N° RG 21/03411 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K7XQ
C3
N° Minute :
délivrée le :
la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET-MURIDI & ASSOCIES
la SELARL L.BESSON-MOLLARD
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 19 SEPTEMBRE 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/00837)
rendue par le Tribunal judiciaire de VIENNE
en date du 10 juin 2021
suivant déclaration d’appel du 22 juillet 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. ELEMENT’TERRE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Audrey GRANDGONNET de la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET-MURIDI & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
M. [N] [H]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
S.C.I. [Adresse 8] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentés par Me Laurence BESSON-MOLLARD de la SELARL L.BESSON-MOLLARD, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 juin 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SCI [Adresse 8] loue, selon bail d’habitation sous seing privé signé le 24 octobre 2006, à M. [N] [H], une villa avec garage, atelier et dépendances sis [Adresse 6] à [Localité 2] (38).
Par courrier du 23 avril 2016, M. [H] a avisé sa bailleresse qu’il allait vendre ses matériels de chantier afin de pouvoir financer ses arriérés locatifs.
Le 12 mai 2016, il a ainsi vendu pour un total de 45.000€ un lot de trois engins à M. [O] [L] dont un chargeur Liebherr 544 pour pièces (6.000€) qu’il avait lui-même acquis le 29 septembre 2006 auprès d’un dénommé M. [Z].
Il a établi successivement deux factures le 12 mai 2016, l’une au nom de M. [L] avec l’indication que les matériels étaient vendus en l’état sans garantie et avec exonération de TVA, l’autre au nom de M. [L], gérant de l’entreprise Elément ‘Terre TP, avec la seule indication que le matériel était non soumis à TVA’.
Le prix de cette vente globale a été réglé par deux chèques de 5.000€ et 40.000€ de l’EURL Elément’Terre TP établis à l’ordre de la SCI [Adresse 8].
M. [L] a mis en vente, par l’intermédiaire d’un professionnel, le chargeur Liebherr 544 sur le site «’Le Bon Coin’»’; cet engin a été identifié le 18 avril 2017 par M. [E] comme étant celui qui lui avait été volé 11 ans auparavant.
L’examen du numéro de série dans le cadre de l’enquête de flagrance a révélé qu’il s’agissait bien de l’engin déclaré volé lequel a été saisi et restitué à Groupama qui avait indemnisé M. [E] à la suite de sa déclaration de vol.
La plainte déposée le 19 avril 2017 par M. [L] à l’encontre de M. [H] pour recel a été classée sans suite le 29 novembre 2017 pour auteur inconnu.
Suivant acte extrajudiciaire du 1er juillet 2019, la société Element’Terre TP a assigné la SCI [Adresse 8] et M. [H] devant le tribunal de grande instance de Vienne en résolution de la vente du 12 mai 2016 sur le fondement de l’article 1604 du code civil et subsidiairement en nullité pour dol, outre paiement de dommages et intérêts, sans préjudice des frais irrépétibles et des dépens.
Par jugement contradictoire du 10 juin 2021, le tribunal précité devenu tribunal judiciaire, a’:
dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes de «’constater’» qui figurent dans le dispositif des conclusions du demandeur,
mis hors de cause la SCI [Adresse 8],
rejeté la demande de résolution de la vente du 12 mai 2016 formée par la SELURL Elément’ Terre TP,
rejeté la demande de nullité de la vente du 12 mai 2016 formée par la SELURL Elément’ Terre TP,
condamné M. [H] à verser à la SELURL Elément’Terre TP
la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts,
la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dit n’y avoir lieu de faire droit à la demande de condamnation formée par la SCI [Adresse 8] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [H] aux entiers dépens,
ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration déposée le 22 juillet 2021, la SELURL Elément’Terre TP a relevé appel.
