ordre de l’Agcnam Aura’; que la créance de l’intimée a été admise au passif de la procédure de redressement judiciaire de cet organisme’;
11. – que la concluante n’a pu contracter antérieurement au 7 septembre 2017, date à laquelle elle a acquis la personnalité morale, par application des articles 1128 et 1842 du code civil et L210-6 du code de commerce, alors la manifestation organisée par la société Insight Outside s’est déroulée le 18 mai 2017, puisque lors de la signature du contrat et l’exécution de la prestation, elle ne disposait pas de la capacité juridique’; qu’elle n’est pas ainsi la débitrice de l’intimée, puisque seule l’Agcnam Aura s’est engagée’;
12. – qu’aucun élément ne démontre que la concluante aurait, lors de son immatriculation, repris ce contrat, alors que la preuve en incombe au créancier’; que l’état des engagements antérieurs repris lors de son immatriculation, figurant en annexe de ses statuts déposés au greffe, ne prévoit ainsi que l’ouverture du compte bancaire pour le dépôt des fonds constituant son capital social; que si la concluante a versé des fonds à l’Agcnam Aura, c’est sans lien avec le contrat litigieux’;
13. – en conséquence, en raison de l’effet relatif des contrats prévu par l’article 1199 du code civil, qu’aucune obligation n’incombe à la concluante’; qu’elle ne peut être tenue solidairement avec l’Agcnam Aura en raison de l’absence de toute obligation, même au titre de la solidarité existant entre commerçants’;
14. – qu’il en résulte que les demandes de la société Insight Outside sont irrecevables au sens de l’article 31 du code de procédure civile’; que seule l’Agcnam Aura est débitrice des factures, alors que la créance de l’intimée a été définitivement admise, avec publication au Bodacc, à titre chirographaire’; que la déclaration de créance ne peut revêtir un caractère conservatoire, puisqu’elle équivaut à une demande en justice, alors que la décision d’admission de la créance a autorité de la chose jugée et est opposable aux tiers par l’effet de l’article 1155 du code civil’;
15. – qu’il n’existe pas de confusion entre l’Agcnam Aura et la concluante, d’autant que la concluante n’existait pas lors de la signature et de l’exécution du contrat’; que la théorie de l’apparence reprise par l’article 1156 du code civil ne peut s’appliquer, faute de la superposition de deux personnalités juridiques réelles, excluant tout mandat apparent ;
16. – que la société Insight Outside ne peut soutenir avoir légitimement cru avoir contracté avec la concluante, puisqu’elle a toujours été informée de l’identité de son cocontractant, alors qu’elle a émis ses factures auprès de l’Agcnam Aura’; que le tampon commercial figurant sur le contrat ne contient que les numéros Siret et d’agrément de l’Agcnam Aura’; que si ce tampon comporte l’indication «’Campus Numérique’», aucune autre mention n’indique qu’il s’agit d’une entité revêtue de la personnalité morale’; Que le titre de l’évènement dénommé «’Campus Numérique’» ne peut laisser supposer qu’il ait été associé à une personne morale’; que l’intimée ne justifie pas de circonstances légitimes par lesquelles elle s’est dispensée de vérifier les pouvoirs de monsieur [K]’;
17. – que le tribunal de commerce n’a ainsi pu retenir que les dirigeants de l’Agcnam Aura et de la concluante ont entretenu une confusion entre les deux sociétés et que celles-ci se sont comportées comme une seule et même société, alors que l’Agcnam Aura est une association, que les administrateurs des deux entités sont différents, que seule l’Agcnam Aura a été identifiée dans le bon de commande’; que les sièges sociaux sont différents’; qu’à la réception des factures, monsieur [K] a immédiatement demandé à la société Insight Outside de les adresser à l’Agcnam’;
18. – qu’il n’existe aucun contrat occulte entre la concluante et l’Agcnam Aura au sens de l’article 1201 du code civil’;
19. – que si la société Insight Outside soutient avoir subi un préjudice en raison d’agissements imputables à la concluante, elle n’en rapporte pas la preuve’;
20. – subsidiairement, concernant le montant de la créance, que la concluante ne peut être tenue, par application de l’article 1309 du code civil, qu’au paiement de la moitié de la créance, déduction faite des échéances de remboursement acquittées par l’Agcnam Aura’; que dans le cadre de plan de redressement, la société Insight Outside a accepté un paiement intégral en 10 annuités et a déjà perçu 1.042,08 euros’;
21. – que la concluante ne peut être tenue au paiement des intérêts majorés à compte de la date d’échéance de chaque facture, puisque le contrat a prévu que le paiement était exigible à compter de la réception des factures, alors que la société Insight Outside ne justifie pas que la concluante les a effectivement reçues.
