SM/RP
COPIE OFFICIEUSE
à :
– la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS
– la SELARL ALEXIA AUGEREAU AVOCAT
LE : 14 SEPTEMBRE 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023
N° – Pages
N° RG 22/00585 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DOUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de CHATEAUROUX en date du 19 Avril 2022
PARTIES EN CAUSE :
I – M. [K] [J]
né le 08 Décembre 1967 à [Localité 6]
[Adresse 3] – [Localité 6]
– S.C.I. LA TERRE D’IVRY, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 3] – [Localité 6]
N° SIRET : 350 906 483
Représentée par la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTS suivant déclaration du 07/06/2022
II – S.A. SOGESSUR, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 8] – [Localité 5]
N° SIRET : 379 846 637
– S.A. SOCIETE GENERALE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 2] – [Localité 4]
N° SIRET : 552 120 222
Représentée par la SELARL ALEXIA AUGEREAU AVOCAT, avocat au barreau de CHATEAUROUX
Plaidant la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau de MARSEILLE
timbre fiscal acquitté
INTIMÉES
14 SEPTEMBRE 2023
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseillère chargée du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
***************
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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Exposé :
La SCI LA TERRE D’IVRY, dont Monsieur [K] [J] est le gérant, est propriétaire aux termes d’une promesse synallagmatique de vente en date des 23 septembre et 21 octobre 2003 d’un immeuble situé [Adresse 1] sur la commune de [Localité 9].
Le 11 décembre 2003, Monsieur [J] a déposé une demande de prêt immobilier auprès de la SA Société générale et a souscrit, par l’intermédiaire de cette dernière agissant comme courtier, un contrat d’assurance propriétaire non occupant garantissant l’immeuble notamment contre le risque incendie, et mentionnant l’existence de cinq pièces principales, auprès de la SA SOGESSUR.
L’immeuble a subi deux sinistres les 24 août 2015 et 21 août 2016, indemnisés par la société SOGESSUR.
Le 21 février 2017, un avenant au contrat a rectifié une déclaration erronée de Monsieur [J] portant sur le nombre de pièces assurées et a accordé à l’assuré le bénéfice d’une garantie dite « à neuf » pour le bâtiment, ses aménagements immobiliers et son contenu.
L’immeuble a été détruit en grande partie lors d’un incendie survenu le 12 novembre 2017.
Le 12 novembre 2019, la SCI TERRE D’IVRY et Monsieur [J] ont assigné la société SOGESSUR, aux fins d’obtenir sa condamnation, en qualité d’assureur dudit immeuble, au paiement des indemnités suivantes :
– 3.607,74 € au titre du nettoyage des encombrants,
– 1.730,27 € au titre des fournitures de clôture,
– 64.710 € au titre du mobilier détruit,
– 35.760 € au titre de la démolition de l’immeuble,
– 441.559,88 € au titre de la reconstruction de l’immeuble,
sauf à parfaire au jour du jugement à intervenir, le tout avec intérêt au taux légal et capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
Dans le cadre de cette même instance, la SCI TERRE D’IVRY et Monsieur [J] ont, par un autre exploit en date du 29 janvier 2021, attrait la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en intervention forcée aux fins de l’entendre condamner in solidum avec SOGESSUR, en sa qualité de courtier d’assurance, à leur payer un montant global d’indemnités de 546.827,99 €.
Par jugement en date du 19 avril 2022, le tribunal judiciaire de Châteauroux a :
– déclaré irrecevables les demandes de la société La terre d’Ivry dirigées contre la société Sogessur,
– requalifié la fin de non-recevoir soulevée par la société Sogessur contre M. [J] en moyen de fond,
– annulé le contrat d’assurance souscrit par M. [J] auprès de la société Sogessur et débouté ce dernier de ses demandes contre ladite société,
– débouté la société La terre d’Ivry et M. [J] de leurs demandes contre la Société générale,
– débouté la société Sogessur de ses demandes de dommages-intérêts,
– requalifié la fin de non-recevoir soulevée par la Société générale au titre de l’article 56 du code de procédure civile en exception de nullité de procédure,
– déclaré irrecevable ladite exception,
– rejeté la fin de non-recevoir de défaut de qualité et intérêt à agir soulevée par la Société générale,
– débouté la société La terre d’Ivry et M. [J] de leurs demandes contre la Société générale,
– condamné la société La terre d’Ivry et M. [J] à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à la société Sogessur une somme de 1500 € et à la Société générale une somme de 1 000 €, ainsi qu’aux dépens.