Dans ses dernières conclusions déposées le 18 octobre 2021 sur le fondement des articles 1137, 1604, 1610 et 1611 du code civil, la SELURL Elément’Terre TP demande à la cour de’:
réformer le jugement déféré en ce qu’il a :
mis hors de cause la SCI [Adresse 8],
rejeté sa demande de résolution de la vente du 12 mai 2016,
rejeté sa demande de nullité de la vente du 12 mai 2016,
condamné M. [H] à lui régler la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.
statuant à nouveau,
dire et juger que M. [H] a vendu à M. [L], gérant de la SELURL Elément’Terre TP, un engin de travaux public de type chargeuse Liebher,
dire et juger que M. [H] a procédé à la vente de cet engin pour le compte de la SCI [Adresse 8],
dire et juger de même que la SCI [Adresse 8] a encaissé les deux chèques pour un montant total de 45.000€ sans aucune réserve,
juger qu’en vertu de la théorie de l’apparence, la SCI [Adresse 8] doit être considérée comme bénéficiaire de la vente et donc mandant,
juger que la SCI [Adresse 8] est donc responsable de cette vente d’engin pour son compte, organisée par M. [H],
juger que la SCI [Adresse 8] responsable des conséquences du contrat de vente,
dire et juger que cet engin avait une origine frauduleuse puisqu’il était volé depuis 2011,
juger que M. [H], agissant pour le compte de la SCI [Adresse 8], n’a pas respecté son obligation de délivrance conforme,
en conséquence,
prononcer la résolution de la vente de l’engin de travaux public de type chargeuse Liebher du 12 mai 2016,
remettre les parties dans la situation où elles étaient avant la conclusion du contrat de vente,
ordonner la restitution par la SCI [Adresse 8] du prix de vente, soit 45.000€ outre les intérêts au taux légal à compter de la «’présente assignation’»,
subsidiairement : du vice du consentement,
juger que M. [H] en mettant en vente l’engin alors que celui-ci n’appartenait ni à lui ni à la SCI [Adresse 8] puisqu’il était volé à la société GIE Agro Compost a trompé son acquéreur,
juger que le consentement à la vente de la société Elément’Terre TP a été vicié pour dol au visa de l’article 1137 du code civil,
annuler le contrat de vente.
condamner solidairement les co-défendeurs à réparer le préjudice qui en résulte, soit restitution du prix de 45.000€ outre intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016,
très subsidiairement’: des dommages et intérêts
condamner solidairement M. [H] et la SCI [Adresse 8] à lui payer la somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts,
condamner solidairement les mêmes à la somme de 2.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de la présente instance.
L’appelante développe que’:
elle a cru légitimement contracter avec la SCI [Adresse 8] et que M. [H] en était le mandataire dans la mesure où la transaction s’est déroulée à [Adresse 6], lieu du siège social de cette société, l’adresse de M. [H] portée sur les factures est celle de ce siège social, les chèques de paiement du prix ont été établis à l’ordre de cette société car M. [H] s’était présenté comme agissant pour le compte de celle-ci qui a d’ailleurs encaissé lesdits chèques’; en vertu de la théorie de l’apparence, cette SCI est donc tenue par les engagements souscrits par son mandataire M. [H], et la vente doit être considérée comme étant intervenue entre M. [L] gérant de la SELURL Elément’Terre TP et cette SCI,
la SCI [Adresse 8] ne peut pas se prévaloir d’une délégation de paiement pour justifier de l’encaissement des chèques émis à son nom, en soutenant que l’acquéreur aurait acquiescé à la délégation en effectuant son paiement à son profit: «’il est nécessaire qu’un certain nombre de circonstances établissent le consentement du délégué à l’opération, tel n’est pas le cas en l’espèce’»,
M. [H], agissant pour le compte de la SCI [Adresse 8], a manqué à son obligation de délivrance conforme en vendant un engin qui s’est avéré avoir été volé plusieurs années auparavant, ce manquement justifiant la résolution de la vente et la restitution du prix de 45.000€ par la SCI, la restitution de l’engin étant impossible celui-ci ayant été remis à l’assurance Groupama,
le dol est constitué car M. [H] lui a dissimulé l’information selon laquelle l’engin était volé, le contrat de vente doit être annulé et la SCI condamnée solidairement avec M. [H] à restituer le prix de 45.000€,
elle doit rembourser l’emprunt de 45.000€ qu’elle avait souscrit pour s’acquitter du prix de la vente du 12 mai 2016, alors qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité de revendre l’engin litigieux qui a été restitué à son propriétaire (l’assureur qui a indemnisé le vol)’; elle subit ainsi un préjudice à hauteur de 50.000€ à la suite du non-respect de l’obligation de délivrance conforme par M. [H] et la SCI [Adresse 8].