Prétentions et moyens de la société Insight Outside’:
22. Selon ses conclusions remises le 22 février 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 31 du code de procédure civile, 1103, 1217, 1221, 1309, 1310, 1313 et 1355 du code civil’:
– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Le Campus Numérique in the Alps à payer à la concluante la somme de 26.052 euros TTC, assortie des intérêts contractuels de retard de trois fois le taux d’intérêt légal, à compter de la date d’échéance de chaque facture, soit à la réception de chacune des factures’; en ce qu’il a condamné l’appelante au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance’; en ce qu’il a débouté la société Le Campus Numérique in the Alps de l’intégralité de ses demandes’;
– statuant à nouveau, de rejeter l’appel de la société Le Campus Numérique in the Alps’;
– de la débouter de l’intégralité de ses demandes’;
– de la condamner à payer à la concluante la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts’;
– de la condamner à payer à la concluante la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;
– de la condamner aux entiers dépens.
Elle soutient’:
23. – que le bon de commande a été régularisé par monsieur [K], directeur général de la société Le Campus Numérique in the Alps’, mais que curieusement, elle a été invitée par cette personne à facturer les prestations à l’Agcnam Aura’; qu’elle n’a déclaré sa créance au passif de cette dernière qu’à titre purement conservatoire, alors qu’elle a toujours considéré la société Le Campus Numérique in the Alps comme son débiteur’; que suite à la signification de sa lettre de mise en demeure le 1er avril 2019, monsieur [X], directeur administratif et financier de l’appelante, a indiqué, en laissant un message vocal, avoir réglé 50’% de la créance à l’Agcnam Aura, et a estimé ne rien devoir d’autre’;
24. – que le tribunal de commerce a ainsi retenu que les deux entités ont entretenu une confusion entre elles et se sont comportées comme une seule et même société, caractérisant la croyance légitime de la concluante’; qu’il a appliqué le principe de la présomption de solidarité en matière commerciale et a relevé que le créancier d’une obligation définitivement admise au passif d’un débiteur est recevable à agir en recouvrement à l’encontre du tiers tenu solidairement’;
25. – que plusieurs éléments confirment que la société Le Campus Numérique in the Alps est le véritable débiteur des factures’; ainsi, que monsieur [K] a été le seul interlocuteur de la concluante lors de la phase précontractuelle, alors que sa signature indique clairement ses fonctions de directeur général’; que si l’appelante indique qu’il n’était ni associé fondateur, ni un organe dirigeant, la concluante a pu croire à un mandat apparent’; que monsieur [K] a pris officiellement ses fonctions le 11 avril 2016, ainsi que le relate la presse régionale’;
26. – que le tampon apposé sur le contrat a juxtaposé le nom «’Campus numérique’» avec celui de l’Agcnam Aura, avec une adresse à [Localité 4], alors que le siège de cette association est à [Localité 5]’; que cette adresse a été utilisée par l’appelante après son immatriculation’; que le mail de contact figurant sur ce bon est l’adresse de l’appelante’;
27. – que les prestations ont été réalisées au profit de la société Le Campus Numérique in the Alps, se présentant comme un acteur majeur sur [Localité 4]’; qu’elles ont été réglées pour moitié directement à l’Agcnam Aura’;
28. – qu’il en résulte qu’un contrat apparent a été conclu, dissimulant un contrat occulte, au sens de l’article 1201 du code civil’;
29. – qu’une confusion a été entretenue par l’appelante, créant une apparence, alors que le fait qu’elle ne soit pas immatriculée est sans incidence, puisqu’elle n’a jamais informé la concluante qu’elle n’était qu’en cours de constitution lors de la signature du bon de commande; que la concluante a pu croire légitimement que l’appelante était ainsi son cocontractant’;