La SCI LA TERRE D’IVRY et Monsieur [J] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 7 juin 2022 et demandent à la cour, dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 5 juin 2023, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, de :
– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a :
* déclaré irrecevables les demandes de la société La terre d’Ivry contre la société Sogessur,
* requalifié la fin de non-recevoir soulevée par la société Sogessur contre M. [J] en moyen de fond,
* annulé le contrat d’assurance souscrit par M. [J] auprès de la société Sogessur,
* débouté M. [J] de ses demandes contre la société Sogessur,
* les a déboutés de leurs demandes contre la Société générale,
* les a condamnés aux dépens,
* les a condamnés à payer à la société Sogessur la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* les a condamnés à payer à la Société générale la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
à titre principal,
– condamner la société Sogessur à indemniser les conséquences du sinistre survenu le 12 novembre 2017 sur l’immeuble sis [Adresse 7] à [Localité 9],
– condamner la société Sogessur à leur payer et subsidiairement à la société La terre d’Ivry ou à M. [J] les sommes suivantes :
* 3 607,74 € au titre du nettoyage des encombrants,
* 1 730,27 € au titre des fournitures de clôture,
* 64 710 € au titre du mobilier détruit,
* 35 760 € au titre de la démolition de l’immeuble,
* 441 559,88 € au titre de la reconstruction de l’immeuble,
– débouter la société Sogessur de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
à titre subsidiaire,
– faire application des dispositions de l’article L.113-9 du code des assurances et réduire l’indemnité en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés sous réserve que la société Sogessur indique le taux desdites primes,
à titre plus subsidiaire,
– dire et juger que la Société générale a manqué à son devoir d’information et de conseil s’il était jugé que la société Sogessur ne garantissait pas le sinistre subi,
– en conséquence, condamner la Société générale à payer à la société La terre d’Ivry :
> 3 607,74 € au titre du nettoyage des encombrants,
> 1 730,27 € au titre des fournitures de clôture,
> 64 710 € au titre du mobilier détruit,
> 35 760 € au titre de la démolition de l’immeuble,
> 441 559,88 € au titre de la reconstruction de l’immeuble,
– débouter la Société générale de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
en tout état de cause,
– condamner la ou les parties succombante(s) au paiement d’une somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamner la ou les parties succombante(s) au paiement d’une somme de 4 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner que les condamnations seront assorties des intérêts légaux et qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner la ou les parties succombantes aux entiers dépens de la présente instance dont l’administration au profit de Maître Hervé Rahon, avocat aux offres de droit,
– confirmer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
La société SOGESSUR et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, intimées, demandent pour leur part à la cour, dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 31 mai 2023, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, de :
– à titre principal, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– y ajoutant, condamner les appelantes à leur payer à chacune, une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif sur le fondement des dispositions de l’article 559 du code de procédure civile et une somme de 5 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2023.
Sur quoi :
Sur la recevabilité des demandes de la société La terre d’Ivry à l’encontre de la société Sogessur
En vertu de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 31 du même code dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l’espèce, M. [J] et la société La terre d’Ivry font grief au jugement attaqué d’avoir déclaré les demandes présentées par cette dernière à l’encontre de la société Sogessur irrecevables pour défaut d’intérêt à agir.
Ils font valoir que lors de la conclusion du contrat d’assurance, M. [J] a agi en qualité de représentant de la société La terre d’Ivry. Ils exposent que la demande de prêt pour l’acquisition de l’immeuble auprès de la Société générale mentionne M. [J] comme représentant de la société La terre d’Ivry et soutiennent que la société Sogessur ne pouvait qu’être informée de cette qualité en raison des liens qu’elle entretient avec la Société générale. Ils estiment ainsi que la société Sogessur avait nécessairement connaissance du propriétaire du bien et donc de la personne à assurer.
C’est tout d’abord à juste titre que le premier juge a retenu que seule une partie à un contrat d’assurance ou son bénéficiaire a qualité à agir en exécution dudit contrat.
Il doit ensuite être relevé, comme le font valoir les intimées, que la Société générale et la société Sogessur sont deux personnes morales distinctes, disposant d’activités et de personnels différents, et que la Société générale a agi en qualité de courtier de M. [J] et de mandataire de la société Sogessur. Ainsi, les documents contractuels conclus et les correspondances échangées entre les appelantes et la Société générale ne sauraient apporter une quelconque preuve de la connaissance par la société Sogessur que M. [J] aurait entendu agir pour le compte de la société La terre d’Ivry dans leurs rapports contractuels, distincts de ceux entretenus avec la Société générale.
En outre, il ne résulte ni du contrat d’assurance, ni d’aucun autre document établi ou échangé entre M. [J] et la société Sogessur que ce dernier aurait entendu conclure le contrat pour le compte de la société La terre d’Ivry. M. [J] ne peut se prévaloir d’aucun mandat apparent ou d’une gestion d’affaires, dès lors que comme le relèvent justement les intimées, il n’apparait dans aucune pièce du dossier que M. [J] se soit jamais présenté auprès de la société Sogessur comme représentant de la société La terre d’Ivry.
La preuve de ce que M. [J] aurait conclu le contrat d’assurance en sa qualité de représentant de la société La terre d’Ivry ne peut davantage être rapportée par le simple fait que les primes d’assurance ont été prélevées sur le compte de la société La terre d’Ivry, ou encore que M. [J] ait, dans le cadre du sinistre survenu le 24 août 2015, adressé à l’assureur un devis réalisé au nom de la société La terre d’Ivry, dès lors que tous les documents contractuels ont été établis au seul nom de M. [J].
Par ailleurs, le fait que la société Sogessur ait indemnisé M. [J] pour deux sinistres en date des 24 août 2015 et 21 août 2016, et que le contrat d’assurance a donc commencé à recevoir exécution, est sans incidence sur la qualité à agir de la société La terre d’Ivry.
Enfin, il n’est démontré par aucun élément du dossier que la société Sogessur aurait commis une erreur dans le cadre de ses propositions au moment de la conclusion du contrat d’assurance relativement à la personne à assurer.
En conséquence, les appelants échouent à apporter la preuve que la société La terre d’Ivry est partie au contrat d’assurance conclu le 11 décembre 2003 avec la société Sogessur, et dispose donc d’un intérêt à agir au titre de l’exécution de ce contrat.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes présentées par la société La terre d’Ivry contre la société Sogessur.
Sur la nullité du contrat d’assurance
En vertu de l’article L. 113-8, alinéas 1 et 2, du code des assurances, indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L. 132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.
Les primes payées demeurent alors acquises à l’assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.
L’article L. 113-2, 2°, du même code précise que l’assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge.
L’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu’il a apportées auxdites questions (cass. mixte, 7 févr. 2014, no 12-85.107).
En l’espèce, la société Sogessur sollicite l’annulation du contrat d’assurance par application de l’article L. 113-8 du code des assurances en raison de fausses déclarations intentionnelles de M. [J] au moment de la souscription s’agissant de la nature du risque et plus particulièrement de la destination de l’immeuble, dont elle soutient qu’il était au moins partiellement une discothèque pendant au moins quatre ans et qu’il n’a jamais constitué le domicile de l’assuré. Elle expose qu’elle n’aurait jamais accordé sa garantie si elle avait eu connaissance de l’exploitation d’un établissement de nuit dans l’immeuble assuré et estime que la fausse déclaration est si grossière qu’elle ne peut qu’être intentionnelle.