Par uniques conclusions déposées le 10 janvier 2022, la SCI [Adresse 8] et M. [H] sollicitent de la cour qu’elle’:
se déclare non saisie par les demandes portées au dispositif des conclusions de l’appelant au titre des « dire et juger » ou « juger » et qu’il n’y a pas lieu de statuer les concernant,
confirme le jugement en ce qu’il a :
jugé que la SCI [Adresse 8] est un tiers à la vente et ordonné sa mise hors de cause,
rejeté la demande de résolution de la vente du 12 mai 2016 formée par la SELURL Elément’Terre TP ,
rejeté lademande de nullité de la vente du 12 mai 2016 formée par la SELURL Elément’Terre TP,
infirme le jugement déféré en ce qu’il a :
condamné M. [H] à verser à la SELURL Elément’Terre TP la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts,
condamné M. [H] à verser à la SELURL Elément’Terre TP la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dit qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de condamnation formée par la SCI [Adresse 8] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [H] aux entiers dépens,
statuant à nouveau,
condamne la SELURL Elément’Terre TP à payer à la SCI [Adresse 8] la somme de 1.500€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
à titre principal, déboute la SELURL Elément’Terre TP de ses demandes,
à titre subsidiaire, en cas de prononcé de la résolution partielle,
ordonne la restitution du prix du chargeur, soit la somme de 6.000€,
condamne la SELURL Elément’Terre TP à restituer la valeur du bien estimée au jour de la restitution, soit la somme de 24.515,60€, faute de restitution en nature possible,
condamne la SELURL Elément’Terre TP à payer à M.[H] la somme de 29.837€ au titre de l’indemnisation de la valeur de jouissance du bien,
rejette la demande de dommages-intérêts de la SELURL Elément’Terre TP,
en toute hypothèse
déboute la SELURL Elément’Terre TP de ses demandes en ce qu’elles seraient contraires au présent dispositif,
condamne la SELURL Elément’Terre TP à payer à M. [H] la somme de 2.500€ au titre des frais irrépétibles,
condamne encore la SELURL Elément’Terre TP aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL L. Besson Mollard.
Les intimés soutiennent au fond que’:
la mise hors de cause de la SCI [Adresse 8] s’impose, la théorie de l’apparence ne pouvant pas fonder les demandes présentées à son encontre par l’appelante’; en effet, aucune conséquence ne peut être tirée du fait que l’adresse de M. [H] est la même que celle du siège social de cette SCI, car il est locataire de biens appartenant à celle-ci, ensuite, les factures de vente mentionnent M. [H] et jamais la SCI, la plainte pénale déposée par M. [L] vise uniquement M. [H] en tant que vendeur et mentionne que la vente a eu lieu au domicile de ce dernier, l’ordre des deux chèques au profit de la SCI a été rempli par M. [H] en présence de M. [L], sans protestation de ce dernier, afin de se mettre en règle à l’égard de sa bailleresse (retards de loyers), la SCI ne pouvait pas vendre un bien qui ne lui appartenait pas, ce que ne pouvait ignorer M. [H] qui reconnaît avoir acquis l’engin litigieux à M. [Z] en 2006,
en acceptant que ces chèques soient mis à l’ordre de la SCI, M. [L] a acquiescé à la délégation de paiement, et l’ordre d’un chèque n’est pas de nature à établir à lui seul l’existence d’un lien contractuel,
la preuve n’est pas rapportée par la SELURL Elément’Terre TP que l’engin acheté à M. [H] est celui qui a été volé 11 ans plus tôt à la société Agro Compost, la réalité de ce vol , motif invoqué à l’appui de la demande en résolution de vente, n’étant pas établie et les documents de vente du 12 mai 2016 ne mentionnant pas le numéro de série du véhicule vendu’; l’engin proposé à la vente par M. [L] sur le site Le Bon Coin n’est manifestement pas celui qui a été vendu par M. [H] le 12 mai 2016 ainsi qu’en attestent la différence de kilométrage, le prix proposé à la vente (28′.500€) pour un engin acheté 6.000€, et d’autres incohérences tenant à la contenance en huile de la boite à vitesse, au réservoir de carburant…
à considérer que le véhicule volé est bien celui qui a été vendu par M. [H], la résolution de la vente ne doit pas être prononcée sur le fondement d’un manquement à l’obligation de délivrance ‘; si aucune des parties n’était informée de l’origine délictuelle de l’engin, M. [L] n’ignorait pas que celui-ci était vendu pour pièces à 6.000€, étant à l’état d’abandon et non roulant au jour de la vente, ne l’ayant acheté que parce qu’il était compris dans le lot’; il connaissait donc la nature de ce bien et le risque auquel il s’exposait en cas de revente,
la résolution ne peut concerner que la vente entre M. [H] et M. [L] ès qualités de gérant de la SELURL Elément’Terre TP’; dès lors, la demande des appelants en restitution du prix de vente à l’encontre de la SCI [Adresse 8], non partie à la vente, doit être rejetée’; cette demande aurait dû être dirigée contre M. [H] et uniquement à hauteur du prix de l’engin, soit 6.000€, prétention dont la cour n’est pas saisie,
M.[H] est fondé à réclamer à la SELURL Elément’Terre TP, à défaut d’une restitution en nature de l’engin, sa restitution en valeur estimée, à savoir le prix de vente réclamé dans l’annonce de celle-ci sur le Bon Coin dont à déduire le coût des travaux par elle déboursés,
il est également fondé au visa de l’article 1352-3 du code civil à obtenir une indemnité au titre de la jouissance de l’engin à la SELURL Elément’Terre TP qui en conservé celui-ci du 12 mai 2016 au 18 avril 2017, date de sa saisie par les gendarmes, et qui l’a utilisé durant cette période,
le dol ne se présume pas et la SELURL Elément’Terre TP ne justifie pas que M. [H] a usé de man’uvres à son égard pour l’inciter à acheter l’engin,
les dommages et intérêts réclamés doivent être rejetés, aucun lien certain ne pouvant être vérifié en l’absence du contrat de prêt entre le financement de la vente et la souscription du crédit de 45.000€ à compter du 13 mai 2016, soit très rapidement après la visite des lots le 10 mai et la vente le 12 mai, le préjudice financier allégué étant insignifiant, la SELURL Elément’Terre TP ne pouvant pas non plus exciper d’un préjudice du fait qu’elle n’aurait pas pu revendre cet engin, alors qu’il était vendu pour pièces à un prix très modique et qu’elle n’avait pas pour projet initial de l’acquérir.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 mai 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, il est rappelé d’une part que les «’demandes’» tendant à voir «’dire et juger’» lorsque celles-ci développent en réalité des moyens ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour, et d’autre part que la cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.
Sur la qualité de la SCI [Adresse 8]
Compte tenu de sa date de conclusion, le contrat de vente du 12 mai 2016 , objet du présent litige, est soumis aux dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et de la loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018.
Il en résulte que le litige est soumis au droit ancien des contrats et que les parties ne sont pas recevables à exciper des nouveaux articles 1336 et suivants sur la délégation de paiement.
Il est constant que M. [H] a dirigé seul la vente, en son nom personnel, ainsi qu’en attestent tout à la fois les deux factures rédigées par ses soins le 12 mai 2016 dans lesquelles il figure sous son nom personnel, en qualité de vendeur, sans référence aucune à la SCI [Adresse 8].
Il est tout aussi constant que si l’adresse personnelle de M. [H] se trouve être identique à celle de l’actuel siège social actuel de la SCI [Adresse 8] (celui-ci étant à une adresse différente à l’époque de la signature du bail d’habitation du 24 octobre 2006), cette similitude trouve son explication dans le fait qu’il loue depuis le 24 octobre 2006 à cette société une maison d’habitation avec garage, ateliers et dépendances sis à la même adresse, [Adresse 6] à [Localité 2].
Lors de son audition par les services de gendarmerie dans le cadre de son dépôt de plainte contre M. [H], M. [L] , gérant de la SELURL Elément’Terre TP, a relaté que ce dernier, qui lui avait vendu à son domicile de [Localité 2] un lot de trois engins de travaux publics dont la chargeuse Liebherr, lui avait déclaré avoir une entreprise de travaux publics, être prochainement à la retraite, et avoir le projet de déménager vers [Localité 5], raison pour laquelle il vendait tous ses engins. Il a également déclaré savoir que l’engin objet du présent litige, avait été acheté par M. [H] ainsi que celui-ci le lui avait indiqué.
M. [L] n’a jamais fait état de la SCI [Adresse 7] en qualité d’intervenant à la vente en quelle qualité que ce soit, si ce n’est pour dire que les chèques de paiement du prix de vente tirés sur le compte de la SELURL Elément’Terre TP avaient été établis au nom de celle-ci.
Or il résulte clairement de sa lettre datée du 23 avril 2016 adressée à la SCI [Adresse 8] que M. [H] s’était engagé à faire effectuer les règlements de la vente de son matériel directement sur le compte de celle-ci dans le but d’apurer sa dette de loyers’; de fait, cette SCI lui avait dénoncé par courrier recommandé avec AR et remis en main propre le 18 avril 2016 un arriéré locatif d’un montant de 30.600€ au 5 avril 2016.
Ces courriers des 18 et 23 avril 2016, antérieurs à la vente litigieuse du 12 mai 2016, accréditent le fait que les chèques de la SELURL Elément’Terre TP ont été établis par celle-ci (ainsi qu’en attestent la similitude d’écriture, notamment lettres A et E) à l’ordre de la SCI [Adresse 8], conformément à l’accord intervenu entre M. [H] et sa bailleresse, cette indication de paiement faite par M. [H], créancier du prix de vente de ses engins, d’une personne qui doit recevoir pour lui ce prix (la SCI [Adresse 8]) n’opérant pas novation au sens de l’article 1277 ancien du code civil.
Dans ces conditions, le fait que les chèques de règlement de la vente du 12 mai 2016 ont été établis à l’ordre de la SCI [Adresse 8] n’autorise pas la SELURL Elément’Terre TP à affirmer la qualité de mandataire apparent de M. [H] au profit de cette SCI, pour en conclure que cette dernière est partie à la vente en tant que mandante et donc bénéficiaire de cette transaction en tant que venderesse en ayant reçu le prix.
Dès lors, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a mis hors de cause la SCI [Adresse 7] en écartant la théorie de l’apparence.
Sur la résolution fondée sur le défaut de délivrance conforme
Il est d’ores et déjà précisé que cette demande ne peut concerner que la vente du chargeur Liebherr 544, la vente des deux autres engins de chantier ne donnant lieu à aucune protestation.