30. – que si l’article 1310 du code civil dispose que la solidarité doit être expressément stipulée, le principe est inversé en matière commerciale’; qu’ainsi, une solidarité de droit s’attache à une obligation commerciale’; que le montant des factures n’a pas été contesté par l’appelante, alors qu’elle en a réglé la moitié à l’Agcnam Aura’;
31. – que si un plan de redressement a été adopté au profit de cette dernière, le passif n’a cependant pas été vérifié, alors que la concluante n’a déclaré sa créance qu’à titre conservatoire, tout en indiquant l’existence d’un co-débiteur en la personne de l’appelante’; que la concluante n’a pas ainsi renoncé à toute action contre la société Le Campus Numérique in the Alps’; qu’ainsi, le tribunal de commerce a valablement considéré que la demande en paiement de la concluante ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée, et qu’une contestation des débiteurs dans le cadre d’une vérification du passif n’a pas le même objet qu’une demande en paiement de cette créance’;
32. – qu’il n’y a pas lieu de réduire le montant de la créance, en raison de la présomption de solidarité’; que dans le cadre du plan de redressement de l’Agcnam Aura, la concluante a opté pour un remboursement de l’intégralité de sa créance sur 10 ans, et a reçu à ce titre un total de 1.042,28 euros’; qu’au surplus, l’appelante reste débitrice de 25.009,92 euros compte tenu de ce paiement’;
33. – que les intérêts de retard sont dus, les factures étant exigibles à compter de leur réception, alors qu’elles ont été adressées par mail à monsieur [K] le 28 juin 2017′;
34. – que l’appelante a adopté une attitude déloyale alors qu’elle se présente comme un interlocuteur incontournable sur [Localité 4]’; qu’elle doit indemniser la concluante de son préjudice moral à hauteur de 12.000 euros.
*****
35. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION’:
36. Il résulte du bon de commande établi le 15 mai 2017 qu’il a concerné l’organisation d’une soirée le 18 mai 2017 à [Localité 4], dénommée «’Lancement saison 2 du Campus Numérique’». Ce bon a été signé par monsieur [K], et a été mis au nom de «’ Campus Numérique in the Alps, [Adresse 1]’». Le cocontractant de la société Insight Outside a été désigné comme étant «’Campus Numérique’». Sur la partie réservée aux signatures, seuls les vocables «’Campus Numérique’» apparaissent. Le tampon apposé par monsieur [K] comporte en gras la mention «’Le Campus Numérique’», avec une adresse située à [Localité 4]. Cependant, juste après cette identification, les sigles «’Agcnam de Rhône-Alpes’» apparaissent, avec les numéros Siret et d’organisme de formation déclarée, dont il est constant qu’ils sont ceux de l’Agcnam Aura. Cependant, le mail de contact comporte le nom de la société Le Campus Numérique in the Alps. Les trois factures litigieuses ont été éditées au nom de l’Agcnam Aura, avec une adresse située à [Localité 5].
37. Au sens des articles 1842 du code civil et L210-6 du code de commerce, les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation. Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.
38. En l’espèce, il est constant que la société Le Campus Numérique in the Alps n’existait pas ni lors de la signature du bon de commande, valant contrat, ni lors de la manifestation ayant donné lieu à l’édition des factures. Il en résulte que ne disposant pas de la personnalité juridique, elle n’a pu s’engager. Il est de même constant que ce contrat n’a pas été repris lors de l’immatriculation de la société Le Campus Numérique in the Alps au registre du commerce et des sociétés le 7 septembre 2017. Elle n’a ainsi pas plus être engagée à ce titre rétroactivement.
39. Monsieur [K] ne figurait pas au nombre de ses membres fondateurs et n’a été investi d’aucune fonction par les statuts, sur lesquels il n’apparaît pas. Aucun élément ne permet ainsi de retenir qu’il aurait agi pour le compte de l’appelante. Rien n’indique également que l’adresse mail figurant sur le bon de commande avec le nom de l’appelante correspond avec une adresse dont l’appelante aurait eu la maîtrise. D’ailleurs, il est constant que les numéros Siret et de déclaration en qualité d’organisme de formation n’étaient pas ceux de la société Le Campus Numérique in the Alps.
40. Il résulte de ces éléments que la société Le Campus Numérique in the Alps n’existant pas à la date de la signature du bon de commande, que le contrat n’ayant pas été repris lors de son immatriculation, et alors qu’aucun élément ne permet de retenir une apparence légitime aux yeux des tiers, dont la société Insight Outside, l’appelante n’a pu valablement être engagée. Contrairement à l’appréciation opérée par le tribunal de commerce, la preuve d’une confusion entre l’appelante et l’Agcnam Aura, faisant que ces sociétés se sont comportées comme une seule entité, fondant la société Insight Outside à croire que le bon de commande engageait l’appelante, n’est pas rapportée. La cour indique que du seul fait de l’inexistence de la société Le Campus Numérique in the Alps lors de la signature du contrat, il ne pouvait résulter aucune confusion. La théorie de l’apparence ne peut concerner un cocontractant n’existant pas lors de la signature du contrat. L’intimée ne justifie d’aucune circonstance qui l’aurait exonérée d’une vérification élémentaire des pouvoirs de la personne avec laquelle elle a été en relation, et de l’existence de la société bénéficiaire de ses prestations. La preuve d’une convention occulte entre l’appelante et l’Agcnam Aura n’est pas plus rapportée.
41. S’il est constant que la société Le Campus Numérique in the Alps a réglé à l’Agcnam Aura une somme correspondant à la moitié du coût de la prestation, il résulte du message téléphonique de monsieur [X], employé de la société Le Campus Numérique in the Alps, retranscrit selon constat d’huissier du 10 avril 2019, que cette structure n’existait pas et que tout a été géré administrativement par le Cnam, les factures étant ainsi adressées à cet organisme. Cette personne a ainsi invité la société Insight Outside à s’adresser à l’Agnam Aura. Ce message n’emporte ainsi aucune preuve d’une acceptation de la prestation réalisée par l’intimée.
42. Enfin, aucune solidarité n’a été stipulée dans le bon de commande, qui n’a fait état que d’un seul débiteur. Il est en outre constant que l’Agncam Aura n’est pas une société commerciale, mais une association, alors que le bon de commande ne constituait pas un acte de commerce en toute personne au sens des article L110-1 et suivants du code de commerce. Le principe de la solidarité commerciale n’a ainsi pas vocation à s’appliquer, et le tribunal a renversé la charge de la preuve en indiquant que la société Le Campus Numérique in the Alps ne rapporte pas la preuve de l’exclusion de la solidarité. En outre, ne disposant pas de la personnalité juridique lors de la conclusion du contrat, cette société ne pouvait être tenue solidairement d’obligations qu’elle n’avait pas alors la capacité de contracter, et qu’elle n’a pas reprises lors de son immatriculation.
43. En conséquence, sans qu’il soit nécessaire de plus amplement statuer, notamment sur les effets de la déclaration de créance de la société Insight Outside au passif de l’Agcnam Aura, il convient d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour par l’appelante, et, statuant à nouveau, de débouter la société Insight Outside de l’intégralité de ses prétentions, y compris concernant sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, puisqu’aucune faute ne peut être retenue à l’encontre de l’appelante, n’existant pas lors de la conclusion du contrat.
44. Succombant devant cet appel, la société Insight Outside sera condamnée à payer à la société Le Campus Numérique in the Alps la somme de 5.000 euros au titre des frais engagés par application de l’article 700 du code de procédure civile, en première instance et devant la cour. La société Insight Outside sera en outre condamnée aux dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1103, 1128 et suivants, 1309 et suivants, 1353 et suivants, 1842 du code civil, L110-1 et suivants, L210-6 du code de commerce’;
Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour;
statuant à nouveau’;
Déboute la société Insight Outside de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la société Le Campus Numérique in the Alps’;
Condamne la société Insight Outside à payer à la société Le Campus Numérique in the Alps la somme de 5.000 euros au titre des frais engagés en application de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance que devant la cour’;
Condamne la société Insight Outside aux dépens exposés en première instance et en cause d’appel’;
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente