COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 15 Mars 2023
N° RG 21/01270 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FTTU
FK
Arrêt rendu le quinze Mars deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 06 avril 2021 par le Tribunal judiciaire du PUY EN VELAY (RG n° 17/00986)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La société BDF IMMOBILIER
SCI immatriculée au RCS du Puy En Velay sous le n° 537 422 461 00013
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentants : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
(postulant) et Me Sébastien LUCE de la SAS MERMET & ASSOCIES, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS (plaidant)
APPELANTE
ET :
Me [I] [S], Notaire
[Adresse 3]
[Localité 4]
La société JURISIMMO
SCI immatriculée au RCS du Puy En Velay sous le n° 418 907 804 00011
[Adresse 1]
[Localité 2]
Tous les deux représentés par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL CHANUT-VERILHAC, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE (plaidant)
INTIMÉS
DEBATS : A l’audience publique du 18 Janvier 2023 Monsieur KHEITMI a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 15 Mars 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 15 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure ‘ demandes et moyens des parties :
La SCI Jurisimmo, propriétaire de trois lots dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 5], a fait part, au cours de l’année 2017, à la SCI BDF Immobilier de son intention de vendre ces lots.
Les associés de la SCI BDF Immobilier, réunis en assemblée générale le 6 mai 2017, ont désigné l’une d’entre eux, Mme [K] [F] [B], « afin de rentrer en matière avec les protagonistes» en vue de l’acquisition des lots susdits.
Divers échanges sont intervenus au cours des mois de juillet et d’août 2017, entre Mme [F] [B] et Me [I] [S], notaire associée de la SCI Jurisimmo, et par ailleurs occupante des lots en cause.
Me [P] [R], notaire chargé de la rédaction des actes, ayant reçu de Me [S] les diagnostics techniques obligatoires, a fait connaître le 15 septembre 2017 qu’elle préparait le compromis de vente.
Cependant le 25 septembre 2017, Me [S] a fait connaître à Me [R] que la signature du compromis était annulée, au motif que la commune de [Localité 4] était intéressée par l’acquisition des lots en cause.
La SCI BDF Immobilier, considérant que la vente était parfaite entre elle-même et la SCI Jurissimo, a fait assigner cette dernière, ainsi que Me [S], devant le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay le 31 octobre 2017, en demandant l’exécution forcée de la vente, et à défaut l’allocation de dommages et intérêts pour rupture brutale des négociations.
Le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, par jugement contradictoire du 6 avril 2021, a débouté la SCI BDF Immobilier de toutes ses demandes, et l’a condamnée à payer, par application de l’article 700 du code de procédure civile, 2 500 euros à la SCI Jurisimmo et 2 500 euros à Me [S], outre les dépens. Le tribunal a par ailleurs rejeté une demande reconventionnelle qu’avait formée la SCI Jurisimmo pour procédure abusive, et a ordonné l’exécution provisoire.
Le tribunal a énoncé, dans les motifs de sa décision, qu’aucun accord n’était intervenu entre les deux sociétés sur la chose et sur le prix, dès lors que Me [S] n’avait pas reçu le pouvoir de représenter la société acquéreuse, la SCI Jurisimmo ; et que d’autre part cette dernière société, par l’intermédiaire de Me [S], avait certes rompu les pourparlers de manière brutale et abusive, mais que la SCI BDF Immobilier ne justifiait d’aucun préjudice en lien direct et certain avec cette rupture fautive.
Par déclaration électronique reçue au greffe le 8 juin 2021, la SCI BDF Immobilier a interjeté appel de ce jugement.
Cette société demande à la cour d’infirmer le jugement, en ce qu’il a rejeté ses demandes, de juger que les parties ont conclu un accord sur la vente des biens en cause au prix de 95 000 euros, et d’ordonner l’exécution forcée de cette vente par devant notaire, dans un délai déterminé et à peine d’astreinte, faute quoi l’arrêt vaudra vente. À titre subsidiaire, elle demande la condamnation de la SCI Jurisimmo et de Me [S] à lui payer la somme de 75 000 euros, en réparation des préjudices résultant de la rupture brutale des négociations.
La société appelante expose, en réponse au motif de rejet retenu par le tribunal pour sa principale demande, que Me [S] était investie d’un mandat apparent, donné par la SCI Jurisimmo pour négocier et conclure la transaction, au sens de l’article 1156 du code civil : Me [S] s’est comportée comme si elle avait reçu de sa société tout pouvoir en la matière, et a expressément donné son accord sur l’objet de la vente et sur le prix. La SCI BDF Immobilier ajoute que Me [S] a déposé en mairie le 10 mars 2018 une déclaration d’intention d’aliéner portant sur les biens en cause, mais que la commune de [Localité 4] a fait connaître qu’elle n’était pas intéressée, et que Me [S] a retiré par la suite cette déclaration, dont l’existence même confirme, selon la société appelante, la réalité d’un accord sur la chose et sur le prix.
La SCI BDF Immobilier expose d’autre part, au soutien de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts, qu’elle a bien subi divers préjudices en conséquence de la brusque rupture des discussions : perte de loyers ou de possibilité de faire une plus-value, perte de la possibilité de créer un « pôle d’accueil pour affaires » dont elle avait conçu le projet, et préjudice moral.
La société Jurisimmo et Me [S] concluent à la confirmation du jugement, sauf en ce qu’il a rejeté leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts, demande qu’elles réitèrent à hauteur de 30 000 euros pour le préjudice économique subi du fait de la procédure, et de 5 000 euros « pour procédure abusive et injustifiée ».
Elles contestent d’une part l’existence d’un mandat apparent de Me [S], en relevant que Mme [F] [B], représentante régulière de la SCI BDF Immobilier, connaît parfaitement les règles de fonctionnement des sociétés civiles immobilières, et n’ignorait pas que Me [S], n’étant pas gérante de la SCI Jurisimmo, n’avait pas qualité pour engager celle-ci. Les intimées contestent d’autre part l’existence d’une manifestation de volontés réciproques sur la chose et sur le prix, et affirment que les échanges se sont limités à des manifestations d’intérêt, sans qu’il puisse d’ailleurs être tiré de conséquence de la déclaration d’intention d’aliéner, que Me [S] n’a déposée que pour information, après qu’elle a reçu l’assignation.
Les intimées contestent aussi toute faute dans la conduite des discussions, et l’existence d’un préjudice subi par la SCI BDF Immobilier du fait de la rupture.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2022.
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées le 9 et le 22 novembre 2022.
Motifs de la décision :
Ainsi que l’a rappelé le tribunal, la vente est, selon l’article 1583 du code civil, parfaite entre les parties dès lors qu’elles se sont accordées sur la chose et sur le prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée, ni le prix payé. L’accord des parties, lorsqu’il s’agit de personnes morales, suppose qu’il a été donné par un représentant dûment habilité.
L’article 1156 du même code dispose, d’autre part, que l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.
Les débats et les pièces produites permettent de relater les faits comme suit, notamment les échanges entre les parties et le notaire choisi pour établir le compromis de vente :
– le 6 mai 2017, l’assemblée générale de la SCI BDF Immobilier, réunie pour délibérer sur un ordre du jour qui comprenait, entre autres, un « projet d’achat immobilier » et une « autorisation donnée à un associé en vue de trouver un acquéreur, négocier, signer l’ensemble des documents afférant à cet investissement », vote à l’unanimité une résolution, selon laquelle « délégation totale est donnée à Mme [K] [F] [B] afin de rentrer en matière avec les protagonistes» de la vente projetée (troisième résolution : procès-verbal de l’assemblée générale de la SCI BDF, pièce n° 22) ;
– courant juin 2017, Mme [K] [F] [B] informe M. [H] [M], économiste de la construction à [Localité 4], « qu’un compromis de vente [sur les locaux en cause ] serait signé à la rentrée de septembre 2017, et que les locaux seraient donc disponibles à partir de fin 2017/début 2018 » ; M. [M] lui fait part de son intérêt, pour une éventuelle installation dans ces locaux, a priori comme locataire (attestation de M. [M], pièce n°10 de la SCI BDF Immobilier) ;
– le 24 juillet 2017, Me [S] informe par SMS Mme [K] [F] [B] que la SCI allait « mettre en vente activement ses locaux », et lui demande, au cas où elle serait intéressée, de le lui dire rapidement ; Mme [F] [B] lui répond le même jour qu’elle en parle à son mari (M. [Y] [F] [B] gérant de la SCI BDF Immobilier), et qu’elle la tient au courant ; les parties se rencontrent le 28 juillet 2017, après un rendez-vous proposé et accepté par SMS ; le 2 août, Mme [F] [B] transmet à Me [S] un justificatif de taxe foncière ; le 28 août 2017, Me [S] demande à Mme [F] [B] si elle-même et sont mari sont « toujours intéressés » par l’acquisition des locaux ; Mme [F] [B] lui répond le même jour : « Oui très intéressé » ; elle rencontre Me [S] le 28 août 2017, puis le 22 septembre 2017 selon les relevés de SMS produits (messages échangés entre Me [S] et Mme [F] [B], transcrits par Me [Z] [W] huissier de justice à [Localité 6] : procès-verbal de constat du 13 octobre 2017, pièce n° 1 de la SCI BDF Immobilier) ;
– le 14 septembre 2017 Me [S], dans un courriel à Me [R] lui confirme un rendez-vous pris le 29 septembre suivant pour la signature du compromis, et ajoute : « Concernant la SCI, j’aurai tous les pouvoirs à la signature » ; Me [R] lui répond le lendemain 15 septembre : « Je te remercie pour ton mail. Je prépare le compromis de vente. [‘] Peux-tu me donner le montant du prix de vente ‘ » ;
– le 25 septembre 2017, Me [S] fait connaître à Me [R] que « la commune de [Localité 4] est intéressée par l’acquisition des locaux. / Le compromis de vente est donc annulé » ;
– le 27 septembre 2017, Me [S] informe Mme [F] [B], dans un message vocal, que ses associés et elle-même allaient « faire le choix » de vendre les locaux à la commune : « on a tout mis en standby. J’ai fait un mail à [P] [Me [R]] pour lui dire que le rendez-vous était annulé vendredi, et puis [‘] on aura de toute façon toutes les deux l’occasion d’en rediscuter » (constat de Me [W] du 13 octobre 2017) ;
– le 21 mars 2018, Me [S] dépose à la mairie de Saint-Didier-en-Velay, au nom de la SCI Jurisimmo, une déclaration d’intention d’aliéner les biens en cause à la SCI BDF Immobilier et pour le prix de 95 000 euros ; elle retire cette déclaration le 6 avril 2018 (pièces n° 13 et 19 de la SCI BDF Immobilier).
Ces éléments de preuve, les autres pièces produites et les observations des parties permettent à la cour de constater qu’à aucun moment, les deux personnes agissant pour le compte des SCI Jurissimo et de la SCI BDF Immobilier n’ont exprimé de manière certaine un accord sur le prix des biens à vendre : un tel accord, contesté par les intimés, n’apparaît dans aucun des messages échangés entre Me [S] et Mme [F] [B], qui ne contiennent aucune mention du prix ; Me [R], notaire chargé d’établir le compromis, a d’ailleurs elle-même demandé à Mme [F] [B] de lui indiquer ce prix, quelques jours avant la date prévue pour cet acte, et aucune preuve n’est apportée de la réponse que lui aurait faite Mme [F] [B] sur ce point. Le fait qu’une date ait été fixée pour la signature du compromis ne permet pas, à lui seul et au vu de ces éléments imprécis sur ce point, d’en déduire que les personnes agissant pour le compte des sociétés en cause aient trouvé un accord ferme sur le prix.
Et la déclaration d’intention d’aliéner, réalisée en avril 2018 soit plusieurs mois après la date prévue pour le compromis, et après l’assignation, ne permet pas davantage d’établir que les parties soient convenues du prix porté dans cette déclaration, à l’époque de leurs discussions en juillet, août et septembre 2017. Faute de preuve d’un accord sur le prix, la SCI BDF Immobilier n’est pas fondée en ses demandes tendant à voir condamner la société adverse à passer la vente par devant notaire, et subsidiairement à voir prononcer que la décision à intervenir supplée l’acte de vente.
De plus et comme le font valoir les intimés, Me [S] n’avait pas reçu de la SCI Immobilier le pouvoir de conclure un compromis de vente au nom de cette société, défaut de pouvoir que la société appelante ne conteste pas ; cette société prétend à l’existence d’un mandat apparent, au sens de l’article 1156 du code civil ; cependant les échanges ci-avant rappelés entre Me [S] et Mme [F] [B] ne permettent pas de constater que Me [S] ait accompli un acte, tel que prévu à cet article : les relations entre elles en sont restées au stade des pourparlers, avant l’acte lui-même qui devait être le compromis du 25 septembre 2017, resté à l’état de projet. L’article 1156 du code civil, qui ne s’applique qu’en cas d’accomplissement d’un acte juridique, est dès lors inapplicable.
Au surplus et comme le relèvent encore les intimés, la SCI BDF Immobilier était représentée non par Mme [F] [B] mais par son gérant en exercice, M. [Y] [F] [B] ; or il n’apparaît pas que Mme [F] [B] ait reçu de l’assemblée générale de la SCI BDF Immobilier un mandat de représenter cette société pour conclure la vente : le procès-verbal du 6 mai 2017, s’il prévoit dans l’ordre du jour un « projet de vente immobilière » et une « autorisation donnée à un associé en vue de trouver un acquéreur, négocier, signer l’ensemble des documents afférant à cette vente », ne comporte en revanche, dans le texte même des résolutions votées, aucune mention d’un mandat donné par l’assemblée générale à Mme [F] [B] pour conclure la vente : seul le texte de la troisième et dernière résolution, qui fait état du manque de disponibilité du gérant pour « échanger avec Jurisimmo, signer les actes de compromis et/ou de vente », contient mention explicite d’un mandat de représentation donné pour la vente, mais dans les termes suivants : «Le gérant de la SCI BDF Immobilier travaille à l’étranger. [‘] il lui sera difficile de se libérer aisément afin d’échanger avec Jurisimmo, signer les actes de compromis et/ou de vente. Délégation totale est donnée à Mme [K] [F] [B] afin de rentrer en matière avec les protagonistes. Elle fera part de ses avancées avec les interlocuteurs à son mari régulièrement ».
Cette résolution, selon ses propres termes, donne le pouvoir à Mme [F] [B] d’entrer en relation avec les représentants de la SCI Jurisimmo, à charge d’en rendre compte au gérant, mais non pas d’engager elle-même la société par la signature d’actes de compromis ou de vente définitive. Il s’ensuit qu’était dépourvue de pouvoir de conclure la transaction, non seulement la personne ayant négocié au nom de la société propriétaire et vendeur potentiel (Me [S] pour la SCI Jurisimmo), mais aussi celle ayant conduit cette négociation pour la société qui souhaitait acquérir (Mme [F] [B] pour la SCI BDF Immobilier). Par ce motif encore, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes principales de la SCI BDF Immobilier, tendant à voir juger que les parties ont conclu un accord sur la vente des biens en cause, et d’ordonner l’exécution forcée de cette vente par devant notaire, faute de quoi l’arrêt vaudrait vente, avec les conséquences de droit.
La société appelante demande à titre subsidiaire la condamnation des intimées à des dommages et intérêts, en réparation des préjudices que lui aurait causés la rupture des négociations, qu’elle qualifie de brutale et fautive. Elle invoque l’article 1112 du code civil, selon lequel l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations pré-contractuelles sont libres, mais doivent satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu (même article, pris dans sa rédaction en vigueur à la date des faits en litige).
Les faits ci-avant rapportés démontrent que les négociations qui se sont déroulées entre Me [S] et Mme [F] [B], du 24 juillet 2017 au 27 septembre suivant, ont été suffisamment avancées pour qu’une date soit fixée afin de signer le compromis, et que cette signature a été refusée par Me [S] deux jours avant la date prévue, au motif du choix qu’auraient fait les associés de la SCI Jurisimmo de vendre les locaux à la commune de Saint-Didier-en-Velay ; la réalité de ce motif ne s’est pas vérifiée, puisque cette vente n’a pas eu lieu, et qu’aucune preuve n’est rapportée que la commune ait manifesté à l’époque l’intention d’acquérir les biens en cause : cette preuve ne résulte nullement de la seule production d’un article de presse par les intimées (« le Progrès » du 1er janvier 2018, qui précise bien que « rien n’est arrêté pour le moment », s’agissant du projet de la commune de [Localité 4] d’acquérir les dits locaux par achat direct ou par préemption, pour y installer le centre des Finances Publiques). En rompant dans de telles circonstances les pourparlers entre elle-même et Mme [F] [B], pour un motif qui s’est révélé dépourvu de fondement, Me [S] a commis une faute au sens de l’article 1112 du code civil, comme l’a reconnu à bon droit le tribunal.
Cette faute a été commise par Me [S], et non par la SCI Jurisimmo, faute de mandat donné par celle-ci pour conduire les négociations ; elle n’oblige cependant Me [S] à réparer que les préjudices qui en seraient résultés de manière certaine pour la SCI BDF Immobilier, et dans la limite fixée à l’article 1112 du code civil.
La société appelante demande d’abord réparation du préjudice que lui aurait causé la vente d’un autre bien dont elle était propriétaire, bien qu’elle a cédé en 2017, selon ses dires pour se procurer les capitaux nécessaires à l’acquisition des locaux en litige. Elle demande l’allocation de ce chef d’une somme de 35 000 euros, qu’elle a calculée sur la base de la plus-value supplémentaire qu’elle aurait réalisée si elle avait différé la vente de cet autre bien jusqu’à l’année 2021, ou sur celle du montant des loyers que ce bien aurait pu lui rapporter pendant la même période (entre 2017 et 2021).
Cependant l’autre bien dont la SCI BDF Immobilier était propriétaire à Saint-Ferréol-d’Auroure, et qu’elle justifie avoir vendu suivant un acte authentique du 7 septembre 2017, a fait l’objet d’un compromis de vente dès le 19 mai 2017, soit avant les négociations entre Me [S] et Mme [F] [B], qui ont débuté par le message susdit du 24 juillet 2017, dans lequel Me [S] demandait à sa correspondante si elle était intéressée par l’acquisition des locaux de Saint-Didier-en-Velay : il n’existe donc aucun lien de causalité certain entre la vente par la SCI BDF Immobilier de son propre bien, dont le principe était acquis depuis le 19 mai 2017, et l’acquisition éventuelle des locaux en cause, sur laquelle cette société n’avait alors aucune certitude, puisqu’elle n’a débuté des négociations en ce sens que le 24 juillet suivant. La société appelante n’est pas fondée à demander réparation de ce chef.
La SCI BDF Immobilier demande ensuite indemnisation pour la perte qu’elle dit avoir subie, faute d’avoir pu réaliser un projet un « pôle d’accueil pour affaires » dans les locaux qu’elle n’a pu acquérir ; elle chiffre ce préjudice à 30 000 euros, soit 6 000 euros pour chacun des six bureaux qu’elle voulait créer ; cependant la réparation d’un tel préjudice est exclue par l’article 1112 du code civil, qui ne permet pas de compenser la perte des avantages attendus du contrat qui n’a pas été conclu ; ce chef de demande n’est pas davantage fondé.
La SCI BDF Immobilier ne précise pas, en dernier lieu, la consistance exacte du préjudice moral dont elle fait état, et dont elle demande réparation à hauteur de 10 000 euros, sans autre explication. C’est encore à bon droit que le tribunal a rejeté sa demande sur ce point.
La SCI Jurisimmo et Me [S] demandent condamnation de la société appelante à leur verser des dommages et intérêts, en réparation des préjudices, notamment économique (perte de possibilité d’aliéner les biens en cause pendant la procédure), que leur aurait causés la société appelante par son action abusive ; cependant l’action de la SCI BDF Immobilier, quoique mal fondée, n’a pas été engagée dans des circonstances révélant un abus du droit d’agir en justice, cette demande sera elle aussi rejetée.
Le jugement sera encore confirmé, en ce qu’il a mis les frais de procédure à la charge de SCI BDF Immobilier.
PAR CES MOTIFS :
Statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition des parties au greffe de la cour ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI BDF Immobilier à payer à Me [S] et à la SCI Jurisimmo une somme de 2 000 euros à chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel ;
Rejette le surplus des demandes.
Le greffier, La présidente,