Dans le cadre de cette demande de résolution, qui ne peut donc être qu’une résolution partielle de la vente, la SELURL Elément’Terre TP désigne la vente intervenue entre «’M. [L] agissant pour le compte de la SCI [Adresse 8]’» et elle-même le 12 mai 2016.
Elle conclut ainsi que «’ M. [L] agissant pour le compte de la SCI [Adresse 8] n’a pas respecté son obligation de délivrance conforme en vendant un engin de travaux public volé’».
Elle poursuit en conséquence dans le dispositif de ses écritures d’appel la condamnation de la SCI [Adresse 8] à lui restituer le prix de vente de 45.000€ majorée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation’ (la demande de condamnation solidaire de M. [H] et cette SCI à lui restituer ce prix de vente telle que formulée en page 10 des motifs desdites conclusions ne liant pas la cour car n’étant pas reprise dans le dispositif).
Or, la mise hors de cause de la SCI [Adresse 8] dans la vente intervenue le 12 mai 1016, en tant ce que n’ayant pas la qualité de venderesse dès lors que M. [H] n’était pas son mandataire, conduit corrélativement à rejeter sans plus ample discussion cette demande de résolution d’une vente à laquelle la SCI [Adresse 7] n’est pas partie.
Le jugement querellé est en conséquence confirmé, par substitution de motifs, en ce qu’il a débouté la SELURL Elément’Terre TP de sa demande de résolution de la vente du 12 mai 2016.
Les demandes subsidiaires de M. [H] et de la SCI [Adresse 8] en cas de prononcé de la résolution partielle de la vente sont donc sans objet comme énoncé par le premier juge.
Sur la demande de nullité fondée sur le dol
C’est à la faveur d’exacts motifs adoptés par la cour que le premier juge a débouté la SELURL Elément’Terre TP de ce chef de prétention, cette dernière ne produisant pas davantage à hauteur d’appel d’éléments d’appréciation contraires permettant d’établir à l’encontre de M. [H] l’existence de man’uvres dolosives ou une réticence dolosive au moment de la vente à l’effet d’obtenir le consentement de cette société.
Le jugement est confirmé sur ce point et sur le rejet corrélatif de la demande en restitution du prix de vente, étant relevé surabondamment que l’appelante qui dénonce dans le cadre de sa demande de nullité pour dol uniquement M. [H], à titre personnel, et aucunement en tant qu’agissant pour le compte de la SCI [Adresse 8], était en tout état de cause irrecevable à réclamer la condamnation «’solidaire des co-défendeurs’» (comprendre M. [H] et la SCI [Adresse 8]).
Sur les dommages et intérêts
Cette prétention fondée sur l’article 1611 du code de procédure civile doit être rejetée dès lors que la SELURL Elément’Terre TP excipe d’un «’préjudice subi suite au non-respect de l’obligation de délivrance conforme par M. [H] et la SCI [Adresse 7]’»’; or, ce faisant, l’appelante réitère son analyse erronée selon laquelle M. [H] agissant pour le compte de cette SCI, lui a vendu l’engin litigieux, alors même qu’il n’existe aucun mandat apparent entre ces deux parties, de sorte qu’elles ne peuvent pas davantage être condamnées solidairement au paiement de ces dommages et intérêts au titre de la vente litigieuse à laquelle la SCI n’était pas partie.
Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce qu’il a alloué des dommages et intérêts à la SELURL Elément’Terre TP.
Sur les mesures accessoires
Succombant dans ses prétentions, la SELURL Elément’Terre TP est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et conserve la charge de tous ses frais irrépétibles ; elle est dispensée en équité de verser une indemnité de procédure aux intimés pour toute l’instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts, et aux mesures accessoires,
Statuant à nouveau sur ces points et ajoutant,
Déboute la SELURL Elément’Terre TP de sa demande de dommages et intérêts,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, y compris en appel,
Condamne la SELURL Elément’Terre TP aux dépens de première instance et d’appel avec recouvrement de ceux d’appel par la SELARL L. Besson Mollard, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT