Mandat apparent : 14 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00718

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Mandat apparent : 14 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00718

MARS/MS

Numéro 23/00941

COUR D’APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 14/03/2023

Dossier : N° RG 22/00718 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IEUH

Nature affaire :

Demande de réparation du préjudice causé par un agissement d’une personne publique constitutive d’une voie de fait

Affaire :

Commune [Localité 16]

C/

[R]-[F], [T] [Z]

[N], [K] [Z]

Sauvegarde de l’Enfance à l’Adulte du Pays Basque

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 14 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 17 Janvier 2023, devant :

Madame FAURE, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l’article 785 du Code de procédure civile

Monsieur SERNY, Magistrat honoraire

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Commune [Localité 16] représentée par son maire,

Monsieur [V] [O]

[Adresse 14]

[Localité 8]

Représentée et assistée par Maître REMBLIERE de la SELARL LANDAVOCATS, avocat au barreau de DAX

INTIMES :

Monsieur [R]-[F], [T] [Z]

[Adresse 13]

[Localité 7]

Madame [N], [K] [Y] veuve [Z]

[Adresse 15]

[Localité 8]

LA SAUVEGARDE DE L’ENFANCE A L’ADULTE DU PAYS BASQUE, ès qualité de curateur de Madame [N], [K] [Z]

[Adresse 9]

[Adresse 12]

[Localité 6]

Représentés et assistés de Maître SORNIQUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 07 OCTOBRE 2019

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

RG numéro : 14/00558

Mme [N] [Z] [Y] et son ‘poux, M. [W] [Z] ont effectu’ une donation partage de parcelles notamment des parcelles C[Cadastre 1], C[Cadastre 2], C[Cadastre 3] et C[Cadastre 4] au profit de leurs deux fils [R]-[F] et [I] [Z].

Le 18 avril 2008, la commune de [Localité 17] a fait signer aux époux [Z] un document valant promesse de cession et autorisation de prise de possession pour l’élargissement de la [Adresse 15] sur les parcelles C[Cadastre 1], C[Cadastre 2] et C[Cadastre 4].

Monsieur [W] [Z] est décédé le 9 août 2009.

En 2012, M. [R]-[F] [Z] devenu nu-propriétaire unique a refusé un projet d’acte authentique tendant à la cession des biens pour l’euro symbolique.

Par acte d’huissier en date du  24 février 2014, M. [R] [F] [Z] et Mme [N] [Z] [Y] veuve [Z] ont fait assigner la commune de [Localité 17] devant le tribunal de  grande instance de Bayonne, aux fins de voir constater la voie de fait commise par la commune de [Localité 17] à leur encontre concernant partie des parcelles C[Cadastre 1], C[Cadastre 2], C[Cadastre 4] et C[Cadastre 5] et de la voir condamner à réparer le préjudice en découlant.

Par jugement du  7 octobre 2019 le tribunal a  :

déclaré recevable l’assignation de Madame [N] [Z] et de Monsieur [R]-[F] [Z],

dit et jugé que la commune de [Localité 17] a commis une voie de fait sur les parcelles C[Cadastre 1], C[Cadastre 2], C[Cadastre 4] et C[Cadastre 5] propriété des consorts [Z],

condamné la commune de [Localité 17] à verser à Madame [N] [Z] et M. [R]-[F] [Z] la somme de 162 000 euros en réparation du préjudice subi au titre du prix des terrains,

condamné la commune de [Localité 17] à verser à Madame [N] [Z] et M. [R]-[F] [Z], la somme de 5 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi,

débouté Mme Madame [N] [Z] et M. [R]-[F] [Z] de leur demande de remboursement de l’impôt foncier depuis 2010 jusqu’à la présente décision,

condamné la commune de [Localité 17] à verser à Madame [N] [Z] et M. [R]-[F] [Z] une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

condamné la commune de [Localité 17] aux entiers dépens en ce compris le coût de la publication au service de la publicité foncière de Bayonne de la présente décision.

La commune de [Localité 17] a relevé appel par déclaration du 14 novembre 2019 critiquant le jugement dans l’ensemble de ses dispositions sauf en ce qu’il déclare recevable l’assignation de Madame [N] [Z] de Monsieur [R]-[F] [Z] et en ce qu’il déboute M. [R] [Z] et Mme [N] [Z] de leur demande de remboursement de l’impôt foncier depuis 2010.

L’affaire avait été radiée par le magistrat de la mise en état le 1er septembre 2021, les parties s’étant abstenues d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis.

Par conclusion numéro 2 du 11 mars 2022, la commune de [Localité 17] a sollicité la réinscription de l’affaire.

Par conclusions du 6 décembre 2022, la commune de [Localité 17] demande de :

déclarer recevable l’appel de la commune de [Localité 17],

réformer le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 7 octobre 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté Mme [Z] et M. [R]-[F] [Z] de leur demande de remboursement de l’impôt foncier depuis 2010 jusqu’à la présente décision,

et au visa des articles 785, 1134 dans sa rédaction applicable antérieurement à 2016 (devenu l’article1103), 1375 dans sa rédaction applicable antérieurement à 2016 (devenu l’article 1301-2), 1582 et 1583 du code civil, de :

dire que M. [R]-[F] [Z] est tenu par les engagements que ses parents ont pris vis-à-vis de la commune de [Localité 17],

constater que la chose, c’est-à-dire la bande de terrain ayant permis l’élargissement de la [Adresse 15], a été livrée à la commune de [Localité 17] en 2008,

constater que la commune de [Localité 17] a pris en charge les frais de démolition de l’ancien mur en pierres sèches, d’aménagement du talus et de réalisation du nouveau mur de clôture et qu’en conséquence, le prix convenu a été payé,

constater que la vente de cette bande de terrain est donc parfaite,

en conséquence, débouter M. et Mme [Z] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

vu l’article 31 du code de procédure civile, de :

constater que les consorts [Z] ne revendiquent pas la bande de terrain ayant permis l’élargissement de la [Adresse 15],

dire que cette bande de terrain doit être cédée pour l’euro symbolique à la commune de [Localité 17], qui prendra en charge les frais d’acte,

commettre l’office notarial Jonathan Da Silva Machado & Michel Junqua Lamarque, notaire à [Localité 17] successeur de Me [L] [X], pour établir l’acte de vente de ladite bande de terrain, dans le délai de 3 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

dire que cette bande de terrain a une superficie de 1 005 m² et qu’elle correspond aux plans et document de modification du parcellaire cadastral établis en 2011, par M. [G] expert-géomètre DPLG,

dire que le notaire commis pourra se faire assister d’un expert-géomètre de son choix, pour actualiser les plans et documents de modification du parcellaire cadastral établi par M. [G] expert-géomètre DPLG, en 2011,

condamner Mme [N] [Z] et M. [R]-[F] [Z] à signer cet acte de vente sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai de 3 mois,

condamner les consorts [Z] au versement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, au profit de la SELARL Landavocats,

subsidiairement, si la cour considère que la vente n’est pas parfaite, au visa de l’article 2224 du code civil, de :

déclarer prescrite l’action des consorts [Z] en déclaration de voie de fait, en paiement de la somme de 162 000 euros au titre du prix du terrain et de 10 000 euros (5 000 euros à chacun) à titre de préjudice moral,

condamner les consorts [Z] au versement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, dont distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, au profit de la SELARL Landavocats.

Plus subsidiairement encore, si la cour considère que la vente n’est pas parfaite et que l’action des consorts [Z] n’est pas prescrite, au visa des articles 555 et 785 du code civil et les articles 1289 et 1290 du code civil dans leur rédaction antérieure à 2016, elle demande de :

dire que la commune de [Localité 17] doit aux consorts [Z] le prix de la bande de terrain litigieuse et que les consorts [Z] doivent à la commune de [Localité 17] le coût des travaux de démolition de l’ancien mur en pierres sèches d’environ 150m de long, d’aménagement du talus et de réalisation du nouveau mur de clôture,

dire qu’une compensation à due concurrence s’est opérée de plein droit entre ces deux dettes,

ordonner une expertise aux fins :

d’évaluer la valeur en 2008, de la bande de terrain des consorts [Z] ayant permis l’élargissement de la [Adresse 15],

d’évaluer à la date de leur réalisation, les frais de démolition de l’ancien mur en pierres sèches, d’aménagement du talus et de réalisation du nouveau mur de clôture,

dire que la cour arrêtera les comptes entre parties, à la suite de cette expertise,

dépens et article 700 du code de procédure civile en ce cas réservés.

Par conclusions II du 5 décembre 2022 M. [R] [F] [Z] et Mme[N] [Y] veuve [Z], assistée de son curateur, la sauvegarde de l’enfance à l’adulte du Pays basque demandent de débouter la commune de [Localité 17] de ses demandes, fins et conclusions tendant à la réformation du jugement du 7 octobre 2019, de la déclarer irrecevable et mal fondée en ses demandes nouvelles présentées par voie de conclusions du 10 mars 2022 et du 27 octobre 2022 et de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

déclaré recevable l’assignation de Mme [Z] et de son fils, M. [R]-[F] [Z],

dit et jugé que le commune de [Localité 17] a commis une voie de fait sur les parcelles C[Cadastre 1], C[Cadastre 2], C[Cadastre 4] et C[Cadastre 5] propriété de M. et Mme [Z],

condamné la commune de [Localité 17] à verser à Mme [Z] et M. [R]-[F] [Z] la somme de 162 000 euros en réparation du préjudice subi au titre du prix des terrains,

condamner la commune de [Localité 17] à verser à Mme [Z] et M. [R]-[F] [Z], la somme de 5 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi,

condamné la commune de [Localité 17] à verser à Mme [Z] et M. [R]-[F] [Z] une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire ,

condamné la commune de [Localité 17] aux entiers dépens en ce compris le coût de la publication au service de la publicité foncière de Bayonne de la décision.

Formant appel incident, ils demandent de condamner la commune de [Localité 17] au remboursement de l’impôt foncier relatif aux terrains objet de la voie de fait, depuis 2010 et jusqu’à la décision à intervenir.

En tout état de cause, ils sollicitent la condamnation de la commune de [Localité 17] à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel et aux entiers dépens avec autorisation de la Selarl Tortigue Petit Sornique Ribeton, avocat au barreau de Bayonne, à les recouvrer directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile,et de rejeter toutes prétentions contraires.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022.

SUR CE :

Le jugement n’est pas contesté en ce qu’il a déclaré recevable l’assignation de Madame [N] [Z] et de Monsieur [R]-[F] [Z].

Sur l’irrecevabilité des demandes présentées par la commune de [Localité 17]

Les consorts [Z] demandent dans leurs conclusions du 5 décembre 2022, de déclarer irrecevables les demandes nouvelles présentées pour la première fois par la commune dans ses conclusions de réinscription du 11 mars 2022 et dans celles du 27 octobre 2022 à savoir :

– à titre principal, de se déclarer incompétent au profit des juridictions administratives

– à titre subsidiaire, d’ordonner le transfert de la propriété du terrain litigieux à la commune et de désigner un expert géomètre pour permettre le transfert de la propriété du terrain

– de juger que la contrepartie du transfert de propriété du terrain est la démolition et la reconstruction du mur de soutènement réalisé par la commune.

L’alinéa premier de l’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.

L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formulées des prétentions ultérieures.

Dans ses premières conclusions d’appelante du 16 décembre 2019 (dossier RG 19/3591), la commune de [Localité 17] demandait de prononcer la nullité de jugement et de débouter les consorts [Z] de l’ensemble de leurs demandes.

Cette procédure a fait l’objet d’une radiation d’office par ordonnance du magistrat de la mise en état le 1er septembre 2021.

Dans ses conclusions de réinscription du 11 mars 2022 la commune de [Localité 17] présente, comme l’ont relevé les consorts [Z], une nouvelle demande principale tendant à voir constater l’incompétence du juge judiciaire, et des demandes subsidiaires d’ordonner le transfert à son profit de la propriété du terrain litigieux et de désigner un expert géomètre avec pour mission d’établir le document modificatif du plan parcellaire cadastral permettant le transfert de propriété du terrain et de juger que la contrepartie de ce transfert de propriété des parcelles est la démolition et la reconstruction du mur de soutènement qu’elle a réalisées. De surcroît, ce n’est que dans ses dernières écritures du 6 décembre 2022 que la commune a présenté le moyen au soutien de cette demande à savoir de considérer la vente parfaite.

En conséquence, en application de dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, les prétentions de la commune de [Localité 17] présentées pour la première fois dans les conclusions du 11 mars 2022 et dans les conclusions suivantes, seront déclarées irrecevables.

Sur la voie de fait

La commune de [Localité 17] souligne que les consorts [Z] ont consenti à la cession de la bande de terrains et à l’exécution des travaux d’élargissement de la [Adresse 15] et qu’elle ignorait l’existence de la donation du 5 février 1993.

Elle soutient, que l’accord donné par Monsieur [W] [Z] et par son épouse Madame [N] [Y] engage leur fils, Monsieur [R] [F] [Z] en sa qualité d’héritier de son père et elle fait observer qu’il n’a pas protesté pendant plus de 5 ans après le commencement des travaux d’élargissement de la rue en ne demandant pas à récupérer la bande de terrain en sorte qu’ aucune voie de fait n’est caractérisée.

En tant que de besoin, elle se prévaut également de ce que Monsieur [W] [Z] a continué à gérer les affaires familiales jusqu’en septembre 2008 et de l’existence d’un mandat apparent.

Elle rappelle qu’en contrepartie de la cession de ce terrain, la commune s’est engagée à prendre en charge les frais de démolition, d’aménagement du talus et de reconstruction de la clôture constituée par un mur en pierre sèche d’environ 150 m de long étant observé que la superficie des terrains sur lesquels ont été réalisés les travaux est de 1005 m². Elle ajoute, qu’il n’a jamais été prévu de transférer le mur de soutènement à la commune.

Les consorts [Z] sollicitent la confirmation du jugement qui a reconnu l’existence d’une voie de fait. Ils rappellent que [R]-[F] [Z] et son frère [I] [Z], alors qu’ils étaient nus propriétaires des parcelles [Cadastre 1],[Cadastre 2] et [Cadastre 4] n’ont pas consenti au projet de cession dont se prévaut la commune et d’autre part, que la parcelle [Cadastre 5], dont est propriétaire Madame [N] [Z], n’a jamais été comprise dans ce projet de cession du 18 avril 2008 alors qu’elle a été également impactée par les travaux d’élargissement de la rue.

Ils soulignent qu’aucun acte authentique n’est intervenu constatant le transfert de propriété en méconnaissance des dispositions de l’article L 290-1 du CCH.

Monsieur [R] [F] [Z] conteste avoir eu connaissance de ce projet et y avoir donné son accord.

Il rappelle également, que la délibération du 6 mars 2013 a été annulée par le tribunal administratif et qu’il a régulièrement fait valoir le droit de délaissement par courrier du 12 mars 2013 auquel la commune n’a pas donné suite.

Il conteste également, la demande de la commune de considérer la cession parfaite en l’absence notamment de prix déterminé et d’enregistrement de la promesse dans les 10 jours de son acceptation et soutient qu’il ne peut pas y avoir eu de gestion d’affaires de Monsieur [Z] concernant le patrimoine de ses fils, ni de Madame [N] [Z] après le décès de son mari le 9 août 2009 puisqu’il indique que sa mère, était totalement désorientée et qu’il a très vite pris en charge la gestion du patrimoine. Enfin, il soutient que le mur est en réalité propriété de la commune.

*

* * *

*

Il est constant :

– que la promesse de cession et autorisation de prise de possession d’environ 1113 m² pour l’élargissement de la [Adresse 15] à [Localité 17] sur les parcelles C[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 4] n’a été signée le 18 avril 2008 que par Monsieur [T] [Z] et Madame [N] [Y] son épouse alors qu’ils étaient usufruitiers de ces parcelles depuis l’acte de donation à titre de partage anticipé reçu le 5 février 1993 par Maître [C], notaire à [Localité 11], dont les nus-propriétaires étaient Monsieur [R] [F] [Z], et Monsieur [I] [Z].

– que la cession devait être consentie moyennant la prise en charge par la commune des frais de démolition, d’aménagement du talus et réalisation de la clôture.

– que les superficies à prendre réellement en compte seront déterminées par document d’arpentage dressé par le géomètre expert et la mutation cadastrale réalisée, la superficie de l’emprise étant alors d’environ 1113 m².

– que la cession devait être réalisée par un acte authentique reçu par Maître [X], notaire à [Localité 17].

La commune de [Localité 17] ne peut se prévaloir du fait qu’elle aurait ignoré la donation intervenue le 5 février 1993, alors qu’il lui était loisible de solliciter un relevé de propriété et qu’il n’est pas contesté que cette donation a été régulièrement enregistrée.

Le premier juge a rappelé que la voie de fait est un acte matériel de l’administration qui porte atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale alors qu’une illégalité grossière affecte soit la décision qui se trouve à l’origine de cet agissement, soit les modalités d’exécution de ladite décision.

Cependant, il faut également, pour qu’il y ait voie de fait, que les propriétaires n’aient pas consenti, même verbalement seulement, à l’exécution des travaux litigieux réalisés par la personne publique concernée.

Il résulte des pièces produites que de longue date, Monsieur [W] [Z] avait consenti au projet d’élargissement de la voie publique qui concernait les parcelles [Cadastre 1],[Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Dans une note qu’il avait rédigée le 23 août 1993, adressée à Monsieur [E], commissaire enquêteur de l’enquête publique sur le POS de [Localité 17] il indiquait en effet concernant ce projet « je ne soulève pas d’objection : l’intérêt public de cet élargissement me paraît indiscutable et l’atteinte à mon droit de propriété relativement limitée. J’admets donc sans objection cette partie du projet du POS. »

À la suite de l’enquête publique sur l’occupation des sols de la commune, dont le rapport a été effectué par Monsieur [E], le POS a été adopté au mois de mai 1995. Il mentionne, au titre des emplacements réservés, l’élargissement à 9 m de la part de la plate-forme de la [Adresse 15].

En lecture de courriers échangés le 28 octobre 2004 et le 2 novembre 2004, entre la commune de [Localité 17] et Monsieur [W] [Z], afférents au descellement de pierres du mur en pierre sèche de clôture de la propriété [Z], qui tombaient sur la [Adresse 15], Monsieur [W] [Z] rappelait être d’accord pour être dépossédé d’une partie de son bien dans l’intérêt général, pour la création d’une plate-forme de 9 m de la [Adresse 15] empiétant sur une longue bande de sa propriété, projet qui impliquait la démolition et la reconstruction du mur.

Des courriers du 26 juillet 2006 et du 7 juillet 2007 adressés par Monsieur [W] [Z] au maire de [Localité 17] font état de problèmes récurrents de dégradation du mur en pierres sèches entraînant des chutes de pierres en divers endroits sur le trottoir et d’un risque d’écroulement du mur aux endroits dégradés.

Concernant la parcelle C[Cadastre 5], Madame [N] [Y] veuve [Z] a signé le 3 octobre 2008, avant que ne débutent les travaux, la modification du parcellaire cadastral qui la mentionne et aucun élément n’est produit qui établirait que Madame [N] [Y] veuve [Z], propriétaire de cette parcelle qui n’a pas été mentionnée dans l’acte de cession du 18 avril 2008, aurait manifesté son objection à la réalisation des travaux d’extension de la voirie sur celle-ci, y compris durant la réalisation des travaux dont il n’est pas contesté qu’ils ont duré jusqu’en 2010.

Enfin, le 10 août 2011, Madame [N] [Y] veuve [Z] a également signé la modification du parcellaire cadastral au nom de l’indivision [Z], qui détaille à la suite de la réalisation des travaux, la situation nouvelle de chacune des parcelles [Cadastre 1],[Cadastre 2],[Cadastre 4], et [Cadastre 5] pour la commune de [Localité 17] et pour l’indivision [Z].

À cette date, les travaux de reconstruction du mur avaient été réalisés comme le démontre la facture produite aux débats en date du 26 août 2010.

Ce n’est donc que très tardivement, le 24 février 2014, que Madame [N] [Y] veuve [Z] s’est prévalue de l’existence d’une voie de fait, en même temps que son fils [R]-[F] [Z] qui expliquait qu’il était devenu propriétaire des autres parcelles concernées.

Il s’ensuit, concernant la parcelle C[Cadastre 5], qu’aucune voie de fait n’est caractérisée dès lors que Madame [N] [Y] a implicitement accepté des années durant, cette extension des travaux d’extension de la voirie à cette parcelle prévue au POS de la commune en 1995 et que son mari Monsieur [W] [Z] avait visée dans la note qu’il avait adressée le 19 août 1993 au commissaire enquêteur.

S’agissant des parcelles C[Cadastre 1], C[Cadastre 2] et C[Cadastre 4] pour lesquelles l’acte de la donation intervenue en 2012 n’a pas été produit aux débats par Monsieur [R]-[F] [Z], il est établi par une lettre en date du 18 juillet 2008 du maire de la commune de [Localité 17] au directeur du groupe Mendribil relative aux travaux d’élargissement de la [Adresse 15] que le propriétaire du mur a demandé que la pierre provenant du mur démoli soit mise en décharge chez son fils à [Localité 10].

La facture de cette entreprise en date du 31 août 2008, envoyée à la commune de [Localité 17], démontre que la démolition du mur était réalisée à cette date ce que confirme l’attestation de Monsieur [A], employé des services techniques de la mairie qui précise avoir suivi les travaux de démolition du mur de clôture de la propriété [Z] le long de la rue et qu’en août 2008, la totalité du mur touché par l’élargissement de la rue a été démolie, et qu’à la demande des parents, les pierres de construction ont été livrées chez Monsieur [R]-[F] [Z]. Il ajoute qu’il a lui-même accompagné le chauffeur de l’entreprise Mendibril chez ce dernier.

Par ailleurs, il résulte des propres déclarations de Monsieur [R]-[F] [Z] dans ses conclusions, qu’il est revenu vivre à [Localité 17] à partir de la fin de l’année 2008 pour s’occuper de ses parents, notamment de son père très malade et affaibli.

Le 7 mars 2012, Maître [X], notaire des consorts [Z], a adressé à la commune le projet d’acte de vente des 4 parcelles concernées par les travaux d’élargissement de la rue.

À cette date, l’indivision était toujours constituée de Madame [N] [Y] veuve [Z], de Monsieur [R]-[F] [Z] et de Monsieur [I] [Z]. Il était précisé que cette vente était consentie moyennant l’euro symbolique dont il est fait abandon.

Le 12 mars 2013, Monsieur [R]-[F] [Z] adressait au maire de [Localité 17], une mise en demeure de procéder à l’acquisition des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] objets du droit de préemption urbain de la commune institué par une délibération du 24 novembre 2005 et constituant également des emplacements réservés du PLU du 6 mars 2013.

Pour l’acquisition de celles-ci, et du début de voirie, il demandait une somme de 282 000 €.

Lors d’une délibération du conseil municipal de la commune de [Localité 17] en date du 28 mars 2012, pour l’acquisition du terrain des élargissements de la rue, il a été décidé d’acquérir la bande de terrains d’une surface de 1005 m² moyennant la prise en charge des frais de démolition, d’aménagement du talus et de reconstruction de la clôture.

Il est précisé que le terrain cédé avait été évalué par le service de des domaines à la somme de 5000 €.

Cette évaluation a été effectuée le 28 janvier 2005 et précisait qu’il convenait également de rétablir le mur de soutènement.

Le 15 avril 2013, Maître [X] a adressé au maire de la commune, un nouveau projet d’acte, courrier auquel le maire a répondu le 22 avril en indiquant qu’il était en attente d’une date pour la signature.

Le 22 juin 2013, Monsieur [R]-[F] [Z] a adressé au maire de [Localité 17], un courrier recommandé dans lequel il contestait longuement le PLU du 6 mars 2013, et faisait observer qu’il n’avait pas signé le document préparatoire du 18 avril 2008. Il indiquait également qu’à l’époque, son père était totalement opposé à ce projet et que sa mère était furieuse à la réception du document notarié ‘ le projet d’acte ‘ ce que démentent toutefois tous les courriers de Monsieur [W] [Z] et les éléments du dossier ci-dessus examinés.

La commune de [Localité 17] communique également plusieurs échanges de courriers entre Monsieur [R]-[F] [Z] et le maire de [Localité 17] où la communauté de communes, qui relatent les différentes négociations afférentes à des achats de terrains dans le cadre d’opérations de lotissement réalisées par Monsieur [R]-[F] [Z] sur la commune de [Localité 17] et les désaccords survenus dans ces circonstances, à l’origine notamment d’un recours indemnitaire de plein contentieux.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, Monsieur [R]-[F] [Z] a également implicitement accepté les travaux d’élargissement de la [Adresse 18] à la réalisation desquels il a nécessairement assisté au regard de ses propres déclarations et des éléments ci-dessus énoncés.

La voie de fait n’a été évoquée que des années plus tard dans le contexte des difficultés rencontrées pour la réalisation par Monsieur [R]-[F] [Z] de ses projets immobiliers à la suite de la modification du dernier PLU.

En conséquence, la cession des parcelles des consorts [Z] pour la réalisation des travaux de l’élargissement de la [Adresse 15] prévus au plan d’occupation des sols de la commune de [Localité 17] en 1995 ne constitue pas une voie de fait.

Le jugement qui a jugé que la commune de [Localité 17] avait commis une voie de fait sur les parcelles C[Cadastre 1], C[Cadastre 2], C[Cadastre 4] et C[Cadastre 5], propriété des consorts [Z] sera infirmé en toutes ses dispositions contestées.

Monsieur [R]-[F] [Z] et Madame [Y] veuve [Z] seront déboutés de leur demande de constatation d’une voie de fait et de toutes leurs demandes subséquentes d’indemnisation des préjudices qui en seraient résultés.

Les demandes de la commune de [Localité 17] présentées pour la première fois lors de la réinscription de l’affaire, dans ses conclusions du 11 mars 2022 et dans ses conclusions suivantes ayant été déclarées irrecevables, la cour n’a pas à les examiner.

Sur les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

M. [R] [F] [Z] et Mme [N] [Y] veuve [Z], assistée de son curateur, la sauvegarde de l’enfance à l’adulte du Pays basque seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel et déboutés de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les circonstances de la cause ne font pas paraître inéquitable que la commune de [Localité 17] supporte les frais irrépétibles qu’elle a exposés. Elle sera déboutée de cette demande.

Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au bénéfice du conseil des consorts [Z].

Il y sera fait droit au bénéfice du conseil de la commune de [Localité 17].

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les prétentions de la commune de [Localité 17] présentées pour la première fois dans ses conclusions du 11 mars 2022 et dans les conclusions suivantes.

Infirme le jugement entrepris dans la limite de la saisine de la cour ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [R]-[F] [Z] et Mme [N] [Y] veuve [Z], assistée de son curateur, la sauvegarde de l’enfance à l’adulte du Pays basque de leur demande afférente au constat de l’existence d’une voie de fait et de leurs demandes subséquentes ;

Y ajoutant,

Déboute M. [R]-[F] [Z] et Mme [N] [Y] veuve [Z], assistée de son curateur, la sauvegarde de l’enfance à l’adulte du Pays basque de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la commune de [Localité 17] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R]-[F] [Z] et Mme [N] [Y] veuve [Z], assistée de son curateur, la sauvegarde de l’enfance à l’adulte du Pays basque aux dépens de première instance et d’appel et autorise la Selarl Landavocats à procéder au recouvrement direct des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la Selarl Tortigue Petit Sornique Ribeton.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE

 


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