Les appelants prétendent en réplique que l’assureur n’apporte pas la preuve d’une fausse déclaration intentionnelle au moment de la conclusion du contrat. Ils allèguent aussi que l’assureur a exécuté le contrat d’assurance en connaissance de cause, dès lors qu’il a indemnisé les sinistres des 24 août 2015 et 21 août 2016, au cours desquels son expert a nécessairement visité l’immeuble pour apprécier l’étendue des dommages. Ils estiment encore que même à supposer l’existence d’une fausse déclaration intentionnelle au moment de la conclusion du contrat, celle-ci ne pourrait plus produire effet à compter de la signature de l’avenant du 21 février 2017, dans la mesure où l’assureur n’a pas proposé de modification contractuelle concernant la destination de l’immeuble nonobstant la visite de l’immeuble par son expert.
Il est constant que l’immeuble objet du litige est assuré auprès de la société Sogessur par contrat du 11 décembre 2003, que l’immeuble a subi un incendie le 12 novembre 2017 et que le sinistre a été dûment déclaré auprès de l’assureur.
Les conditions particulières du contrat d’assurance habitation « formule investisseur » signées par M. [J] le 11 décembre 2003 comportent les mentions suivantes :
« L’habitation assurée. Il s’agit d’une maison individuelle [‘] Vous êtres propriétaire non occupant [‘] Voici en outre les informations que vous nous avez déclarées : – L’habitation assurée : n’est pas, partiellement ou en totalité, à usage professionnel ou agricole ».
Il résulte de la rédaction des conditions particulières que la société Sogessur a nécessairement, au moment de la conclusion du contrat, posé à M. [J] une question précise relativement à l’usage de l’habitation, à la suite de laquelle ce dernier a déclaré que l’habitation n’était pas, même partiellement, à usage professionnel.
À cet égard, contrairement à ce qu’allèguent les appelants, il n’était pas nécessaire que la société Sogessur remette un questionnaire de déclaration des risques à M. [J]. Il suffit que les fausses déclarations intentionnelles résultent de réponses apportées à des questions orales de l’assureur, pour peu qu’elles aient été précises.
Au demeurant, le premier juge a justement considéré qu’au regard de la nature et de l’importance de la fausse déclaration relative à la destination de l’immeuble, que M. [J] ne pouvait ignorer, cette fausse déclaration ne pouvait qu’être intentionnelle.
Il n’est pas contesté qu’elle était, en outre, de nature à diminuer l’opinion que la compagnie d’assurance se faisait du risque, dans la mesure où l’exploitation d’une discothèque présente des risques bien plus importants qu’un simple usage de l’immeuble à titre d’habitation.
Les appelants ne sauraient davantage faire valoir, sans se contredire, que l’indemnisation de deux sinistres antérieurs par la société Sogessur manifeste la volonté de cette dernière de continuer à exécuter le contrat d’assurance en connaissance de la fausse déclaration relative à la destination de l’immeuble, dès lors qu’ils soutiennent par ailleurs que la société Nicoll a arrêté l’exploitation de la discothèque au mois de septembre 2007, de sorte que l’expert mandaté par l’assureur ne pouvait logiquement plus, au cours des années 2015 et 2016, constater l’existence d’une activité professionnelle dans les locaux.
Au surplus, le fait que la société Sogessur ait, dans le cadre du sinistre du 21 août 2016, indemnisé M. [J] pour le vol de biens correspondant pour bon nombre à des meubles meublants d’une habitation, ne permet de tirer aucune conclusion quant à la destination de l’immeuble au moment de la conclusion du contrat le 11 décembre 2003, d’autant que les appelants reconnaissent qu’une discothèque y a été exploitée jusqu’en 2007.
Par ailleurs, la décision de la société Sogessur d’indemniser M. [J] à la suite des sinistres des 24 août 2015 et 21 août 2016 ne saurait être analysée comme manifestant sa volonté non équivoque d’exécuter le contrat en connaissance de cause, dans la mesure où il n’est pas établi que la société Sogessur avait connaissance, au moment de l’indemnisation de ces sinistres, de l’usage au moins partiellement professionnel de l’immeuble de 2003 à 2007.
Il convient encore de rappeler que c’est à la date de souscription du contrat que doit s’apprécier l’existence de la fausse déclaration intentionnelle (cass. civ. 2e, 14 juin 2012, no 11-11.344), de sorte que la conclusion d’un avenant au contrat d’assurance le 21 février 2017 ne saurait couvrir la nullité encourue par l’existence d’une telle déclaration au moment de la conclusion du contrat.
Enfin, c’est sans pertinence que les appelants produisent des avis d’imposition et des attestations de voisins dans le but de démontrer que l’immeuble constituait la résidence principale de Mme [G], concubine de M. [J], voire même de ce dernier, dans la mesure où cette circonstance ne remet pas en cause son usage partiellement professionnel par la société Nicoll de 2003 à 2007.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, c’est donc à juste titre que le premier juge a prononcé la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle sur le fondement de l’article L. 113-9 du code des assurances.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, et en ce qu’il a débouté, par voie de conséquence, M. [J] de sa demande d’indemnisation à l’encontre de la société Sogessur.
Sur la responsabilité de la Société générale pour manquement à son obligation de conseil et résistance abusive
L’article 1992 du code civil dispose que le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion.
Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire.
Il appartient au courtier, tenu d’un devoir de conseil sur les caractéristiques des produits d’assurance qu’il propose et sur leur adéquation avec la situation personnelle et les attentes de ses clients, d’administrer la preuve qu’il s’est acquitté de ses obligations préalablement à la signature du contrat (cass. civ. 2e, 17 nov. 2016, no 15-14.820).
En l’espèce, les appelants font grief au jugement attaqué de les avoir déboutés de leur demande subsidiaire d’engagement de la responsabilité de la Société générale pour manquement à son devoir de conseil en qualité de courtier d’assurance. Ils estiment que s’il était reconnu que la société Sogessur n’a pas à garantir le sinistre, cela impliquerait nécessairement que la Société générale a manqué à son devoir de conseil.
La Société générale réplique que les appelants ne démontrent pas qu’elle aurait commis une faute dans l’exécution du mandat gratuit dont elle était tenue et qu’en tout état de cause, cette faute n’aurait aucun lien de causalité avec l’absence de couverture du sinistre.
Le premier juge a estimé à juste titre qu’il n’était pas nécessaire de vérifier la matérialité de la faute alléguée, puisque même à admettre qu’elle soit constituée, elle ne présenterait aucun lien de causalité avec le préjudice dont se prévalent les appelantes, à savoir l’absence d’indemnisation du sinistre par la société Sogessur. En effet, ce préjudice présente un lien de causalité exclusif avec les fausses déclarations intentionnelles de l’assuré sur la destination du bien assuré, qui ont entraîné l’annulation du contrat d’assurance. L’éventuel manquement de la Société générale à son devoir de conseil est sans incidence sur ces fausses déclarations, qui auraient été effectuées par M. [J] en tout état de cause, dès lors qu’elles présentent un caractère intentionnel et ne résultent pas d’une simple erreur ou omission qui aurait pu être évitée par l’apport de tous conseils et informations utiles par le courtier d’assurance.
Ainsi, en l’absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqués, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande en paiement de dommages-intérêts dirigée contre la Société générale au titre de son devoir de conseil.
En l’absence de preuve d’une quelconque résistance abusive de la part de la Société générale, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu’il a débouté les appelants de leur demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur les dommages-intérêts pour appel abusif
En vertu de l’article 559 du code de procédure civile, en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d’enregistrement de la décision qui l’a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l’amende puisse y faire obstacle.
En l’espèce, les intimées demandent la condamnation des appelantes à leur verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.
Elles ne développent cependant aucun moyen au soutien de leur demande et ne prouvent pas, en particulier, l’existence d’un abus du droit d’appel.
Il convient donc de les débouter de leur demande.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie succombante, M. [J] et la société La terre d’Ivry seront condamnés aux dépens d’appel.
L’issue de la procédure et l’équité commandent par ailleurs de les condamner à payer à la société Sogessur et à la Société générale une somme de 1 000 euros, chacune, en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Par ces motifs :
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SA Sogessur et la SA Société générale de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne M. [K] [J] et la SCI La terre d’Ivry aux dépens d’appel,
Condamne M. [K] [J] et la SCI La terre d’Ivry à payer à la SA Sogessur et à la SA Société générale une somme de 1 000 euros, chacune, au titre des frais irrépétibles
L’arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S. MAGIS O. CLEMENT